Le milieu du cinéma algérien a réagi de façon bien plus épidermique. Une réalisatrice et productrice algérienne contactée par Le Monde, et qui a requis l’anonymat, s’interroge, quant à elle : « Si le film a été dans un premier temps programmé, c’est qu’il avait obtenu un visa d’exploitation de la part de la commission du visionnage,l’organe qui autorise la diffusion des films. Je trouve donc scandaleux de déprogrammer un film. C’est triste de déclarer la guerre à une poupée. »
La réalisatrice Sofia Djama a été l’une des premières à élever la voix : « Comme d’habitude, l’Algérie a agi par mimétisme. Le film a été censuré au Koweït et au Liban et voilà que l’Algérie s’est réveillée d’un seul coup en disant qu’il faut que ça soit le cas ici aussi. » Dans une vidéo de sept minutes diffusée sur ses réseaux, la réalisatrice a dénoncé « une infantilisation de la société algérienne ». « [Les dirigeants algériens] ont cédé à la voix du populisme, de la bigoterie de l’intégrisme et des réactionnaires. Dire que le film ne représente pas [les] valeur[s] algérienne[s]… comme si le peuple algérien était un peuple monolithique où ne règne qu’une seule pensée. »
Cette fois ci je change totalement de chapitre en essayant de me porter sur un sujet qui me tenait à cœur, dont j'avais fortement envie d'en parler.0h combien mes premiers pas à l'extérieur de ma ville natale m'ont été significatifs et pleins de ressources. Cette extériorisation avait forgé mes premiers pas et avait contribué pour beaucoup à ma formation. En dehors de l'enceinte familiale, je commençais à m'épanouir et me révéler, c'était durant ma première jeunesse où j'étais élève Enfant de troupe à l'Ecole Militaire Préparatoire Nord Africaine de Koléa. C'est comme qui dirait faire ses premières classes.
Branché à la chaine « Canal Algérie », J'écoutais l'intervention du Président de l'association des anciens « Mèdersien », l'un des invités de cette émission: « Bonjour d' Algérie». Il évoquait les élèves, les études et un historique sur la création de cette institution qui devenait plus tard le « Lycée Franco-Musulman »de Benaknoune. Dans une autre émission « El Qaàda », quelques jours après, un autre ancien Mèdersien de la ville de Blida était là aussi pour nous en parler... A ce moment là j'avais pris mon courage en haleine en me disant que moi aussi je vais dans cet espace qui est mon blog parler des anciens élèves Enfants de Troupe. C'était une décision difficile pour ce projet assez prétentieux, mais dans mon fort intérieur l'idée m'animait et m'exaltait.
Cette école où j'avais passé trois Scolarités, une bonne partie de ma première jeunesse qu'elle m'a prise. C'était en mille neuf cent cinquante trois (1953), un mois d'octobre que je me rendais avec mon frère cadet, âgé de neuf ans, mois j'en avais douze. Nous trimbalions nos valises, très lourde et volumineuse pour mon frère et ne reverrions nos Parents qu'à la fin de chaque trimestre. La chaleur du foyer familial nous manquait d'autant s'était dure l'âpreté de la vie que nous vivions à ce moment là. Quand elles arrivaient les vacances trimestrielles ou les grandes vacances d'été, ont nous embarquaient dans les camions militaires de l'école et nous amenaient à la gare de Blida en destination de l'est du pays. On changeait à la gare d'El-Harrach (Maison Carrée) pour prendre le train de nuit. Arrivés à la gare d'Ouled Rahmoune, nous prenions mon frère et moi, l'Autocar en destination de Khenchela. Pendant notre départ en vacances, un Sous -officier nous accompagnait tout le long de notre voyage en train. Lorsque les trains de nuit avaient cessé de circuler à partir de mille neuf cent cinquante cinq (1955) par suite d'insécurité, nous prenions le train du matin, l'omnibus comme on avait l'habitude de l'appeler, il s'arrêtait dans toutes les gares, le voyage durait pendant toute la journée. Nous passions mon frère et moi une journée à Constantine chez ma Tante avant de rentrer à Khenchela ou de prendre le chemin de retour vers Koléa. C'était des moments agréables qui nous faisaient découvrir cette Capitale de l'est du Pays. Elle nous permettait à notre aise et loisir de flâner en toute liberté comme des personnes âgées à travers cette ville romantique et antique, très charmante et typique.
Pendant la rentrée scolaire de l'année 1956, celle où j'ai passé ma dernière année à l'école, nous reprenions comme à l'habitué le chemin de retour, nostalgiques et avec un petit goût d'amertume. Pour oublier nous ne cessâmes de jouer dans le wagon qui nous était réservé . La plupart du temps nous montions dans des wagons qui rappelaient ces wagons de type « Far West », sans compartiments. Il était environ quatre heurs de l'après midi, bientôt nous arrivions à Maison Carrée, j'étais debout sur le marchepied de la porte arrière d'un de ces wagons, j'étais agrippé me tenant à la barre d'escalade pour ne pas tomber, à coté de moi un autre élève, mon camarade de classe GUÉZI de Batna, enfin mon frère se tenait en troisième position. Nous contemplions le paysage et nous savourions l'allure du train qui dépassait la vitesse de cent vingt kilomètres à (120) l'heure, ce ci, pour rattraper le léger retard de quelques minutes avant d'entrer en gare de Maison carré. Nous étions entre Rouïba et Maison Blanche la ligne de chemin de fer était bordée de très beaux champs de vignes à travers cette plaine splendide et majestueuse à l'époque, car il n'en reste plus rien. Un de nos camarades venait de bruler avec sa cigarette la nuque mon, frère un jeu stupide parmi tant d'autres que nous nous permettions pendant cette journée d'évasion. Mon frère voulant lui rendre la même chose en le prenant à court et en flagrant délit par derrière avait sauté du marchepied d' où il était vers le marchepied de la porte avant de la voiture arrière pour le contourner. Là il fut emporté par la turbulence provoquée par la vitesse, il s'était accroché un bref moment à mon camarade Guézi qui était à coté de moi ; et puis, pris dans une turbulence, il s'était envolé en suite il était tombé comme en parachute sur le talus de la voie de chemin de fer. Je le voyais rouler, puis se relever et courir pour rattraper le train. Mais on était déjà loin. Je me suis ressaisi et rentré rapidement dans le wagon pour activer la sonnette d'alarme ; à ce moment là, j'étais nez à nez avec le contrôleur qui est venu nous faire évacuer de là et nous faire rentrer dans le wagon par mesure de sécurité en prévention de tout accident. Pendant cette période les contrôleurs de trains veillaient à tout et assuraient une police. Je lui ai crié : «... Mon frère est tombé du train... ». Affolé il s'était mis à chercher le signal d'alarme pour l'actionner. Apres un kilomètre ou plus, le train s'immobilisa, je suis descendu et en larmes, très ému, je suivais la voie en criant « Larbi, larbi..... ». Aussi tôt, sont venus à ma rescousse deux de mes camarades Dambri et Salih SAADI, ils m'avaient priés de monter dans le train, poursuivant les recherches à ma place. Entre temps mon frère de son coté, légèrement blessé par les cailloux du talus à la tète et du coté du visage s'était mis à marcher à travers les champs pour se rendre vers la route qui n'était pas loin pour faire du stop et nous rejoindre par route à Maison carré. Pendant ce temps alertés les autorités du chemin de fer au sujet de l'accident du train, un inspecteur avait été dépêché rapidement et illico presto pour établir le constat de l'accident. Il avait pris nos déclarations crues comme les faits se sont déroulés en dressant son procès-verbal. Ce ci n'avait causé qu'un retard d'environ une demi heure, ensuite le train avait repris sa route. A la gare l'EL HARRACHE, devant le quai, emportant la valise de mon frère avec la mienne. Je me retrouvais quelques minutes plus tard avec mon frère, un bandeau léger sur sa tète et un pansement derrière l'oreille, il était accompagné de ces deux coéquipiers. Il m'avait raconté qu'il avait été rejoint par ses deux camarades, lorsqu'ils avaient passé prés d'une ferme, le propriétaire de cette ferme les ayant vus traverser les champs leurs porta secours ; il avait amené mon frère dans sa voiture chez un médecin à Rouïba qui lui prodigua les premiers soins, ensuite, ils avaient été ramenés à Maison Carré. Le voyage jusqu'à Bida s'était déroulé en silence et calme plat, à la descente de train où les camions nous attendaient pour nous amener à l'école, une ambulance était venue récupérer mon frère. C'est dire de l'efficacité et de la bonne gouvernance qui prévalaient à cette époque. Moralité quelques mois plus tard mon père avait reçu une contravention des chemins de fer qui le sommait de payer une amende de cent cinquante molle (150.000) francs environ, pour préjudices et retards causés.
Nous vivons sous un régime militaire, le levé au clairon, la marche au pas cadencé, le lit au carré et la revue de treillis au pied des Châlits devant le lit. Nos professeurs nous faisaient oublier pendant les cours que nous étions de petits soldats sans armes, mais pas de soldats de plomb. Nous recevions chaque quinzaine une espèce de solde d'un montant de cent cinquante (150) francs de cette époque l'équivalant est retenu comme caution pour payer quelques frais éventuels. Nous disposons de trois tenues, le treillis de tous les jours, la tenue de sortie, une très jolie tenue en laine bleue marine qui rassemblait à celle de la marine et une tenue de parade gardée à la compagnie pour nous être distribuée uniquement pour les défilés ou les réceptions officielles avec des gants blancs et des souliers de ville sans montant. A ce moment là le niveau des études était équivalant à ce lui des collèges pour les classes régulières du moyen et nos Professeurs étaient à la hauteur, je me souviens que notre professeur en Mathématiques dés la sixième était le Professeur agrégé Monsieur AOUDJANE que je retrouve quelques années plu tard Professeur maitre de Chaire à l'Ecole Polytechnique d'El-Harrach. Monsieur prince, un licencié très éloquent nous enseignait la géographie et l'histoire qu'il animait par de très belles histoires et anecdotes pour illustrer sa leçon d'une forme pédagogique très subtile, et puis, il y avait le professeur Chaumont une personne âgée, un ingénieur chimiste de formation qui nous enseignait la physique et la chimie. Monsieur Caument notre professeur de français avais cette virtuosité de vous faire aimer la langue Française et de vous inculquer les règles de grammaire, d'orthographe et d'expression. Si j'ai évoqué ici quelques uns de mes professeurs, c'était en premier lieu pour leur rendre hommage, et, préciser en suite qu'on était entre de bonnes mains puisque le niveau des études n'a rien à envier aux autres lycées et collèges de cette époque.
A chaque trimestre, nous préparions deux revues. La revue de literie; nous astiquions à fond le dortoir, nous enlevions toutes les poussières du plancher, des murs et des carreaux de fenêtres, nous lavions nos lits individuels qui étaient constitués en trois parties en fer, le dessus, le sommier constitué par des lames larges épaisses en acier, porté par deux pieds de châlit. Ils étaient lourds par rapport à notre âge. Nous enlevions les housses des matelas et des polochons, nous les plions convenablement, au carré, comme c'était l'expression, les plis devaient permettre à mettre en relief les estampies et les marques qui étaient sur un coin de la literie en bas et à droite. le tout devait être uniforme pour permettre un passage rapide du Sergent major responsable des inventaires, chargé du magasin d'habillement et de literie. La revue obligatoirement était à chaque fois bien ordonnée. La revue de paquetage suivait le même manège. Le paquetage était dressé sur un lit bien fait au carré. Notre rangement était constitué d'une espèce d'armoire penderie de la largeur du lit avec deux compartiments en haut, fermants par deux battants, l'un pour les vêtements, l'autre pour les autres affaires y compris la trousse de raccommodage, la trousse de cirage etc...., le bas servait de penderie cachée par un rideau coulissant, sans fond. Nous étalions toutes nos affaires bien en vu et bien ordonnées, les panneaux des armoires étaient ouverts, le rideau de la penderie tiré. Il faut rappeler ici que la discipline et la bonne organisation étaient de rigueur, elles créaient dans notre subconscient des réflexes conditionnés qu'on retrouve plu tard.
Il y avait trois niveaux d'études ; la compagnie « C » regroupait les classes préparatoires du cours élémentaire deuxième année et des cours moyens de première et deuxième année. Les élèves âgés étaient rassemblés dans la compagnie « A » où il y avait les trois années de préparation au C.A.P. Les quatre classes de l'enseignement moyen, de la sixième à la troisième des collèges, étaient rassemblés dans la compagnie « B ». C'était dans celle-ci où j'ai passé mes trois années.
Le régime des études nous imposait d'avoir obtenu le Brevet d'enseignement d'études à l'âge de seize ans pour pouvoir se rendre en France dans les autres écoles militaires, en particulier celle d'AIX en Provence, de la FLÉCHE, d'AUTUN, ou de TULLE. A l'obtention du Baccalauréat à dix huit ans nous pouvions obtenir un sursis d'incorporation et accéder aux écoles d'Officiers et aux écoles spécialisées. Très peu parmi nous réussissaient cette prouesse ; la majorité finissaient par être dirigés vers une formation de Sous-officiers, plu tard nous pourrions participer à un peloton d'élèves officiers
Nous étions donc contrains à la vie sous les drapeaux dés l'âge de dix huit ans en nous engageant cinq ans dans l'armé dont trois pour payer les frais d'études et d'internat, dans le cas contraire nous devions rembourser l'école. Mon Père, en 1959 avait déboursé à l'intendant de l'école à ce moment là, la somme de 170.800 francs de l'époque.
Dans la compagnie « B », en classe de cinquième, nous avions pendant une heure, un cours d'Arabe ; nous étions en face de notre Professeur qui nous enseignait « Dhina et Djijelli » ; c'était l'adjudant chef « Paillet », Français de souche, ayant une grande carrure on dirait celle d'un rugbyman ou d'un catcheur, haut de taille, les épaules larges, le crane rasé; il nous inspiré de la crainte mélangée à de l'affection qu'il portait à notre vis-à-vis comme si ont étaient ses enfants. Il nous apprenait progressivement l'Arabe classique pour maitriser la grammaire, les conjugaisons et le vocabulaire afin d'être à même d'écrire un texte et faire des traductions : thèmes et versions.
Après une longue et âpre bataille « DIÊN BIÊN PHÙ » est tombé le 7 mai de l'année 1954, à l'école on nous avait rassemblés pour baisser le drapeau ; il avait été mis en berne, en signe de deuil pour manifester le malheur causé à la France par cette chute qui fut une grande défaite décisive; ce qui va mettre fin à la guerre d''INDOCHNE et à la colonisation de la France dans cette contrée. Dans notre fort intérieur on se réjouissait malgré que notre révolution n'ait pas encore était déclenchée.
Nous étions en début de l'année mille neuf cent cinquante six (1956). Un mouvement nationaliste prenait corps de jour en jour, on se rassemblait dans le dortoir de la compagnie « A », qui était aménagé pour les élèves de dernière année du C.A.P., ils étaient âgés de dix sept ans et allaient être incorporés en fin d'année. On leur permettait de fumer et d'avoir un poste radio pour entendre les chansons, mais ce petit salon de fortune nous servait de réunions et de discutions autour de la révolution qui venait d'éclate. C'était une prise de conscience tout à fait évidente compte tenu de la conjoncture qui prévalait à ce moment là. Nous échangions les informations, nous écoutions les informations de la radio car nous n'avions pas de journaux. C'est là qu'avait commencé à prendre corps l'idée de faire une grève et de manifester par solidarité aux autres élèves de l'extérieur.
Nous somme en avril ou mai de l'année1956, après le déjeuner du matin nous devrions lever les couleurs comme chaque matin, mais ce jour là spontanément nous avions décidé de faire grève et de rester dans la cour, au début sans objectif précis, la veille on avait coupé les cordons qui permettaient de soutenir et de faire hisser le drapeau qui flottait tout en haut au milieu de la cour de l'Ecole. Au fil des heures commençait une revendication au sujet du Lieutenant Boukari qui malmenait tous les jeunes élèves de la compagnie « C » ; ce n'était pas la véritable revendication, notre intention était d'imiter les élèves des lycées et répondre à notre tour aux appels du « F.L.N. ». L'adjudant chef Paillé est venu nous rassembler pour nous persuader de reprendre nos cours dans l'ordre et la discipline due aux Enfants de troupes, mais c'était un effort vain pendant toute la journée. Ce fut un coup terrible pour les responsables car ils n'envisageaient aucunement un comportement pareil de notre part d'autant plus qu'on était totalement isolés de l'extérieur. Tout était mis à notre porté sur place, le cinéma chaque semaine au réfectoire, le sport, le Grand Mufti d'Alger qui chaque semaine nous parlait de l'Islam, en particulier de la S'ira, c'était facultatif mais on suivait avec grande attention et émerveillement les récits.
