Il n’y a pas de comparaison possible entre le massacre d’Algériens à Paris en octobre 1961 et les agressions subies ces dernières semaines en Tunisie par les migrants africains subsahariens. Mais l’Histoire éclaire toujours le présent.
Par Dr Mounir Hanablia *
L’afflux des migrants sub-sahariens en Tunisie soulève d’évidentes questions humanitaires mais aussi sécuritaires dans lesquelles la police est inévitablement appelée à jouer un grand rôle, en se conformant en principe aux lois ayant cours dans le pays.
Néanmoins, et toujours en principe, la police obéit d’abord à son cadre hiérarchique, se situant lui-même sous l’autorité du gouvernement qu’il sert, par le biais du ministère de l’Intérieur, ou de la Justice. Mais d’une manière générale, les infractions à la loi y demeurent marginales, particulièrement dans les Etats se prétendant de droit.
Un scandale d’Etat
L’ouvrage écrit par Jean-Luc Einaudi plus de 30 ans après les faits est une enquête réalisée auprès des victimes, de témoins, ou bien à partir de documents administratifs (préfecture de police, institut médico-légal, ministère de la Justice, Assistance des hôpitaux de Paris) sur les morts violentes qui ont frappé de nombreux Algériens dans les semaines qui ont précédé et suivi les manifestations du 17 octobre 1961 contre l’instauration du couvre-feu discriminatoire visant les membres de leur communauté.
Les poursuites judiciaires pour crimes contre l’humanité engagées dans les années 90 à l’encontre de Maurice Papon, pour son rôle dans la déportation de juifs français en Allemagne, ont inévitablement posé sur le tapis la question de son rôle dans la répression des Algériens quand il était préfet de police à Paris, durant l’époque incriminée, et ont donné lieu à des débats relativement au nombre réel des victimes. De nombreuses batailles judiciaires en ont émaillé la rédaction et la publication, contre les accusations de diffamation, et la mauvaise volonté de l’administration publique peu encline à ouvrir ses archives pour déterminer les responsabilités l’impliquant dans de véritables scandales d’Etat. Et effectivement, cela en fut un !
Il s’est avéré que la police s’était livrée délibérément à des actes d’agression contre les Maghrébins ayant fait près de 300 morts par strangulation, noyade, armes blanches, coups violents ou armes à feu. Des milliers de personnes ont été matraquées par les «comités d’accueil» puis parquées dans des conditions atroces au Palais des Sports, au Stade Pierre de Coubertin et au Parc des Expositions pendant plusieurs jours. Une cinquantaine ont été tuées dans les locaux mêmes de la préfecture de police. Le préfet Maurice Papon y a été reconnu par quelques-uns des détenus et n’aurait pas pu ne pas être au courant de la tournure prise par les évènements.
Une police devenue incontrôlable
Évidemment lorsque la police se soustrait à l’obligation du respect des lois d’une manière aussi soutenue et évidente, la question de la responsabilité de la hiérarchie se situe au niveau de la nature de ses directives. Et quand ses pratiques sont assimilables au terrorisme, c’est la politique de l’Etat qui est en cause.
Or quelle politique exigeait l’assassinat de sang froid de citoyens innocents, tous membres d’une même communauté ? Le FLN Algérien avait donné des consignes strictes afin que les manifestations fussent pacifiques et selon de nombreux témoignages indépendants et concordants elles le furent, contredisant les rapports de la police, de l’Inspection générale des services, ainsi que les non-lieu systématiques concluant les procédures judiciaires engagées par les victimes, avant et après la loi d’amnistie sur les événements survenus en Algérie, et attribuant en général ces morts à des luttes entre fractions algériennes politiques rivales (FLN contre Messalistes) et n’en retrouvant jamais les auteurs.
Selon la thèse vers laquelle semble pencher l’auteur du livre, en tous cas défendue ultérieurement par certains membres du gouvernement français de l’époque, la police parisienne serait devenue incontrôlable après l’assassinat attribué au FLN Algérien de quelques uns de ses membres, aux obsèques desquels le préfet Papon avait déclaré: «Pour chaque coup reçu, nous en rendrons dix».
Comment la Police dans le contexte de l’époque avait-elle disculpé de ces crimes l’OAS, l’organisation armée secrète qui, après l’échec du coup d’Etat des généraux d’Alger en Avril 1961, avait recouru au terrorisme en France métropolitaine avec l’intention proclamée d’abattre le régime du Général De Gaulle ? Prétendre qu’elle avait été prise d’une folie raciste peut laisser dubitatif, quand celle-ci affleure à la méthode.
