.
« août 2023 | Accueil | octobre 2023 »
.
Rédigé le 12/09/2023 à 01:00 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
.
Rédigé le 12/09/2023 à 00:25 dans Algérie, France | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Maroc pleure ses morts et le monde entier est saisi par une tristesse incommensurable. Elle est identique à celle que l'on ressent quand on accompagne au cimetière un être, un ami, que l'on vient de perdre.
La plus importante convergence de toutes les religions sans exception est que le sentiment ressenti en cet instant de deuil est identique chez l'espèce humaine où qu'elle soit et quels que soient ses couleurs et les préalables de ses vérités et ses croyances contradictoires. Ce rappel à la réalité et à la sagesse empoigne sans la moindre distinction en des instants de drame les hommes pour présenter l'incontournable vérité de l'existence.
La nature prouve indéfiniment avec une instance débordante de drames et de tragédies que les hommes sont égaux devant la mort et quand elle survient elle exige la particulière nudité crue. Alors dans un moment de lucidité, on tire un trait sur l'adage qui veut que le malheur n'arrive qu'aux autres.
A cet instant, les royaumes et les empires ne deviennent que des vues de l'esprit. La seule richesse ne réside plus que dans ce que peuvent offrir la miséricorde, la concorde et la solidarité.
Les Marocains, comme le reste du monde, ont en grand besoin. Toutes les mains qui leur sont aujourd'hui tendues revêtent une signification en or quand on voit que le peuple marocain est assuré que son malheur et son deuil sont partagés.
On avait encore les yeux et la conscience braqués sur le dévastateur séisme de la Turquie, sur les incendies, les inondations et la pandémie qui ont ravagé le monde entier. Survient subitement ce tressaillement de terre emportant plus de 2.000 Marrakchis.
Damnation s'il en ait s'apparentant à une énorme gangrène à laquelle le monde entier est soumis.
Elle est aussi coup de semonce pour confirmer que personne n'est à l'abri des furies naturelles et que chaque être, chaque Etat doivent avoir une suffisante intelligence pour tenter de se prémunir contre les gigantesques coups d'estoc d'une nature décidée à être fâchée.
par Abdou Benabbou
Lundi 11 septembre 2023
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5323678
.
Rédigé le 11/09/2023 à 23:24 dans Maroc, Séismes | Lien permanent | Commentaires (0)
Au lendemain du séisme meurtrier qui a endeuillé le peuple marocain frère et voisin, l'Algérie a aussitôt réagi en offrant son aide matérielle et humaine ainsi qu'en ouvrant son espace aérien aux vols humanitaires et médicaux à destination du pays éprouvé. Cet acte naturel et responsable est venu en parallèle avec les proclamations de très nombreux pays à travers le monde, tant le soutien à une population sinistrée quelle qu'elle soit relève de l'obligation morale.
Or, les liens fraternels, historiques et indissolubles entre les peuples algérien et marocain font que la réaction de notre pays ne sort pas de l'ordinaire, contrairement à ce qui a pu se dire ou s'écrire, ici ou là. Le séisme qui a frappé le Haut-Atlas, à moins de 100 km de la ville historique de Marrakech, a causé la mort de plus de 2500 personnes et des blessures plus ou moins graves à 2500 autres.
Comme il a aussi entraîné de terribles dommages aux habitations d'innombrables villages dont les habitants sont, désormais, totalement démunis. Mesurant l'ampleur du drame, l'Algérie ne s'est pas contentée de tendre une main secourable au peuple frère, elle a aussi pris l'engagement, comme l'indiquait le communiqué de la présidence de la République, sa disponibilité à «apporter tous les moyens humains et matériels si le royaume du Maroc en faisait la demande».
On sait que celui-ci n'a sollicité, pour le moment, que le concours de quatre pays alors que beaucoup d'autres, comme l'Algérie, ont eux aussi tendu la main au Maroc. C'est notamment le cas de la France, des États-Unis, de la Belgique, de la Hongrie, de l'Espagne, de la Turquie ou encore de la Russie, pour ne citer que ces pays-là. Mais le geste de l'Algérie revêt une signification particulière, compte tenu de la crise diplomatique profonde qui subsiste entre Alger et Rabat sur plusieurs dossiers bilatéraux et non pas, comme on se plaît souvent à l'affirmer, sur la question du Sahara occidental dont chacun sait qu'elle relève des prérogatives des Nations unies.
Il n'empêche que, dès l'annonce du séisme meurtrier, ces aspects ont été relégués au second plan et c'est tout le peuple algérien qui a exprimé sa peine profonde ainsi que sa compassion à l'égard du peuple frère avec lequel il partage un bien commun, à la fois cultuel, culturel et social. Par-delà les différends politiques, les liens traditionnels d'amitié et de solidarité restent indestructibles et constituent, sans aucun doute, le ferment d'un
https://www.lexpressiondz.com/editorials/au-nom-du-maghreb-317036
.
Rédigé le 11/09/2023 à 20:55 dans France, Guerre d'Algérie, Maroc | Lien permanent | Commentaires (0)
Z'hor Zerari (1937-2003) est une combattante pour l'indépendance de l'Algérie, arrêtée et torturée par les soldats du général Schmidt, déshabillée et violée devant des prisonniers de l'ALN, elle est aussi poète. Après l'indépendance, déçue par le sort fait aux femmes condamnées à rester à la maison, elle tenta de se battre, comme journaliste, pour la promotion des femmes.
Je ne sais pas, les mots sont impuissants, ils ne réussissent pas à dire cette femme, cette combattante de la libération, cette journaliste, Zhor Zerari. Je ne me pardonne jamais le fait de ne pas avoir cherché à l‘approcher, beaucoup plus, par pudeur, elle était lumineuse, fortement diminuée par les tortures qu’elle avait subies à la prison coloniale de Barberousse et ailleurs. Elle était journaliste à l’hebdomadaire algérien, Algérie Actualité, elle passait au journal, moi-même, j’y étais, je la voyais de loin. Elle était rayonnante, elle marchait difficilement, mais les mots, la poésie arrivaient à lui apporter, au-delà de la désillusion, quelque espoir. Elle trainait encore les séquelles des tortures pratiquées au nom de la « civilisation », réglée par le sinistre général Schmitt. Elle ne pouvait oublier l'opprobre, l'horreur, mais sans aucune haine comme ses sœurs Zohra Drif, Djamila Boupacha, Bouhired, Bouazza, Mimi Maziz et de nombreuses autres combattantes. Elle est la sœur de ces Françaises qui ont soutenu la lutte pour l'indépendance. Même si elle voulait oublier, elle ne pouvait pas, les séquelles physiques lui rappelaient ce traumatisme. Elle perdait souvent l’équilibre et souffrait de lancinantes douleurs à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, provoquant de brutales chutes. Le corps blessé, meurtri, la mémoire en éveil. Tout lui rappelle ces sinistres généraux tortionnaires Shmidt et Aussaresses. Elle faisait bien la différence.