C'était un dimanche après midi. Nous nous étions rassemblés, au petit salon comme à l'accoutumée, quelques uns de nous discutaient d'une éventuelle reprise de la grève, les avis étaient partagés, on a voulu forcer les autres membres à suivre notre idée, s'était exaltant, mais nous n'avions pas pu rallier tout le monde, il n'y a pas eu de consensus. Le lendemain notre classe ayant suivie le mot d'ordre n'a pas voulu aller au rassemblement mais comme elle avait constatait que le mouvement n'avait pas était suivi, elle s'était rétractée. Ce lundi matin à la première heure on avait une heure de sport, on sortait de l'enceinte des bâtiments pour aller au stade où se trouvait les installations sportives. Comme punition et en attendant d'autres décisions à notre égard on ne nous avait pas permis de mettre notre tenue de sport. A notre sortie, ayant dépassé le stade nous avons spontanément dévalé la pinède et couru vers l'extérieur dépassant le champ de tire et la clairière et la forêt jusqu'à la limite de la zone de l'école. Est-ce une fugue ou une désertion, sur le moment nous même nous ne comprenions pas notre geste. Ce n'est qu'à proximité de l'Oued « El-Mazafran » que nous avions décidé de continuer et commencions d'échafauder des plans. Nous avions décidé de prendre en raz campagne et à travers champs un itinéraire atypique pour ne pas être repérés. Pour ne pas être vus par un hélicoptère, alertés par son bruit, nous nous engagions et pénétrions sous une forêt tout en continuant notre escapade. Son bruit se rapprochait puis s'éloignait, nous comprimes que nous étions hors de vu. Ainsi nous continuâmes notre progression jusqu'au moment où la journée était bien avancée. Vers midi la fatigue commençait à nous envahir, nous traversions la petite bourgade de Fouka marine où de longs filets de pèche étaient tendus parterre sur les trottoirs pour être raccommodés. La veille, nous venons de recevoir notre solde, une quête avait été organisée pour acheter quelques convives afin de nous restaurer ; du pain, des boites se sardines et des portions de fromage sont venus à bout de notre faim et nous avaient rassasié. L'heure cruciale était venue pour décider ce qu'il fallait faire. La moitié de nous voulaient arrêter cette fugue et rentrer à l'école, l'autre moitié, dont je faisais parti avec mon camarade Guézi étant les meneurs de toute la section et de notre échappé, voulions continuer. Il fallait faire un choix, rapide. Nous nous somme quittés à la périphérie du petit village de Fouka Marine. Notre groupe ne savait pas quoi faire, une idée était venue trotter dans nos tètes, celle de s'approprier d'une barque et se rendre au MAROC. Une autre suggestion nous avait effleurés, celle de longer la côte pour se rendre à pied au Maquis ou au Maroc. Nous n'avions aucun contact extérieur, nous marchions à l'aveuglette tant que nous étions inexpérimentés. Un des membres du groupe habitait la ville de TENES, Dahane Mostaganem, nous avions décidé que par étapes nous pouvions rejoindre le Maroc. C'était un rêve d'enfants et une espièglerie forte prétentieuse. Longeant la côte, en chemin nous fouillons les barques de pèches que nous trouvions sur notre chemin ; elles étaient cadenassés. Arrivés à la ville de Castiglione, à son entrée nous nous somme arrêtés et mangés le reste de notre provision, enjambant le petit ruisseau, puis, l'aquarium, nous continuions notre route. L'après midi était très avancée et le jour commençait à tomber. A la sorti supérieure du village nous avions été surpris par une patrouille de Gendarmerie, en jeep. Ils nous avaient interpelés, et conduits à la brigade. Ils nous avaient mis tous les quinze dans une cellule de cachot très exigüe moins que quatre mètres carrés. Nous somme restés debout sans trop de mouvements pendant plus de trois heures. Au début de la nuit un camion militaire était venu nous prendre pour nous amener dans une caserne de chasseurs Alpins dans les environs d'El-Harrach ; là nous avions été rejoins par nos camarades de classe qui se sont désolidarisés de nous à Fouka ; on nous avait servis un repas, il était environ dix heures de la nuit, en suite nous étions conduits, pour dormir, vers une grande tente militaire, dressée à notre intention, pouvant contenir l'effectif de toute une section. Très fatigués des événements de la journée, nous avions dormi sans attendre avec soulagement, la nuit était paisible, nous étions remis de toutes nos émotions. Nous sommes restés deux ou trois jours, pendant ce temps nous avons reçu un représentant du Ministère de la Guerre dépêché en Algérie pour enquêter et s'informer sur tous les événements qui ce sont produits à l'école, de la grève à notre évasion. Le lendemain nous avons été ramenés à l'école, deux jours plus tard avec mon camarade Guézi on nous avait amenés dans une autre caserne prés de Maison-carré. Là nous avions retrouvé tous les élèves qui de prés avaient fomenté la grève et les perturbations qui s'ensuivirent. Ont étaient une trentaine. Ont nous avaient interné dans un bloc dortoir retiré et enfermé à clef, on avait aucun contact pendant quelques jours, comme si nous étions au secret ; ensuite ils nous avaient apportés des jeux de société, deux ou trois jeux de dame, c'était le jeu le plus courant de ce moment là. Quelques jours après, un après midi, nous reçûmes la visite d'un capitaine des services spéciaux psychologiques de propagande, un Algérien, de souche franco-Musulmane selon le statut qui nous était donné par la chère patrie qui nous enseignait que : « nos ancêtres étaient les gaulois ». Il avait fait l'appel de quelques uns d'entre nous à partir d'une liste qu'il tenait, chacun d'entre nous à l'énoncé de son nom devait sortir du bloc qui nous servait de dortoir et séjour. Nous étions une douzaine. Nous avions appris, après qu'il s'est en allé que nos camarades allaient être embarqués pour la France et répartis à travers les écoles telle que d'Aix, Autun, Tulle etc....Nous, nous avions été renvoyés. Nous avions assisté avec une grande amertume et mélancolie au départ de nos camarades et nous attendions notre tour lorsqu'un Sous-officier viendrait pour nous ramener individuellement chez nous. J'étais resté avec mon compatriote Benzaïme les derniers à quitter cette caserne. De retour on a passé la nuit à Constantine dans une caserne située au Bardeau, à notre arrivée chez nous à Khenchela vers midi ce sergent chef nous avait remis au poste de police de la caserne, nous n'avons pas mangé sinon un bout de pain et un petit morceau de fromage qui restait du repas des soldats en faction. L'après midi ont nous avaient conduis chez un Lieutenant Colonel responsable du deuxième bureau et des « S.A.S. » où nous avions trouvé nos parents inquiets qui nous attendaient. Ils ce sont engagés et pris la responsabilité sur notre future conduite. C'est ainsi que s'achève cette péripétie, je n'avais que quinze ans et demi après avoir passé trois scolarités dans cette fameuse école.
Nous venons de toute l'Algérie, de la Calle ou Tébessa à Colomb-Bechar, toutes les régions étaient représentées ici, Batna, Gyreville, Djelfa, Cherchell, Souk-Ahras, Laghouat etc....On retrouvait deux, trois et même quatre personnes de la même famille, les trois frères SAADI (Salim, Salih, Zitouni)de Sétif, trois ou quatre frères Ouchénes de Tarf, les quatre Hafidhi de Khenchela, moi même avec mon frère, etc. ....
Cet élan de nationalisme, se reflétait et de traduisait par de nombreuses désertions de la part d'officiers.
De grands officiers de l'A.N.P. qui avaient rejoint l'A.L.N. en désertant les rangs de l'armée Française où ils étaient cantonnés en France et en Allemagne. Je cite en mémoire, le Général ex Ministre de la Défense Khaled Nezzar, le Général Guenaïzia l'actuel Secrétaire d' Etat à la Défense, Colonel salim Saadi Ex Chef de Région Militaire, Colonel Allaoum Ex Directeur de Cabinet du Président, Colonel Latréche Ex Secrétaire de la Défense, kerquébe, etc. ... Il y avait aussi d'autres officiers supérieurs bien connus au sein de l'A.N.P. et .l'A.L.N. comme le Colonel lamine Bencherif, Aït Mahdi, Benahmed, Ouchéne, tous les quatre de la gendarmerie, Cdt Zitouni dans les blindés, Mahdjoub, aussi lakhedari, Benhameza et Ferhat, des services spéciaux ainsi que Chagra le petit de taille qui était notre tambour major, défilait en tète de l'école en soulevant son bâton de tombour major aussi long que lui et suivi par son petit mouton disons plutôt agneau sa mascotte. La liste est longue, mais ce qu'il y à lieu de souligner c'est que ces officiers faisaient surtout partie des promotions qui étaient entrées à l'école de Miliana et Koléa dés 1950 à 1956. Avec le temps j'ai du oublié beaucoup surtout les gens de l'ouest et du sud. Je n'ai pas en mémoire ceux qui sont morts en matir pendant la révolution peut être Ousaïd de Cherchell.
Vue d'ensemble de l'École avant sa rénovation et sa modernisation.
Quelques explications sur la distribution des bâtiments constituants l'École en l'an 1956.
Le bâtiment au fond à deux étages constitue le commandement et les Services Pédagogiques et d'administration, prolongé par le Poste de Police et l'entrée principale de la caserne. A gauche au fond c'est l'infirmerie, en face à droite le mess. Derrière les dortoirs des élèves officiers qui n'habitent pas dans les chambres avec les élèves en qualité de chef de section, le coiffeur. Au milieu la courre, où il y a lieu tous les rassemblements, en son centre était érigé le mat des couleurs. A droite le bâtiment de la compagnie « C », les salles de classes en bas et les dortoirs au premier étage. En bas c'était les bâtiments de notre compagnie « B », il faut dire que nous étions les plus nombreux, deux ailes de bâtiments, étaient au rez-de-chaussée ainsi que les bureaux de la compagnie, au premier étage, les dortoirs. La compagnie « A » avait ses bureaux au rez-de-chaussée du bâtiment de gauche, tandis que les dortoirs étaient au premier étage ; en bas deus réfectoires, le petit pour les élèves de la compagnie « C » tandis que le second plus vaste restaurait les élèves des deux autres compagnies et devrait servir de salle de projection de filmes et de conférences. Tout à fait devant, nous trouvions à gauche les ateliers salles de classe des élèves du C.A.P., plus à gauche le laboratoire de chimie et physique, plus haut l'atelier de musique où étaient entreposés les instruments et où les élèves qui constituaient la « Fanfare » de l'école faisaient leurs répétitions. Le sous-sol de la compagnie « A » abritait les magasins d'habillement et de literie, comme aussi à l'extrême gauche sont érigées les cuisines et prés de la muraille d'enceinte qui conne sur la pinède une prison de plusieurs cellules certaines d'entre elles désaffectées. Certains soldats du contingent résidaient à l'école, les engagées parmi d'entre eux sont logés dans ses logements de servitudes annexés à l'école en bordure d'une magnifique allée de platanes à droite de la caserne et à proximité d'un joli parc où chaque année nous nous rassasions de méchoui servi à l'occasion de l'AÏD.
Quelques notes Le Grand Aoudjehane
Professeur de mathématiques pour plusieurs générations d'étudiants. Dans quelle estime est-il tenu aujourd'hui ?
Oui et à l'Ecole des Cadets de Koléa où il allait à pied selon le témoignage de ses propres enfants. C'est lui qui dira dans un amphi à une étudiante qui cherchait à l'énerver : "Trace-moi une droite au tableau" et il ne la laissera pas s'arrêter, s'agissant d'une droite, et lui ouvrira la porte pour qu'elle continue dehors son tracé. Il fermera aussitôt la porte et, se tournant vers les autres, dira en riant : "Je l'ai faite sortir mathématiquement !" Posté il y a 28 mois. ( permalien )
J'ai eu Mr Aoudjehane comme professeur de Mathématiques au Lycée DUVEYRIER en 1961-62. Et je me souviens qu'il dictait ses cours sans aucune note. Il suffisait de lui dire où on en était resté la fois précédente et ça repartait...
Remarquable anecdote que cet épisode de la ligne droite ! Une grande pensée pour Monsieur Aoudjehane qui a effectué son dernier voyage. Nous sommes tous marqués dans notre parcours scolaire par quelques professeurs qui ont illuminé leur enseignement et parfois même suscité des vocations ! D'après les commentaires, je crois que Monsieur Aoudjehane était de cette trempe.
il était même professeur a l'institut d'architecture à l'université de Blida, à l' Ecole Nationale de Polytechnique et celle d'Architecture d' El-Harrach, il venait en train de Blida et ne tolérait aucun retard.
M. AOUDJEHANE est très mal en point en ce 10 mars 2007 et il risque de mourir dans les jours qui viennent. Il est très âgé. Je pense qu'il dépasse les quatre vingt dix années(90), en 1955-56 il devait avoir une quarantaine d'années années.
GRAND HOMAGE AU GRAND MAITRE Décès du mathématicien Aoudjehane
Humble, il l'était
A celui qui a essayé vainement de m'inculquer les mathématiques », telle est la dédicace en 1945 du premier recueil de poésie de Kateb Yacine, Soliloques, manuscrit offert à Mohand Aoudjehane, son professeur à Sétif.
Cet enseignant hors pair, né à Akbou en 1914, agrégé de mathématiques à la Sorbonne et enseignant dans toutes les grandes écoles d'Algérie, vient de s'éteindre à Blida, son lieu de résidence, mardi dernier, à l'âge de 93 ans. Nombre d'anciens étudiants étaient présents à l'enterrement de ce professeur qui n'avait pris sa retraite qu'à l'âge de 88 ans. Il fut directeur de l'Ecole polytechnique d'El Harrach, enseignant à l'Epau, à l'Ecole des beaux-arts où il était très ami avec Issiakhem, à l'université de Soumâa, à l'Ecole des cadets de Koléa où le général Nezzar avait cité son nom et son caractère dans son livre biographi que. Tout le monde reconnaît à M. Aoudjehane la création de l'Université populaire à la Fac centrale dans les années 1970 et où un simple mécanicien était devenu un éminent professeur de neurologie. La fermeture de cette université coïncidait avec la volonté du parti unique de la mettre sous sa coupe. A l'Epau, existe toujours l'allée portant son nom, celle par où il refusait de passer à cause d'une dalle suspendue, œuvre de Nemeyer. L'avenir lui avait donné raison puisqu'un renforcement de la dalle par des piliers a été réalisé, il y a quelques années. Le défunt président Houari Boumediène lui avait proposé la direction de l'Ecole interarmes de Cherchell, mais il n'accepta jamais, préférant garder sa liberté de mouvement. Le jour de l'enterrement, rares étaient les officiels présents et s'avérera condamnable, l'absence de relais de transmission de la nouvelle de son décès. Pourtant, une université de plus de 40 000 étudiants existe à Blida mais sans le cercle des anciens, sans les clubs qui peuvent, dans des circonstances pareilles, en avertir les membres. Triste était ce mardi qui a vu un des meilleurs hommes du pays s'éteindre, après avoir su demeurer humble.
(Écrit dans El Watan du 26 mars 2007)
A prés l'indépendance, en juillet 1962, de notre cher Pays « l'ALGERIE EL HABIBA », l'école ou Lycée repris sa vocation tout en changeant néanmoins de dénomination. En effet L'Ecole Militaire Préparatoire de Koléa est dissoute le 1er janvier 1963... Elle laisse sa place à l'Ecole Nationale des Cadets de la Révolution ! Le grand mérite revient au visionnaire le Feu Président Houari Boumediene qui a ouvert cette école où l'enseignement va jusqu'à la classe terminale. Les élèves étaient ensuite dirigés après leur Baccalauréat vers l'Ecole Interarmes de « Cherchell ». Ils étaient préparés à la vie Militaire, à la discipline et au commandement pendant leur séjour à l'école. Cette école depuis jusqu'à sa fermeture avait fourni à l'A.N.P. beaucoup de cadres supérieurs de très haut niveau. Je disais qu'elle était le fleuron et la fierté du Président à tel point qu'il lui rendait visite chaque semaine. Des annexes ou autres établissements avaient étaient érigés à Guelma et à Tlemcen.
Le président Chadli Bendjedid avait fermé les écoles des cadets de la Révolution
D'anciens dirigeants et cadres de l'Armée nationale populaire ont décidé de fonder une organisation nationale pour les cadres et les diplômés des écoles des cadets de la Révolution, que le président Chadli avait décidé de fermer en 1986, avant que le président Bouteflika ne décide de les rouvrir, à partir de l'année prochaine.
