Il conteste l’une des conclusions de la commission Warren, selon laquelle une balle unique a provoqué les blessures non mortelles subies par le président américain et le gouverneur du Texas, relançant la thèse d’un autre tireur.
Assassinat de John Fitzgerald Kennedy, 35ᵉ président des Etats-Unis, le 22 novembre 1963. Paul Landis est le deuxième agent en partant de la gauche.
Le 22 novembre 1963, il était aux premières loges à Dallas. Littéralement. Près de soixante ans plus tard, Paul Landis, un des huit agents du Secret Service qui suivait à 5 mètres la Lincoln Continental bleu nuit du président John Fitzgerald Kennedy (JFK) dans une Cadillac de 1955, sort de son silence. Dans The Final Witness (Le Dernier Témoin, Chicago Review Press, à paraître le 10 octobre), il donne, pour la première fois, sa version des faits sur cet événement qui continue de fasciner l’Amérique et au-delà. Le récit tardif de ce vieil homme de 88 ans, que le New York Times a rencontré à Cleveland (Ohio), où il vit, diffère sur un point-clé de la version officielle. Il donnera également du grain à moudre à ceux qui défendent la thèse que le président n’a pas été pris pour cible par un seul tireur, Lee Harvey Oswald, mais par deux.
Paul Landis était chargé de la protection de Jacqueline Kennedy, présente au côté du 35e président des Etats-Unis. Sur le célèbre cliché d’Ike Altgens, photographe de l’agence Associated Press, on le voit sur le marchepied de la Cadillac, regarder par-dessus son épaule droite en direction des tirs tandis que Kennedy porte les mains à sa gorge. Vient ensuite la course vers le Parkland Memorial Hospital, où le président est déclaré mort à 13 heures, le retour à Washington et les obsèques nationales. Six mois plus tard, Paul Landis démissionne du Secret Service.
La théorie de la « balle magique »
Selon le New York Times (NYT), suit une longue période au cours de laquelle il cherche à « essayer d’oublier ce moment indélébile gravé dans la mémoire d’une nation endeuillée ». Puis vient le jour où il se sent enfin capable de « lire » sur l’événement et où il « comprend que ce qu’il lit n’est pas exact, pas à l’image de ce dont il se souvient ». En 2014, il se plonge dans Six Seconds in Dallas, publié en 1967, où l’auteur, Josiah Thompson, développe l’idée qu’il y avait eu plusieurs tireurs. L’ouvrage le fait douter de la « single-bullet theory » (théorie de la balle unique) selon laquelle une seule et même balle a touché à la fois le président et le gouverneur John Connally, grièvement blessé ce jour-là.
C’est pourtant la conclusion à laquelle était parvenue la commission Warren, créée en 1964 par le président Lyndon Johnson pour enquêter sur l’assassinat de son prédécesseur. La première balle aurait traversé le haut du dos du président JFK avant de ressortir par la gorge. Elle aurait ensuite atteint le gouverneur Connally, assis juste devant lui, pénétré à droite de sa clavicule droite, traversé un poumon, fracturé une côte en ressortant, transpercé son poignet droit puis terminé sa course en pénétrant superficiellement sa cuisse gauche. Quelques secondes plus tard, une deuxième balle atteignait le président à la tête, provoquant des dommages irréversibles.
Ce scénario a toutefois ses sceptiques, qui le surnomment ironiquement la « théorie de la balle magique ». Comment une balle qui a traversé deux corps humains, touché une côte, fracturé un radius a-t-elle pu être retrouvée quasi intacte ? Les enquêteurs étaient arrivés à cette conclusion « notamment parce que la balle avait été trouvée sur un brancard dont on supposait qu’il avait transporté M. Connally », rappelle le NYT. Des experts en balistique utilisant des techniques modernes ont conclu, en 2013, à l’occasion du 50e anniversaire de l’assassinat, à une hypothèse plausible.
Projectile trouvé dans la Lincoln, pas sur le brancard de Connally
Jamais interrogé par la commission Warren, Paul Landis explique aujourd’hui que les choses se sont passées différemment. Il affirme avoir retrouvé le projectile le premier, dans la Lincoln, à la place occupée par le président, après l’arrivée à l’hôpital, et l’avoir ramassé pour éviter qu’il ne soit emporté par des chasseurs de souvenirs. Ce qui signifie qu’il se serait logé dans le dos du président mais sans atteindre le gouverneur. L’agent affirme l’avoir ensuite placé à côté du corps du président, imaginant que cela permettrait aux médecins de comprendre ce qui s’était passé. Il suppose qu’il s’est retrouvé dans le brancard du gouverneur Connally lorsque les civières ont été déplacées.
Interrogé par le New York Times, James Robenalt, avocat de Cleveland et auteur de plusieurs livres d’histoire, qui a longuement enquêté sur l’assassinat de JFK, estime que le témoignage de Paul Landis, s’il est vrai, « est susceptible de rouvrir la question du deuxième tireur ». Selon lui, il n’est pas possible qu’un tir distinct ait pu provenir de Lee Harvey Oswald, qui n’aurait pas eu le temps de recharger aussi vite son arme.
En 1979, le rapport d’une commission d’enquête de la Chambre des représentants des Etats-Unis sur les assassinats de J. F. Kennedy et de Martin Luther King concluait déjà à la présence d’un deuxième tireur, qui aurait raté sa cible.
Reste que le récit de M. Landis, soixante ans après les faits, interroge. Clint Hill, l’un de ses collègues chargé de la protection de la première dame en 1963 a tenté de le décourager de s’exprimer. « Il y a de sérieuses incohérences dans [les] différentes déclarations/histoires [de Paul Landis] », estime-t-il dans le NYT. Ce long silence interroge aussi le quotidien, de même que les raisons pour lesquelles son récit diffère de sa déposition faite en 1963. A l’époque, il ne mentionnait pas la fameuse balle et déclarait n’avoir entendu que deux coups de feu. L’effet du choc, plaide l’ancien agent de sécurité, et de la fatigue, alors qu’il n’avait presque pas dormi pendant les cinq jours précédant sa déposition.
Ken Gormley, spécialiste de l’histoire présidentielle, défend M. Landis, qu’il a aidé à trouver un agent pour son livre. « Ça arrive souvent qu’à la fin de leur vie des gens (…) veuillent mettre sur la table des choses qu’ils ont gardé pour eux, spécialement quand il s’agit d’un morceau d’histoire dont ils veulent qu’elle soit correctement retranscrite, explique-t-il au NYT. Est-ce que ce qu’il dit est cohérent, je ne sais pas. Mais d’autres pourront s’y pencher. »
En 2017, un sondage montrait que seul un tiers des Américains pensaient que Lee Harvey Oswald était responsable de l’assassinat de J. F. Kennedy. Une majorité (61 %) pensait que d’autres personnes étaient impliquées. Raison pour laquelle, sous la direction de l’administration Biden, les Archives nationales ont publié, en 2022, plus de 16 000 documents relatifs à l’assassinat de JFK. Pourtant, certains documents resteront classifiés jusqu’en… 2067, de quoi alimenter encore bien des spéculations.
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