Attaque du Hezbollah et réplique de l’armée israélienne, activisme diplomatique ou coups de menton des pays du Moyen-Orient : l’offensive du Hamas contre Israël samedi met toute la région en ébullition. Israël décompte désormais 600 morts, et le Hamas environ 370. Les combats continuent, et l’État hébreu a décidé d’évacuer toute sa population près de la bande de Gaza.
Dimanche 8 octobre en début de soirée, les combats se poursuivaient sur plusieurs points du territoire israélien, après l’attaque meurtrière du Hamas de la veille, et la réponse sous forme de frappes aériennes sur Gaza décidée par le gouvernement dirigé par Benyamin Nétanyahou.
L’armée a déclaré que des combattants palestiniens avaient pénétré dimanche dans le kibboutz Magen, à proximité avec la bande de Gaza au sud du pays. Dans un message audio diffusé sur Telegram, le porte-parole de la branche armée du Hamas a pour sa part assuré que son organisation continuait à envoyer des hommes en Israël.
Un porte-parole de l’armée israélienne a annoncé que des frappes aériennes sur la bande de Gaza avait eu lieu à la mi-journée. Elles se sont poursuivies, et Israël a indiqué avoir visé environ 800 cibles, en tout. Les tirs de roquettes en direction des villes israéliennes situées à proximité de Gaza se poursuivent également.
En moins de 48 heures, le conflit a déjà fait des centaines de victimes civiles côté israélien. Alors que le décompte semblait stabilisé depuis la nuit de samedi aux alentours de 300 morts, il a tout à coup été doublé en début d’après-midi dimanche, selon les médias israéliens, qui donnent désormais le chiffre de 600 morts. Selon les rumeurs circulant dans les médias et sur les réseaux sociaux, les jeunes participant à une rave party dans le désert pourraient constituer une large partie de ces victimes. Par ailleurs, plus de 2 200 blessés ont été comptabilisés.
Le ministère de la santé palestinien annonce quant à lui 370 Palestiniens tués et 2 200 blessés, dont 121 enfants. L’armée israélienne a également publié sur un site internet spécial les identités de 26 soldats, hommes et femmes, tués depuis samedi. Il s’agit de l’escalade la plus meurtrière dans le conflit israélo-palestinien depuis des décennies.
« Plus de 100 prisonniers » sont détenus par le Hamas, a annoncé le gouvernement israélien, dans une infographie publiée par le compte Facebook du bureau de presse du gouvernement et relayée par l’AFP. C’est la première fois que le gouvernement israélien évoque un chiffre sur ce sujet. Un Franco-Israélien de 26 ans pourrait faire partie de ces otages, a annoncé dimanche le député Meyer Habib, élu dans la circonscription des Français de l’étranger comprenant Israël.
Une Française fait partie des victimes. « Nous avons appris avec tristesse le décès tragique d’une compatriote en Israël dans le contexte des attaques terroristes », a fait savoir dimanche le ministère des affaires étrangères français, dans un bref communiqué. L’ambassadeur israélien aux États-Unis, Michael Herzog, a quant à lui déclaré que des citoyens américains se trouvaient parmi les personnes enlevées en Israël par le Hamas. Le ministère allemand des affaires étrangères a lui aussi indiqué que des personnes à la double nationalité israélienne et allemande faisaient partie des personnes enlevées.
Discussions diplomatiques
Les combats se sont aussi exportés au-delà d’Israël. Le Hezbollah, groupe armé chiite libanais soutenu par l’Iran, a revendiqué avoir attaqué trois positions israéliennes à la frontière, « en solidarité avec la résistance et le peuple palestiniens ». L’armée israélienne a immédiatement répliqué en frappant dimanche à l’aide de son artillerie le sud du Liban, ce qui laisse craindre une contagion régionale. Il n’y a pas pour le moment de victimes directes de ces tirs de part et d’autre.
« Le commandement de la résistance islamique au Liban est en contact direct avec le commandement de la résistance palestinienne au pays et à l’étranger et évalue en continu les événements et la conduite des opérations », a déclaré le Hezbollah juste après le déclenchement de l’offensive menée samedi matin par le Hamas palestinien. Cette offensive avait par ailleurs provoqué des scènes de joie dans les immenses camps palestiniens du Liban, mais également à Beyrouth ou dans la Jordanie proche.