Par ailleurs, ils ont accusé le pouvoir politique algérien, au milieu des années 80, et à leur tête Chadli Bendjedid, d'avoir cédé aux pressions de parties ennemies de la Révolution algérienne, lorsqu'il pris la décision de fermer les écoles des cadets de la Révolution en 1986, alors qu'elle avaient été créées par le président défunt Houari Boumediene en 1963. L'ex-responsable de l'école des cadets de la Révolution à Koléa, Bouchebba Mokhtar, a déclaré lors d'une cérémonie organisée hier à Alger, à l'occasion du 45e anniversaire de la création de la première école des cadets, qu'il est clair qu'il y avait un lobby qui soutenait les thèses françaises en Algérie. Cependant, le général à la retraite et membre du commissariat politique de l'armée, Abdesselam Bouchareb, a nié dans une déclaration à El Khabar qu'il y ait eu une arrière-pensée politique dans la décision prise par Chadli Ben Djedid, concernant la fermeture des écoles des cadets, indiquant que la mission de ces écoles s'est achevée avec l'existence d'établissements scolaires, et la volonté des autorités d'unifier les programmes d'enseignement. A une question sur les raisons de la décision du président Bouteflika de rouvrir ces écoles, l'ex-général a considéré que la décision a été motivée par des raisons sentimentales ainsi que les appels d'un nombre d'ex-dirigeants et cadres de ces écoles. Plusieurs responsables et cadres des écoles des cadets de la Révolution s'étaient réunis, jeudi dernier, à la coopérative des travailleurs du bâtiment à Zéralda, afin de préparer une plateforme pour la création d'une organisation nationale des cadres des écoles des cadets, et présenter une demande d'agrément au ministère de l'Intérieur. Des cadres rencontrés par El Khabar ont nié que cette organisation ait une quelconque dimension politique. (Journal El Khabar).
Un parcours plein d'histoires, de paraboles et de sens qu'avaient étaient les Ecoles Militaires Préparatoires d'Afrique du Nord jusqu'à l'Ecole des Cadets de la Révolution, dénomination chère au Feu Président Houari Boumediene. Bouteflika rouvre les écoles des cadets de la Révolution
El Khabar, 11 février 2008
Le ministère de la Défense nationale a annoncé la réouverture de « l'école des cadets » conformément à la décision du président de la République, en sa qualité de ministre de la Défense, commandant suprême des forces armées. Des sources proches de ce sujet ont indiqué que la décision vise à renforcer les effectifs de l'armée par des éléments qualifiés et loyaux. Un communiqué du ministère de la Défense a précisé hier que la réouverture des écoles s'effectuera « sur le court et le moyen terme », sans fixer de délais, tout en indiquant que le projet comprend l'ouverture d'une école dans chacune des six régions militaires. Le communiqué a révélé que les deux cycles moyen et secondaire sont ceux qui sont concernés par la poursuite d'études dans les établissements des cadets de la Révolution attendus. Le communiqué a indiqué que le démarrage s'effectuera avec une école modèle au début de la prochaine année scolaire, alors que la tutelle de l'école reviendra conjointement aux ministères de la Défense et de l'Education nationale. Il est frappant que le communiqué n'utilise pas l'ancienne appellation : « école des cadets de la Révolution », mais l'expression « écoles des cadets ». Rappelons que la dernière sortie de promotion des écoles des « cadets de la Révolution » a eu lieu en 1986.
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Parmi les élèves, un enfant doué dés son jeune âge, émerge dans la société et peu être considéré comme l'exemple de réussite intellectuelle de cette institution à vocation militaire. C'est pourquoi je me suis intéressé à son parcours et à ces mérites. Je ne dis pas qu'il est le seul parmi tant d'algériens nantis d'intelligence. La moyenne du quotient intellectuel des Algériens dépasse la moyenne de plusieurs pays Méditerranéens. J'ai nommé :
YASMINA KHADRA
"L'écrivain"
Officier supérieur de l'armée algérienne, Mohammed Moulessehoul alias Yasmina Khadra nous livre ici le récit de ses origines.
Biographie
Yasmina Khadra, révèle dans un entretien au Monde des Livres que sous cette identité féminine se cache un homme. Dans L'écrivain, paru en 2001, le mystère est entièrement dissipé. Yasmina Khadra s'appelle de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, qui a déjà publié sous ce nom des nouvelles et des romans en Algérie. Officier dans l'armée algérienne, il a participé à la guerre contre le terrorisme. Il a quitté l'institution en 2000, avec le grade de commandant, pour se consacrer à sa vocation: écrire. Il choisit de le faire en français. Morituri le révèle au grand public. Aujourd'hui écrivain internationalement connu, Yasmina Khadra est traduit en 33 langues.
Les indications suivantes nous ont été fournies par Yasmina Khadra. Nous les transcrivons telles quelles.
10 janvier 1955 : naissance à Kenadsa (Sahara algérien) d'un père infirmier et d'une mère nomade.
1956 : mon père rejoint les rangs de l'ALN. Blessé en 1958. Devient officier de l'ALN en 1959
Septembre 1964 : j'avais neuf ans, mon père me confie à une école militaire (Ecole Nationale des Cadets de la Révolution, pour faire de moi un officier
1973 : je termine mon premier recueil de nouvelles "Houria" qui paraîtra onze ans plus tard
Septembre 1975 : je pars à l'Académie Militaire Interarmes de Cherchell, que je quitte en 1978 avec le grade de sous-lieutenant. Je rejoins les unités de combat sur le front ouest
Septembre 2000 : près trente six ans de vie militaire, je quitte l'Armée pour me consacrer à la littérature (Je pars à la retraite avec le grade de commandant).
En 2001, après un court séjour au Mexique, avec ma femme et mes trois enfants, je viens m'installer en France, à Aix-en-Provence, où je réside encore.
Ces éléments de biographie se retrouvent dans deux des ouvrages de Yasmina Khadra : L'écrivain (où il évoque son séjour à l'Ecole Nationale des Cadets et l'éveil de sa vocation d'écrivain) et L'imposture des mots, davantage consacré à une justification de sa démarche et de son œuvre, après la révélation de la véritable identité de Yasmina Khadra Avis de la Fnac : "L'écrivain"
De Yasmina Khadra, on ne connaissait que le pseudonyme et les livres. De son passé, rien. Il aura fallu attendre la publication de "L'Ecrivain", son dernier roman largement autobiographique, pour comprendre qui il est : "Enfance évincée, adolescence confisquée, jeunesse compromise". Né en 1955 à Kenadsa, le petit Mohammed n'a que neuf ans lorsque son père décide de son avenir. Sans son consentement, il le conduit en silence à travers les routes éprouvantes de Tlemcen et l'abandonne "pour son bien" entre les mains de l'armée. A l'école des cadets d'El Mechouar, Mohammed Moulessehoul n'aura dès lors qu'un seul rêve, qu'une seule passion : devenir écrivain. Moulesshoul devenu Khadra pour des raisons de sécurité - on n'écrit pas sur la tragédie de l'Algérie sans prendre des précautions - fait face à son irrésolution de gamin qui n'assumera que très tard son plus grand désir. L'officier tire aujourd'hui sa révérence et laisse enfin s'épanouir l'écrivain.
Bibliographie
Les romans de Yasmina Khadra sont aujourd'hui traduits dans trente-six pays en trente-trois langues : Albanie, Algérie (en arabe pour le Maghreb), Allemagne, Autriche, Brésil, Bulgarie, Corée, Croatie, Danemark, Estonie, Etats-Unis, Finlande, Grande-Bretagne, Grèce, Espagne (castillan et catalan), Hollande, Inde, Indonésie, Islande, Italie, Israël, Japon, Liban (en arabe pour le Proche et Moyen-Orient), Lituanie, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Russie, Slovénie, Suède, Suisse, Taïwan, Tchéquie, Turquie, Vietnam. Le prix Nobel de littérature 2003, le Sud-Africain J.M Coetzee, considère Yasmina Khadra comme un des écrivains majeurs d'aujourd'hui.
Cliquez sur le titre de chacune des œuvres pour ouvrir la page correspondante.
Ce que le jour doit à la nuit 2008 - Julliard
Les Sirènes de Bagdad 2006 - Julliard
L'attentat 2005 - Julliard
La part du mort 2004 - Julliard
Cousine K. 2003 - Julliard
Les hirondelles de Kaboul 2002 - Julliard (Pocket 2004)
L'imposture des mots 2002 - Julliard (Pocket 2004)
L'écrivain 2001 - Julliard (Pocket 2003)
A quoi rêvent les loups 1999 - Julliard (Pocket 2000)
Les agneaux du Seigneur 1998 - Julliard (Pocket 1999)
Double Blanc 1998 - Baleine Paris L'automne des chimères 1998 - Baleine Paris
Morituri 1997 - Baleine Paris
La Foire des Enfoirés 1993 - Laphomic Alger
Le dingue au bistouri 1990 - Laphomic Alger (Flammarion 1999 J'ai lu 2001)
Le privilège du phénix 1989 - ENAL Alger De l'autre côté de la ville 1988 - L'Harmattan Paris
El Kahira 1986 - ENAL Alger
La fille du pont 1985 - ENAL Alger
Houria 1984 - Editions ENAL Alger
Amen 1984 - à compte d'auteur Paris
Le sens d'une œuvre
Tant d'éléments s'entrecroisent dans l'élaboration d'une œuvre, participant de l'histoire et de ses oppressions, de la culture et de ses liens, attaches ou entraves, de la vie personnelle, avec ce qu'elle trame en l'être d'obscurités et d'évidences, d'influences aussi, sans cesse accueillies et dépassées, que trouver le sens d'une œuvre relève un rien de la gageure. D'autant plus que le lecteur aussi mêle en lui autant de sources quand il conduit sa lecture. Peut-être faut-il accepter, paradoxalement, que l'œuvre, jusqu'au bout, garde son secret. Jean-Louis Chrétien évoque fort bien, quelque part, la richesse du secret, planète noire d'où sourd pourtant l'inépuisable lumière. Nous préserverons ici ce secret, et n'imposerons aucune interprétation, nous contentant de renvoyer sans cesse aux livres et à l'œuvre, à ce qui est écrit. Peut-être ouvrirons-nous ainsi quelques itinéraires de lecture que chacun pourra, à sa guise, poursuivre ou abandonner. Nous serons brefs, voulant être discret.
1. Une vocation d'écrivain. Chez le jeune Mohamed Moulessehoul l'écriture est perçue comme un don du ciel l'obligeant, en échange de la grâce ainsi accordée, à remplir une mission. L'origine de cette grâce, le jeune cadet de l'école d'Officiers de Cherchell, la trouve d'abord dans son ascendance. La mère de Mohamed avait pour fonction, dans sa tribu saharienne, de conter des histoires. L'enfant a le sentiment d'avoir reçu cette fonction en héritage. Elle se réalisera, non dans l'oralité, mais dans l'écriture, en tentant de rejoindre la cohorte des auteurs que lui révèlent ses lectures, et qui furent, avec quelques variantes dans les épisodes de leur vie, marqués du même signe. Leurs oeuvres sont autant de lumières pour guider les premiers pas dans un monde difficile, quelquefois atroce. Car écrire, relève évidemment aussi d'influences, et du besoin de dire le monde. 2. Un jeu d'influences. Dans son œuvre, L'écrivain, ou L'imposture des mots, dans ses interviews, Yasmina Khadra égrène les noms de ceux qui furent ses maîtres. Camus et Kateb Yacine, Nazim Hikmet ou Nietzsche, et d'autres encore, fabuleux, Dostoïevski, Steinbeck, Gorki. Sa carrière de conteur et de romancier commence en écoutant ces voix là. Mais le parrainage de ces illustres devanciers, « cette amitié dans les étoiles » dont parle Nietzsche, ne peut suffire. Elle n'empêche pas les premiers manuscrits refusés, les rebuffades. Et si de tels aînés sont des guides et des phares, des références et des modèles, il faut au romancier trouver sa source d'inspiration, et au milieu d'aussi prestigieuses harmonies, sa propre musique. 3. Une existence et des souvenirs. La part autobiographique de l'œuvre de Yasmina Khadra est manifeste dans les textes que nous venons de citer, et qui ne sont pas des romans. Elle est peut-être repérable dans Cousine K., mais sans que l'on puisse définitivement effacer l'ambiguïté fondamentale qui préside à l'écriture, et que la critique structuraliste avait tenté de mieux cerner, à défaut de la dissoudre, en distinguant -pour aller vite- l'auteur du narrateur et de ses personnages. Après tout, Stendhal dans ses différentes préfaces à Lucien Leuwen, ne disait pas autre chose, en demandant (prudemment) qu'on ne veuille pas le confondre avec son personnage. La mise en garde et la prudence, révélant peut-être l'ambigüité de la relation entre l'auteur et sa créature. Yasmina Khadra n'est pas le commissaire Llob ni probablement aucun autre de ces personnages. Mais ses romans renvoient, incontestablement, par delà l'anecdote, à ce qu'il a vécu, traversé, aimé, ou haï et combattu. 4. L'Histoire du Monde. Dans Les agneaux du Seigneur, A quoi rêvent les Loups, comme dans les romans racontant les enquêtes du commissaire Llob, de Morituri à La part du mort, son dernier livre, Yasmina Khadra évoque son Algérie natale, ses douceurs peut-être, mais aussi le sang qui y coule, la démesure, l'horreur, et la mort donnée au nom de Dieu ou d'obscurs pouvoirs. Et quand l'action se déroule ailleurs, comme dans l'Afghanistan des Hirondelles de Kaboul, c'est la même fureur qui est décrite, et face à l'inadmissible, les mêmes lâchetés, les mêmes compromissions, mais aussi les mêmes refus et le même courage. 5. L'écriture. Toute lecture d'un livre de Khadra le révèle: il y a un style Khadra. D'aucuns ont parlé de lyrisme, de métaphores inattendues et superbes, d'une alliance de dépouillement et de poésie, d'images insoutenables et belles pourtant, jusque dans leur atrocité. A l'évidence, si la révolte de Yasmina Khadra est un cri, elle se veut aussi un chant. Ceux qui l'ont entendu s'en souviendront, ceux qui le découvriront seront probablement étonnés, ébranlés, par la violence et les harmonies -savantes- de sa musique et de ses mots. 6. Polars? Il y a des intrigues, des assassins et des victimes, des enquêtes, et dans certaines œuvres, un commissaire atypique, étonnant, désespéré et génial. Auteur de romans policiers alors, Yasmina Khadra? Sans doute, et de fort belle façon. Il maîtrise les règles, difficiles, du noir, genre dont on sait au moins depuis James-Hadley Chase, Raymond Chandler, Lawrence Block, Jean-Claude Izzo, et quelques autres, qu'il appartient à une littérature particulière, d'abord parce qu'elle n'ennuie jamais des lecteurs très exigeants sur ce chapitre -c'est une de ses règles- et ensuite parce qu'elle offre la visite, en compagnie de personnages souvent peu recommandables, de quelques bas-fonds où l'humanité ne présente pas toujours son meilleur profil, et où les héros -parce que les salauds n'y sont quand même pas tout seuls- peuvent avoir de lamentables faiblesses . Une littérature d'une grande force donc, et dont plus personne ne songe aujourd'hui à contester la valeur et l'importance. Cela étant, et à l'évidence, l'œuvre de Yasmina Khadra ne peut être contenue dans ce seul genre. Elle comporte des livres de souvenirs (L'écrivain), ce que l'on pourrait appeler un pamphlet (L'imposture des mots), des romans dont l'intrigue n'a plus rien à voir avec le genre, ainsi pour Cousine K. où la douce fraîcheur des amours enfantines en prend d'ailleurs un coup, et ces romans, comme Les Agneaux du Seigneur, A quoi rêvent les loups, Les hirondelles de Kaboul, dans lesquels le lecteur verra d'abord une sorte de reportage haletant sur l'innommable, l'inhumain, l'insoutenable, vus de l'intérieur, et sous la conduite d'un guide fort bien documenté sur la question.
A présent, à vous tous, bonne lecture. Et puisque Albert Camus, cher à Yasmina Khadra, a écrit: "Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu'il est et ce qu'il dit. Quand la source est tarie, on voit peu à peu l'œuvre se racornir, se fendiller. " (L'Envers et l'Endroit) demandez-vous, sans vouloir percer le secret de sa présence, quelle est la source, vivante et bruissante, de Yasmina Khadra.
PMF Juin 2004
ENFANTS DE TROUPE D'ALGERIE
Par Louis Picard
Préliminaire. Ce qui suit comporte tout d'abord un bref exposé semi-officiel, sur la création des trois écoles militaires préparatoires qui ont existé en Afrique du Nord et principalement dans l'Algérois de 1942 à 1962. On peut retrouver cette partie sur le site officiel de l'association nationale des Anciens Enfants de Troupe : http://www.aet-association.org/. Cet exposé est suivi d'un court extrait d'un livre de souvenirs réalisé par M. Louis Picard, qui fut élève de la première école créée à Hammam-Righa de 1942 à 1946. Il n'a été diffusé qu'à 55 de ses camarades et déposé au musée national des enfants de troupe à Autun.
