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Le regain de tension en mer Noire, région stratégique dans le conflit russo-ukrainien, nous ramène 70 ans en arrière, sous la guerre froide, comme nous l'explique Slimane Zeghidour.
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Rédigé le 21/07/2023 à 17:34 dans Russie-Ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 21/07/2023 à 15:18 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Plus de soixante ans après, « La Question » revient sur la scène politico-médiatique et Gilles Martin avait pris là une courageuse décision dans le contexte international de l’après 11 Septembre2001, en republiant cet ouvrage sulfureux et autobiographique dont la publication originelle chez les éditions de Minuit remonte au 12 février 1958.
Pardonner mais ne pas oublier, le devoir de mémoire, aussi douloureux soit-il depuis les deux rives de la Méditerranée, n’est-il pas à ce prix ? De ce fait, l’étude des dérapages et crimes perpétrés par l’armée d’Afrique (1) dès le début de l’invasion française contre Alger se révèle indispensable pour comprendre non seulement les temps longs de la présence française en Algérie, mais aussi pour proposer une orientation plus rationnelle de l’occupation française en Algérie et de ce fait une étude rationnelle de ce chapitre d’une histoire commune.
En effet, si les actes de torture font d’abord référence aux pratiques d’interrogatoire infligées aux Algériens de 1954-1962, ils s’inscrivent malheureusement dans une longue tradition sanglante comme le confirme les premiers témoignages des officiers de l’Armée d’Afrique. Dès lors, son recours est à replacer dans le temps long de l’histoire coloniale, notamment au regard des techniques de guerre mise en œuvre par l’armée française dès les premières années de l’occupation de l’ex-Régence barbaresque.
Une étude aussi objective que dépassionnée des sources militaires démontre que nous sommes là face à un fait récurrent – l’utilisation de la torture comme « arme conventionnelle »-, loin du simple dérapage ou de sa réduction à un épiphénomène.
Les carnets militaires sont à ce sujet on ne peut plus explicites. Mais, aussi révoltant soient-ils, toute approche analytique digne de ce nom -dans l’optique d’une reconnaissance des crimes et réconciliation entre les deux nations- doit dépasser les passions voire l’aveuglement émotionnel pour restituer la complexité de l’histoire quand bien même du point de vue des vainqueurs, des voyageurs, hommes de lettres et politiques britanniques ainsi que des intellectuels de la régence d’Alger.
A l’horizon du bicentenaire de la prise d’Alger (1830-2030), un certain renouveau historiographique, aussi salutaire qu’indispensable, porté par de nouvelles générations de chercheurs et historiens, fait le pari risqué mais salvateur de ré-explorer cette aube tragique de l’établissement français en Algérie.
Ainsi, comment ne pas voir ce continuum entre d’une part, les exactions inaugurales d’une armée aux prétentions civilisatrices affichées et les exécutions sommaires, la torture encouragée par un État-major français et mise à nu par Henry Alleg d’autre part ?
Comment expliquer l’assurance d’un Aussaresses, d’un Massu, d’un Bigeard sinon par la barbarie originelle et « décomplexée » des premiers responsables militaires ? Nous nous contenterons de citer, de triste mémoire, Lamoricière et Saint-Arnaud (2). Les procédés de la première pacification de l’Algérie se sont toujours drapées de vertus et de bon sentiments ; l’arsenal des Lumières – liberté, progrès, civilisation – contrastant singulièrement avec l’effrayante sauvagerie commise sans vergogne contre un peuple qui n’avait aucune intention de céder son territoire et cela depuis l’arrivée des troupes de De Bourmont à la rade d’Alger. Bien avant les massacres du XXe siècle, – nous nous référons plus particulièrement à ceux de Sétif, Guelma et Kherrata -, les populations d’Alger ont connu bien des atrocités depuis les prémices de l’administration coloniale, collectivement et individuellement.
Fort heureusement, des Français qui s’auto-proclamaient « anti-colonistes » hier (aujourd’hui on dirait « anti-colonialistes »ou « décoloniaux»), ne tardèrent pas à s’élever contre les exactions de l’armée d’Afrique en terre d’Alger depuis la capitulation du 5 juillet 1830. Dans Mélanges philosophique paru en (1833), une belle âme, Théodore Jouffroy (3) se livre à un réquisitoire sans concession et rend compte de l’âpreté des débats parlementaires en France concernant le maintien ou non de l’occupation d’Alger.
Côté natifs, on rappellera le célèbre Miroir de Hamdan Khodja(4). Premier manifeste patriotique, il déposa dès 1833 un mémoire dénonçant les abus français, à l’instar de Henry Alleg, devant la commission d’Afrique, créée pour enquêter sur la situation en Algérie.
À travers le Miroir, Hamdan Khodja lance un appel vibrant et solennel au nouveau roi de France Louis Philippe, qui accède au trône après les Trois glorieuses de juillet 1830, afin d’évacuer la ville d’Alger et de restituer les biens spoliés à ses habitants. Ainsi, il devint d’après le témoignage d’Assia Djebar dans son roman So Vast the Prison publié en 1995, le premier essayiste de la question d’Alger.
En outre, il a aussi formulé son vœu auprès de Constantinople pour secourir les fidèles de la régence d’Alger. Le Miroir est alors un ouvrage qui a permis de lancer à Paris le concept de « la résistance-dialogue » pour qu’à nouveau soit rétablie une régence sous la suzeraineté ottomane dont Ahmed bey, dernier bey de Constantine, était supposé être le nouveau dey.
Mais c’est depuis Londres que retentit un audacieux « Appel en faveur d’Alger et de l’Afrique du Nord » par un certain Saxe Bannister (5), appel solennel et original adressé à la France afin qu’elle quitte Alger parce que les massacres de masses perpétrés au nom de la chrétienté lui sont
insupportables et parce que le prétexte d’en finir avec la « piraterie » barbaresque ne tient plus.
Dans son récit, Saxe Bannister insiste sur les premiers dérapages du commandant de l’armée d’Afrique qui n’est que la violation des actes de la capitulation d’Alger signée le 5 juillet 1830. En effet, les capitulation ne concernait que la ville d’Alger. Hormis, quelques semaines plus tard, l’armée d’Afrique s’est lancée dans une conquête des villes voisines avant de globaliser son entreprise sur tout le territoire algérien.
