Cet ouvrage de plus de 400 pages est consacré aux contacts secrets et aux négociations officielles, de 1958 à 1962, entre le gouvernement français de la Ve république et les négociateurs algériens, qui aboutiront à la conclusion des accords d’Evian.
L’auteure, chargée des études et recherches à la Fondation Charles de Gaulle, dépeint d’abord la situation de l’Algérie du 8 mai 1945 au 13 mai 1958. Mais l’essentiel de l’ouvrage porte sur l’évolution de la politique du général de Gaulle, dernier président du conseil de la IVe république, puis président de la Ve république.
Une place importante est consacrée à l’entourage du président et aux évolutions de sa politique illustrée à travers celle du vocabulaire gaullien : paix des braves, autodétermination, République algérienne.
L’ouvrage est un suivi minutieux des étapes des contacts et négociations qui jalonnent la marche vers l’indépendance de l’Algérie. Le lecteur identifie les acteurs des négociations, tant du côté français que du côté algérien : Louis Joxe, Bernard Tricot, Krim Belkacem Taïeb Boularhrouf, Saâd Dahlab, …. Chantal Morelle dépeint les étapes successives de la conférence de Melun en juin 1960, l’échec d’Evian en mai 1961, les rencontres de Lugrin, aux accords d’Evian II en mars 1962 à la suite de la réunion aux Rousses en février de la même année.
Le suivi des avancées, blocages, reprises, contacts informels ou officiels est constamment mis en relation avec l’évolution de la situation politique et militaire en Algérie et en métropole ainsi qu’avec le contexte international. On mesure combien la semaine des barricades, le putsch d’avril 1961, la naissance et la stratégie de l’OAS, les rivalités et conflits dans le camp même des indépendantistes entre politiques et militaires, les condamnations de la France à l’ONU etc. interfèrent dans le processus des négociations et nécessitent une réactivité et une adaptation constante.
On saisit à la lecture de cet ouvrage très détaillé l’ampleur et la complexité des questions auxquelles les négociateurs français doivent répondre : où négocier ? avec qui ? quel vocabulaire employé ? On identifie les nombreux points d’achoppement de la négociation, parmi lesquels le statut des « Européens » dans une Algérie indépendante, le devenir des « harkis », le statut des bases françaises, le devenir d’un Sahara riche en hydrocarbures et terrain d’essais de l’arme atomique, les missions de l’exécutif provisoire avant le transfert définitif de l’Algérie à un gouvernement algérien…
Plusieurs extraits des échanges entre négociateurs plongent le lecteur au cœur même de la négociation. L’analyse fine des accords dépeint un accouchement douloureux et le souci du général de Gaulle de libérer la France du fardeau de la guerre, quitte à renoncer à certains points jugés non négociables. L’auteure emploie même l’expression de capitulation sans défaite. Les violences de l’après 19 mars sont étudiées à travers les drames du printemps et de l’été 1962 (assassinats de l’OAS, enlèvements d’«Européens », massacre de la rue d’Isly, accords surprenants entre l’OAS et le FLN) et à travers le sort dramatique des « harkis » et des « Européens » quittant dans l’urgence un pays qu’ils considéraient comme le leur.
L’étude s’achève sur le bilan effectif des accords et, pour l’essentiel, leur non-respect.
Les mémoires contradictoires, des mémoires à vif face à ce passé qui ne passe pas, transforment toute commémoration en un objet de polémique car « Les accords d’Evian qui devaient signifier la paix sont autre chose et ils restent dans les mémoires comme une blessure et gardent un goût d’inachevé ».
Fiche réalisée par Claude Basuyau
http://espaceguerredalgerie.com/index.php/chantal-morelle-comment-de-gaulle-et-le-fln-ont-mis-fin-a-la-guerre-dalgerie/
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