Les Ecoles Militaires Préparatoires d'Afrique du Nord
C'est principalement la deuxième guerre mondiale qui a conduit à la création d'une école militaire préparatoire en Afrique du Nord. Elle se devait d'être centrale pour y accueillir les enfants en provenance des trois pays du Maghreb. Ainsi, pour la première qui fut créée, c'est le site d'Hammam-Righa, dans l'Algérois, qui fut choisi. On verra que par la suite, au fur et à mesure que la situation évoluait, si une seule école était bien conservée entre 1942 et 1962, elle passera successivement de :
· Hammam-Righa de 1942 à 1946,
· Miliana de 1946 à 1951, · Koléa de 1951 à 1962
· 1-HAMMAM-RIGHA 1942-46
C'est par une décision ministérielle en date du 13 mai 1942 que la création d'un établissement d'éducation en Afrique du Nord est décidée. Le 22 mai, le chef de Bataillon Faure, de l'état-major de la 3ème brigade d'infanterie de Constantine, est désigné comme commandant de l'établissement. Une autre décision ministérielle datée du 6 juillet 1942 précise que l'établissement d'éducation d'Afrique du Nord existera officiellement à la date du 1er juillet pour ouvrir effectivement le 1er octobre 1942 à Hammam-Righa sous le nom : « d'Ecole Militaire Préparatoire d'Afrique du Nord » La cérémonie d'ouverture, présidée par le général Mast, commandant la division d'Alger, a lieu le 19 octobre 1942. Le 8 mai 1943, a lieu l'inauguration officielle de l'école militaire et la cérémonie de la remise du drapeau au LCL Faure par le général Prioux, major général, qui s'adressera aux enfants en ces termes : « Élèves de l'école militaire préparatoire d'Afrique du Nord, pour la première fois vous allez rendre les honneurs à votre drapeau. Regardez-le bien. Méditez les belles devises qui y sont inscrites et qu'elles soient, pour toujours, votre ligne de conduite. » Le 21 février 1945 apporte la nouvelle de la dissolution de la section Prytanée de l'EMP d'Hammam-Righa, puis le 27 février de la suppression des classes de seconde et de première. Ces deux mesures prendront effet à la fin de l'année scolaire soit le 1er juillet 1946.
· 2-MILIANA 1946-51
MILIANA
Cette nouvelle école militaire préparatoire, ouverte à Miliana, constituera à l'origine une filiale de l'EMP d'Hammam-Righa. Elle ouvrira ces portes le 4 janvier 1946, et était alors constituée de deux classes dont le niveau scolaire se situait entre le cours moyen 2e année et les classes du cours supérieurs, c'est-à-dire une ou deux années après le certificat d'études (DEPP). L'annexe de Miliana est placée sous les ordres du CNE Genestier, le colonel Faure commandant l'ensemble EMP d'Hammam-Righa - EMPNA de Miliana. L'inauguration solennelle est faite le 4 avril 1946 par le ministre plénipotentiaire gouverneur général de l'Algérie Y. Chastaigneau. Le 22 mars 1946 le ministre des armées décide que l'EMP d'Hammam-Righa cessera de fonctionner à la fin de l'année scolaire en cours, et que les élèves seront répartis dans les écoles de la métropole. A Miliana, la rentrée de 1946 se fera sous le commandement du chef de bataillon Marchai. La devise de l'école est définitivement adoptée : « Un seul cœur, un seul drapeau » En 1950, le centre de perfectionnement d'infanterie de Cherchell, est rattaché à l'école. En fin d'année scolaire, 220 élèves effectuent du 25 juin au 29 juillet un voyage qui les conduit à Mulhouse, Verdun, Strasbourg, Paris où, le 14 juillet, ils défilent en tête des troupes sur les Champs Elysées, puis ils visitent Versailles, Lyon, Saint-Etienne, Marseille. Devant l'augmentation des effectifs et en raison de la nécessité de trouver une situation géographique mieux adaptée et plus centrale en AFN, et surtout moins isolée que Miliana, le ministre de la défense nationale, par décision ministérielle en date du 22 mai 1951, fait transférer l'école à Koléa.
· 3-KOLÉA 1951-62
KOLEA
La rentrée 1951-1952 s'effectue en septembre dans l'ancienne caserne des zouaves de Lamoricière sur le Sahel. Tout au long de l'année s'imposera une adaptation matérielle dans des locaux vétustes et délabrés, compensés par l'avantage précieux de la proximité d'Alger et l'utilisation d'un domaine militaire étendu comprenant en particulier une magnifique pinède. Le 12 avril 1955, le drapeau de l'école reçoit la croix de guerre des T.O.E. des mains du général d'armée Koenig. La décision ministérielle du 4 juin 1955 détermine en effet le nouveau but à atteindre et fixe les étapes à prévoir pour une évolution complète de l'établissement. Cette transformation est concrétisée par une nouvelle décision ministérielle qui stipule qu'à compter du 14 avril 1959 l'école prend officiellement l'appellation « d'Ecole Militaire Préparatoire de Koléa » Devant le nombre toujours grandissant d'élèves susceptibles de poursuivre jusqu'au bout leurs études secondaires le ministre des armées crée à compter du 20 avril 1960 le second cycle d'études en vue de conduire les élèves des classes d'enseignement moderne jusqu'au baccalauréat première partie. L'école de Koléa fut une magnifique réalisation, une des plus belles de toutes les EMP ; elle cessa d'exister à la fin de l'année scolaire 1962.
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Extrait du recueil intitulé "Ecole Militaire Préparatoire d'Hammam-Righa (AFN)"
Réalisé par Louis Picard, ancien élève de cette école de 1942 à 1946. Préambule. Il y a peu de choses sur l'école militaire préparatoire d'Hammam-Righa. Située en Afrique du Nord, elle n'a existé que pendant quatre années, de 1942 à 1946, pas même la durée d'une "législature" d'enfant de troupe, ceci expliquant sans doute cela. C'est seulement dans le courant de l'année 1999 que les quelques mots qui suivent ont été écrits. Ils n'ont certes pas la prétention de combler une lacune. Ils faisaient simplement suite à la demande d'une étudiante, qui souhaitait obtenir des renseignements sur les écoles militaires préparatoires pour permettre l'élaboration d'une thèse. Je lui avais alors conseillé la lecture de quelques relations de souvenirs émanant de camarades et qui avaient fait l'objet de parutions dans le "Journal des AET ". Remarquables écrits qui ont beaucoup marqué ceux d'entre nous ayant vécu ces périodes et qui portent toujours admiration à leurs auteurs. L'étudiante a suivi cet avis, mais à vrai dire ce n'était pas ce qu'elle recherchait. Elle espérait des textes faisant ressortir l'aspect technique, administratif, plutôt que ceux où le côté émotionnel, affectif, prévaudrait, les résultats et les conséquences plutôt que les anecdotes, enfin répondre à une série de questions spécifiques au sujet traité d'où des titres de paragraphes qui pourraient paraître étranges à ceux qui ont vécu cette période. Il fallait donc s'y mettre et c'est l'objet de la majeure partie des lignes qui suivent et qui lui ont été adressées en septembre 1999. La création. L'école a été créée en septembre 1942. Elle était destinée à accueillir les enfants de troupe dont les parents résidaient alors en Afrique du Nord. On peut se poser la question de savoir pourquoi, alors que depuis leur création en 1886, les écoles de la métropole avaient toujours reçu les élèves en provenance des colonies. Personnellement, lorsque mon désir d'entrer aux enfants de troupe fut connu de façon ferme, au tout début de l'année 1942, mon père qui dépendait de l'Etat-major militaire à Rabat, a été informé, confidentiellement, qu'il risquait d'être privé de ma présence pendant un laps de temps qui pouvait être fort long si j'intégrais une des écoles situées en métropole. Puis, c'est dans le milieu de l'année qu'on a su qu'une école serait implantée en Algérie et que j'ai eu alors le "feu vert".
Organisation générale.
Il semblerait difficile de déterminer avec certitude ce qui a prévalu au choix du site d'Hammam-Righa, petite commune de l'Algérois, éloignée de tout et dépourvue de toutes commodités pour une telle entreprise. Seules les archives militaires de l'époque pourraient apporter quelques éclaircissements. Il faut cependant se souvenir que nous sommes en période d'armistice et sur un territoire français soumis aux contrôles de commissions allemandes. Créer à sa barbe une école militaire ne paraissait pas très réaliste. Aussi, l'a-t-on qualifiée tout simplement d'établissement d'éducation à l'instar des écoles de la métropole. Et si sa destination première était bien de recevoir des "enfants de troupe", il se devait d'être aussi ouvert à d'autres enfants et dans le cas présent, à ceux de la population d'Hammam-Righa qui pouvaient accéder aux classes de l'enseignement secondaire. C'est ainsi que huit d'entre eux y sont entrés dès 1942 à titre d'externes. L'école n'était donc pas implantée dans la traditionnelle caserne connue de tous. L'infrastructure principale se composait alors de l'imposant corps d'un hôtel thermal , sans doute réquisitionné pour la circonstance et situé à une centaine de kilomètres au sud-ouest d'Alger, en pleine nature, au milieu d'un très beau parc. Nul doute que cet hôtel avait vu le séjour d'hôtes bien plus prestigieux. On peut citer, parmi les plus illustres, Camille Saint-Saëns qui vînt y composer quelques-uns de ses chefs d'œuvre, Guy de Maupassant, André Gide et bien d'autres. Il n'y avait pas de murs ! Cet état de fait a dû être très apprécié des quelque quatre-vingts élèves qui provenaient des écoles métropolitaines. Au fur et à mesure des besoins, des annexes ont été construites pour servir d'infirmerie, de dortoirs et de classes. On y construisit aussi un foyer-théâtre doté d'une scène destinée aux spectacles (cinéma entre autre). En fin septembre 1942, l'effectif intégrant l'école est, à quelques unités près, de 184 élèves répartis en six classes:
· 1 classe de 3ème B,
· 2 classes de 4ème B,
· 2 classes de 5ème B,
· 1 classe de 6ème B.
Il m'est difficile de donner la répartition exacte par classe ; inégale, elle devait se situer aux environs d'une trentaine d'élèves. Pour la mienne, celle de 6eB, j'ai pu en recenser un total de 28. De septembre 1942 à juillet 1946, il y eut donc quatre rentrées scolaires. On a pu reconstituer, toujours avec les réserves d'usage, le nombre d'élèves nouveaux intégrant l'école. Une donnée manque, celle concernant les élèves qui ne revenaient pas. Mais on peut dire que dans tous les cas, c'était très négligeable, voire cinq à six par an. Par contre, la dissolution de l'école semblant être programmée pour 1946, la rentrée de 1945 n'a ouvert que sur un total de sept classes, soit environ 200 élèves. Ainsi, on peut évaluer les départs à près de 150 élèves qui, du fait de la limite d'âge, ont rejoint les pelotons d'élèves sous-officiers et donc l'armée d'active ou simplement parce que, la France étant libérée, leurs parents regagnaient la métropole. Ceux-là rejoignaient alors les EMP situées en France. On peut donc chiffrer les entrées par année à :
· 1942 = 184)
· 1943 = 88) soit un total de
· 1944 = 85) 401 élèves.
· 1945 = 43)
Origines des élèves.
Les élèves étaient pratiquement tous d'origine européenne bien que l'école soit ouverte aux deux communautés, les conditions d'accès n'étant nullement d'ordre ethnique. Cependant, je n'ai le souvenir que de cinq, peut-être six camarades d'origine musulmane. C'étaient déjà de fortes personnalités. J'ai beaucoup fréquenté à cette époque, deux d'entre eux qui étaient d'ailleurs frères. Leur père était commandant dans l'armée française. Eux-mêmes ont très bien réussi car l'aîné qui était dans ma classe a terminé commandant et le plus jeune colonel dans l'armée de l'air. Un autre eut un destin plus tragique . Il n'y avait aucune différence entre nous et rien n'est venu entacher notre camaraderie ni avant ni après les événements que l'on sait. Nous sommes restés avant tout des anciens copains d'Hammam. Les autres devaient être aussi des fils d'officiers ou de sous-officiers et ont dû intégrer après 1944 et qu'ainsi j'ai peu connus. Quoiqu'il en soit, il n'y a jamais eu de discrimination ni de séparation d'aucune sorte et je suis sûr que le terme même choquerait n'importe lequel d'entre nous.
Gestion militaire.
L'administration de l'école était organisée sur le modèle de toute formation militaire classique : un petit état-major comprenant les services comptables, matériel, intendance, santé, les compagnies divisées en sections (classes) pour ce qui concerne la partie essentiellement militaire avec pour encadrement des officiers, des sous-officiers et des hommes de troupe (secrétaires, chauffeurs, cuisiniers). N'étant pas encore tout à fait militaire, nous avions droit à un "prêt" et non à une "solde". Je ne puis en dire le montant exact mais il devait représenter environ le tiers de la solde d'un appelé du contingent. En 1948, je me souviens qu'il était de 4 francs de l'époque, par jour, sans le tabac ni les timbres FM. C'était très peu (le SMIG d'alors devant se situer à un peu plus de 10.000 francs.).
Le Drapeau.
Toutes les écoles militaires de la Métropole étaient dotées d'un drapeau et d'une garde d'honneur. En ce qui concerne Hammam-Righa, il fallait bien entendu, attendre le passage de la condition d'établissement d'éducation à celui d'école militaire préparatoire pour en être doté. Et c'est finalement le 8 mai 1943, que le Drapeau fut remis solennellement à l'EMP et à sa garde (sans arme). Par la suite, le premier dimanche de mai, date anniversaire de la remise, devenait "Jour de fête" de l'école. Cette manifestation, très prisée et attendue dans la région, se déroulait jusqu'au lundi soir.
Scolarité.
La partie instruction publique était dirigée par un Professeur Principal qui avait son secrétariat et qui disposait du nombre de professeurs indispensables aux différentes matières enseignées, schéma tout à fait classique. L'école d'Hammam-Righa, préparait aux diplômes du brevet élémentaire et du brevet d'étude primaire supérieure (BE et BEPS) ainsi qu'aux baccalauréats classiques de l'époque : bac Math et bac Philo. Il m'est difficile de comparer les résultats obtenus, avec ceux de la moyenne "nationale" de l'époque ; ils semblent toutefois avoir été très corrects. Etablir avec précision l'emploi du temps d'une semaine n'est pas très aisé. Pour les études scolaires, il était assez comparable à celui de toutes les écoles d'alors. Il ne différait d'un internat classique que par quelques activités de loisirs et /ou d'occupations paramilitaires. Les études scolaires faisaient l'objet d'évaluations trimestrielles, "les compositions", qui permettaient l'établissement du bulletin scolaire trimestriel. Le contrôle continu n'avait pas cours. Ces bulletins scolaires étaient adressés directement à nos parents avant notre départ en vacances. Ces vacances avaient la durée de celles définies par l'académie. Par contre, il n'y avait que deux ou trois jours à Toussaint quand cette fête avait l'opportunité de tomber un vendredi ou un lundi et rien pour Mardi Gras ni Pentecôte. En revanche les grandes vacances s'étalaient largement sur deux mois et demi.
Activités autres que scolaires. Le jeudi matin est principalement consacré aux revues de chambres, de literie et de paquetage ainsi qu'à des séances d'instruction militaire sans grande importance. Je me souviens très bien de quelques rares séances de tir au fusil de guerre. C'était aussi le moment privilégié des exercices d'ordre serré, des préparations aux défilés qui occupaient beaucoup de notre temps. C'était interminable et durait jusqu'à la perfection. Une bonne quarantaine d'élèves faisait partie de la musique militaire, clique et fanfare, très renommée et qui avait beaucoup d'activités car très sollicitée, participant à de nombreuses manifestations. Leur entraînement était perpétuel en particulier les jeudis et samedis après midi. Il y avait aussi les activités sportives de groupes, d'équipes ou individuelles qui prenaient place ces jours là : basket et football principalement. L'athlétisme avait une certaine ferveur et beaucoup y participaient avec d'excellents résultats. Enfin, il y avait quelques activités plus ludiques et je me souviens en particulier du modélisme pour avoir personnellement remporté en 1944, la coupe d'Afrique du Nord toutes catégories. La plupart des jeudis et samedis, pour le gros de la "troupe", il y avait la sempiternelle "promenade", une bonne quinzaine de kilomètres dans le "djebel" voisin, principalement sur deux parcours intitulés "la Grande Raquette" et "la Petite Raquette" car ils avaient manifestement la topographie des contours d'une raquette de tennis. C'est un souvenir qui nous a tous beaucoup marqué mais je dois le dire, souvent en bien. Le dimanche était enfin un jour moins trépidant et nous disposions d'un peu plus de "liberté". Le matin, nous nous rendions à la messe dans une petite chapelle située derrière le corps principal de l'hôtel, au bout d'une esplanade où se déroulaient les prises d'armes. L'après-midi, il y avait, la plupart du temps, l'habituelle "promenade". Les grands jours, c'était la séance de cinéma.