On le voit, les « dérapages » de l’armée coloniale ne se résument pas seulement aux années de la guerre d’indépendance (1954-1962). Une fois que le dernier dey d’Alger signa la capitulation, et en dépit du discours officiel, De Bourmont se lance ni plus ni moins dans une guerre d’extermination pour soumettre les populations, en contradiction avec les assurances faites aux puissances européennes quant au caractère « libéral » et provisoire de l’expédition. Cette promesse que firent Charles X et son ministre Polignac aux puissances européennes et Etats chrétiens de l’intention du Roi de France de quitter Alger dans les plus brefs délais.
Cette période inaugurale, parce que confisquée par l’historiographie coloniale, recèle de nombreuses sources, souvent minorées y compris en Algérie, notamment celles britanniques et américaines. Une étude basée sur les sources britanniques en particulier, prouve l’existence d’un consensus dans l’opinion européenne contre la politique coloniale française dès l’entame du blocus (1827-1830).
La presse britannique populaire en plein essor ne manque de propager les contradictions avec les méthodes civilisatrices, d’une France qui peine à réintégrer le concert des nations : où, massacres, destruction de villages, déracinement d’arbres fruitiers et abattage du cheptel ovin ou bovin, témoignent d’une cruauté qui choque l’opinion publique européenne en pleine mutation démocratique.
Le témoignage de Saxe Bannister évoqué plus haut est à ce titre un document exceptionnel. Le journal, The Times, rend compte presque quotidiennement des massacres commis en terre africaine et alimente la controverse autour de la politique coloniale française. Egalement, Letters From the South publié à Londres en 1837 par Thomas Campbell(6), est cet autre ouvrage qui fustige ouvertement la supercherie française et témoigne de la destruction de la ville d’Alger et du climat de peur qui a régné durant les premières années de l’occupation.
Les réactions britanniques face à la prise d’Alger s’élargissent dans le moment. La rue comme le parlement s’empare de la « question d’Alger » : de nombreuses voix remettent en cause la mission coloniale française au nom d’une certaine idée « progressiste » de la colonisation. Ainsi, se développe, outre-Manche, une littérature de dénonciation des méthodes de l’armée d’Afrique jusqu’à provoquer un long bras de fer diplomatique et politique entre Londres et Paris.
Dr. Mohand Ouali, historien angliciste
https://lematindalgerie.com/la-colonisation-de-lalgerie-critiques-et-indignations-outre-manche/?fbclid=IwAR1tkjX76B6hC9ZFE9lg3I5Z59uzBNehPHXK9waSPCh0fmYt97F74Memwfk
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Rédigé le 21/07/2023 à 08:25 dans colonisation, France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Beaucoup d'enfants nés en Europe, de parents ayant vécu la colonisation et la guerre d'Algérie, ne savent pas ce qu'ont traversé les générations précédentes dans ce contexte. Un livre, "Récits d'Algérie", tente de réparer cette chaîne de transmission. Son autrice Farah Khodja est l'invitée de ce Grand angle.
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Rédigé le 20/07/2023 à 21:27 dans colonisation, France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Livres
L'Absente. Recueil de Nouvelles de Meriem Guemache. Casbah Editions, Alger 2023, 153 pages, 1.000 DA
C'est le texte- hommage à sa mère intitulé «L'absente», qui donne son titre à l'ouvrage. L'auteure raconte le quotidien vécu avec une mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Dans le détail, elle propose au lecteur la vision de la fille qui doit assister sa maman dans ces moments très délicats. Avec beaucoup de tendresse, l'auteure évoque les bêtises enfantines de «sa maman, sa fille», et décrit la métamorphose que cette situation a imposée à son caractère devenu beaucoup plus souple, calme et patient, confiant avoir «beaucoup grandi à l'ombre de la maladie» pour pouvoir assister celle qui n'est plus que l'ombre d'elle-même, jusqu'à son dernier voyage laissant «tant de présence dans son absence». Un texte plus qu'émouvant, sorte d'appel aux enfants se pensant éternellement jeunes et de rappel aux parents se devant d'être plus attentifs à leur hygiène de vie.
Les autres nouvelles nous permettent d'aller de découverte en découverte :
A tout seigneur, tout «honneur» : Le Covid... une pandémie qui a bouleversé la vie quotidienne de tout un chacun. Les essais nucléaires français au Sahara et leurs conséquences sur les populations locales... aujourd'hui encore. Ce que cache une «Voix» très radiophonique. La mort. Le portrait d'un 3a'chaq Ettaqa, un «Omar Gatlato» plus sérieux, trop sérieux pour mener sa flamme jusqu'au bout. Une Harga et ses conditions. Les rêves érotiques d'un prisonnier. Puissance (politique), décadence... et puissance, accompagnée de vengeance... et, pour couronner le tout, le coup de foudre et la grande désillusion.
Tout cela dit avec une écriture rapide et avec des phrases assez courtes et directes presque recueillies de la vie alentour et sentant le style journalistique fluide abordant donc plusieurs sujets, en dehors d'un thème unique, ce qui donne une lecture agréable. D'autant plus qu'on y rencontre bien des expressions populaires algériennes et pas mal d'humour.
