Publié aujourd’hui à 17h46
Le jeune homme circulait à scooter dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 juillet alors que des pillages émaillaient le centre-ville. La procureure de Marseille avait jugé « probable » que sa mort ait été provoquée « par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de type Flash-Ball ».
Cinq policiers de l’antenne marseillaise du RAID ont été placés, mardi 8 août en matinée, en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur la mort d’un jeune homme, victime d’un arrêt cardiaque vraisemblablement provoqué par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) pendant les émeutes début juillet. La juge d’instruction en charge de cette enquête ouverte pour « coups mortels avec arme » a également ordonné l’audition, comme témoins, d’autres policiers de cette unité d’élite de la police nationale, engagée dans les opérations de maintien de l’ordre.
Circulant à scooter, Mohamed Bendriss, un livreur âgé de 27 ans, avait été transporté à l’hôpital alors qu’il venait de s’effondrer, cours Lieutaud, dans le centre-ville de Marseille en proie, cette nuit du 1er au 2 juillet, à de nombreux pillages de magasins. Le jeune homme regagnait le domicile de sa mère. Lors de l’autopsie étaient révélés deux impacts sur le corps de la victime, l’un à la cuisse, l’autre en pleine poitrine. « Les éléments de l’enquête permettent de retenir comme probable un décès causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de type Flash-Ball », écrivait la procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens, le 5 juillet. A cette date, il n’était pas possible de déterminer le lieu où le drame s’était passé, ni si Mohamed Bendriss avait ou non pris part aux émeutes, ni même s’il avait circulé dans cette zone. Selon des proches de la victime, ce père d’un enfant, et dont l’épouse en attendait un second, aurait été vu, quelques instants plus tôt, en train de filmer des interpellations dans une rue commerçante, à quelques encablures du cours Lieutaud.
De très nombreuses vidéos ayant été conservées pour nourrir les procédures ouvertes contre des pillards, certains enregistrements auraient permis de conduire l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et la police judiciaire – les deux services d’enquête cosaisis – jusqu’aux fonctionnaires du RAID. Au vu des déclarations des gardés à vue et des explications qui seront fournies par leurs collègues, la juge d’instruction devrait décider de leur présentation ou non en vue d’une éventuelle mise en examen.
Un cousin de la victime également blessé
Les avocats de l’épouse et de la mère de la victime, qui se sont constituées partie civile, se réjouissent de cette accélération de l’enquête. Dans un communiqué publié en juillet, Mes Frédéric Coffano et Thierry Ospital indiquaient que les deux femmes n’entendaient pas polémiquer et « porter des accusations ou anathèmes à l’encontre de quiconque », manifestant uniquement leur « volonté indéfectible de connaître les auteurs de cette mort troublante et violente, et ce dans le cadre d’une procédure loyale et objective ».
Me Arié Alimi, autre défenseur de l’épouse, a par ailleurs déposé une plainte avec constitution de partie civile pour le compte d’Abdelkarim Y. , 22 ans, gravement blessé à l’œil gauche, dont il aurait perdu l’usage, la nuit précédente, par un tir de LBD. Le jeune homme est le cousin de Mohamed Bendriss. Entendu par l’IGPN, saisie par le parquet d’une enquête ouverte pour « violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique et avec arme », il aurait, selon son défenseur, évoqué un policier vêtu de noir le ciblant depuis la tourelle d’un véhicule blindé léger. Un policier cagoulé, comme y sont autorisés les fonctionnaires du RAID, précise l’avocat.
« S’il s’avère que les policiers du RAID sont impliqués à la fois dans le décès de Mohamed Bendriss et la mutilation de son cousin Abdelkarim, la veille, alors c’est la décision même de les faire intervenir qui doit être passée au crible pénal », estime l’avocat.
La garde à vue des fonctionnaires du RAID intervient moins d’une semaine après la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) de maintenir en détention provisoire un des quatre policiers d’une brigade anticriminalité de Marseille mis en examen, le 21 juillet, pour violences volontaires aggravées commises sur Hedi R., un jeune homme de 22 ans très grièvement blessé au crâne par un tir de LBD et passé à tabac, la même nuit que la mort de Mohamed Bendriss et dans le même secteur. Quatre autres fonctionnaires avaient été initialement placés en garde à vue, mais aucune suite judiciaire n’a été donnée les concernant. Cette incarcération provisoire d’un policier est à l’origine du mouvement inédit ayant poussé des centaines de fonctionnaires marseillais à se mettre en arrêt maladie tout au long du mois de juillet. Plusieurs syndicats de police ont fait le choix de ne pas commenter cette nouvelle affaire tant que leurs collègues sont en garde à vue.
Trois des trente et une enquêtes confiées à l’IGPN et ouvertes dans le sillage des émeutes concernent donc des faits commis à Marseille et le seul décès recensé en marge de l’épisode de violences urbaines qui a secoué la France durant plusieurs jours après la mort du jeune Nahel M., victime du tir d’un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, fin juin.
Hasard de calendrier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, s’est rendu, mardi matin tôt, dans un commissariat marseillais, où il s’est entretenu durant une heure avec une soixantaine de policiers, « de façon informelle et constructive sur des sujets police classiques concernant les moyens et les conditions de travail », affirme une source policière. Ce déplacement, « hors presse et hors élus », avait pour objectif de féliciter des fonctionnaires du commissariat du 15e arrondissement qui, dimanche 6 août, avaient saisi 220 kilos de cannabis à l’occasion d’un contrôle.
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