Le logement.
En 1942, n'étant environ que 176 "internes", nous logions tous dans le corps principal de l'hôtel. Pour la plupart nous étions en chambre de trois en particulier la classe de 6e B et celles de 5e. Il devait y avoir quelques chambrées plus nombreuses mais en tous cas ne dépassant pas six élèves. Par contre, la toilette du matin se faisait dans une pièce où il y avait plusieurs lavabos, car ceux pourtant présents dans les chambres n'étaient pas alimentés... A signaler que les cadres, les professeurs et leurs familles logeaient aussi dans une partie de l'hôtel mais dont les accès condamnés nous étaient en principe interdits. Dans le sous-sol de l'hôtel, il y avait un certain nombre d'aménagements de toutes sortes tels que magasins et autres réduits. On y trouvait aussi le "salon de coiffure" ainsi que les ateliers de travaux manuels qui portaient sur le travail du bois et du fer. Ils comportaient quelques machines outils que les plus grands - ou les plus adroits - pouvaient utiliser. Mais il y avait aussi une piscine d'eau ferrugineuse dont la température devait avoisiner les 45 degrés. Un véritable bain turc où l'on nous amenait assez régulièrement pour être certain d'un excellent décrassage !
Le "trousseau".
Nous n'avions pas d'armoire et à quoi bon puisque nous possédions fort peu. Les quelques affaires personnelles que nous pouvions avoir (à l'exclusion de tout vêtement civil), étaient stockées dans une valise, elle-même enfermée dans un local situé au voisinage de nos chambres. Elle n'était accessible qu'à certains moments ou exceptionnellement sur demande. Ce "trousseau" - nous l'appelons "paquetage" - se résumait à un change de linge de corps, une chemise, un chandail, une cravate, une ceinture de flanelle (2 mètres de long sur 40 cm de large), une tenue de drap dite tenue n° 2, le tout soigneusement plié au "carré", empilé dans un ordre bien déterminé et entouré par la ceinture de flanelle, était disposé sur une étagère située au-dessus de chaque lit. La paire de chaussures de rechange (montante et cloutée) et les espadrilles de sport étaient au pied du lit. Nous avions aussi, et en particulier pour l'été, un bourgeron fait de grosse toile écrue, jamais repassé et qui n'était guère seyant. La tenue de sortie dite tenue numéro un, faite dans un drap bleu marine relativement épais, en principe neuve, était conservée au magasin du fourrier. Elle n'était perçue que la veille des grandes cérémonies ou des défilés. Les boutons de la vareuse étaient dorés, toujours soigneusement astiqués au travers d'une patience ; les deux côtés du col étaient ornés chacun d'une grenade stylisée de couleur rouge. Cette vareuse pouvait porter des galons dans la mesure où son détenteur les avait mérités par ses résultats scolaires. Le pantalon faisait alors l'objet de soins très particuliers car c'était à qui aurait le pli le mieux fait. Pour cela, il passait la nuit entre la protection du châlit en fer et le matelas, les emplacements des plis très consciencieusement humectés. Tout ce linge était estampillé du numéro matricule qui nous avait été attribué individuellement lors de notre entrée à l'école. Enfin, il y avait la fameuse "galette", une espèce de grand béret alpin qui semblait démesuré sur la tête des tout petits mais quelques fois ridiculement minuscule sur celles des grands. Nous la triturions dans tous les sens ou avec toutes sortes de produits pour tenter vainement d'en diminuer la taille. Elle aussi était ornée de la grenade rouge à cette époque. C'était un symbole et nous lui avons même consacré un hymne que nous chantons encore de temps à autre. Un camarade m'a rapporté, et j'en ai eu la preuve photographique, qu'il y avait eu une tenue d'été, ce qui paraît logique sous ce climat : chemisette et pantalon de toile ou short. Ce souvenir m'a complètement échappé.
Les annexes.
C'est en 1943 puis en 1944 que les annexes ont été construites. Elles étaient alors occupées par les dortoirs des 4èmes et au-dessus. Ces dortoirs, bâtiments préfabriqués, comprenaient une trentaine de lits répartis par deux dans des box disposés le long des deux grands côtés. Deux ou trois grandes tables et des bancs occupaient la rangée centrale. Ils comportaient des douches, des lavabos – paradoxalement, l'eau chaude y était toujours inconnue - et des commodités. Il me semble qu'un réfectoire "annexe" a été construit dans ce style mais mes souvenirs à ce sujet sont très confus. Par contre je me souviens fort bien de l'imposante et immense salle à manger de l'hôtel où nous prenions nos repas entre 1942 et 1944. Il y avait aussi une excellente infirmerie où on soignait les affections et blessures de faible importance. Bien sûr, le médecin était un officier du service de santé. Quatre se sont succédé. Ils étaient secondés par une infirmière. Mais celui dont chacun d'entre nous se souviendra à jamais, était l'infirmier d'origine musulmane, un véritable père de famille, d'une gentillesse et d'une compétence rarement égalées. Enfin, il y eut le foyer. Un bâtiment construit vers le début de 1944 où il y avait des jeux et entre autres une ou deux tables de ping-pong, des tables et chaises et surtout un point de vente de friandises et casse-croûtes qui aidaient considérablement à l'apport de calories. Je crois qu'en effet le point faible de cette école était, de l'avis de tous, l'exécrable nourriture qu'on nous servait. Ne pas oublier que c'était la guerre, que l'Algérie, paradoxalement, souffrait aussi de restrictions. Certains d'entre nous, dans l'âge de la forte croissance, étaient de perpétuels affamés. Le foyer et plus encore les colis que nous partagions équitablement, contribuaient fort heureusement à l'amélioration de notre ordinaire. Nous y avions accès après le repas de midi et lors de la récréation de 16 h 30 avant de regagner l'étude. Enfin, le foyer était aussi une salle de cinéma qui a servi le dimanche après midi et qui comportait une scène où un remarquable professeur, agrégé de grammaire française, monta plusieurs pièces.
La vie.
Je ne puis en assurer la fréquence, mais nous étions tenus d'écrire à nos parents. Les lettres étaient remises ouvertes au chef de section. C'est l'école qui se chargeait des envois et de l'affranchissement. Toutes les lettres que nous recevions étaient aussi contrôlées. Nous n'étions pas censés avoir de l'argent ou alors très peu. Nos parents devaient remettre au bureau du commandant de compagnie une certaine somme d'argent dont la principale destination était l'achat du billet de train pour les départs en vacances. Cependant de petites sommes pouvaient nous être remises mais leur montant était à la discrétion du commandant de compagnie. C'était peu et n'autorisait l'achat que de quelques maigres gâteries vendues au foyer. Je n'ai pas souvenance d'albums de promotion et c'est regrettable. A l'époque on ne fonctionnait pas ainsi. La "promo" c'était surtout la classe et donc 25 à 30 copains. Par contre on pouvait se suivre pendant cinq à six années en faisant partie des mêmes classes. On admirait les grands dont certains étaient connus pour une cause quelconque mais quand on était soi-même devenu "grand" on regardait assez peu les petits. En aparté, et à ma connaissance, il n'y a jamais eu de bizutage (tout au plus quelques très amicales bagarres de polochons) et je n'ai jamais, alors, entendu ce terme. En dehors de la classe, les autres bons amis étaient ceux avec lesquels on pratiquait, ensemble, les mêmes activités : la musique militaire, l'équipe de sport, les loisirs dirigés, le lieu de destination commun pour les vacances, etc.
Les récompenses.
· Côté scolaire : le classique palmarès d'antan décrit assez bien les récompenses finales. Les prix et les accessits étaient décernés en fonction d'une certaine moyenne. En général, il y avait deux prix et trois accessits par matière et par classe. De même, pouvait-on attribuer un Prix d'excellence" au meilleur élève de la classe et plusieurs "Grand Prix d'honneur" aux trois ou quatre meilleurs élèves de l'école .
· Côté "militaire" : toujours en fonction de la moyenne obtenue, les résultats scolaires étaient récompensés par l'attribution de galons cousus sur la vareuse des bénéficiaires. Ainsi, dans le meilleur des cas, le premier se voyait remettre les 3 galons d'or de "sergent chef", le second les 2 galons dorés de "sergent fourrier", les trois suivants le galon doré de "sergent", puis du 6ème au 10 ou 12ème (toujours si la moyenne était atteinte) les 2 galons rouges de "caporal". En général, c'était toujours très apprécié. Mais ceci n'était valable que pour un trimestre. A nous d'améliorer ou de maintenir les résultats acquis au trimestre précédent. Dans le cas contraire, c'était la "dégradation".
Les punitions.
· Côté scolaire : les heures de colle classique se traduisant par la suppression de sorties (quand il y en avait). Cela pouvait aussi aller jusqu'à des jours de suppression de vacances et donc des départs retardés d'un ou deux jours.
· Côté "militaire" : la corvée individuelle ; la coupe de cheveux à ras ; la privation de séance de cinéma ou de sortie; la punition collective (revues contraignantes le soir, marches aux pas cadencés) ; les départs en permission retardés.
La dissolution de l'école.
Elle est intervenue en juillet 1946. Les élèves continuant leur scolarité ont été répartis dans les différentes écoles de la métropole : Autun, Les Andelys, Billom, Tulle, Montélimar, (La Flèche pour les « brutions »). Il est possible qu'on ait tenu compte de l'implantation géographique des parents car nous nous sommes retrouvés un nombre assez important à l'école de Montélimar en octobre 1946, école qui a été transférée sur Aix-en-Provence à compter du 1er janvier 1947. Ce fut mon cas.
La fin
Après le départ de « l'occupant militaire » , l'ancien propriétaire et la société des thermes ont tenté de remettre la station et principalement le corps principal de l'hôtel en état. Il y avait paraît-il fort à faire ! Cependant d'importants travaux de restauration furent entrepris. Mais il semble que ce fût peine perdue. Le tremblement de terre d'Affreville vers la fin des années soixante-dix, occasionna de graves dommages sur le corps principal de l'hôtel et le bâtiment a dû être rasé. Son emplacement devint, bien plus tard, un parking ! Ajouté aux événements qui avaient secoué l'Algérie, la belle et renommée station thermale d'Hammam-Righa avait vécu.
Extrait relevé sur « Les Merveilles de l'autre France » édition Hachette de 1924. A quelque distance au Nord-ouest du Zaccar oriental, se trouve, dans des boisements de pins, une station d'altitude moyenne, Hammam-Righa, qui appelle chaque année une nombreuse clientèle européenne et indigène. Le privilège est dû à des eaux analogues à celles de Contrexéville, qui jaillissent en plusieurs endroits, à des températures variant de 39 à 67 degrés. Les autochtones leur attribuent, comme à toutes les sources thermales, une origine miraculeuse. « Hammam Sidna Slimane » les dénomme-t-on, c'est-à-dire « bains de notre seigneur Salomon ». Ce dernier entretiendrait, dans les montagnes, des troupeaux de chameaux constamment occupés au transfert du charbon de bois nécessaire à l'entretien du feu souterrain auquel est attribué la haute température des eaux. Bain salutaire où l'on vient de très loin. Avant de s'y plonger, on invoque le saint. Des purifications et des processions ont lieu, des plantes aromatiques sont brûlées, des prières sont dites, des sacrifices offerts. Sans ces pratiques préliminaires, la cure serait inefficace.
Les Ecoles Militaires Préparatoires d'Afrique du Nord
Hammam-Righa
Il y a peu de choses sur l'école militaire préparatoire d'Hammam-Righa. Située en Afrique du Nord, elle n'a existé que pendant quatre années, de 1942 à 1946, pas même la durée d'une "législature" d'enfant de troupe, ceci expliquant sans doute cela. L'école a été créée en septembre 1942. Elle était destinée à accueillir les enfants de troupe dont les parents résidaient alors en Afrique du Nord. On est en pleine deuxième guerre mondiale et il semble que déjà l'occupation totale de la France soit envisagée.
Il est difficile de déterminer avec certitude ce qui a prévalu au choix du site d'Hammam-Righa, petite commune de l'Algérois, éloignée de tout et dépourvue de toutes commodités. L'école n'était donc pas implantée dans la traditionnelle caserne connue de tous. L'infrastructure principale se composait alors de l'imposant corps d'un hôtel thermal, réquisitionné pour la circonstance et situé à une centaine de kilomètres au sud-ouest d'Alger, en pleine nature, au milieu d'un très beau parc. Il n'y avait pas de murs ! Cet état de fait a dû être très apprécié des quelque quatre-vingts élèves qui provenaient des écoles métropolitaines. En fin septembre 1942, l'effectif intégrant l'école est, à quelques unités près, de 185 élèves répartis en six classes allant de la 6e à la 3e. Par contre dès 1943, il est créé une classe de seconde et en 1944, une classe de première. Ces deux classes sont supprimées à la rentrée de 1945, les élèves intégrant alors Autun. De septembre 1942 à juillet 1946, il y eut donc quatre rentrées scolaires. On a pu reconstituer, toujours avec les réserves d'usage, le nombre d'élèves nouveaux intégrant l'école et on peut estimer que 400 élèves sont passés par cette école.
Origines des élèves
Les élèves étaient pratiquement tous d'origine européenne bien que l'école soit ouverte aux deux communautés, les conditions d'accès n'étant nullement d'ordre ethnique. Cependant, l'école n'a compté que 5, peut-être 6 camarades d'origine musulmane. Il n'y avait aucune différence entre eux et rien n'est venu entacher leur camaraderie ni avant ni après les événements que l'on sait. Si L'EMP a pour destination première de recevoir des "enfants de troupe", elle se devait aussi d'être ouverte à d'autres enfants et dans le cas présent, à ceux des cadres et de la population d'Hammam-Righa. C'est ainsi que huit d'entre eux y sont entrés dès 1942 au titre d'externes.
La vie à l'école.
L'administration de l'école était organisée sur le modèle de toute formation militaire classique et déjà connue de tous. Les deux compagnies sont divisées en sections (classes) pour ce qui concerne la partie essentiellement militaire avec pour encadrement des officiers, des sous-officiers et des hommes de troupe. N'étant pas encore tout à fait militaire, les élèves avaient droit à un "prêt" et non à une "solde". C'était fort peu. La partie instruction publique était dirigée par un professeur principal qui disposait du nombre de professeurs indispensables aux différentes matières enseignées, schéma tout à fait classique.
Il faut rappeler que notre ministre délégué aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mékachéra, a été élève dans cette école de 1945 à 1948.
En partant de sa propre histoire familiale, Asaf Hanuka tente de faire face à celle de son pays, et déconstruit le discours nationaliste israélien jusqu’à refonder une mythologie. Les souvenirs lointains, images, paroles ou non-dits enfouis dans les tréfonds de la mémoire créent avec cette bande dessinée de merveilleuses pages, parfois intrigantes.
Tout commence avec la couverture. Le titre, Le Juif arabe, utilise une expression devenue presque un oxymore dans l’Israël d’aujourd’hui. « Cela renvoie à un moment de l’histoire où les juifs provenant d’une culture arabe ont dû faire un choix, à cause de la construction de l’identité nationale. Cette complexité ne pouvait plus exister. Et dans la façon dont on raconte notre récit national, on a tendance à effacer l’identité des juifs arabes » dit l’auteur, Asaf Hanuka.
Et si le titre suggère un personnage, l’image en montre deux : un homme et un petit garçon. L’aîné est en tunique et en fez, narguilé à main gauche — l’Arabe ? Sur l’une de ses jambes, le plus jeune, sage, les mains sur les genoux, casquette à l’européenne sur la tête — le juif ? Ou l’inverse ? Ou un peu des deux — ou alternativement ? Le livre entier repose sur ces renversements, entremêlements, ces nœuds gordiens que les nationalismes et les frontières ont démêlés à coup de hache.
DE LA PALESTINE DE 1929 AU TEL-AVIV DE 2001
Au commencement, tout semble simple. La planche gauche est en noir et blanc, la droite en couleur, chaque côté rapportant le récit familial à deux générations d’écart. Le noir et blanc ne représente pas le passé le plus lointain, mais au contraire un quotidien très proche, celui de l’auteur qui rentre au pays en 2001 après avoir étudié à Paris. Asaf Hanuka ne se sent à sa place ni en Europe ni en Israël, et se demande bien ce qu’il va pouvoir faire de sa vie. Et c’est bel et bien un passé plus lointain qui est reconstitué en couleurs riches : la Palestine de 1929.