Racisme? Le 12 février 1962, ce sont cette fois des Français de souche qui allaient faire les frais de la folie meurtrière de la police toujours aux ordres de M. Papon, à la station de métro Charonne, preuve s’il en est que les mobiles qui la sous-tendaient pouvaient être bien plus complexes.
Quand on est racisé·e dans ce pays, on naît en apnée, on vit en apnée et on risque de mourir étouffé·e. La violence des mots, de la répression, du rejet que l’on subit en France est devenue intenable.
Je ne vis plus tranquillement depuis qu’un policier a mis une balle dans le thorax de Nahel, un enfant de 17 ans, arabe et habitant dans un quartier populaire de Nanterre.
Quand on est arabes et noir·es, racisé·es dans ce pays, on naît en apnée, on vit en apnée et on risque de mourir étouffé·e. Je suis tellement en colère que même les gens heureux m’agacent ces jours-ci. Comment peux-tu vivre heureux dans un pays qui suinte le racisme par tous ses pores ? Qui tue, qui justifie, qui punit ses enfants qui osent se lever contre l’injustice ? Ce n’est pas le premier et pourtant cet homicide-là, et tout ce qui a suivi, nous marquera durablement.
Le policier qui a tué a été soutenu financièrement par le ministre de l’intérieur, qui lui a permis de maintenir son salaire. Des Français·es, comme celles et ceux qu’on croise tous les jours, et des bourgeois·es gêné·es par quelques milliers d’euros en trop sur leurs comptes, ont nourri une caisse de soutien de plus d’un million d’euros. Une fille avec qui j’étais au lycée et que j’aimais beaucoup a partagé la cagnotte pour le policier sur Facebook. Ceux qui pensent qu’on peut de cette manière ôter la vie d’un jeune homme de 17 ans sont partout autour de nous. C’est aussi des gens bien, comme cette poignée de profs de mon ancien lycée qui estiment que, quand même, ce petit Nahel l’avait peut-être un peu cherché.
Que faire avec toute cette colère ?
Quand de jeunes gens de quartiers populaires, qui auraient pu être Nahel, ont dit leur colère dans le feu et le fracas, ils ont été envoyés, fissa, en comparution immédiate. Prison, prison, prison.
Quand des familles de victimes de violences policières, comme la famille Traoré, ont voulu marcher et se recueillir, l’État les en a empêchées par deux fois. Le 8 juillet 2023, elles ont marché quand même, à Paris, et en hommage à Adama Traoré comme elles le font chaque année depuis sept ans. Cela a valu à la sœur Assa une procédure judiciaire par la préfecture de Paris. Cela a valu au frère Yssoufou une arrestation d’une violence inouïe, à tel point qu’une enquête pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » a été ouverte. Peu importe les raisons pour lesquelles ils l’ont arrêté, la violence de l’arrestation m’a retourné le ventre.
J’étais dans le train, il y a deux jours, quand j’ai entendu le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, qui s’est si longtemps drapé dans son combat contre l’extrême droite, inviter le Rassemblement national à saisir la justice contre les élu·es de gauche qui avaient marché aux côtés de la famille Traoré, malgré l’interdiction préfectorale. Ce n’est pas que j’accorde un quelconque crédit politique à Éric Dupond-Moretti mais qu’on en soit rendus là m’a scotchée. Je ne pleure pas facilement (à part devant des films), mais j’ai eu subitement très envie de pleurer devant l’abîme. Que vais-je donc faire avec toute cette colère ? Peut-être me mettre enfin au sport, peut-être aller dehors crier, peut-être tout dire dans un billet de blog, et puis quoi après ? Peut-être quitter ce pays.
Je me suis dit, quelque part entre Nîmes-Gare et Nîmes-Centre, que le fascisme, on ne s’y rend pas, on y est déjà. Ils peuvent faire pire, ils ont de la marge dans l’ignoble, mais on y est.
À ce moment-là, tout s’est mélangé dans mon esprit : le contrôle des corps des jeunes lycéennes musulmanes, les petits qui jouent à la prière dans la cour et contre qui on lâche l’appareil d’État, tous ces jeunes gens morts de violences policières, ceux légitimement en colère qu’on envoie au trou, le RN qui passe pour timoré à côté de la droite classique, le sort réservé aux migrant·es en France, en Tunisie, en mer, ailleurs, la déliquescence d’une partie de la gauche sur ces questions… L’impression d’être toujours seul·es, face à une violence qui nous dépasse.