L'Auteure : Née à El Biar, études en Lettres anglaises (Université d'Alger).1989 : Intègre la «Chaîne 3» de la Radio publique algérienne... produisant et animant des émissions culturelles et de divertissement. Journaliste. 2017 : premier livre destiné aux enfants... suivi d'un second en 2018. Second recueil de nouvelles (après «La demoiselle du métro»). Aussi une biographie romancée de Fadhma Ait Mansour Amrouche et un roman, «Zelda» (2021)
Sommaire : Dix (10) nouvelles
Extraits : «La science a vaincu la peste noire, la grippe espagnole, le choléra, la grippe asiatique. L'homme a toujours triomphé. Virus-horribilis finira par disparaître. Un jour» (p27), «La France n'a pas voulu assumer ses responsabilités. Elle s'en est tenue à sa grandeur, se lavant les mains des conséquences de ses essais (note : nucléaires au Sahara algérien), niant aussi bien la mort qu'ils avaient directement causés, que leurs victimes collatérales» (p59), «D'après une étude très sérieuse, 90% des personnes exècrent leur voix. Des journalistes, des animateurs, des chroniqueurs et même des chanteurs vous le diront ; ils ne supportent pas de s'écouter» (p 61), «Monsieur Kadour par-ci, monsieur Kadour par-là, il était là pour tous, et eux rôdaient autour de lui, serviles, le caressant dans le sens du poil pour ne jamais le hérisser. Il est vrai qu'ils lui faisaient des cadeaux, vacances à l'œil, montres de luxe, fringues de marque pour sa femme et sa fille. C'était normal. Le renvoi d'ascenseur était bien huilé. Hypocrisie et faux-semblants à tous les étages. Tout en haut, monsieur Kadour pesait lourd, en ce temps-là. Son avis comptait, monsieur Kadour pesait lourd, en ce temps-là.» (p130)
Avis : Que de «bonnes» nouvelles ! La société algérienne à travers ses défauts et ses qualités, ses forces et ses faiblesses... tous ceux et toutes celles qui ne sont pas immédiatement remarquées, mais qui sont bel et bien là.
Citations : «Pour un peuple de méditerranéens, tactile comme nous, garder les distances est un supplice» (p18), «Passer l'arme à gauche entouré des siens, dans la chaleur de son foyer, c'est le nec plus ultra de la finitude terrestre» (p70), «Ah l'humain ! Prétentieux, infatué, orgueilleux, plein de lui-même jusqu'à se croire invincible. Il préjuge de son pouvoir et oublie qu'il a une date de péremption» (p74), «Pour vivre heureux, vivons cachets» (graffiti... p 81), «L'enfer est souvent là où on pense être en sécurité» (p113)
Les fleuves ont toujours deux rives. Roman de Wadi Bouzar. Entreprise nationale du livre, Alger1986, 157 pages, 24,84 dinars... en 1986. Prix de l'Afrique méditerranéenne 1987.
Une histoire en apparence banale, celle d'un intellectuel (journaliste) durant les premières années de l'Algérie indépendante... en butte aux tracasseries et les jalousies internes de la part de ceux qui font et défont le secteur, le directeur, le red'chef et même son ancien ami d'études, le ministre en charge du secteur. Trop compétent, honnête, professionnel engagé jusqu'au bout de sa plume, il s'est assez vite retrouvé «mis en disponibilité sans salaire» et obligé de s'exiler à Paris, l'herbe étant plus verte. Il y sera bien accueilli et il y rencontrera même l'amour d'une réfugiée d'origine arabo-égyptienne. Mais cela ne va pas suffire à calmer sa douleur... être loin de son pays, constater qu'un système prédateur est en place, voir le monde arabe s'empêtrer dans des conflits sans fin... Pour finir, il s'engagera auprès des Libanais pour combattre les envahisseurs sionistes.
Une histoire en apparence banale mais multipliée par dix, par cent, par mille, elle résume le mal-vivre, le mal-être de toute une génération de journalistes et d'intellectuels (l'enseignement y compris) arrivés (fin des années 60 et années 70-80) sur la nouvelle scène nationale pleins d'espoirs et de projets mais qui se heurtent au mur de l'affairisme, de la corruption, du ben'amisme, des amitiés douteuses, des compromissions intellectuelles et politiques... La solution ! L'exil... cette autre forme de suicide.
En juin 2019, l'auteur avait accordé un entretien à un quotidien algérien. Il donnait à lire l'importance du droit et de l'Etat de droit en partant du terrain social et politique: «La priorité est de créer un Etat de droit, tâche difficile, longue et délicate, parcours semé d'obstacles en raison des habitudes prises depuis longtemps par des groupes et des individus. (...) Le citoyen doit avoir le droit de réclamer, de se plaindre, de porter plainte sans difficulté. L'Etat de droit se joue d'abord dans ces «détails», dans la vie quotidienne.». C'est tout dit et cela résume assez bien le roman.
L'Auteur : Né en 1938 à Rabat, professeur des Universités (sociologie culturelle). Un des plus grands sociologues du Maghreb, au savoir singulier et l'un des plus inventifs. Il a écrit beaucoup, mais apparemment peu connu en Algérie, lui qui a formé énormément de monde à l'université d'Alger et ailleurs. Plusieurs œuvres : Romans, études universitaires, articles de presse, essais (dont le monumental «La mouvance et la pause : Regards sur la société algérienne», Alger 1983, 819 pages), édités en Algérie (Sned,Enal, Enag, Opu...) et à l'étranger.
Extraits : «Le fait religieux devait se vivre d'abord face à sa propre conscience et devant Dieu et non seulement sous le regard d'autrui» (p 26), «Allez donc faire comprendre cela (note : la réalité) aux grandes personnes ! Elles avaient leur monde à elles, un monde bien étrange, lui aussi, fait de conversations sérieuses, soudain entrecoupées de rires inexplicables. Un monde de certitudes» (p38), «Avant d'être ainsi emportés (note : par le fleuve), nous nous immergeons tant et plus, en général, nous revenons toujours à la rive familière où nous sommes nés» (p133)
Avis : L'Algérie des années 60-80. Autre temps, autre style, mais même récit. Les (més) aventures d'un intellectuel vrai, engagé... et broyé par le «Système». Lecture déprimante mais utile, pour comprendre les crises d'aujourd'hui.
Citations : «L'impérialisme des grandes puissances, multiforme, existait toujours mais c'était aussi l'impérialisme interne, la soif de puissance, l'héritage féodal de tout un chacun qu'il fallait combattre» (pp 26-27), «Quand vous n'étiez pas un responsable, vous n'aviez pas droit à un bureau, même en travaillant comme un forcené. Dans un tel contexte, n'être pas chef revenait à n'être pas» (p 29), «Le temps ne nous suffit jamais de vivre, de revivre et de faire revivre» (p44), «Être un intellectuel complique plutôt les choses. On est plus informé, plus conscient, plus lucide. On est enclin à dramatiser davantage, du moins aux yeux de la majorité. Un intellectuel n'est jamais indifférent et, en fait, il n'est jamais désengagé. Quand on est devenu un véritable intellectuel, il n'est pas sûr qu'on l'ait toujours choisi» (p110), «L'hiver arabe est un homme arabe en colère» (p135)
PS : - Ouvrage publié à l'étranger en français par un auteur algérien : «L'Algérie, une société en mouvement» .Essai du Pr Ahmed Cheniki. Editions Amazone Kdp, 190 pages. Une lecture des réalités socioculturelles de l'Algérie d'après l'Indépendance.