Au-delà du récit familial et du questionnement identitaire, le livre raconte l’histoire d’une filiation. Qui est le fils ? Qui est le père ? Qui est l’enfant naturel, qui est l’adopté ? Les uns et les autres alternent les rôles. Le père d’Asaf est d’abord bavard. Il perd ensuite l’usage de la parole, et c’est le fils qui se trouve contraint à trouver les mots et partir à Tibériade, là d’où vient sa famille. En parallèle se déroule l’histoire d’un autre père et d’un autre fils, ceux en couverture de la bande dessinée, comme si celle-ci constituait la première case de l’ouvrage.
Abraham Yeshoua est un commerçant juif de Tibériade. Il a recueilli le second, un orphelin arabe, qui se donne le nom de Ben Tsion — fils de Sion — et veut rejoindre la Haganah. Alors qu’il faisaient la route de nuit, ils tombent dans une embuscade. Le père adoptif sauve la vie de son fils. Et quelques pages plus tard, c’est le fils qui sauve la vie du père. Pourtant, un parent d’Asaf lui explique que lors de la grande révolte arabe de 1936, le fils adopté tua le père adoptif…
Et la bande dessinée retrouve les rails de son double récit. Cette virtuosité narrative est le fruit d’un long travail sur le récit de soi, avec la bande dessinée Le Réaliste, sortie dans les années 2010.
C’était un journal autobiographique, où j’ai publié une page, une fois par semaine, pendant dix ans. Un laboratoire d’où j’ai tiré nombre de conclusions, comme celle qui m’a fait réaliser que j’étais moins intéressé par l’esthétique du dessin que de développer une approche personnelle de la narration. Pour Le Réaliste, le thème du questionnement de l’identité revenait beaucoup, et j’ai décidé d’aller plus en profondeur avec ce livre. J’espère avoir trouvé une réponse, même si je n’en suis pas si sûr.
1929 comme 2001 ne sont pas des années anodines. Elles correspondent toutes deux à des soulèvements palestiniens, l’un à l’époque du mandat britannique, l’autre contre l’occupation israélienne — la seconde intifada. Les deux dates sont aussi celles d’une arrivée. Asaf Hanuka débarque à Tel-Aviv en 2001, tandis que son grand-père Saül s’est installé à Tibériade en 1922, après un voyage à dos d’âne en provenance du Kurdistan irakien. Sa famille a participé à la révolte que le clan des Barzani mène depuis le XIXe siècle, d’abord contre l’empire ottoman, puis contre les Britanniques, dans cette région montagneuse, refuge de nombreuses communautés, sectes soufies, chrétiens orientaux… et juifs.
LA POSSIBILITÉ D’UNE RÉCONCILIATION
Le récit prend alors une nouvelle dimension. Asaf Hanuka veut d’abord écrire une charge contre le sionisme, mais se trouve contredit par son père, et revient à son questionnement identitaire. Le récit du passé prend une allure d’épopée, racontant l’histoire de Saül, jeune homme aux yeux bleus qui se marie avec la fille d’Abraham, Léah, après une cérémonie durant laquelle l’époux danse avec une bougie sur la tête sans la faire tomber. Le couple ne parvient pas à avoir d’enfants. Au bout de quelques années, les rabbins lui expliquent qu’il peut prendre une seconde femme, mais le jeune homme s’obstine. Et après maintes péripéties, Léah tombe enceinte.
La légende en couleurs se poursuit, et l’auteur enquête sur Ben-Tsion, l’enfant arabe adopté par Abraham, qui se nomme en réalité Saïd. La grande révolte palestinienne de 1936 commence. Saïd/Ben-Tsion est tiraillé entre ses deux familles. Est-il celui qui a tué son père adoptif ? L’auteur, dans une conclusion haletante où se produisent, une fois de plus, des retournements mêlant passé et présent, choisit une réponse. « Plutôt qu’une autobiographie, il s’agit d’une autofiction. Notre famille a plusieurs interprétations de cette histoire, et je n’en connaîtrai jamais le fin mot. Je propose donc une version », tranche Asaf Hanuka.
En explorant le passé et en refondant une « mythologie familiale », selon l’expression de l’auteur, il montre que le présent, aussi bien d’Israël et de la Palestine que de sa propre famille, pourrait être autre, et laisse entrevoir la possibilité d’une réconciliation, en mélangeant à nouveau ce qui fut séparé. Dans les temps actuels, avec à la tête du pays un gouvernement composé de suprémacistes juifs, c’est un message salutaire.
Les tribulations de Karim à Alger. Roman de Ame Amour. Enag Editions, Alger 2019, 291 pages, 1 300 dinars
Une histoire d'espionnage se déroulant à Alger vraiment compliquée ; si compliquée qu'il faut être très attentif pour ne pas perdre le fil de l'aventure. D'autant qu'elle se déroule en partie dans les égouts de la ville.
L'histoire ! Un ambassadeur (de France) pourri jusqu'à l'os qui exploite sa fonction pour faire des «affaires»... allant jusqu'à faire appel à un groupe de mercenaires étrangers (des anciens déserteurs de la Légion étrangère française) pour tenter de récupérer un «trésor» (pierres précieuses et fausse monnaie destinées à être écoulées en Afrique à travers des banquiers véreux marocains) dans deux conteneurs engloutis - volontairement par un tanker étranger - dans le port de la capitale.
Heureusement il y a le héros, Karim, un Algéro-Suisse (spécialiste, de plus, de la plongée sous-marine), lequel sollicité par les services secrets français et algériens... et aidé par des acteurs inattendus mêlés à la foule algéroise (un drôle de chien super-renifleur et un aveugle aux sens super-aiguisés, rompu aux sports de combat les plus complexes, tous deux employés des «services»), ainsi que par des «Ninjas» bien de chez nous, va déjouer le complot. Tous les méchants vont se retrouver à Serkadji. Karim va vite retrouver son épouse et son enfant alors détenus en otages (pour le faire chanter et participer à la récupération du «trésor»)... et l'ambassadeur ripoux certainement renvoyé.
L'Auteur : L'auteur, très discret sur son parcours personnel (et son identité) et néanmoins prolifique, a déjà publié à l'Entreprise nationale des arts graphiques (Enag) pas moins de huit ouvrages en près d'une décennie dont un sur «Ghardaïa, l'éblouissante émeraude». L'auteur vivrait actuellement à l'étranger, en Suisse peut-être, tout en conservant un lien très fort avec l'Algérie, notamment avec les régions du Sud.
Extrait : «La justice devrait enlever le bandeau qu'elle porte sur les yeux avant de mettre à l'index la nature humaine» (pp 178-179)
Avis : Un semblant de roman d'espionnage... un genre encore inhabituel dans le paysage éditorial national, avec quelques très rares expériences tentées dans un lointain passé. Expériences vite arrêtées, les histoires d'espionnage pouvant facilement déborder sur le «politique» donc insupportées. De plus, le genre est, à mon avis, le plus difficile. Il faut avoir le talent de l'écrivain pour entretenir le suspense, le génie du fin limier et le courage ou l'inconscience de l'espion, Lignes continues ! Feux rouges !
Beaucoup de coquilles qui ne font pas honneur à un «grand» éditeur public qui est chargé des corrections et du contrôle de qualité.
Citation : «Les politiciens sont comme les pissenlits, ils ne fleurissent qu'une fois par saison pour épater les bourdons de passage. Ils ne changent jamais leur discours. Sans scrupule, ils resservent les mêmes plats réchauffés à leurs supporters. La politique, semblable au vent des steppes, n'apporte que désolation» (p241).
Les tranchées de l'imposture. Roman de Saad Saïd, El Dar El Othmania, édition et distribution, Alger 2018, p 242, 650 dinars
Le vécu des dizaines de milliers d'Algériens qui ont combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale (un récit puisé, semble-t-il, dans celui du père de l'auteur qui y a participé). Des «indigènes», parfois sinon toujours incorporés d'office, qui se sont illustrés dans de nombreuses batailles, de Verdun à Monte Cassino, ou lors du débarquement de Provence. Partis pour effectuer le service militaire ou enrôlés dans le cadre de la mobilisation générale forcée, ils se retrouvent, parfois parmi les plus mal armés des troupes dites coloniales (en compagnie des noirs africains et de quelques juifs déchus de la nationalité française par le régime pétainiste qui a brillé en Algérie) entraînés dans une guerre qu'ils découvrent dans toutes ses atrocités. Ils sont, souvent, sinon toujours, envoyés en première ligne dans les sections d'assaut et les soldats dits indigènes paieront un tribut bien plus lourd que ceux de la Métropole. Ils vont découvrir l'horreur de la guerre. Dans les postes les plus exposés, ils s'habituent à voir des visages brûlés par le gaz, des corps amputés et des tranchées pleines de corps couverts de sang, d'excréments et de boue.
Le plus dramatique, c'est qu'ils ont laissé derrière eux parents, femmes et enfants dont ils étaient pour la plupart les soutiens uniques dans un environnement économique et agricole dominé par les colons et leurs serviteurs.
Le plus tragique, c'est que de retour de la guerre, ils retrouveront une réalité sanglante, avec les massacres collectifs suite aux manifestations nationalistes pacifiques du 8 mai 45... à Sétif et ailleurs à travers le pays. Populations exterminées, douars, demeures, vergers et cheptels détruits, familles éparpillées ou emprisonnées,...
C'est là toute l'histoire d'Ali du village de Kabylie, Sidi Bouzid. Il raconte sa naissance, son enfance, sa prime jeunesse... son mariage, le bonheur de sa mère et de son père... loin des pressions de la ville... et avec, pour seule tâche au tableau, la présence d'un Caïd dictatorial au service exclusif des autorités coloniales... passant son temps à chasser les idées nationalistes et indépendantistes qui commençaient à fleurir.
Une histoire qui se continue en France à travers les champs de bataille de la 2ème guerre dite mondiale, servant d'avant-garde et de bouclier face aux occupants nazis. Certes, Ali reviendra sain et sauf au pays... mais pour y découvrir, en mai 45, les horreurs commises par l'armée coloniale et les milices pieds-noirs. Il se révoltera et finira en prison.
Plus tard, bien après l'indépendance, il racontera sa souffrance et celle de ses frères, ainsi que leurs exploits, aux descendants de certains de ses frères de combat.
L'Auteur : Né en 1955 en Kabylie. Etudes en langues étrangères, traducteur puis journaliste à l'APS (Algérie Presse Service) durant 32 ans .Grand reporter spécialisé, il a été, aussi, correspondant permanent de presse à Londres. A déjà publié plusieurs romans.
Extraits : «Si le ciel était une grande feuille et la mer un encrier, alors j'aurais de quoi remplir le ciel des meurtres commis sur des Arabes sans défense et des taches indélébiles, par la France en Algérie» (p51), «Toutes les guerres sont pareilles (...).Beaucoup de frères de combat (...) sont morts les armes à la main pour une terre froide, trop glacée (note : la France, occupée par les nazis) pour être la leur» (p 145), «Nous avons combattu pour la France comme si c'était notre patrie, j'espère que quand nous rentrerons, enfin si on rentre, les Français ne nous considèrerons plus comme des indigènes mais au moins comme leurs égaux. En tout cas, l'histoire montre que nous avons porté notre fardeau et nos supérieurs eux-mêmes ainsi que nos ennemis reconnaissent la bravoure de nos actions au combat» (pp 173-174), «Ils (note : l'armée coloniale et les milices européennes durant les massacres de mai 1945) nous ont déshumanisés en exerçant leur violence sans limite et inimaginable sur nous, nous sommes devenus des êtres insensibles, vidés de notre substance humaine» (p234), «Avec les Français, vous faites la guerre avec toutes ses batailles, et si vous survivez, on vous emmène pour une autre guerre, par exemple en Indochine. Et comme récompense, zéro. Après la guerre, les noirs redeviennent des nègres et nous les bougnouls. On avait besoin de nous pour servir de chair à canon, puis nous étions redevenus des esclaves, des sans droits» (p24).
Avis : Un roman historique qui s'est écrit et se lit comme un grand reportage remontant le temps des années 40... Beaucoup (trop ?) de détails sur la guerre franco-allemande et l'exploitation des Algériens comme «chair à canon». Sur le plan technique, un «cahier» de trop (pp 13 à 24)
Citations : «Il se rappelle la définition de la guerre donnée un jour par un sage du village de Sidi Bouzid qui a dit : «la guerre, c'est des personnes qui ne se connaissent pas, qui s'entretuent au profit des personnes qui, elles, se connaissent mais ne se tuent pas » (p 136), «Le pire scénario, pour un Etat jaloux de son passé, de son histoire, c'est de voir ses jeunes ignorer l'histoire en dépit des efforts faits pour leur enseigner cette matière et ne demandent qu'à aller à l'étranger, émigrer vers d'autres pays en faisant la sourde oreille» (p 225), «Ce sont les Américains et les Africains qui ont rendu son honneur à la France. Il ne faut jamais l'oublier» (p241).
Près de 168 000 personnes ont déjà dû être évacuées au Canada depuis le début d’une saison des feux qui bat tous les records et accable ces jours-ci les Territoires-du-Nord-Ouest.
Des résidents de Yellowknife au Canada quittent la ville après qu’un ordre d’évacuation a été donné en raison de la proximité d’un feu de forêt, le 16 août 2023. PAT KANE / REUTERS
Ils ont moins de deux jours pour quitter les lieux. Les 20 000 habitants de Yellowknife, au Canada, ont reçu, mercredi 16 août au soir, l’ordre d’évacuer d’ici vendredi à la mi-journée la principale ville du Grand Nord en raison de l’avancée rapide des feux de forêt.
« Malheureusement, la situation des feux de forêt tourne au pire avec un brasier à l’ouest de Yellowknife qui représente une véritable menace », a déclaré Shane Thompson, ministre de l’environnement des Territoires-du-Nord-Ouest. Près de 168 000 personnes ont dû être évacuées au Canada depuis le début d’une saison des feux qui bat tous les records et accable ces jours-ci les Territoires-du-Nord-Ouest, région nordique, deux fois plus grande que la France métropolitaine, qui compte actuellement 230 feux actifs.
L’armée canadienne déployée
Séparés de plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres, ces villages sont « particulièrement difficiles » à évacuer par voie terrestre, expliquait plus tôt cette semaine Mike Westwick, du service territorial des feux, précisant qu’un contingent de l’armée canadienne était déployé pour faciliter des évacuations aériennes.
« La ville ne fait pas face à un danger immédiat (…), mais sans pluie il se peut que le brasier frappe les environs de la ville ce week-end », a déclaré M. Thompson lors d’une conférence de presse. « Si vous restez jusqu’au week-end vous risquez de vous mettre en danger et de mettre en danger les autres », a-t-il ajouté.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a précisé mercredi que les forces armées étaient toujours déployées pour porter assistance à la population des Territoires-du-Nord-Ouest. « Nous allons continuer de vous fournir les ressources nécessaires » et « apporter toute l’aide possible », a-t-il écrit sur le réseau X (Ex-Twitter).
La province voisine de la Colombie-Britannique, elle aussi durement frappée par les feux de forêt, a enregistré un mercure au-dessus de la barre des 40 °C, une première cette année au Canada, a dit mardi à l’Agence France-Presse le ministère de l’environnement. La ville de Lytton a vu la température atteindre lundi 41,4 °C, deux ans après avoir été ravagée par les flammes dans les jours qui avaient suivi un « dôme de chaleur » inédit avec un record historique de 49,6 °C pour le pays.
Le Canada, qui par sa situation géographique se réchauffe plus vite que le reste de la planète, est confronté ces dernières années à des événements météorologiques extrêmes dont l’intensité et la fréquence sont accrues par le réchauffement climatique.
Après la mort de Mohamed Bendriss à Marseille, trois policiers du Raid ont été placés sous contrôle judiciaire. Cette unité d’élite, chargée de lutter contre le terrorisme, est désormais déployée, comme la BRI, pour le maintien de l’ordre. Un terrain pourtant hors de leur champ d’expertise. Enquête.
Ce sont des images qui évoquent un pays en guerre. Les énormes véhicules blindés de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) balaient les poubelles et voitures calcinées dans les rues de Nanterre (Hauts-de-Seine). Depuis le début des révoltes urbaines (qui ont suivi la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué le 27 juin 2023 par un tir de policier lors d’un contrôle routier) cette unité d’élite de la police judiciaire, d’enquête et d’intervention, est mobilisée par l’Intérieur, tout comme le Raid (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion). Deux unités dont la mission première est pourtant de « lutter contre le crime organisé, le grand banditisme et le terrorisme ».