Zhor Zerari, on en parlait, entre journalistes, de cette moudjahida (combattante)-poétesse qui a tant souffert dans les geôles coloniales, comme d’ailleurs, d’un ami, un immense reporter, Halim Mokdad, les deux s’appréciaient, ils avaient tous les deux pris les armes contre l’occupant colonial. On savait aussi que presque toute la tribu Zerari avait pris fait et cause pour la révolution, vivant au quotidien exactions et tortures. Son père allait disparaître durant la grève des huit jours. "C’était un symbole, un mythe, il faisait partie, écrit-elle, de cette longue liste de milliers de ceux qu'on a appelés les portés disparus de la grève des 8 jours ». Son oncle, Rabah, le Commandant Azzedine, était l’un des organisateurs de cette entreprise de mobilisation du peuple et aussi de déstabilisation de l’organisation coloniale.
Toute la famille Zerari a connu les pires sévices, les souffrances et d’indélébiles blessures. Le père fut torturé à plusieurs reprises, subissant les pires actes de ses tortionnaires qui ne pouvaient avoir le statut d’humains, elle raconte au journaliste algérien Boukhalfa Amazit ce qu’a enduré son père qui a, par la suite appris dans sa chair la dure entreprise de souffrir tout en résistant à la peur : « Quand il a été arrêté la première fois pendant la guerre, il avait été atrocement torturé, ils nous l'ont « jeté » sur le seuil de la porte. C'était la première fois que j'avais vu des larmes dans les yeux de mon père. Il m'a dit : « Tu sais ma fille, c'est dur, c'est très dur, lorsqu'ils me torturaient j'avais l'impression de t'entendre à côté de moi ».
Elle savait que c’était dur, que ça allait être dur, mais se battre pour l’indépendance n’était pas un jeu, elle le savait. Elle le savait, elle qui avait connu les discriminations coloniales, alors qu’elle était brillante élève, elle fut expulsée de l’école. Elle était consciente de la réalité mortifère du colonialisme. Ses parents PPA (Parti du Peuple Algérien, structure nationaliste du temps de la colonisation) ne pouvaient que lui indiquer le chemin à suivre. Une femme, ce n’était pas facile à accepter, elle en était consciente. Son père était son véritable modèle. Elle avait d’ailleurs écrit ces vers pour lui alors qu’elle quittait la prison de Rennes en mars 1962 : « Qu’importe le retour ; Si mon père ; N’est pas sur les quais de la gare ».
C’est grâce à son cousin Abdelouahab qu’elle réussit à rejoindre le MTLD. C’est là qu’allait commencer sa formation politique. Partout, on parlait de Messali. Elle écrivait des poèmes où le terme résistance alimentait de sa sève les mots qu’elle ciselait de si belle manière et elle militait au sein de cette structure nationaliste. Pour elle, c’est tout à fait normal, la nature des choses. Un événement allait lui permettre d’espérer davantage, c’est la défaite française à Dien Bien Phu en mai 1954, quelques mois avant le déclenchement de la lutte armée. Elle était aux anges. A partir de ce moment, elle était certaine de la nécessité de l’action révolutionnaire. Elle comptait les jours quand elle apprit le déclenchement de la lutte de libération. C’était une fête, elle était psychologiquement prête. Elle avait fait un pas pour se retrouver dans la révolution. C’était beau.
Comme beaucoup d’autres militantes, Louisette Ighilahriz, Mimi Maziz et de nombreuses autres, elle avait commencé par des opérations apparemment simples, le transport du courrier, d'armes, de munitions et d'explosifs, puis elle allait-être confrontée à l’action concrète. C’est à l’âge de 19 ans , le 18 juillet 1957, elle avait déposé trois bombes sous des voitures en stationnement.
Puis juste après, elle est arrêtée le 25 août 1957 et condamnée à la perpétuité, elle a connu plusieurs prisons, les pires tortures, elle est sauvagement maltraitée dans un établissement scolaire, l’école Sarrouy, le lieu, disait-on de la « civilisation ». Elle parle ainsi de cette école transformée en lieu de torture et des séquelles provoquées par les tortures infligées à un corps-témoin, elle ne comprend pas pourquoi son pays ne l’a pas pris en charge comme d’autres moudjahidine qui ont souffert le martyre dans les prisons coloniales : « Ce n'était pas la seule école qui servait de centre de torture en Algérie. « J'ai été torturée », quatre mots. Pour moi, ce n'est pas l'instant des tourments qui me torture aujourd'hui. Ce sont les terribles séquelles que j'en garde. Des séquelles qui ont gâché tout le restant de ma vie. J'en profite pour dire que c'est honteux pour les autorités de mon pays, les pouvoirs publics qui, après l'indépendance, après notre libération auraient pu nous prendre en charge nous soigner, nous permettre de poursuivre nos études, et qui ne l'ont pas fait. Nous nous sommes quand même sacrifiés ! Depuis les séances de torture de Schmitt, aujourd'hui général à la retraite de l'armée française, je n'ai pas cessé de souffrir. Il m'arrive de m'effondrer brutalement, de perdre connaissance. Ces crises qui surviennent depuis 1960/1961 peuvent durer une semaine comme elles peuvent se prolonger six mois durant. Ce con de Schmitt a gâché ma vie ».
Elle ne comprenait pas comment après l’indépendance, les uns profitaient de la rente, alors que d’autres continuaient à porter les séquelles des tortures tout en portant l’Algérie au cœur. Elle ne comprenait pas. Elle savait, par contre, qu’elle s’était battue pour une autre Algérie : « Nous vivions au futur. Nous rêvions de joie, de bonheur au futur. Nous ferons ceci, nous dirons cela, nous irons là-bas... C'est ça qui nous a sauvés et nous a maintenus en vie ». Elle n’a jamais regretté son combat, elle n’a jamais eu peur parce qu’elle croyait en un idéal de justice, elle savait que le jour allait poindre, que la victoire était proche, elle le savait. Une fois, l'indépendance acquise, les femmes ont été exclues des postes de responsabilité, elles étaient effacées, inexistantes.