-Ouvrage publié en Algérie en arabe par un auteur algérien : «Dhahaia El ( Les victimes de l'imaginaire) Makhial». Roman de Wahid Ziadi. Editions Dar el Qobia, Alger 2023, 102 pages. Un jeu d'allégories et de symboles. Une fable métaphysique dont la trame est un réseau complexe de références littéraires, historiques, philosophiques et religieuses.
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Jeudi 20 juillet 2023
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5322606
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Rédigé le 20/07/2023 à 20:25 dans Littérature, Livres | Lien permanent | Commentaires (0)
L'Algérie a été « un théâtre de guerre dans lequel les soldats français en sont revenus, comme normes, à certains des instincts les plus primitifs du champ de bataille, comme le pillage de butin sur les ennemis conquis, l'exécution sommaire des civils, et le viol des femmes et des fillettes » (dans : William Gallois : « Une Histoire de la Violence dans Les Premiers Temps de la Colonisation en Algérie, Palgrave-Macmillan Press, New York, p 16 2013).
Si on leur avait demandé de se prononcer sur la déclaration du Premier Novembre 1954, les penseurs politiques et les stratèges militaires de l'époque auraient, sans aucun doute, conclu à un échec certain du défi lancé à la cinquième puissance mondiale, et de plus membre de l'alliance militaire la plus redoutable de l'histoire, par six hommes, aux costumes de friperie mal repassés, qui avaient décidé d'éterniser leur image dans une photo floue en noir et blanc, et se présentaient comme animateurs d'une guerre de libération nationale.
Libérer l'Algérie du joug colonial : une mission impossible !
Thomas C. Schelling (1921-2006), le grand maître de la théorie des jeux, et l'auteur de l'ouvrage capital intitulé : « La stratégie des conflits (Harvard University Press, 1960) aurait vite fait de conclure que le combat engagé contre l'ex-occupant colonial, dans une guerre à mort, était perdu d'avance. Il aurait classé ce conflit comme « une guerre d'extermination totale
un conflit pur dans lequel les intérêts des deux antagonistes sont totalement opposés » (op. cit. p 4).
Dans ce conflit, l'équilibre des forces était visiblement en la défaveur du peuple algérien : la puissance armée coloniale garantissait l'élimination rapide de ceux qui avaient eu l'imprudence et l'impudence de lancer un défi à cette puissance.
Une victoire arrachée grâce à une mobilisation nationale sans précédent historique moderne
On sait maintenant que cette entreprise de libération lancée en dépit de toute rationalité a réussi. Cette victoire, qui constitue l'un des miracles de l'histoire moderne, n'a été possible que grâce à la mobilisation de toutes les couches de la société algérienne, pourtant soumise à une violence coloniale séculaire qui l'a réduite à la misère tant matérielle qu'intellectuelle et morale et en a fait un corps à l'agonie dont la disparition était planifiée. Ce fut un sursaut de désespoir qui sauva le peuple algérien de l'annihilation.
Un rôle central de la communauté algérienne exilée
Même ceux des Algériennes et Algériens qui pouvaient choisir de ne rien faire que d'attendre l'issue du combat pour choisir leur camp se sont, pourtant, engagés corps et âme pour la réussite de cette entreprise folle qu'était la libération de l'emprise coloniale. Entre autres, la petite communauté algérienne au Maroc a donné la preuve de son engagement sans faille pour la victoire du peuple dont elle faisait partie.
On peut dire, sans être démenti, que la contribution des jeunes lycéens issus de cette communauté à cette lutte a été cruciale pour l'élévation du niveau intellectuel et technique de l'ALN.
En effet, le système colonial a permis, pour ses propres besoins, l'émergence d'une mince classe moyenne algérienne dans le protectorat auquel, par le traité d'Algésiras, la dynastie alaouite avait accepté d'être soumise pour préserver ses intérêts.
La prospérité relative de cette classe lui avait permis d'assurer une scolarité régulière à ses enfants, leur ouvrant l'accès non seulement aux études secondaires, mais également à l'université.
Au déclanchement de la guerre de libération nationale, une cohorte importante des enfants de cette communauté avait atteint le niveau des classes terminales. Devant elle, se déroulait un futur clair qui lui permettait de dépasser la précarité de son origine sociale et ethnique, et de se frayer un chemin, certes difficile, vers une vie prospère et respectable.
Ces privilégiés du système colonial auraient pu choisir d'ignorer totalement le mouvement national. Mais leur choix a été quasiment unanime : ils ont préféré abandonner leurs études, dès l'appel du FLN/ALN, et de rejoindre les rangs de la libération armée.
Ahmed Bennaï (9 janvier 1936 -Taza, Maroc- 12 juillet 2023, Alger), le lycéen engagé, ancien de l'école des cadres de Nador
Parmi eux se trouvait Ahmed Bennaï, élève dans un lycée de la ville de Meknès, et féru d'histoire.
Il commença, à partir de mai 1956, par militer au sein de l'UGEMA naissante, assistant en particulier au Congrès de la section constitutive du Maroc qui eut lieu à Rabat en juin de la même année.
En août 1957, à la suite d'un appel à volontaires lancé par le commandement de la wilaya V, Ahmed décida de rejoindre les rangs de la lutte armée.
A cette période, Abdelhafid Boussouf, alors colonel commandant la wilaya V, à la suite de l'assassinat de Larbi Ben M'hidi par le général Aussaresse dans les circonstances que l'on connaît, avait conçu le projet d'encadrement des rangs de l'ALN par des officiers formés spécifiquement pour assurer une certaine uniformité dans le mode de gestion de la lutte armée, au lieu de laisser chaque responsable de zone le soin d'improviser son style et ses actions en fonction des circonstances et de sa propre personnalité.