Dans la nuit du 1er au 2 juillet 2023, à Marseille, alors qu’il circulait à scooter, Mohamed Bendriss, 27 ans, décède à la suite d’« un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de type Flash-Ball », qui a entraîné un arrêt cardiaque, commentait le parquet fin juillet. Le Flash-ball est l’ancêtre du LBD, apparu dans les services de police dès 2009. A noter, l’appellation « Flash-Ball » pour « LBD » est encore largement utilisée. Selon l’avocat de la famille Bendriss, Me Arié Alimi, contacté par « l’Obs », le LBD ne serait pas forcément l’arme du crime : «Cela pourrait tout aussi être un bean bag [petit sac de toile rempli de minuscules billes de plomb, de sable ou d’acier, projeté à grande vitesse par un fusil à pompe, NDLR]. » Le 10 août 2023, trois policiers du Raid ont été mis en examen pour « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner »,puis placés sous contrôle judiciaire
La veille du décès de Mohamed Bendriss, le 30 juin 2023, son cousin, Abdelkarim Y., 22 ans, perdait l’usage d’un œil, probablement touché lui aussi par un tir de LBD et, là encore, tiré par des policiers du Raid. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire du chef de «violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation par personne dépositaire de l’autorité publique et avec arme». Pourquoi le Raid est-il dans les rues avec un tel armement ?
Des armes de guerre pour maintenir l’ordre ?
Selon l’article 2 de l’arrêté du 5 janvier 2011, « le Raid peut intervenir à l’occasion de troubles graves à l’ordre public nécessitant l’utilisation de techniques et de moyens spécifiques [leur équipement et munitions, NDLR]. » Contacté par « l’Obs », le capitaine de police Romain Bourron, porte-parole de la DGPN (Direction générale de la Police nationale), répond que les récentes mobilisations du Raid et de la BRI « ne s’inscrivent pas dans un contexte de maintien de l’ordre mais de rétablissement de l’ordre lors d’une situation insurrectionnelle » qui, selon lui, justifie l’intervention du Raid.
Pour Me Arié Alimi, le déploiement de ces unités spéciales dans un contexte de maintien de l’ordre est une « très grave erreur politique » :
« Ce sont des policiers d’élite dont la compétence est d’intervenir dans des actions terroristes et des prises d’otage hautement périlleuses. Leur objectif est donc de neutraliser, ils n’ont pas la compétence du maintien de l’ordre. Les envoyer sur le terrain dans ce contexte les ont conduits à des interventions non adaptées et à commettre des crimes. »
Et de poursuivre : « Leur intervention a surtout une fonction de communication politique illustrant que l’Etat montre les muscles vis-à-vis des émeutiers. »
Et cette décision de faire intervenir le Raid dans un contexte de maintien de l’ordre n’est pas sans conséquences quand on connaît l’armement dont l’unité est dotée. En plus des armes « non létales », ou de force intermédiaire (grenades lacrymogènes, assourdissantes, de désencerclement, instantanées et leurs lanceurs, ainsi que LBD 40 et projectiles non métalliques tirés par les lanceurs de grenade), dont l’utilisation est autorisée par le CSI (Code de la Sécurité intérieure) pour le maintien de l’ordre, le Raid dispose de son propre équipement « létal », confirme Romain Bourron. C’est-à-dire fusils à pompe, fusils d’assaut, armes de poing (Glock 17 et Glock 26), etc., « afin de pouvoir se défendre, comme tout policier sur le terrain qui a en permanence une arme sur lui », précise le capitaine de police.
« L’utilisation des armes est très peu codifiée car elle dépend de l’interprétation subjective de l’agent », s’inquiète Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de « la Nation inachevée. La jeunesse face à l’école et la police »(Grasset). L’ancien enseignant de l’Ecole supérieure de la Police nationale souligne les dérives de la loi de 2017 et plus précisément l’article L. 435-1 du CSI qui permet aux policiers d’ouvrir le feu dans quatre situations, en plus de la légitime défense : après sommations, s’ils ne peuvent se défendre ou se protéger des tiers autrement ; pour empêcher la réitération d’un meurtre ou d’une tentative de meurtre ; s’ils doivent neutraliser un individu qui cherche à leur échapper et risque de s’en prendre à des tiers ; lorsque le refus d’obtempérer d’un automobiliste menace physiquement les policiers.
Un tir de LBD peut tuer
Mohamed Bendriss était-il dans l’une de ces situations ? Dans un communiqué de presse diffusé le 10 août 2023, la procureure de Marseille a indiqué que la victime avait tenté de commettre un vol dans un contexte de « pillage généralisé des magasins du centre-ville ». MeArié Alimi a dénoncé ces propos, visant, selon lui, « à vouloir protéger les policiers et à salir une victime qui est morte du fait de ces policiers ». Pour la famille de Mohamed Bendriss et son avocat, le défunt n’a jamais participé aux émeutes.Ils ont annoncé, dans la foulée, vouloir porter plainte contre la procureure et demandent que le chef d’accusation contre les policiers du Raid soit requalifié en « homicide volontaire ».
Car le LBD, présenté comme une arme« non létale », peut tuer. Les munitions du LBD (balles en caoutchouc, en mousse, assourdissantes, lacrymogènes ou fumigènes) sont classées comme des armes de catégorie A2, soit comme « matériel de guerre », les balles atteignant les 350 km/h. C’est ce que recense le journaliste Maxime Sirvins (« Politis »), sur son site maintiendelordre.fr, qui fait état des réglementations liées aux armes portées par les différentes forces de l’ordre.
Mohamed Bendriss est le deuxième décès par suite d’un tir de LBD. En 2017, lors d’une intervention dans un foyer de travailleurs étrangers, à Marseille, Mustapha Ziani, 43 ans, est touché lui aussi au thorax. Une zone du corps autorisée à être ciblée. Une instruction relative à l’emploi du LBD, datant du 2 septembre 2014 et publiée par le ministère de l’Intérieur, indique que « le tireur vise de façon privilégiée le torse ainsi que les membres supérieurs et inférieurs, la tête n’est pas visée ». Sur son site, Maxime Sirvins démontre qu’un tir de LBD dans la zone du tronc, entre autres, est « potentiellement mortel et [engendre] un risque traumatique élevé». De plus, la distance de tir recommandée doit être entre 10 et 50 mètres pour s’assurer qu’il ne soit pas mortel.
Dans la nuit du 1er au 2 juillet 2023, le jeune Hedi a reçu un tir policier de LBD dans la tête qui a mené à l’amputation d’une partie de son crâne. Le membre de la BAC mis en examen pour« violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique » aurait tiré à moins de 3 mètres du jeune homme.
Une formation non adaptée à la réalité du terrain
Concernant l’affaire Mohamed Bendriss, « On est en train de vérifier d’un point de vue juridique si les policiers du Raid sont habilités à se servir du LBD 40ou autorisés à lancer du bean bag dans un contexte de maintien de l’ordre », explique l’avocat Arié Alimi.
Pour Romain Bourron, interrogé par « l’Obs »:
« Le LBD 40 est une arme qui fait partie de celles en dotation au Raid. Ils sont habilités de la même manière que les autres policiers car ils sont eux-mêmes policiers. »
Pour être habilités à porter un LBD, ces derniersdoivent suivre une formation d’une journée qu’ils renouvellent tous les deux ans. En 2010, un « Spécial investigation » diffusé sur Canal + (« Attention, Flash-Ball ! », d’Alexis Veller) a filmé une séance, censée se rapprocher le plus des conditions réelles d’un maintien de l’ordre. Mais les policiers s’entraînent dans une salle éclairée, calme, et tirent sur une cible en carton, statique. Dans ce reportage, l’un d’eux vise la tête de la cible, zone pourtant proscrite. Le formateur réplique : « L’agent a atteint la cible, c’est le plus important. Il a touché la bonne personne. » Le tireur repart avec son habilitation.
Mais dans la vraie vie, « les gens bougent et vite, les agents voient mal, il y a du stress en jeu, ils ne peuvent pas évaluer les bonnes distances», précise à « l’Obs » Paul Rocher, économiste et auteur de « Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l’arme non létale » (La fabrique éditions). Pour lui, la bonne formation à ces armes n’existe pas encore. Tout au long de la mobilisation des « gilets jaunes », selon le ministère de l’Intérieur, les forces de l’ordre ont tiré environ 480 fois plus sur des manifestants qu’en 2009. Il y a eu 19 071 tirs de LBD sur des civils. D’après le décompte du journaliste David Dufresne, 353 d’entre eux ont été blessés à la tête, dont 30 éborgnés.
Paul Rocher tire le signal d’alarme. Classer une arme comme non létale pousse les forces de l’ordre à en abuser :
« En suggérant que les armes ne sont pas dangereuses, on encourage les tireurs à y recourir davantage et plus facilement. On incite le policier à utiliser son arme plutôt que de chercher à résoudre des situations conflictuelles par d’autres moyens. Tout cela conduit à une brutalisation du maintien de l’ordre. »
Et de poursuivre : « On peut discuter des zones de tir autorisées mais étant donné que le tireur n’a jamais la certitude de les atteindre, c’est une réglementation inapplicable, et donc, inutile. »
Aimène, touché à la tête par un beanbag
Le 30 juin 2023, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-en-Moselle), Aimène Bahou, 25 ans, « reçoit un projectile du Raid, un bean bag sur la tempe », alors qu’il se déplaçait en voiture, vitre ouverte, « pour aller se ravitailler à la pompe à essence », a assuré à l’AFP un membre de sa famille. Il passera près d’un mois dans le coma. Le policier du Raid mis en cause a reconnu le tir et a affirmé avoir visé « un véhicule de couleur claire » avec à son bord des « individus cagoulés », dont l’un des occupants s’apprêtait à allumer un mortier. Mais cette description ne correspond pas à la voiture d’Aimène Bahou. Plus tôt dans la journée, le vidéaste indépendant Adrien Arbl, alors qu’il faisait son travail d’informer, a été visé par un policier du Raid par un tir de bean bag reçu près de l’appareil génital.
Pendant la crise des « gilets jaunes », alors que le Raid avait également été déployé, l’utilisation des bean bags était déjà dénoncée. Selon une information du « Monde », le directeur général de la police nationale de 2019, Eric Morvan, avait déclaré à cette époque que le bean bag n’était « pas une arme utilisable en ordre public ».
La SFMU (Société française de Médecine d’urgence), écrivait quant à elle, en 2013 : « Le bean bag présente un potentiel létal non négligeable à moins de 3 mètres. A une distance supérieure ou égale à 7 mètres, le bean bag peut être responsable de lésions sévères voire mortelles. La région visée devrait être une zone corporelle souple telle que l’abdomen. »
Le capitaine Romain Bourron, lui, assure pourtant que les munitions bean bags font partie des armes « non létales » et de force intermédiaire dont peuvent se servir les forces spéciales BRI et Raid, à condition de respecter les « principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité ». Mais selon le CSI cité plus haut, en vertu de l’article D211-19, les « projectiles non métalliques tirés par les lanceurs de grenade » sont « susceptibles d’être utilisés [soit autorisés, NDLR] par les représentants de la force publique pour le maintien de l’ordre public ». Seulement, les bean bags peuvent contenir des billes de plomb, de sable et d’acier ; un alliage métallique.
Un surarmement de la police française
Paul Rocher affirme que l’armement non létal de la police et de la gendarmerie a augmenté de 70 %, entre 2012 et 2017 : «Le nombre d’armes [de force intermédiaire, NDLR] a presque doublé (de 13 000 à plus de 23 000), et encore c’est une sous-estimation, poursuit-il. L’augmentation des armes va de pair avec l’explosion générale des dépenses pour la police, qui ont augmenté de 35 %, contrairement au reste du service public. On est dans une surenchère policière.»Des chiffres confirmés par la Cour des Comptes. Pour l’économiste, « il faut s’interroger sur l’institution policière et sur la manière dont la police voit la population : au mieux, ils s’en méfient, au pire, ils la regardent avec hostilité. Si les gouvernements augmentent les budgets et les effectifs de la police, gonflent l’institution, qui entretient des rapports conflictuels avec la population, ça débouche sur la crise. »
Malgré les rappels à l’ordre et critiques de l’ONU, du conseil de l’Europe, du défenseur des droits et autres associations humanitaires sur l’usage du LBD, «les agents syndiqués pèsent trop lourd pour que le ministre de l’Intérieur interdise l’utilisation de ces armes», estime Sebastian Roché. Gérald Darmanin a, selon lui, « fait tout son mandat sur sa capacité à dialoguer avec la police, à la choyer, mais a perdu l’autorité qui permet de réformer le fonctionnement et l’utilisation des armes».
Modifier les procédures, déclarer un moratoire sur l’usage du LBD, réviser la loi de 2017 et le cadre légal de l’emploi des armes, « provoquerait une énorme tension avec la police et des chantiers politiques difficiles », conclut le chercheur. Paul Rocher, lui, estime que l’Intérieur ne va pas chercher à mettre la police au pas mais, au contraire, à la renforcer :
« Le gouvernement n’a pas peur de sa police, il a peur de sa population. »
Tueries, mises à sac, incendies… L’armée nationale ne recule devant rien pour imposer sa loi. Et briser les farouches résistances.
Pacifier. Imposer la pax colonia . C’est l’ambition de la IIIe République (1870-1940), période où l’empire colonial français connaît son plus grand essor. Un essor « civilisationnel » qui se fait essentiellement par la force. La conquête de l’Algérie en offre les premiers exemples. La guerre qui y est menée par les généraux français est sans pitié et la dimension raciale du conflit, très présente ; on ne combat pas ici des Européens et l’adversaire est donc réduit à un statut inférieur. On décrit alors la conquête coloniale comme une nouvelle croisade et, dans une lettre de 1851, le général de Saint-Arnaud donne le ton : « Depuis le col franchi le 11, jusqu’à Djidjelli où je suis arrivé le 16, je me suis battu presque tous les jours, de cinq heures du matin jusqu’à sept heures du soir ; j’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés. »
L’idéal de civilisation est parfois imposé par les ruses les plus abjectes. Déjà en 1763, les Britanniques avaient décimé des populations indiennes en leur fournissant des couvertures infestées par la variole. En Nouvelle-Calédonie, nous raconte un élève de l’anthropologue Leenhardt durant les années 1930, le colon français « a tué le Kanak d’une manière astucieuse. Il lui a dit : “Bois, car l’absinthe est bonne.” Et le Kanak ignorait que c’était pour le tuer. Il a égaré les chefs et pris leurs terres. » A l’époque, ces pratiques ne suscitent aucune objection : « Si dans ces immenses contrées où règnent le fanatisme et le brigandage, la France apportait – fût-ce au prix de verser le sang – la paix, le commerce, la tolérance, qui pourrait parler d’un usage illégitime de la force ? » clame le catalogue de l’Exposition coloniale internationale de 1931.
Une armée composée de délinquants et criminels
Sur place, « aux colonies », les soldats qui imposent la civilisation sont pour la plupart des proscrits et des réprouvés, expulsés de métropole car tenus pour dangereux. Le gouvernement français utilise en effet l’armée des colonies pour éloigner les éléments perturbateurs : délinquants, criminels, mais aussi individus considérés comme révolutionnaires. Les « Bat d’Af », les bataillons d’infanterie légère d’Afrique, sont composés de militaires condamnés à des peines correctionnelles par la justice militaire. Dans sa chanson A Biribi, Aristide Bruant évoque en 1891 ces « mauvaises têtes » envoyées en Afrique pour y être matées… et mater les indigènes. « A Biribi, c’est là qu’on crève / de soif et d’faim / C’est là qu’i faut marner sans trêve / Jusqu’à la fin !… / Le soir, on pense à la famille, / Sous le gourbi… / On pleure encor’ quand on roupille », énonce la complainte. Conséquences de ce « casting » ? La douceur n’est pas de mise avec les indigènes. Au Tonkin, comme le raconte l’écrivain Pierre Loti en 1885, ces derniers sont des hommes « d’une grande laideur, étiques, dépenaillés, misérables, à peine armés de lances et de fusils rouillés, coiffés d’abat-jour blancs. Ils n’avaient pas l’air d’ennemis bien sérieux. On les avait presque tués là sur place, au milieu de leur effarement, à coups de baïonnettes. »
Abd el-Kader, le roi Béhanzin du Dahomey, Samory Touré : de puissants adversaires
Parfois, les adversaires donnent du fil à retordre et leur lutte s’incarne dans une personnalité hors du commun. C’est évidemment Abd el-Kader, qui dirige un soulèvement en 1839 contre l’occupation de l’Algérie, organisant ce que le général Bugeaud va appeler « une Vendée musulmane » ! Il faut attendre 1847 pour que les Français viennent à bout de ce grand combattant.
Plus tard et plus au sud, le roi Béhanzin du Dahomey (Bénin) défend farouchement ses terres avec notamment sa garde rapprochée d’amazones, des combattantes qui manient le fusil et excitent l’imagination des Français.