Pas avare en provocations, ce mercredi, le ministre de l’intérieur a annoncé qu’il demandait l’interdiction de la manifestation contre les violences policières qui doit se tenir en fin de semaine. Encore. Je compte m’y rendre pour crier avec les autres, mais je me demande si on n’a pas déjà perdu.
C’est qui, la racaille ?
Désormais, les habitant·es des quartiers populaires qui ont vu l’un de leurs enfants mourir en direct, qui ont vu leurs voitures et leurs mobiliers urbains partir en fumée, sont puni·es une troisième fois. Plus de transports le soir et tant pis pour les darons qui s’en servent pour revenir du travail. Plus d’activités estivales au Blanc-Mesnil : sur l’affiche de « Beach Mesnil », on peut lire : « Annulé, les économies réalisées permettront de repérer les dégâts commis par les émeutiers. » Le sénateur Les Républicains Thierry Meignen, maire du Blanc-Mesnil avant de céder sa place pour ne pas cumuler, a jugé nécessaire d’ajouter l’insulte à la punition collective : « J’en ai marre de cette poignée de petits connards qui ne sont pas tenus par leurs parents ! »
Par ailleurs, la punition collective n’est pas circonscrite au Blanc-Mesnil, elle devient règle nationale puisque l’extrême droite et la droite (dont Renaissance) réfléchissent à la manière de punir financièrement les familles des jeunes révolté·es. « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles », a lancé, toute honte bue, le président de la République, qui s’enferme dans une pratique du pouvoir toujours plus autoritaire, méconnaissant l’individualisation des peines qui vaut dans la justice française.
Et de notre côté, on souffle, on s’inquiète, on ne parle plus que de ça, on s’imagine partir dans un autre pays quand on voit qu’un sénateur de droite – BRUNO RETAILLEAU – peut dire en tout décontraction que les « émeutes » procèdent d’une « régression vers les origines ethniques » sur un plateau de télévision sans être repris, sans être exclu de son groupe, sans qu’aucune conséquence d’aucune sorte ne punisse ce racisme décomplexé. C’est la ligne.
Il n’est pas le seul. Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR elle aussi, a versé dans le même registre, sans que cela ne lui soit reproché : « Vous allez me dire : la plupart des gens qui sont arrêtés sont français, d’accord, mais ça ne veut plus rien dire aujourd’hui. Ils sont comment français ? » Elle le répète, avec de grands gestes de politicienne pour appuyer ses inepties, arguant que ces « enfants d’immigrés » ont « la haine de la France ».
Effectivement, si j’étais une jeune fille de Saint-Gratien (Val-d’Oise), la ville dont elle a été maire et sur laquelle elle exerce toujours un pouvoir certain, j’aurais probablement la haine. La même a mené localement une guerre contre les quartiers populaires sans précédent, comme le racontait Streetpress en 2020. Le quartier des Raguenets s’était mobilisé tout entier contre la destruction du mini-stade de foot synthétique du coin… une destruction notamment portée par la sénatrice, la mairie, et soutenue par l’extrême droite. Ils ont détruit le mobilier urbain de leur propre ville, justifiant la chose par des « règles sanitaires non respectées », des tournois clandestins et des « nuisances pour les habitants car ce terrain synthétique est enclavé et n’a jamais été conçu pour y recevoir du public ».
La sénatrice n’avait pas supporté, l’année d’auparavant, l’organisation d’une grande CAN des quartiers qui prenait notamment place sur le petit terrain. De jeunes gens racisé·es et issu·es des quartiers populaires qui s’amusent dans sa commune, ça avait tellement agacé la mairie qu’elle avait posé des blocs de béton en plein milieu du tournoi. C’est toujours la même élue qui qualifiait les jeunes de Saint-Gratien de « racailles » et qui approuvait l’idée d’envoyer une milice « leur casser les dents ». C’est qui, la racaille ?
Les élus qui mettent de l’huile sur le feu ces derniers jours le font à dessein, dans un combat idéologique et civilisationnel qu’ils mènent contre nous depuis des années. Ils ne veulent plus de nos gueules de métèques ici, ils nous le font comprendre. Partir serait leur donner raison mais rester à quel prix ? Et puis pour partir où ?
Pendant que le cirque médiatique bat son plein, dépassant toujours les limites de la décence, que des élus nous piétinent de leur violence, des jeunes gens dorment en prison pour avoir usé du seul moyen d’expression qu’on leur laisse.