Ce projet se concrétisa dans la création d'une école des cadres dans la banlieue de la ville orientale de Nador. Ahmed fut affecté à cette école, avec une cinquantaine d'autres lycéens de classes terminales issues des familles installées au Maroc. A l'issue de ce stage, essentiellement de caractère politique, dont les enseignants furent, entre autres, feu Belaïd Abdesselam, feu Maoui Abdelaziz, feu Delleci Rachid, et l'instructeur militaire feu Mahmoud Arbaoui, certains des diplômés furent affectés à l'état-major de la wilaya, et d'autres, dont Ahmed, furent affectés auprès des commandements des différentes zones intérieures.
Ahmed fut désigné pour encadrer la zone 4 de la wilaya 5, essentiellement la région couvrant une partie de l'Ouarsenis, la région de Chlef et de Ténès à la frontière de la Wilaya 4 historique. En février 1958, le convoi de l'ALN dont faisait partie Ahmed pénètre sur le territoire national en guerre. Ce convoi était également chargé de transporter une grande quantité d'armement vers les wilayas intérieures. Arrivé dans la région de Chélif en mars 1958, ce convoi, sans aucun doute victime d'une trahison, tombe dans une embuscade ennemie. Après un combat acharné, où nombre de membres du convoi perdirent leur vie, Ahmed, à cours de munitions, fut fait prisonnier par les troupes coloniales.
Les exécutions sommaires extrajudiciaires pour les PAM
Il est indispensable, à ce niveau, de rappeler que, sur instructions de François Mitterrand, d'abord comme ministre de l'Intérieur, puis comme ministre de la Justice, autorisation avait été donnée au commandement militaire français d'exécuter sur place tout combattant algérien en uniforme ou non pris les armes à la main, alors que les pouvoirs spéciaux votés en 1956 par l'occupant maintenaient les dispositions procédurales du code pénal français qui soumettait les PAM (pris les armes à la main) à la justice militaire, tout en ne leur reconnaissant pas le statut de prisonniers politiques, mais de hors la loi, et impliquaient les procureurs de la République, tout comme les juges d'instruction, dans les enquêtes sur les actes de violence armée entre membres de l'ALN et armée coloniale.
Loin d'aboutir au résultat recherché, semer la terreur parmi les Algériens, et décourager le recrutement de volontaires par l'ALN, cette politique, contraire au droit français tout comme à la seconde convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre, a conduit les membres de l'ALN à refuser de se rendre et à combattre jusqu'à la mort même dans des situations désespérées.
A partir de 1958, les autorités civiles laissèrent la latitude arbitraire aux commandements militaires locaux, et toujours en violation de la légalité définie par les lois françaises, de décider du sort des combattants de l'ALN pris les armes à la main : soit de faire exécuter immédiatement les prisonniers, soit de les traduire devant un tribunal militaire, soit de les envoyer vers des camps. Ces décisions se faisaient littéralement en fonction de l'humeur du moment chez le commandant colonial, du comportement du moujahid au moment de son arrestation et de sa tête, selon qu'elle « revenait ou pas » au décideur.
Dans les geôles et les camps de prisonniers coloniaux
Ahmed eut la chance d'échapper à l'exécution sommaire, fut d'abord envoyé au casino d'Alger, transformé en centre de tri pour les PAM, puis dirigé vers une prison militaire sans avoir été déféré devant un juge d'instruction militaire, ou répondu aux interrogatoire d'une procureur.
Le « tourisme pénitentiaire » faisait partie de la politique coloniale, pour éviter que les prisonniers ne s'organisent pour des mouvements collectifs de rébellion, sous la forme de grève de la faim ou d'évasion en masse.
Ahmed a donc été transféré d'une prison militaire à une autre à travers le territoire national, passant d'Arzew à Oran, puis à Constantine, avant d'être définitivement emprisonné dans l'infâme camp de Bossuet, où étaient regroupés aussi bien des civils algériens condamnés par la justice coloniale pour appui à l'ALN, que des PAM.
La vie dans ces pénitenciers n'avait rien d'une villégiature. Les prisonniers étaient soumis à un ordre disciplinaire extrêmement sévère, aggravé par le comportement arbitraire de leurs gardes-chiourmes qui exerçaient, au gré de leurs caprices, les pires sévices à leurs « patients, » sous le moindre des prétextes. D'autres ont décrit la réalité de ces camps, où à l'humiliation s'ajoutait la crainte constante d'être exécuté.
La peur a donné place à la terreur lors du coup d'Etat militaire d'avril 1961 au cours duquel les putschistes contre le Président français Charles de Gaulle avaient tout simplement décidé d'exécuter tous les PAM algériens dans les camps et geôles coloniales. A Bossuet, les gardes-chiourmes avaient préparé des fours à chaux pour y brûler les cadavres des prisonniers exécutés. Le cessez-le-feu trouva donc Ahmed dans ce dernier site.
Résister aux mauvais traitements des gardes, préserver sa dignité dans un univers pénitentiaire conçu pour briser la personnalité de l'individu en le soumettant à des pratiques humiliantes destinées à le déshumaniser à ses propres yeux, tenter de survivre en gardant la tête haute et en évitant toute compromission avec l'ennemi, ne sont pas des attitudes aisées, surtout lorsque l'ennemi laisse toujours ouverte la voie de la collaboration perverse, assurant au prisonnier la survie au prix de la trahison de ses compagnons d'infortune. De l'avis de ceux qui l'ont côtoyé, Ahmed a fait preuve d'une résilience sans faille au cours de ces quatre années d'enfer dans les goulags coloniaux, qui n'avaient rien à envier en violence et en barbarie à leurs équivalents polaires.
A la libération, il se retrouve dans la tourmente des évènements de l'été 1962, responsable de l'ordre dans la ville de Chlef après avoir rejoint l'ALN. Il décide, cependant, de reprendre ses études au lieu de choisir la carrière militaire, et s'inscrit à l'Institut d'études politiques, dont le siège se trouvait initialement à la rue Larbi Ben M'hidi.