Zhor conjuguait poésie et révolution, littérature et espoir. J’ai beaucoup aimé ce recueil fabuleux que tous ceux qui voudraient connaître un peu plus sur les terribles exactions coloniales devraient lire, Poèmes de prison . Ses textes usant de métaphores marquées par la présence de mots puisés dans le champ de la souffrance arrivent à communiquer la douleur et à donner à lire l’espoir qui irrigue obsessionnellement les différentes constructions. On retrouve un peu l’influence de poètes espagnols comme Lorca, Machado, Alberti, mais également de l'écrivain algérien, Kateb Yacine. La poésie était, pour elle, un « exutoire », disait-elle.
Elle écrivait aussi des nouvelles qui disent le mal de vivre durant la colonisation, la prison est un lieu essentiel qui peuple ses récits, elle qui, l’indépendance acquise, elle allait se retrouver exclue parce qu’elle était femme. Ce qui me rappelle le personnage de Arfia dans La danse du roi de Mohamed Dib, ancienne cheffe maquisarde durant la guerre de libération, mais, par la suite, elle est marginalisée, envoyée voir ailleurs. C’est le désenchantement, c’est ce que Zhor Zerari a raconté à Boukhalfa Amazit : « D'abord la libération. Puis ensuite la ou les libertés. Il n'y a pas les autres sans l'une. C'est pour cela que je parlais de désillusion. Nous, les femmes, sommes tombées de haut, d'avoir été renvoyées aux réchauds le jour même qui a succédé à l'indépendance. Sans attendre ! Oust ! Aux cuisines. Le 3 juillet, il y avait un meeting sur le référendum qui se déroulait à Sidi Fredj, il était animé par le colonel Si Mohand Ouel Hadj et mon oncle le commandant Azzedine. Tôt le matin je m'y suis rendue, et je voyais les gens qui, par vagues successives, arrivaient et couvraient peu à peu une petite colline. J'étais avec mon frère et un de ses amis. A un moment, un jeune en tenue militaire, toute neuve, s'est approché de moi et m'a dit d'un ton aussi autoritaire que hargneux : « Vas avec les femmes », cela se passait le 3 juillet 1962...1962... « Vas avec les femmes te dis-je », vitupérait le jeune ... « Je me trouve bien ici, pourquoi irai-je ailleurs », ai-je répondu... Il a insisté, je me suis obstinée. « Donne-moi tes papiers ! » poursuivit-il. « Je n'en ai pas, je viens de sortir de prison », lui ai-je dit. « Toi ? Toi tu as la tête d'une moudjahida ? Dégage d'ici, dégage ! », me dit-il, me menaçant de son arme... ... J'ai dévalé la colline les yeux brouillés de larmes et dans mon dos, lardée par un poignard de glace, j'entendis le cliquetis caractéristique de la culasse qu'il manipulait pour engager une balle dans le canon de son arme... ».
Zhor marche difficilement, des douleurs, elle marche quand-même, elle s’arrête un moment, scrute le ciel puis…
7 JANVIER 2021
https://blogs.mediapart.fr/ahmed-chenikii/blog/070121/zhor-la-combattante-poete-ou-le-corps-qui-temoigne-des-exactions-coloniales
La Moudjahida, Zhor Zerrari, est décédée lundi à Alger à l’âge de 76 ans des suites d’une longue maladie, a-t-on appris auprès de sa famille. La défunte faisait partie des Moudjahidate les plus actives dans la “Zone Autonome d’Alger” durant la guerre de libération nationale, aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Zohra Drif, Djamila Bouhired et autres héroïnes de la Bataille d’Alger.
Arrêtée par les parachutistes le 25 août 1957, elle sera torturée à l’école Sarrouy, dans le quartier de Soustara (Alger), puis incarcérée dans plusieurs prisons en France après avoir été condamnée à la perpétuité, à l’âge de 19 ans.
Nièce du commandant Azzedine, de son vrai nom Rabah Zerrari, un des responsables de l’ALN, elle verra son père disparaitre à jamais durant la grève des huit jours, lors de laquelle il a été arrêté et torturé par les parachutistes.
Zhor Zerrari avait gardé de lourdes et invalidantes séquelles des suites des supplices qu’elle a eu à endurer lors de la « question » que lui faisaient subir ses tortionnaires agissant sous les ordres directs du général Schmitt, toujours en vie. « Je continue, disait-elle, à endurer des douleurs au quotidien. Ma vie en a été gâchée ».
Zhor souffrait depuis presque cinquante ans de pertes d’équilibre, de violentes douleurs à la colonne vertébrale, aux membres supérieurs et inférieurs, lesquelles entrainaient des chutes brutales et des pertes de connaissance.
Elle a été également écrivain et journaliste. Ci-dessous un de ses poèmes.
Lettre à un Algérien servant dans l’armée française
Dis-moi
Comment as-tu fais
Pour tout oublier ?
Comment as-tu pu oublier
Nos humiliations et nos souffrances
Le racisme et le mépris ?
Te rappelles-tu
Le jour où tu as leuré
Ils t’avaient renvoyé du lycée
Parce que tu n’étais qu’un bicot ?
Te rappelles-tu
Les jours où tu traînais
Dans les rues , ta rage impuissante ?
Tu n’étais alors qu’un
Chiffre de plus dans La longue addition des chômeurs
Tu étais alors pour moi
Un champs de blé
Sous un ciel bleu .
Aujourd’hui
Ce champ tu l’as saccagé
Et de ce bleu pleuvent des bombes
Comment as-tu fais
Pour te détruire ainsi ?
L’uniforme que tu as endossé
Nous rappelle à tous
Le 8 mai 45
J’avais alors 8 ans
Tu en avais trois de plus .
Qu’as-tu fait pour être
Lieutenant dans l’armée française .
Combien de tes frères as-tu tués ?
Combien en as-tu gardés
Derrière les barbelés
Tu en as peut-être torturés aussi
Dis-moi
Comment as-tu fais ?