L’Iran, soutien de longue date des groupes armés palestiniens, a également très vite fait entendre sa voix, revendiquant même une aide matérielle, financière et logistique à la conduite d’une telle opération. Le maintien en l’état du conflit israélo-palestinien, plus que la destruction d’Israël en elle-même, est l’obsession de la République islamique d’Iran, comme le rappelait récemment cette analyse de René Backmann. Le régime n’a cependant pas officiellement soutenu cette dernière attaque menée par le Hezbollah.
L’Égypte, autre pays frontalier d’Israël, a appelé par la voie de son ministère des affaires étrangères à « exercer un maximum de retenue en évitant d’exposer les civils à plus de danger », tentant de se poser, avec la France, en médiateur. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et Emmanuel Macron, en très bons termes ces dernières années, auraient discuté samedi des conditions d’une désescalade lors d’un entretien téléphonique.
Mais sur place ce dimanche, deux touristes israéliens et leur guide égyptien ont été tués par un policier à Alexandrie, sur la côte égyptienne. Le ministère des affaires étrangères israélien a confirmé l’information de médias locaux. Le policier, qui a été arrêté, a tiré sur le groupe de touristes israéliens avec son arme.
Sameh Choukri, le chef de la diplomatie égyptienne, s’était auparavant entretenu avec le ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, le cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyane, sur « la gravité de la situation actuelle et de la nécessité de tout mettre en œuvre pour éviter que la situation sécuritaire ne devienne incontrôlable ».
Mobilisation des réservistes
L’offensive surprise du Hamas met à mal la normalisation entamée entre les pays du Golfe et Israël ces dernières années, avec une reprise des relations diplomatiques enclenchée l’an passé. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite se sont contentés, jusque-là, de condamner généralement « les violences » et d’appeler au calme.
La diplomatie marocaine a également demandé dimanche à la réunion d’urgence du Conseil de la Ligue arabe « la concertation et la coordination au sujet de la détérioration de la situation dans la bande de Gaza et du déclenchement d’actions militaires visant les civils, ainsi que [...] la recherche des moyens pour l’arrêt de cette dangereuse escalade ». Cette géographie des alliances et des réactions est documentée en temps réel sur le site Le Grand Continent.
L’armée israélienne a déjà annoncé que les jours à venir seraient terribles : l’état d’urgence a été décrété dans la nuit dans le pays, et l’armée a donné pour mission d’évacuer sous 24 heures tous les habitants des zones israéliennes du pourtour de la bande de Gaza, a déclaré dimanche son porte-parole, faisant état de « combats en cours, pour libérer des otages », entre forces israéliennes et activistes palestiniens infiltrés.
Le ministre israélien de l’énergie, Israël Katz, a annoncé, samedi 7 octobre dans la soirée, avoir signé un décret ordonnant à la compagnie publique d’électricité de « cesser [sa] fourniture d’électricité à Gaza », plongeant dès samedi soir la cité dans le noir, de même que tout transport de marchandises ou de personnes. Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui avait qualifié Gaza de « cité du Mal » dans son allocution samedi, a averti dimanche les Israéliens qu’ils étaient « embarqués dans une guerre longue et difficile ».
Le gouvernement a par ailleurs appelé à la mobilisation de milliers de réservistes, maillon essentiel de l’armée israélienne. Des centaines d’entre eux avaient fait part de leur colère cet été face à la dérive de l’exécutif et menacé de ne pas servir cet été pour protester contre la réforme de la justice menée par Benyamin Nétanyahou. L’union nationale semble avoir pris le dessus.
À l’image de nombreuses autres compagnies aériennes, Air France et Transavia ont annoncé suspendre leurs vols vers Tel-Aviv ces dimanche et lundi.
La rédaction de Mediapart avec l’Agence France-Presse
8 octobre 2023 à 13h56
La rédaction de Mediapart avec l’Agence France-Presse
https://www.mediapart.fr/journal/international/081023/israel-gaza-les-combats-continuent-la-crainte-d-une-contagion-regionale
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