Diplômé en 1965, il travaille d'abord à la RTA comme journaliste, puis décide de rejoindre le ministère des Finances où il occupe différentes fonctions supérieures, avant d'effectuer un séjour de six années à la Banque mondiale comme expert financier chargé des relations entre cette institution et différents pays du Maghreb et du Moyen-Orient. A son retour à Alger, il reprend ses fonctions au sein du ministère des Finances, et finalement décide de jouir d'une retraite bien gagnée. Homme de grande culture, lecteur passionné et d'une curiosité intellectuelle sans limites, Ahmed Bennaï était toujours prêt à croiser le fer et à porter la contradiction à ses compagnons de discussion, les forçant à remettre en question leurs convictions.
En conclusion, homme de conviction lui-même, socialiste dans l'âme, Ahmed Bennaï est resté, jusqu'à la fin de sa vie, proche des humbles. Il a mené une vie exemplaire, militant engagé dans sa prime jeunesse, volontaire pour aller à la mort et défendre le peuple auquel il appartient, rescapé sans la moindre tache à sa réputation, du système goulag colonial, il demeure, malgré le fait qu'il ait vécu dans la discrétion, un exemple pour nos jeunes générations, qui jouissent d'une indépendance à laquelle il a contribué, et pour laquelle il mérite la gratitude, d'autant plus qu'il fait partie d'une génération disparaissant peu à peu, mais dont la marque reste profonde, si ce n'est indélébile, dans la destinée de notre pays.
Loin d'être une simple acceptation de son sort, la survie d'Ahmed Bennaï dans le cruel univers goulag créé par le système colonial en violation de ses propres principes moraux et de sa Constitution comme de ses lois pénales, constitue une manifestation d'un héroïsme extrême face à l'adversité dans la captivité.
Aux autorités de donner à l'exemplarité de sa vie l'écho qu'elle mérite
par Mourad Benachenhou
Jeudi 20 juillet 2023
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5322563
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Rédigé le 20/07/2023 à 16:41 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Je le confirme CNews est une chaine d’extrême-droite.
Michel Dandelot
Par micheldandelot1 dans Accueil le 20 Juillet 2023 à 12:51
Il y a quelques jours, Pap Ndiaye était victime d'une offensive féroce pour avoir dit une vérité sur la nature des médias du groupe Bolloré.
Cette offensive est significative dans ce qu'elle montre des progrès de l'extrême-droite comme je l'explique dans une tribune parue ce jour dans Jeune Afrique.
Pap Ndiaye, ce ministre français que l’on adore détester !
Depuis sa nomination au poste de ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye est la cible d’attaques fréquentes. Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, l’universitaire est carrément un point de fixation obsessionnel des forces les plus réactionnaires de France.
Le ministre français de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, le 23 mai 2023. © JOEL SAGET/AFP
À peine le nom du successeur de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle était-il connu que les attaques en « wokisme » ou en « islamo-gauchisme » fusèrent. Une vague de haine en ligne, dont une étude que nous commandâmes montra qu’elle avait été impulsée par les réseaux zemmouristes, se déploya. Elle trouva des relais solides bien au-delà des seuls cercles zemmouristes : de l’extrême-droite frontiste aux franges du Printemps républicain, en passant par le camp néolaïque et la droite parlementaire dont la dérive – symbolisée par l’accès d’Éric Ciotti à la tête de LR – s’affirmait alors.
Depuis, les sorties du ministre sont l’occasion d’attaques fréquentes. L’actualité la plus récente nous en fournit un nouvel exemple. En effet, réagissant le 9 juillet dernier sur Radio J au refus de la rédaction du JDD de voir arriver à sa tête un personnage tellement marqué à l’extrême-droite que même Valeurs actuelles s’en est séparé, Pap Ndiaye a tenu des propos somme toute banals. Vincent Bolloré est qualifié de « personnage manifestement très proche de l’extrême-droite la plus radicale » tandis que C News est décrit comme un média « clairement d’extrême-droite » qui fait « du mal à la démocratie ».
Mise en cause ad hominem
Les attaques que ces propos ont déclenchées sont pourtant significatives. Tout d’abord par leur intensité et leur nature. Ensuite, par l’écosystème qu’elles révèlent. Enfin par ce qu’elles ont suscité en défense du ministre devenu cible. Les attaques furent d’une rare violence puisqu’elles s’aventurèrent sur le terrain de la mise en cause ad hominem. C’est ainsi que, sans que cela n’ait aucun rapport avec le fond de la polémique, la présentatrice de C News Laurence Ferrari s’employa à y faire entrer les enfants du ministre.
De façon plus classique, les attaques ad hominem s’orientèrent vers la couleur de peau du ministre. Non pas que Pap Ndiaye ait été qualifié de « noir » (on veille – encore – à mettre sa main devant la bouche avant de péter). Pourquoi s’abandonner à une telle grossièreté quand il suffit par exemple de le qualifier de « woke », mot indéfini mais chargé de sens qui joue souvent le rôle du camouflage d’une attaque a minima « anti antiraciste », au pire raciste ? Lorsque Philippe de Villiers explique que le ministre « veut faire entrer l’islamisme et le wokisme à l’École » ou qu’Éric Ciotti affirme que Pap Ndiaye s’est efforcé toute sa vie à « déconstruire notre Nation », peuvent-ils ignorer les sous-entendus que comportent ces attaques ?
Si leur violence est également nouvelle dans son intensité, c’est parce qu’elles s’inscrivent dans le contexte de la constitution de plus en plus affirmée d’un groupe de presse dédié à la promotion de l’extrême-droite et suffisamment sûr de sa force pour se déchaîner sans retenue, dans une logique de meute typique des groupes extrémisés où se beuglent la fidélité au chef, la profession de foi dans la doxa et la mise au pilori de celles et ceux qui ne s’y plient pas, la critiquent ou la trahissent.