Zhor Zerrari
poèmes de prison
“Lettre à un Algérien servant dans l’armée française (p. 24-25)”
éditions Bouchène, Alger 1988.
https://www.algerie360.com/une-des-heroines-de-la-revolution-armee-zhor-zerrari-nest-plus/
.
Rédigé le 11/09/2023 à 19:58 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
.
Rédigé le 11/09/2023 à 19:30 dans France, Lejournal Depersonne, Macron, Maroc | Lien permanent | Commentaires (0)
Spécialiste de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora vient de publier « L’arrivée », aux éditions Tallandier. Soixante ans après, le récit du choc de sa découverte de la métropole en juin 1962.
L’historien Benjamin Stora. | ARCHIVES DANIEL FOURAY, OUEST-FRANCE
En une dizaine d’années, le jeune Benjamin Stora passe de l’enfance à l’âge adulte, de Constantine en guerre au Paris de Mai-68. Il raconte sa propre histoire dans son nouveau livre L’arrivée. De Constantine à Paris (1962-1972). Entretien.
Quel souvenir conservez-vous du 12 juin 1962, jour de votre départ pour Paris depuis Constantine, la ville d’Algérie où vous viviez alors ?
Je revois la tristesse de mes parents à l’aéroport. Je vais sur mes 12 ans, ma sœur est un peu plus âgée. Chacun porte deux valises et nous sommes tous chaudement habillés malgré le soleil éclatant. Depuis plus d’un an, j’entendais mes parents chuchoter entre eux, pleins d’angoisses : partir ? rester ? Ce jour-là, nous partions pour Paris. On partait vers une métropole dont j’avais beaucoup entendu parler, qui était idéalisée. Moi, ça me plaisait plutôt. Pas un instant je n’imaginais que nous ne reviendrions jamais.
Dans les mois précédents, vous ne sortiez plus de chez vous ?
Depuis l’automne 1961, je vivais confiné à la maison. Il y avait de la violence partout. On entendait les détonations sans savoir de qui elles venaient. Les cours étaient suspendus. Il y avait des militaires et des contrôles partout. Pour moi, ce départ, c’était aller vers un pays en paix, sans guerre.
Et vos parents ?
Chez les adultes, c’était l’angoisse et le silence. Dans l’avion du départ, personne n’osait parler. La violence de la situation écrasait les conversations.
Quelle image gardez-vous de l’arrivée ?
La nuit. En fait de « ville lumière », sur le périphérique entre Orly et Montreuil, tout était noir, rien ne resplendissait. Et le lendemain, on se réveille dans un autre pays. Il y a du silence, on ne connaît personne, mais on peut sortir et marcher comme on veut. C’est une impression très étrange.
« Les rues sont plus larges, les immeubles plus hauts. Je suis devenu petit, » écrivez-vous.
Oui, c’est la sensation que j’ai éprouvée. À Constantine, j’habitais le quartier judéo-musulman, avec des ruelles étroites toutes serrées les unes contre les autres. À Paris, tout est large, il y a des cinémas et des cafés partout. C’est un nouveau pays.
Pour vos parents, c’est le début d’une série d’épreuves. Vous rejoignez non sans mal un logement vétuste dans le XVIe arrondissement.
Mi-entrepôt mi-garage, très humide, et le premier hiver, il y a fait un froid épouvantable. Mon père, à 53 ans, avait beaucoup de mal à trouver un emploi et ma mère était dans une grande mélancolie. En voyant, l’an passé, les images des familles ukrainiennes qui partaient en Pologne, les souvenirs de ce premier hiver sont remontés. On était comme ces réfugiés. On était Français, mais on était comme des réfugiés.
Alors que vos parents découvrent le déclassement, vous découvrez, vous, l’antisémitisme.
J’ai un prénom rare pour l’époque : Benjamin. Au lycée on me demande : « Benjamin, c’est juif, non ? » Et moi de répondre : « Pas du tout. » Pas question pour moi de me distinguer ou de me faire repérer.
Vous cherchiez à vous intégrer à tout prix ?
J’avais un accent « pieds-noirs » très prononcé et je cherchais à passer inaperçu. Donc, se taire. Travailler. Être aussi bon élève que possible.
En février 1964, la famille va retrouver un peu d’oxygène et de statut social.
Au bout de deux ans, le ministère du Logement nous attribue un appartement HLM à Sartrouville : 100 m2, le chauffage central, une salle de bains. C’est l’émerveillement ! Même si c’était dans un endroit perdu au milieu des champs, il y avait encore une ferme avec des vaches.
De là débute vraiment votre intégration ?
À Sartrouville, il y a eu une sorte de bascule. Je commence à m’éloigner de mes parents, de la religion. À la place, il y a le foot, le vélo, les copains, la musique, la découverte de cette culture ouvrière, qui était alors très forte et qui faisait une vraie place à la fraternité. La plupart des entraîneurs étaient au Parti communiste qui dirigeait complètement la ville. Et l’acclimatation culturelle s’est aussi faite par les chansons : Johnny, Jean Ferrat, Charles Aznavour. Sartrouville, c’était tout cela…
Qu’est-ce qui a été le plus déterminant pour aider à votre intégration : le développement économique des Trente Glorieuses, l’école, le sport, les copains ?
Tout à la fois. Il y avait en effet différents canaux d’intégration, et je pouvais emprunter un peu à tous. Et n’oubliez pas Mai-1968. Ni la télé. Avec une seule chaîne à l’époque, c’était un puissant outil de socialisation puisqu’on regardait tous la seule chaîne disponible. Par ailleurs, on vivait dans une communauté assez enclavée, dans cette banlieue très lointaine, ce qui rapprochait forcément les résidents entre eux. Il y avait aussi cette école républicaine, sévère, avec des profs très autoritaires. C’était la France de l’époque, il fallait se concentrer sur les études et ça ne rigolait pas. Ce qui ne fut pas pour rien dans l’explosion de 1968 au sein de la jeunesse lycéenne.
Votre histoire a-t-elle été celle des 1,4 million de rapatriés de la fin 1962 ?
Il y a des traits communs à la plupart des déracinés d’Algérie : la dispersion, la solitude, la peur de ne pas retrouver un travail, un logement. Ce qui est singulier, c’est ma communauté de départ, les juifs de Constantine, très traditionnelle. J’ai découvert l’existence de juifs athées en arrivant à Paris.
