Michel Lefèvre, d'Argentan, est décédé le 29 juin, à l'âge de 90 ans. En 2011, il avait publié Chiens de guerre, pour témoigner sur la guerre d'Algérie. Rencontre à lire ici.
Michel Lefèvre est décédé fin juin. ©Archives Le Journal de l’Orne
Michel Lefèvre, d’Argentan, dans l’Orne, est décédé le 29 juin 2023. L’ancien vétérinaire a été membre du Rotary club d’Argentan pendant une grande partie de sa vie.
Dernièrement, les anciens d’Algérie (FNACA d’Argentan) se sont rendus sur sa tombe , dans le cimetière d’Argentan, pour célébrer l’homme de paix.
Des membres de la Fnaca sur la tombe de Michel Lefèvre. ©DR
Son fils, Jean-François Lefèvre, a rappelé à Jean-Pierre Chollet, président de l’association locale et Daniel Lebossé, porte-drapeau : « … combien mon père avait horreur de la guerre et des armes. Il gardait un mauvais souvenir de l’action psychologique exercée sur les jeunes appelés, “le viol des foules”, pour les envoyer au combat ».
« La souffrance des populations civiles est un effet de la guerre que mon père dénonçait et qui fut la raison de son travail autour du “Miroir des Âmes” dans la poche de Chambois ».
Michel Lefèvre était l’auteur de nombreux livres
Michel l’auteur était aussi l’auteur de nombreux livres tels que Suzanne et la Colombe anglaise, une ode à la paix, ou Les Faces cachées de l’humanitaire/La dilapidation de votre argent par incompétence, tous deux chez Humusaire.
Le Journal de l’Orne republie ici l’article paru en juin 2011, à l’occasion d’une rencontre pour la présentation de son 11e ouvrage Chiens de guerre, sur la guerre d’Algérie.
Témoigner pour ceux qui n'ont pas pu le faire
Michel Lefèvre avec une partie de la correspondance échangée avec son épouse pendant la guerre d’Algérie. ©Archives Le Journal de l’Orne
On a tous de près ou de loin un oncle, un père, un grand-oncle ou un grand-père qui a vécu la guerre. Mais pas n’importe laquelle. Si les témoins de la Seconde Guerre mondiale sont maintenant de moins en moins nombreux, ceux de la guerre d’Algérie ne manquent pas. Mais ils n’ont pas toujours complètement témoigné. C’est ce qu’a voulu faire l’Argentanais, Michel Lefèvre, dans son nouvel ouvrage Chiens de guerre.
Un téoignage qui ne se veut ni un jugement ni une prise de position sur cette guerre où des milliers d’appelés ont été envoyés sans se rendre compte au départ de ce qui les attendait là-bas !
« Écrire ce que beaucoup n’ont pas pu écrire »
Dans son bureau d’écriture, Michel Lefèvre revient avec nostalgie sur la période 1958-1959. Il exprime aussi certains regrets. À 77 ans, cet ancien vétérinaire ressent le besoin de témoigner « pour ceux qui ne l’ont pas fait. »
Il espère « faire du bien à toute une génération » qui a connu cette période tragique de l’histoire de France. « J’ai voulu écrire ce que beaucoup n’ont pas pu écrire » pour que le quotidien des soldats français en Algérie soit mieux connu.
Appelé en 1958, il débarque à Alger
Appelé en 1958, Michel Lefèvre débarque à Alger où il va diriger un peloton cynophile. Il sera ensuite envoyé en Kabylie où il prend la charge d’un autre peloton et encadre des maîtres-chiens : avec 15 animaux, une dizaine d’éclaireurs et 5 pisteurs « battent le terrain et suivent l’ennemi à la trace ».
C’est sur ses souvenirs que Michel Lefèvre se base « pour donner de la valeur à ces appelés qui étaient en première ligne » face au danger.
300 lettres conservées
Michel Lefèvre rend aussi hommage à son épouse qui a gardé toute une correspondance entretenue à l’époque : pas moins de 300 lettres classées précieusement dans lesquelles il retrouve des souvenirs poignants, des détails « rangés », mais pas oubliés. Michel Lefèvre a réactivé sa mémoire et s’est replongé avec minutie dans l’époque.
Il va également retrouver deux anciens maîtres-chiens pour compléter ses recherches. Enfin, il aura l’opportunité de consulter les archives du Service historique du ministère de la Défense à Vincennes où on lui donnera accès à une mine de documents officiels.
« Il aura fallu 50 ans pour qu’on en reparle »
Son projet prend ainsi forme et va déboucher sur un travail d’écriture avec un fil conducteur : « relater les problèmes humains ». Car, si beaucoup sont passés par là, peu ont vraiment décrit.
« On n'a pas parlé aussitôt… Finalement, il aura fallu 50 ans pour qu'on en reparle, même entre nous. »
Michel Lefèvre fait allusion à un rassemblement d’anciens élèves de l’École Vétérinaire de Lyon auquel il assistait voilà deux ans.
Alors que « nous reparlions chacun de nos expériences, le thème de l’Algérie a brusquement resurgi. » Comme un besoin qui s’exprime soudain. Ce fut le point de départ du projet !
Amertume et regrets
Début 2011, l’ouvrage sort. Et l’auteur met en lumière son amertume : « On se demandait ce qu’on allait faire là-bas ! Et puis pour nous convaincre, on nous a appris une notion essentielle : l’adversaire ! »
Car il fallait justifier coûte que coûte les actions sur le terrain : « Une action psychologique sans âme s’en chargera… Les grands maîtres, anciens prisonniers du Vietminh, étaient à l’œuvre. À force, on finissait par comprendre la cause. »
Et de s’insurger : « On incitera les soldats à tirer pour tuer, par des raisonnements séduisants. Les spécialistes n’en manquent jamais : défendre la patrie et, de toute façon, sauver sa peau ! » Michel Lefèvre ne mâche pas ses mots, il s’exprime.
« On nous a tatoués de façon indélébile »
Il veut surtout que ses souvenirs réactivés servent, car « on nous a tatoués de façon indélébile ». Personne n’en est revenu indemne. « Quand on en est revenu… On en a beaucoup bavé ! Certains sont morts. Et des gens en sont souvent sortis comme déréglés. »
D’autant plus que la plupart y étaient allés à contrecœur, refusant ce déracinement imposé. Il pense aussi aux harkis : « ceux qui nous faisaient confiance et que la France a délaissés ! »
En somme, Michel Lefèvre se pose encore la question : « pourquoi cette guerre qui a tant duré ? Pourquoi avoir tant attendu pour en sortir ? »
Des éléments de réponse dans Chiens de Guerre, aux éditions d’Héligoland.
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Par Rédaction JOPublié le
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