C’est enfin Samory Touré, qui tient la Guinée et une partie du Niger et qui résiste aux Français, usant de la politique de la terre brûlée et tendant des embuscades meurtrières aux conquérants. Capturé en 1898, il meurt deux ans plus tard. Ironie de l’histoire, en 1960, c’est son arrière-petit-fils, Sekou Touré, qui deviendra président de la Guinée, seul pays africain à voter pour une indépendance immédiate en 1958 et à refuser le maintien de son pays dans la Communauté française. C’est qu’en Guinée comme ailleurs, on n’a pas oublié que l’inclusion dans l’empire français s’est faite dans le sang. « La conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure qui s’y établit pour le gouverner n’a rien de choquant », écrivait le philosophe Ernest Renan en 1871. Projet impérial fondé sur l’idée de l’inégalité des races et imposé par la force, si le colonialisme a eu des aspects positifs, c’est bien malgré lui.
Les faitsUn grand jury de l’Etat de Géorgie a mis en accusation l’ancien président pour avoir tenté, avec dix-huit autres personnes de son entourage, d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020.
Donald Trump a été mis en accusation, lundi 14 août dans la soirée, par un grand jury de Géorgie, pour avoir cherché à renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020. Cette inculpation complète celle réalisée le 1er août à Washington par le procureur fédéral spécial Jack Smith, qui poursuit Donald Trump pour sa tentative de coup d’Etat lors de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Plus de deux ans et demi après les faits, la justice américaine est sur les vrais sujets.
Pendant longtemps, M. Trump a été poursuivi pour des affaires révélatrices de son comportement, mais qui pouvaient apparaître secondaires : sa mise en examen cet hiver par un procureur de Manhattan pour avoir acheté en 2016, en violation de la loi électorale, le silence d’une prostituée, Stormy Daniels ; son inculpation fédérale pour avoir emporté après sa défaite des documents classés dans son golf de Mar-a-Lago, en Floride.
Désormais, la justice se trouve au cœur du réacteur, avec deux inculpations qui décrivent la réalité du trumpisme : une tentative de coup d’Etat (c’est l’accusation fédérale de Jack Smith), réalisée par un groupe quasi mafieux, une « entreprise ». C’est la particularité de l’accusation portée en Géorgie par la procureure Fani Willis. Cette dernière a eu recours à la version géorgienne de la loi sur les organisations motivées par le racket et la corruption (RICO). Cette loi fédérale de 1970 fut utilisée pour lutter contre la mafia et le crime organisé. Et c’est une « entreprise » criminelle que décrit la procureure. « RICO est un outil qui permet au procureur de raconter toute l’histoire », a expliqué Mme Willis lundi peu avant minuit lors d’une brève conférence de presse.
« L’accusé Donald Trump a perdu l’élection présidentielle américaine qui s’est tenue le 3 novembre 2020. L’un des États qu’il a perdus était la Géorgie. Trump et les autres accusés ont refusé d’accepter que Trump ait perdu, et ils ont sciemment et volontairement rejoint un complot visant à modifier illégalement le résultat des élections », commence l’acte d’accusation, qui décrit ensuite « l’entreprise ».
Treize chefs d’inculpation
Donald Trump est poursuivi avec dix-huit coaccusés, dont son ancien conseiller Rudolph Giuliani, maire de New York au moment des attentats du 11 septembre 2001, qui apparaît avoir été la plaque tournante du complot, et le chef de cabinet de la Maison Blanche Mark Meadows. L’ancien président a droit à treize chefs d’inculpations sur un total de quarante et un pour l’ensemble du groupe. L’enquête fut large et a révélé une trentaine de complices supplémentaires, qui n’ont pas été inculpés sans doute en raison de leur collaboration avec la justice. La peine maximale est de vingt ans de réclusion. Ces charges comportent aussi une peine minimale de cinq ans, à la différence des autres procès pour lesquels M. Trump est convoqué.
Grâce à la loi qui donne à la procureure des pouvoirs étendus pour poursuivre de nombreux suspects au-delà de son territoire, Fani Willis décrit, dans son acte d’accusation de 98 pages, un processus qui débute avant l’élection, passe par Washington, les pressions sur le vice-président Mike Pence et l’assaut du Capitole mais aussi des Etats disputés, comme l’Arizona. Mais le fond du dossier concerne les événements de Géorgie, avec la contestation des résultats locaux et les déclarations mensongères répétées de Donald Trump et de ses acolytes.
Dès le soir de sa défaite en novembre 2020 face à Joe Biden, le président sortant avait contesté les élections. Tout en collectant des fonds massifs auprès de ses sympathisants, au moyen de mensonges sur les fraudes électorales, il tentait, par tous les moyens et à tous les niveaux possibles, d’interrompre la transition démocratique. Celle-ci devait aboutir à la certification des grands électeurs au Congrès, le 6 janvier 2021. Dans ce schéma, la Géorgie faisait partie des Etats clés où Donald Trump s’efforçait de remettre en cause le choix populaire en faveur de son adversaire. « Tout le monde sait qu’on a gagné cet Etat », écrivait-il sur Twitter le 13 novembre, en dépit des faits. Joe Biden a remporté le scrutin en Géorgie avec 2 473 633 voix, contre 2 461 854 pour son adversaire, soit une marge de seulement 11 779 bulletins, confirmée après plusieurs recomptages scrupuleux.
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Cela n’empêche pas Donald Trump et Rudy Giuliani de multiplier mensonges et intimidations. Le 3 décembre 2020, au Sénat de Géorgie, l’ancien maire de New York diffuse aux élus une vidéo supposément accablante d’employés électoraux, le soir du scrutin, dans un bureau d’Atlanta installé dans la salle omnisports State Farm Arena, en train d’apporter des valises de faux bulletins, profitant de l’absence d’observateurs. Dès le lendemain, le secrétaire de l’Etat, le républicain Brad Raffensperger, dégonflait l’affaire : tout était parfaitement légal.
Une semaine plus tard, Giuliani livre en pâture le nom des deux employées du centre électoral de la State Farm Arena, une mère et sa fille, Ruby Freeman et Shaye Moss. « Ruby Freeman, Shaye Moss et un homme se sont transmis subrepticement des clés USB comme s’il s’agissait d’héroïne ou de cocaïne dans la State Farm Arena pour infiltrer les machines à voter tordues de Dominion », a accusé faussement Rudy Giuliani dès le 10 décembre, selon l’accusation. Il s’agissait en fait d’un bonbon au gingembre.
Par ailleurs, la mise en cause de ces machines électorales par la galaxie Trump a conduit Fox News à payer en avril plus de 787,5 millions de dollars de dommages et intérêts pour éviter de perdre un procès en diffamation.Ruby Freeman a été harcelée par téléphone et a reçu la visite à son domicile, le 15 décembre, d’un autre accusé. La Commission parlementaire sur l’assaut du Capitole avait déjà réhabilité la mère et la fille dans son rapport final publié en décembre 2022 : « Non seulement les allégations de Giuliani au sujet de Freeman et de Moss étaient imprudentes, racistes et fausses, mais elles ont eu des conséquences concrètes qui ont bouleversé la vie des deux femmes. »
Deuxième manipulation assez rocambolesque, la création, en décembre, de faux grands électeurs pour empêcher la validation du vote de Géorgie. Certains d’entre eux ont collaboré avec la procureure Willis.
Troisième volet, une tentative de manipulation de matériel électoral. Dans la zone rurale du comté de Coffee, à 300 kilomètres au nord d’Atlanta, une vidéo a révélé que des partisans de Donald Trump avaient accédé au local électoral en janvier 2021, en pleine période de contestation, et commis des intrusions dans le matériel informatique électoral.
« Dictature marxiste »
Mais c’est surtout un entretien téléphonique de Donald Trump, le 2 janvier 2021, avec Brad Raffensperger, le secrétaire de l’Etat de Géorgie, qui se révèle accablant pour l’ancien président et devrait prouver son implication directe. Les Etats-Unis sont à quatre jours de l’assaut du Capitole. A cette date, la Géorgie avait déjà procédé à un recomptage manuel des bulletins. Aucune fraude massive n’avait été détectée.
Pourtant, depuis des semaines, la pression montait pour Brad Raffensperger, responsable de la tenue du scrutin, et le gouverneur républicain Brian Kemp. L’objectif du clan Trump était de provoquer la convocation d’une session extraordinaire du parlement local pour valider une liste alternative – et totalement artificielle – de grands électeurs en faveur du président sortant. Un effort similaire était conduit en Arizona, dans le Wisconsin, le Nevada et le Michigan.
Mark Meadows, le chef de cabinet de Donald Trump, lui aussi inculpé, a joué un rôle essentiel dans les contacts préalables, longtemps infructueux, avec le secrétaire d’Etat de Géorgie. Selon la commission d’enquête parlementaire, « le président a essayé de parler par téléphone avec Raffensperger à dix-huit reprises au moins » avant de parvenir à ses fins. Ce jour-là, chacun des deux hommes est entouré par conseillers et avocats.
Le président est très agité. « Alors dites-moi, Brad, qu’allez-vous faire ? On a gagné l’élection, et ce n’est pas juste de nous l’enlever comme ça. Et ça va coûter très cher de nombreuses manières. » Donald Trump formule clairement sa demande : « Alors, écoutez. Tout ce que je veux faire, c’est ça. Je veux juste trouver 11 780 voix, soit une de plus que ce que nous avons. » Puis Donald Trump passe aux menaces en soulignant que M.Raffensperger prend « un grand risque », en laissant un « crime » se commettre. « Je savais qu’on avait suivi la loi », résumera le secrétaire d’Etat devant la commission parlementaire.
Donald Trump, dont les déboires judiciaires n’ont pas eu jusqu’à présent d’effet négatif sur sa cote de popularité auprès de l’électorat républicain, a réagi lundi par communiqué à sa nouvelle inculpation. « Un procureur de gauche – avec un parti pris anti-Trump si extrême que même CNN a mis en doute sa légitimité – m’a mis en accusation alors que je n’ai commis AUCUN CRIME », écrit-il. L’ancien président a estimé qu’allait disparaître une République libre : « A sa place se trouve une dictature marxiste du tiers-monde dirigée par un tyran incompétent mais véreux [Joe Biden] qui tente de placer votre sort entre les mains de procureurs vengeurs et corrompus. Le communisme a enfin atteint les côtes américaines. »
Agée de 51 ans, la procureure Willis fut la première femme noire élue en 2020 procureure du district de Fulton, qui englobe Atlanta, après avoir travaillé pendant près de vingt ans pour le parquet. Elle est qualifiée d’extrémiste de gauche par Donald Trump mais, selon le New York Times, elle a irrité la gauche en poursuivant des enseignants d’écoles publiques dans le cadre d’une gigantesque triche aux résultats, et un rappeur dans des affaires de gangs. Cette fille d’un membre des Black Panthers et avocat pénaliste avait affiché dans son bureau une citation de Malcom X, militant de la cause afro-américaine assassiné en 1965 : « Je suis pour la vérité, peu importe qui la dit. Je suis pour la justice, peu importe qui est pour ou contre. »
Lors de sa conférence de presse, Mme Willis a précisé que des mandats d’arrêt avaient été émis contre les prévenus. « Je donne aux accusés la possibilité de se rendre volontairement au plus tard à midi le vendredi 25 août 2023 », a-t-elle annoncé, précisant qu’elle recommanderait au juge un procès « dans les six mois ». Un objectif ambitieux, vu la complexité du dossier et le nombre d’inculpés.
Dans ce contexte, le premier procès pourrait être celui de l’assaut du Capitole, que le procureur spécial voudrait voir débuter le 2 janvier 2024. Celui-ci a le mérite de n’avoir qu’un seul prévenu, Donald Trump, et quatre chefs d’accusation. Juste avant le début des primaires pour la présidentielle de 2024.
par Arnaud Leparmentier (New York, correspondant) et Piotr Smolar (Washington, correspondant)
Après les soldats, place aux Pères Blancs et aux sœurs charitables, chargés d’éclairer les autochtones… Et d’en faire des serviteurs dociles.
A la craie, l’instituteur trace une ligne sur le sol, juste devant l’entrée de l’école. Au-delà de cette limite, les élèves ont l’interdiction de parler leur langue maternelle. En préparant son livre sur L’Ecole des colonies, le romancier Didier Daeninckx a trouvé de nombreuses photos montrant cette même scène, répétée en Afrique, en Asie, en Océanie… Chaque matin, les écoliers peuvent lire sur le tableau noir : « Mes enfants, aimez la France votre nouvelle patrie. »
Les écoliers doivent renoncer à leur langue, à leur culture, à leur histoire
Pour être assimilés, ils doivent renoncer à leur langue, à leur culture, à leur histoire, bref à tout ce qui fait leur identité. Pour leur bien évidemment. Marianne entend élever des populations considérées comme ignorantes et attardées à des valeurs supérieures. Cette élévation se pare dans les colonies d’une aura religieuse qui détonne au sein de la IIIe République. En effet, en France métropolitaine, les lois Jules Ferry de 1881-1882 ont confié l’enseignement à un personnel strictement laïque. Dans les campagnes, les hussards noirs, chantres du progrès véritable, mènent un combat féroce contre l’Eglise. Rien de tout cela dans les colonies ! « L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation », déclare Léon Gambetta. Loin de Paris, les missions religieuses illustrent bien ce régime d’exception.
Les missionnaires ouvrent en Afrique les premières écoles européennes
Au XIXe siècle, la France a ainsi enfanté de nombreuses congrégations. Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny étaient au Sénégal dès 1819, les pères du Saint-Esprit (spiritains) les ont rejointes en 1847, avant d’essaimer au Congo et au Gabon. En 1854 a été fondée la Société des missions africaines de Lyon. Et en 1879, monseigneur Lavigerie, archevêque d’Alger, a envoyé ses « Pères blancs » porter la bonne parole sur le continent noir. Pour cet ecclésiastique qui conçoit l’évangélisation comme le complément de la conquête militaire, ils doivent apporter « la lumière » à « tous ces peuples perdus dans la mort ». C’est un renfort bienvenu pour les gouverneurs qui leur délégueront souvent l’éducation et les actions sanitaires que l’Etat n’a pas les moyens de financer entièrement. A Wallis, en Océanie, les missions recevront ainsi en 1920 le monopole de l’enseignement. Les écoles « indigènes » des Pères vont former les nouvelles élites locales et ouvrir de nombreux dispensaires
La médecine moderne sera une autre manifestation éclatante de la supériorité occidentale ! La propagande taira en revanche la face cachée des missions : par exemple les plantations de café des jésuites à Madagascar utilisant comme main-d’œuvre… les enfants de leurs propres écoles.
Faire des écoliers des sujets dociles
La république coloniale n’est donc en rien laïque. Et ses écoles sont d’un genre bien particulier. En Algérie, des décrets de 1883 et 1887 ont bien tenté d’imposer l’enseignement laïque obligatoire. Mais une partie des colons se sont alors insurgés, en estimant les indigènes indignes du fait d’une différence de « niveau » trop importante entre élèves français et algériens. L’empire n’a pas besoin de grands esprits mais de sujets dociles. Une partie des cours consistera en « travaux pratiques » agricoles, et une dérogation à la loi française permettra même de faire travailler des enfants de 10 ans dans les exploitations jouxtant souvent les établissements scolaires.
Pas question donc de développer l’esprit critique et de former des êtres éclairés pouvant remettre en cause l’ordre colonial. Pour ne pas qu’ils rêvent de devenir les égaux des colons, on rabâche aux petits indigènes leur appartenance à des « races inférieures » et que « la plus parfaite est la race blanche », comme l’affirme le manuel de lecture Le Tour de la France par deux enfants (1877). Pour assimiler les populations, on met en place un enseignement minimum dont le but explicite est de former la main-d’œuvre, les serviteurs dont les maîtres ont besoin. Georges Hardy, inspecteur de l’enseignement en Afrique-Occidentale française (AOF) de 1912 à 1919, puis directeur de l’école coloniale de Paris, donne des instructions claires : « Deux ou trois ans de scolarité, une cinquantaine d’élèves par classe. Nous n’avons pas de temps à perdre. Allons aux besognes essentielles ! Dans les écoles de villages, il est bien entendu que ce français (langue commune) sera simple autant que possible, et limité à l’expression d’idées courantes, à la désignation d’objets visuels, sans raffinement de syntaxe et sans prétention à l’élégance. Et ce sera avant tout du français parlé. »
Chiffres clés
En 1945, en Afrique occidentale et équatoriale française, l’ensemble de la population compte 95% d’illettrés. Sur le continent africain, la France a scolarisé entre 5 et 7% des enfants. Dans l’Algérie française, pendant plus de 130 ans, la France a formé parmi la population autochtone: 40 médecins, 3 ingénieurs, 10 professeurs du secondaire.
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