Opportunisme couard
Cette certitude dans une force qui se déploie sans peur de la grossièreté ne serait pas aussi ressentie sans, deuxième élément significatif, l’écosystème de plus en plus dense et serré qui se constitue à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Si anecdotique cela paraisse-t-il, les mots de Laurence Ferrari sont salués par le démissionnaire président nominal du Printemps républicain (qui se décrit désormais comme un « patriote engagé »). De façon plus significative, chez LR, Éric Ciotti s’empresse de saluer Bolloré. En parallèle, un député et un sénateur, sans d’ailleurs ne rien dire de la virulence des attaques subies par Pap Ndiaye, profitent des questions au gouvernement pour voler au secours des titres de presse de Bolloré au nom de la liberté d’expression.
Certes, ces forces ou individus avançaient chaque jour davantage en parallèle de l’extrême-droite ou en courant derrière celle-ci. Il n’y a qu’à penser aux clins d’œil appuyés de Ciotti en direction de Zemmour pendant la campagne présidentielle. Il n’y a qu’à constater l’inquiétante dérive de LR sur la question de l’immigration pour laquelle, outre une vision de plus en plus lepénisée, elle a proposé des solutions en rupture avec l’État de droit. Mais désormais, les voilà s’efforçant d’appartenir au réseau de relation des hérauts de l’extrême-droite et/ou à paraître comme les premiers défenseurs de la presse d’extrême-droite, s’évertuant en la circonstance et non sans talent à faire davantage de bruit que les camps lepéniste et zemmouriste.
Que ces dynamiques de ralliement progressif à l’extrême-droite soient le fruit d’une idéologie foncièrement réactionnaire, d’une aveuglante peur de l’autre ou d’un opportunisme aussi intéressé que couard, les attaques contre Pap Ndiaye nous révèlent en tout état de cause la constitution d’un écosystème qui, dans son versant partidaire, n’est pas sans rappeler le scénario italien : ne sachant plus comment plaire à l’électorat d’extrême-droite, une partie significative de la droite institutionnelle se place dans la position non plus d’une famille politique qui s’allierait à l’extrême-droite pour parvenir au pouvoir mais dans celle d’une famille politique réduite au rôle de force d’appoint permettant à l’extrême-droite de gouverner.
Banalisation de la haine
Enfin, l’absence de soutien gouvernemental à Pap Ndiaye est là encore tout à fait significative. Silence massif des ministres, soutien timide de Clément Beaune, sortie stupéfiante de Stanislas Guerini sur la très bollorisée Europe 1… Autant de facettes qui illustrent un inquiétant recul de la fermeté éthique à opposer à l’extrême-droite et à ses logiques de meute. Cette apathie est-elle le fruit de la faiblesse idéologique des ministres ? De leur sidération face à une virulence que leur profil très peu politique ne leur permet pas d’affronter ? De l’affaissement de leurs certitudes devant des évolutions électorales qui les désorientent ? Ou du manque de boussole d’un exécutif au sein duquel un président rabroue sa Première ministre lorsque cette dernière pointe les origines historiques du RN avant de voler – tardivement – au secours de son ministre de l’Éducation nationale ?
L’on peut être en profond désaccord avec la politique gouvernementale en matière d’Éducation nationale (faiblesse des revalorisations des revenus des enseignants, flexibilisation des emplois du temps de ces derniers, logique de sélection et de privatisation de l’enseignement supérieur, absence de remise en cause franche des catastrophiques réformes menées par Jean-Michel Blanquer au lycée…). Mais cela ne doit pas empêcher de constater que les attaques subies par le ministre montrent que ce qu’impulsent les médias ciblés par Pap Ndiaye, à savoir la banalisation de la haine de l’autre et l’abaissement du débat public par l’impossibilité croissante d’échanges d’arguments rationnels, tendent à devenir moins problématiques que leur dénonciation. Dans une démocratie qui se porte bien, c’est exactement l’inverse qui se produit.
SOURCE : Pap Ndiaye, ce ministre français que l’on adore détester ! – Jeune Afrique
Michel Dandelot
Par micheldandelot1 dans Accueil le 20 Juillet 2023 à 12:51
http://www.micheldandelot1.com/le-premier-qui-dit-la-verite-il-doit-etre-execute-a214535023
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Rédigé le 20/07/2023 à 07:21 dans France, Racisme | Lien permanent | Commentaires (0)
Racisme, attentats d’extrême droite et violences
policières : la société française et son « trou de mémoire » postcolonial
Pendant la dizaine d’années qui a suivi la fin de la guerre d’Algérie, l’extrême droite et le racisme qui la caractérise se sont trouvés affaiblis et marginalisés. Mais, dès 1973, les difficultés économiques de la France leur ont donné l’occasion de réapparaître au grand jour et de croître. Le roman policier de Dominique Manotti, Marseille 73, porte sur ce moment de résurgence meurtrière, évacué de notre mémoire collective et qui n’a guère fait l’objet que du livre d’un journaliste italien, Fausto Giudice, Arabicides. Une chronique française 1970-1991 (1992). Ce polar est d’une étonnante actualité, après l’essor continu de l’extrême droite, souvent encouragé par les pouvoirs successifs dans les premières décennies du XXIe siècle, et alors que des pans entiers de la police et la gendarmerie françaises ont fait l’objet, dans cette période, d’une prise de contrôle croissante par la droite extrême.
Marseille 73. Une histoire française, de Dominique Manotti.
(Les Arènes, 2020)
La France connaît une série d’assassinats ciblés sur des Arabes, surtout des Algériens. On les tire à vue, on leur fracasse le crâne. En six mois, plus de cinquante d’entre eux sont abattus, dont une vingtaine à Marseille, épicentre du terrorisme raciste. C’est l’histoire vraie.
Onze ans après la fin de la guerre d’Algérie, les nervis de l’OAS ont été amnistiés, beaucoup sont intégrés dans l’appareil d’État et dans la police, le Front national vient à peine d’éclore. Des revanchards appellent à plastiquer les mosquées, les bistrots, les commerces arabes.
C’est le décor.
Le jeune commissaire Daquin, vingt-sept ans, a été fraîchement nommé à l’Évêché, l’hôtel de police de Marseille, lieu de toutes les compromissions, où tout se sait et rien ne sort. C’est notre héros.