En choisissant de nous raconter cette histoire aujourd’hui, soixante ans après les faits, est-ce que vous pensez qu’il y a une leçon à tirer pour l’intégration des migrants en France aujourd’hui ?
Oui, sans doute. Dans les discussions d’aujourd’hui, on entend souvent : « C’était mieux avant, c’était plus facile. » Bien sûr, il y avait l’expansion économique et aussi la force d’attraction culturelle française. Donc le monde de ces années 1960 était très différent d’aujourd’hui. Mais l’épreuve a quand même été très violente, notamment pour ceux qui, comme mes parents, avaient déjà construit leur vie. Pourtant, au bout du compte, la France a réussi à intégrer des populations très différentes les unes des autres. Cela a demandé du temps et des efforts à tous les niveaux, mais il n’est peut-être pas inutile de s’en souvenir.
1950. Naissance à Constantine.
1962. Rapatrié d’Algérie.
1978. Docteur en histoire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
1991 Publie Histoire de l’Algérie coloniale (La Découverte), puis en 1995 Histoire de la guerre d’Algérie (La Découverte).
2021. Remet son rapport au Président de la République sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ».
2023. Parution de L’arrivée. De Constantine à Paris (1962-1972) (Tallandier).
Ouest-France Propos recueillis par Philippe BOISSONNAT.Publié le
https://www.ouest-france.fr/medias/ouest-france/le-grand-entretien/entretien-rapatrie-dalgerie-lhistorien-benjamin-stora-se-souvient-de-son-enfance-acdf27cc-4c02-11ee-baa4-3ed981c2f823
.
Rédigé le 11/09/2023 à 11:44 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Le tremblement de terre, de magnitude 7, au Maroc a fait au moins 2 500 morts selon le dernier bilan publié lundi 11 septembre. Le royaume chérifien et l’Algérie voisine, situés sur le point de contact entre les plaques africaine et eurasienne, ont connu d’autres catastrophes par le passé
Le bilan ne cesse de grimper. Les autorités ont annoncé lundi 11 septembre que le bilan du séisme de magnitude 7 qui a fait trembler la terre vendredi 8 septembre au Maroc a fait plus de 2 500 morts. Une catastrophe historique par son ampleur dans une région qui a connu de nombreux précédents.
Le Maghreb est situé sur des failles entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne qui se déplacent continuellement du sud vers le nord. La plaque africaine s’enfonce sous la plaque eurasienne et rapproche ainsi l’Afrique de l’Europe de 6 millimètres par an. Cette friction continuelle entre les couches profondes de la croûte terrestre produit de l’énergie, qui est libérée de manière brutale à la surface sous la forme de tremblement de terre.
Ainsi, au Maghreb, la terre tremble quasiment tous les jours avec une fréquence moyenne de 50 séismes par mois. Ces séismes sont pour la plupart inoffensifs et même imperceptibles, tant leur magnitude, sur l’échelle de Richter, est faible. Ainsi, 90 % sont d’une magnitude inférieure à 3. Ils ne sont révélés que par les sismographes.
Pour autant, certaines secousses sont beaucoup plus dévastatrices. Le Maroc et l’Algérie ont connu des catastrophes majeures. La Tunisie, à l’écart des failles sismiques, a été plus épargnée.
Les témoignages historiques rapportent que la terre au Maroc a tremblé de manière plus ou moins régulière depuis 1079. À Melilla, dans le nord, à plusieurs reprises, en 1579 et plus violemment en 1660 avec d’importants dégâts, puis en 1792 et 1848. Dans la région d’Agadir et de Marrakech en 1719 et 1731.
Au vingtième siècle, les premiers sismographes sont installés (en 1910 en Algérie et 1937 au Maroc) et plusieurs séismes meurtriers sont enregistrés.
Le 27 décembre 1941, au Maroc, la ville côtière de Jadida, au sud-ouest de Casablanca, et ses 15 000 habitants sont frappés par un séisme de magnitude 6,6. C’était le plus puissant dans le pays avant le séisme de vendredi dernier. Le 29 février 1960, un séisme d’une magnitude de 5,7 a pour épicentre Agadir. La ville est détruite et un tiers de sa population périt.
Plus récemment, le 23 février 2004, un tremblement de terre d’une magnitude de 6,3 frappe Al Hoceima, une ville du nord du pays située sur la ligne de faille.
L’histoire sismique de la région est jalonnée d’événements semblables. En Algérie, le plus ancien séisme rapporté remonte à 1365. Ce tremblement de terre avait complètement détruit la ville d’Alger. À nouveau, en mai 1716, Alger est ravagée par un tremblement de terre qui fait 200 000 morts. Le 2 mars 1825, à Blida, 50 km au sud d’Alger, un séisme d’intensité cause la mort de 7 000 personnes.
L’histoire sismique récente a été marquée par trois principales secousses. Deux d’entre elles sont survenus à Chlef, sur la faille entre les plaques eurasienne et africaine. Le 9 septembre 1954, un séisme de magnitude 6,8 fait plus de 1 300 morts et 3 000 blessés. C’est à nouveau près de Chlef que se produit en octobre 1980 la plus violente secousse jamais enregistrée au Maghreb, avec une magnitude de 7,3. Le bilan dépasse 5 000 morts et 9 000 blessés, 80 % de la ville est détruite.
Les deux fortes secousses ressenties au même endroit à vingt-six ans d’intervalle sont perçues localement comme une malédiction. Aussi, la ville alors baptisée Al-Asnam (les idoles en arabe), un nom renvoyant à des réalités préislamiques, est renommée pour conjurer le mauvais sort. Elle est désormais connue sous le nom de Chlef, en référence au cours d’eau qui traverse la vallée.
.
Rédigé le 11/09/2023 à 08:23 dans Algérie, Maroc, Séismes | Lien permanent | Commentaires (0)
La bourgade des contreforts de l’Atlas, au sud de Marrakech, est l’une des plus détruites par le tremblement de terre qui a frappé le Maroc. Dimanche, la population continuait de fouiller les gravats, à la recherche d’éventuels survivants.
Des membres d’une famille dans le village d’Imi N’Tala près d’Amizmiz (Maroc), le 10 septembre 2023. FADEL SENNA/AFP
Après avoir enterré les morts, il faut désormais sauver les vivants. A Amizmiz, petite ville nichée au pied des montagnes du Haut Atlas, dans la province d’Al-Haouz, où se situe l’épicentre du séisme qui a frappé le Maroc dans la soirée du vendredi 8 septembre, l’aide affluait, dimanche, pour venir à la rescousse des rescapés.
Le ballet des véhicules transportant des dons, partis de Marrakech, soixante kilomètres plus au nord, a embouteillé la bourgade de 20 000 habitants toute la journée. Des voitures de particuliers, le coffre rempli de denrées alimentaires ; des pick-up chargés de matelas, tentes, couvertures, sacs de vêtements ; des camionnettes de diverses associations ou entreprises… Sur les 2 100 morts causés par la secousse, selon un bilan encore provisoire, plus de la moitié (1 351) est originaire de la province d’Al-Haouz.
Les militaires des forces armées royales (FAR) ont installé leur camp de base à l’entrée d’Amizmiz, sur un terrain de camping, où s’organisent aussi des « unités mobiles » de soignants venus de Rabat. Devant la tente du Croissant-Rouge marocain, où une vingtaine de bénévoles s’affairent pour prendre le relais de l’hôpital partiellement détruit, Meriem (qui n’a pas souhaité donner son nom) décharge son coffre. « Je suis venue de Marrakech ce matin pour apporter de la nourriture et de l’eau, explique cette Marocaine d’une trentaine d’années. C’est catastrophique ce qu’il s’est passé. Pour moi, c’est normal d’aider, tous mes amis le font aussi. »
Un peu plus loin, devant l’une des rares épiceries encore ouvertes, prise d’assaut par les habitants, deux Français en vacances à Amizmiz au moment du séisme dépensent leurs derniers dirhams avant de reprendre l’avion. « Depuis samedi matin, on fait des petits packs qu’on distribue aux gens : pâtes, sucre, savons, biscuits, bonbons pour les enfants, rapporte, ému, Youssef Chmiti, originaire de Compiègne (Oise). On a vécu le tremblement de terre en direct et on l’a échappé belle. On est des chanceux, alors on aide comme on peut. »
« Hamdulilah [Dieu soit loué], aujourd’hui, les associations sont arrivées de partout : Casablanca, Rabat, Marrakech, Ouarzazate, Agadir… Ce matin, elles nous ont distribué de l’eau, du lait, du pain », dit Abdellatif Bejjar, 55 ans, un habitant d’Amizmiz, les traits tirés. Il n’a pas fermé l’œil depuis deux jours, mais ces premières livraisons d’aide lui redonnent quelques couleurs. Vendredi soir, sa maison, celle qu’il a construite année après année pendant vingt ans, s’est écroulée en trente secondes. « On a cru mourir, raconte-t-il, les yeux emplis de larmes. La maison a fait des va-et-vient comme sur un bateau, puis elle s’est effondrée sur nous, mes quatre enfants, ma femme et moi. On a creusé un trou et on a pu sortir. »
Comme beaucoup d’habitants, il s’est ensuite improvisé secouriste, durant les premières vingt-quatre heures qui ont suivi le séisme, creusant à la main, sans relâche, dans les décombres, à la recherche du corps d’un proche, d’un voisin, d’un ami. « Ni sécurité civile ni gendarmes… personne n’est venu nous aider, déplore-t-il. Heureusement, les gens ici sont solidaires, ensemble dans la fête comme dans le malheur. »
Des personnes se tiennent dans les décombres des maisons effondrées dans le village d’Imi N’Tala près d’Amizmiz, le 10 septembre 2023. FADEL SENNA / AFP
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.on-a-fait-des-va-et-vient-comme-sur-un-bateau-puis-elle-s-est-effondree-sur-nous_6188827_3212.html
« Tous les habitants ont aidé pour secourir, mais les autorités, on ne les a pas vues », relate aussi, amer, Abdellah Boudad, 36 ans, vendeur de volailles dans le souk de la médina – quartier le plus ancien de la ville et l’un des plus sévèrement touchés. Assis sur une cagette au milieu de ce petit marché où les échoppes ont rideau fermé, il contemple l’étendue des dégâts, comme s’il peinait encore à y croire. « Sentez cette odeur, ça sent la mort. » A deux pas de là, quatre personnes sont encore prisonnières d’un amoncellement de parpaings. « Eux, on n’a pas réussi à les sortir de là. »
Sa maison, plus haut dans la ruelle, n’a pas résisté non plus. Les trois étages supérieurs se sont effondrés sur le rez-de-chaussée. Pendant cinq heures, dans la nuit de vendredi à samedi, il a creusé un trou dans le mur latéral, armé d’un seul marteau, pour faire sortir sa mère, sa femme et son fils de 3 ans. Les trois sont sains et saufs. Rien d’autre ne lui importe. « J’ai sauvé ma famille, hamdulilah ! Tout le reste, ça peut se reconstruire. »
Dans le quartier populaire de Regraga, Omar Bah Bah, potier de 54 ans, fait le point sur ce qui lui reste de son atelier. Son tour est enfoui dans le sol, les plats à tajine sont réduits en miettes et le toit menace de s’effondrer. Dimanche matin vers 9 h 30, une légère réplique a aggravé les fissures. « Ici, on dit “Ma chaa Allah” [« Comme Allah a voulu »]. Cette catastrophe, ça vient du ciel, de Dieu, pas de la terre, on ne sait pas pourquoi, dit-il. Maintenant, nous sommes tous très pauvres. Plus de maison, plus de travail, plus d’école… On a tout perdu. »
Des femmes réagissent alors que des volontaires récupèrent le corps d’un membre de leur famille dans les décombres des maisons effondrées dans le village d’Imi N’Tala près d’Amizmiz, le 10 septembre 2023. FADEL SENNA / AFP
A Amizmiz, rares sont les habitations épargnées. Les bâtiments qui ne se sont pas écroulés sont craquelés. Beaucoup menacent de s’effondrer. A quelques kilomètres de la ville, au bout d’une piste escarpée qui serpente dans la montagne, le village de Tafeghaghte donne à voir un spectacle plus apocalyptique encore. Le douar – un hameau – est presque entièrement rasé. Au pied d’un amas de débris, une femme blessée gémit tandis que son mari panse un de ses avant-bras. Autour d’eux ne reste qu’un champ de ruines où seuls poules, ânes et moutons osent s’aventurer. En contrebas, un cimetière a été improvisé, où sont alignées des dizaines de tombes, faites de terre et de branchages. Selon les survivants, le séisme aurait décimé ici des familles entières. Une centaine de personnes seraient mortes. Vingt enfants parmi eux.