Tout est prêt pour la tragédie, menée de main de maître par Dominique Manotti, avec cette écriture sèche, documentée et implacable qui a fait sa renommée. Un roman noir d’anthologie à mettre entre toutes les mains, pour ne pas oublier.
Littérature. Dominique Manotti : « La guerre
d’Algérie hante la société française »
La porosité entre le légal et l’illégal passionne la romancière, qui poursuit la voie escarpée du polar politique en entraînant son héros récurrent, le commissaire Daquin, dans le Marseille de 1973 gangrené par l’influence de l’extrême droite. Entretien.
Credit: Ulf Andersen / Aurimages/afp
Pourquoi le fantôme de la guerre d’Algérie hante-t-il
continuellement le roman ?
Dominique Manotti : La guerre d’Algérie correspond au début de mon militantisme et de ma prise de conscience. J’avais 17 ans et pendant ces deux premières années, j’ai milité autant que j’ai pu. Comme beaucoup d’historiens, je pense que la guerre d’Algérie a marqué plus profondément la société française que la guerre de 1940. Elle marque la fin de 130 ans d’histoire coloniale où s’est enracinée une mentalité profondément raciste dans ce qu’on appelle les valeurs républicaines. L’effondrement de la réalité de la domination coloniale a enlevé l’escabeau sur lequel nous étions assis. Le colonialisme n’est plus un système actif de richesse, mais un souvenir extrêmement marquant. Le racisme anti-arabe est aujourd’hui l’héritage de cela. Dans les années 1990, lorsque j’étais prof en Seine-Saint-Denis, les flics appelaient les jeunes Beurs les Fellaghas. Je n’y avais pas fait attention à l’époque de la guerre mais quand les Français parlaient des Algériens, puisque, pour eux, ils n’existaient pas en tant que peuple, ils disaient les musulmans. Notre République laïque les a confinés dans leur religion.
Que raconte votre roman de la collusion entre les différents
pouvoirs à Marseille, dans un agenda dicté
par l’extrême droite ?
Dominique Manotti Au départ, Defferre (maire de la cité phocéenne de 1953 à 1986 – NDLR) n’était pas favorable à l’arrivée des pieds-noirs à Marseille. Il a tout fait pour les en empêcher. Si une certaine droite, comme celle de Giscard et de Poniatowski, sympathisait avec l’OAS et s’est clairement engagée sur les thèmes de l’Algérie française et de l’extrême droite, ce n’est pas son cas. Mais, une fois que les pieds-noirs ont été là, Defferre a pratiqué le clientélisme électoral en subventionnant leurs associations et en rachetant « le Méridional ». Le cas de la police marseillaise est complexe. J’ai utilisé un commissaire parisien pour avoir un regard extérieur. La fin de la guerre d’Algérie, c’est aussi le rapatriement de tous les soldats de métier et des policiers, réintégrés dans les corps de fonctionnaires en France. À Marseille, il y avait beaucoup de flics pieds-noirs qui ont voulu être en position de force. D’où une phase de liquidation des Corses dans la police. À l’époque, la police ne recherche pas les assassins d’Algériens parce qu’ils savent que la population est avec eux. Quant à la justice, elle n’en a rien à foutre. J’ai trouvé dans les archives un procureur qui essaie de faire un peu mieux que les autres. Mais, à l’époque, seule l’extrême gauche se battait contre les assassinats d’Algériens.
Marseille 73. La guerre d’après
Le Front national, qui vient d’être créé, n’est encore qu’un groupuscule. Et pourtant la lepénisation des esprits bat son plein à Marseille. Il ne fait pas bon être arabe lors de cet été 1973. La guerre d’Algérie n’est pas finie pour tout le monde. Lorsque Malek Khider, 16 ans, est assassiné, l’improbable et récurrente thèse du règlement de comptes est avancée pour étouffer le meurtre. Mais Daquin, jeune commissaire parisien de 27 ans dont c’est le premier poste, ne se satisfait pas de ce mensonge. Le frère de la victime non plus. Avec une écriture incisive, Dominique Manotti éclaire les coins inexplorés de notre histoire postcoloniale en convoquant les polices marseillaises, les pieds-noirs de l’union des Français repliés d’Algérie, proche de l’OAS, le syndicat des travailleurs algériens, la justice et les médias qui ne se privent pas d’attiser le racisme. Ce beau roman, en prise avec le réel, résonne puissamment, à l’heure où des millions de manifestants demandent à la police de faire peau neuve, afin que les forces de l’ordre deviennent enfin gardiens de la paix.
« Marseille 73 ». Interview de Dominique Manotti sur Arte
« Marseille 73 ». Interview de Dominique Manotti sur Arte
http://www.micheldandelot1.com/marseille-73-la-resurgence-du-racisme-qui-n-a-cesse-de-croitre-ensuite-a214533483
Rédigé le 20/07/2023 à 06:49 dans France, Racisme, Violences policières | Lien permanent | Commentaires (0)
Ce débat a été mis en ligne le 18 mars 2022 et nous pourrons revoir le regretté Pierre Audin aujourd’hui décédé.
À l’occasion des 60 ans des accords d’Évian et de l’indépendance du pays, les Amis de l’Humanité ont organisé un débat réunissant historiens, journalistes et spécialistes, disponible en intégralité dans cette vidéo. Ce débat a réuni Pierre Audin, fils de Maurice et Josette Audin, l’historien Gilles Manceron et Charles Silvestre, l’ancien rédacteur en chef adjoint de l’Humanité et coordinateur de l’« appel des douze », tous trois co-auteurs de l’ouvrage « La vérité est en marche, rien ne l’arrêtera ». Autour de ces auteurs, le débat proposé par les Amis de l’Humanité et animé par la journaliste Latifa Madani a également accueilli Florence Beaugé, ancienne journaliste au Monde, et l’historien Benjamin Stora, auteur du rapport «Mémoire et vérité».
SOURCE : Débat sur la guerre d’Algérie: rencontre pour la mémoire et la vérité - YouTube
http://www.micheldandelot1.com/debat-sur-la-guerre-d-algerie-rencontre-pour-la-memoire-et-la-verite-a214527565
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Rédigé le 19/07/2023 à 17:35 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
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