Selon la télévision publique, « plus de 18 000 familles ont été affectées » par le séisme dans la province d’Al-Haouz. A Tafeghaghte comme à Amizmiz, les habitants s’apprêtaient dimanche soir à dormir pour leur troisième nuit à la belle étoile. Quelques tentes jaunes de la Protection civile ont été dressées, mais en nombre encore insuffisant face aux besoins.
Dans des terrains vagues, des places publiques, dans les champs d’oliviers, ils sont regroupés, famille par famille, allongés sur des nattes et sur des couvertures, séparés par des draps accrochés aux branches. Des femmes ont préparé de la soupe et du couscous avec quelques réchauds et gamelles extraits des décombres. Le thé à la menthe circule de main en main. « Demain, nous aurons peut-être des tentes, des matelas et des couvertures, espère Abdellatif Bejjar. Le Pacha [gouverneur de la province], qui est venu aujourd’hui, nous l’a promis. »
Dans les jours à venir, les secouristes marocains devraient recevoir l’appui de quatre pays – Espagne, Royaume-Uni, Qatar et Emirats arabes unis. D’autres propositions pourraient être acceptées à l’avenir « si les besoins devaient évoluer », a précise le ministère de l’intérieur. L’Espagne a d’ores et déjà envoyé une équipe de quatre-vingt-six sauveteurs qui devaient être à pied d’œuvre lundi. De son côté, la Croix-Rouge internationale a alerté sur l’importance des besoins à venir du Maroc, pour « des mois, voire des années ».
Par Aurélie Collas(Amizmiz, Maroc, envoyée spéciale)
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/11/seisme-au-maroc-la-maison-a-fait-des-va-et-vient-comme-sur-un-bateau-puis-elle-s-est-effondree-sur-nous_6188827_3212.html
.
Rédigé le 11/09/2023 à 06:32 dans Maroc, Séismes | Lien permanent | Commentaires (0)
La production de pétrole stagne en Algérie, boudée par des compagnies étrangères après leurs déboires avec la bureaucratie. Le gouvernement déploie les grands moyens pour faire revenir ExxonMobil, Shell, BP, Engie, TotalÉnergies et beaucoup d’autres. La partie n’est pas gagnée, car la demande intérieure explose et les réserves s’épuisent rapidement.
Dimanche 13 août 2023, dans une capitale écrasée par une vague de chaleur sans précédent et désertée par nombre de ses élites, un nouveau directeur est installé à la tête d’un modeste maillon par sa dimension (à peine 200 employés) de la pléthorique bureaucratie algérienne, mais essentiel à son pouvoir. L’Agence nationale pour la valorisation des hydrocarbures (Alnaft, acronyme signifiant littéralement « le pétrole ») a pour mission d’accorder des contrats aux compagnies étrangères disposées à investir dans le pays, de contrôler les plans de développement des gisements, de ratifier la vente des droits miniers qu’elles détiennent. En un mot, l’agence est le notaire et le greffier de l’industrie pétrolière nationale.
Pour marquer l’importance du moment, le ministre de l’énergie et des mines Mohamed Arkab — qui supervise le secteur — s’est déplacé en personne. En poste depuis plus de quatre ans, avec une éclipse inexpliquée, il parcourt depuis le monde et les grands centres pétroliers, de Houston (Texas) à Singapour, à la recherche d’investisseurs. Sans grand succès jusqu’ici. Son message est clair et pressant :
Nous voulons intensifier la production en coordination avec Alnaft et [la] Sonatrach ainsi qu’avec nos partenaires des compagnies mondiales implantées en Algérie et celles qui viendront s’y établir à l’avenir1.
Ce n’est pas son premier appel du genre, mais jamais sans doute la collaboration extérieure n’a été aussi espérée par l’industrie algérienne des hydrocarbures, pourtant stimulée en 2022 par les cours élevés du brut et momentanément du gaz naturel à la suite de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’année 2023 s’annonce moins faste. Les cours du brut ont reculé d’environ 20 %, ceux du gaz se sont effondrés, et les réductions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ne sont pas négligeables (— 11 % sur un an). D’où la nécessité de trouver de l’argent frais pour développer le secteur. La compagnie nationale n’en a plus. L’État l’oblige à financer la production d’eau potable ou les salaires des joueurs professionnels de football du pays.
Le nouveau directeur général de l’Agence, Mourad Beldjehem, un ingénieur venu de la Sonatrach où il gérait les relations (difficiles) de la compagnie nationale avec ses homologues étrangères « associées » sur des projets communs en Algérie, a été tout aussi accommodant que son chef. Il connait leurs rapports laborieux avec les Algériens, les maux qui les affectent traditionnellement, la bureaucratisation excessive, des contrôles et contestations sur leurs comptes jusqu’à la quasi-confiscation de la rente par l’État.
Mourad Beldjehem entend repositionner l’Agence « pour que nous puissions passer de la réaction à l’anticipation des événements et [qu’elle] devienne un refuge pour les clients ».2 Le partenariat entre la Sonatrach et ses « associés », qui fournissent bon an mal an près d’un tiers de la production nationale, sera à l’avenir bâti sur « la confiance, le respect, la transparence et les intérêts communs, dans le cadre d’une approche gagnant-gagnant ».3.
Autant de promesses qui ne suffiront sans doute pas à effacer les doutes qui assaillent les rares candidats étrangers disposés à explorer le sous-sol algérien. Au fil des ans, nombre d’associés parmi les grands noms du gotha pétrolier international se sont retirés sur la pointe des pieds ou à l’issue de conflits éprouvants, sanctionnés le plus souvent par un jugement défavorable à l’Algérie des tribunaux internationaux d’arbitrage. Sur les 77 « associés » que comptait la Sonatrach à l’apogée de sa réussite, il en reste moins d’une dizaine. La liste est longue des déçus de l’Eldorado algérien. ExxonMobil, Shell, BP, Engie, TotalÉnergies, Anadarko ou Anaconda et beaucoup d’autres ont jeté l’éponge ou ont vendu tout ou partie de leurs actifs. Et la relève se fait cruellement attendre. Le dernier appel d’offres lancé par l’Alnaft en 2020 a dû être annulé faute de candidats. L’italien ENI, devenu le principal client du gaz algérien, a signé seul un contrat sous l’emprise de la nouvelle loi sur les hydrocarbures de 2019. C’est le premier et il est modeste.
Résultat, faute d’investissements extérieurs substantiels comme durant la période bénie 1986-2006, la production stagne depuis près de vingt ans sous la barre des 200 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep), ce qui fait de l’Algérie une puissance pétrolière secondaire à côté des géants comme l’Arabie saoudite, la Russie ou l’Irak qui produisent dix à quinze fois plus. L’inventaire périodique des ressources nationales d’hydrocarbures liquides et gazeux, une publication officielle parue pour la dernière fois en 2015, dresse un tableau inquiétant des réserves en terre. En gros, il reste à peine un tiers de pétrole récupérable, le reste ayant déjà été consommé. Pour le gaz naturel, la situation est moins désastreuse, à peine la moitié serait encore prélevable.
À cette paralysie de l’offre, s’ajoute une demande domestique en folie de carburants et de gaz. Près de la moitié de la production commercialisée est aujourd’hui consommée sur place, non dans les rares usines, mais par les ménages algériens, leurs automobiles, leurs climatiseurs ou leur chauffage électrique. Sa part augmente année après année et grignote — au rythme débridé de + 9 à 10 % chaque année —, la production exportable. Certains experts prédisent qu’en 2030, c’est-à-dire demain, la Sonatrach n’aura plus rien à vendre à l’extérieur, l’autoconsommation atteignant alors 100 % de la production ! La consommation intérieure représente 70 % des volumes exportés et à peine 5 % du chiffre d’affaires de la compagnie nationale, qui court le marathon économique mondiale sur une seule jambe face à des concurrents qui en ont deux.
Cet écart entre les cours internationaux et les prix subventionnés à l’intérieur du pays est ruineux pour l’économie nationale privée de devises et pour les Algériens eux-mêmes condamnés à une détérioration permanente de leur niveau de vie depuis dix ans. Il a pour origine une politique tarifaire incohérente. Les autorités vendent les carburants, le gaz et l’électricité produite à partir du gaz, moins cher que leurs coûts de production pour de multiples raisons, bonnes ou surtout mauvaises4. Au plan politique, il est normal de faire profiter le peuple algérien de la principale richesse du pays. Mais pas dans ces proportions totalement insoutenables à long terme. « Il manquera 40 milliards de m3 de gaz naturel avant 2030 », a prévenu en juin 2021, devant le Club de l’Énergie à Alger, l’ex-numéro 2 de la Sonatrach Ali Hached5. Un ancien ministre de l’énergie, géologue de formation, Abdelmajid Attar, écrit dans une synthèse sur l’Algérie pétrolière :
Une attention particulière devrait être accordée au maintien d’une bonne adéquation entre les ressources disponibles et la répartition qui doit en être faite pour la satisfaction des besoins énergétiques du pays à long terme, la satisfaction de ses nécessaires besoins financiers immédiats ou lointains et les quantités pouvant être mises à la disposition des tiers clients6.
Visiblement, les pouvoirs publics semblent oublier que les hydrocarbures fournissent plus de 95 % des devises indispensables au fonctionnement de l’économie. Plutôt que d’augmenter les prix des carburants et de l’électricité pour accroître la part exportable des hydrocarbures, ses responsables lancent de la poudre aux yeux des Algériens, des solutions illusoires comme l’encouragement frénétique des « exportations hors hydrocarbures » composées, en fin de compte, de plus de 70 % de produits fabriqués avec du gaz naturel ultra-subventionné dont on augmente encore la consommation intérieure7.
Une autre piste est le rationnement des importations : près d’un millier d’articles dont les automobiles neuves, des médicaments ou les bananes sont officiellement interdits à l’import. Il s’en suit d’importantes pénuries aggravées par la spéculation et la domination de l’économie informelle. Très impopulaires, elles amènent le président de la République, Abdelmajid Tebboune, à multiplier les interventions au ministère du commerce censé gérer la rareté. Il a longtemps confié le poste à l’un de ses fidèles, Kamel Rezig, avant de le sacrifier devant les colères de l’opinion. Quelques jours après sa disgrâce Rezig a été nommé conseiller technique à la présidence avant de travailler à la dernière trouvaille de Abdelmajid Tebboune, un Conseil supérieur de régulation des importations où tous les ministères sont représentés. La coordination y sera-t-elle de meilleure qualité qu’au gouvernement où tous siègent déjà ? On peut en douter.
Autre leurre fort en vogue depuis la visite officielle du président algérien en Chine, en juillet dernier, une éventuelle adhésion de l’Algérie au club des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ce quintette disparate qui se pose comme le leader du Global South (« Sud global »). Finalement, ni le président ni son premier ministre n’ont fait le voyage à Johannesburg pour assister au quinzième sommet des BRICS. Seul le ministre des finances, un obscur fonctionnaire qui parle anglais, s’est déplacé pour apprendre que l’Algérie, candidate avec une vingtaine d’autres pays, n’avait pas été retenue par une organisation dont on voit mal ce qu’elle peut apporter à l’économie algérienne.
La pêche aux investisseurs pétroliers internationaux de l’Alnaft et de son directeur général, Mourad Beldjehem, sera-t-elle plus efficiente que celles de ses prédécesseurs ? Même s’il réussit mieux, il restera la partie la plus difficile du rétablissement du secteur, la stabilisation au minimum de la consommation intérieure de carburant et de gaz grâce à un relèvement des tarifs publics de l’énergie. Depuis 2016, les équipes successives au pouvoir y renoncent de peur d’une réaction populaire qui pourrait anéantir le régime. En sera-t-il de même cette fois ? L’Algérie « avance à grands pas »8, affirmait récemment un éditorial d’El-Moudjahid, le journal du régime, reprenant des propos du président de la République. Mais dans quelle direction ?
JEAN-PIERRE SERENI
https://orientxxi.info/magazine/la-course-effrenee-de-l-algerie-pour-seduire-les-petroliers-etrangers,6700
.
Rédigé le 11/09/2023 à 05:17 dans Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires récents