« [Les autorités] n’attendent de nous que le crachat, le crachat et la violence, car [elles] ne peuvent pas nous imaginer autrement »
On a vu, inquiet·ètes, l’avenir de ces centaines de jeunes gens être brisé par la volonté de mater la révolte par une violence nouvelle. J’ai 26 ans et je suis du côté des journalistes qui couvrent l’événement, mais dix ans plus tôt, j’aurais tout à fait pu être l’une de ces jeunes gens qui veulent rendre les coups… Peut-être qu’en cachette j’aurais pris un bus jusqu’à Perpignan pour lancer une pierre ou deux. Même bêtement, même par le feu, même si ce qui part en fumée se trouve juste en bas de chez moi. J’avais la même rage dans le ventre et j’aurais pu faire la même chose, obsédée par deux seules questions : que vaut une vitrine cassée, un abribus brûlé, à côté de la vie de l’un des nôtres ? Et puisqu’on ne nous prête de l’attention que quand on se montre violent·es, pourquoi rester sages et se condamner à rester inécouté·es ?
Tout cela me fait penser à un texte d’un metteur en scène un peu fou, Lazare, qui avait accepté de donner des cours à des élèves éloigné·es du théâtre sans qu’ils ou elles ne déboursent un euro. J’étais l’une d’entre eux. Dans ce texte, il disait à propos du rapport des autorités aux jeunes gens racisé·es qu’elles « n’attendent de nous que le crachat, le crachat et la violence, car [elles] ne peuvent pas nous imaginer autrement ». Je trouvais cette phrase si juste que je l’ai relue plusieurs fois depuis. Et je l’ai dite à un tas de gens. Elle me revient ces temps-ci. Il y a quelques jours, j’ai rencontré Farid lors d’un reportage, il me rapportait cette phrase que lui avait dite un jour un jeune qu’il suivait en tant qu’éducateur de rue : « On nous traite comme des animaux, on se révolte comme des sauvages. »
Dans le groupe Facebook de ma famille, après la mort de Nahel, ma tante a prédit des « émeutes », mon oncle a répondu « et c’est tant mieux ». Certains d’entre eux ont en mémoire des morts et des traumatismes anciens. C’est ça, la vie des Arabes en France, des Noirs, des racisé·es, de toutes celles et ceux qui retiennent leur respiration en passant à côté d’un policier.
Douce France, beau pays de mon enfance
Dix ans avant ma naissance, Malik Oussekine a été matraqué à mort par deux policiers. C’était en 1986, mon père vivait encore en Algérie, enseignait la langue des colons à des enfants encore traumatisé·es par la violence française. Il n’avait pas eu le choix : il était enfant de pauvres dans un village de pauvres, le nouvel État algérien avait choisi pour lui sa carrière. Mon père et ma mère connaissent le sort qui a été réservé à Malik Oussekine, et s’en souviennent. Mon père, qui ne regarde que des documentaires animaliers et des vidéos sur Facebook, m’a demandé récemment de le mettre devant la série qui a été consacrée au sort de ce jeune homme de 22 ans.
Ils savent que c’est notre histoire aussi. C’est la même police française qui, dans ses heures coloniales, a tenu mon grand-père en joug, l’a enfermé, a usé de la gégène sur le corps d’enfant de ma grand-tante, etc.
Mes parents se sont rencontrés dans les Pyrénées-Orientales, un an après qu’Aïssa Ihich est mort d’un malaise cardiaque en garde à vue, en 1991. Son nom a été oublié depuis, je ne pense pas que mes parents le connaissent. Sandrine Rousseau l’a fait vivre quelques instants à l’Assemblée nationale il y a deux jours, le ministre de l’intérieur a soufflé et détourné le regard. La violence s’ajoute à la violence, et la nausée revient.
En 1991, le maire de Perpignan, c’était Paul Alduy, un ancien résistant, un socialiste qui avait trahi en se rapprochant des gaullistes. Il est resté maire 34 ans, a enfanté et a fait de son fils, Jean-Paul Alduy, le maire d’après. De droite, bien bien de droite. La droite perpignanaise, déjà affreusement proche des idées d’extrême droite et nostalgique de l’Algérie française, a depuis laissé sa place au Front national, Louis Aliot ayant pris la tête de la ville depuis 2020. Ça fait trois ans que quand je rentre chez moi, j’évite le plus possible de mettre les pieds à Perpignan, ville où l’on fleurit chaque année une stèle en hommage aux terroristes de l’OAS. Le maire veut désormais installer une esplanade au nom de l’ancien chef de l’OAS après avoir inauguré, en 2022, un square au nom d’un député de l’Algérie française, proche de Jean-Marie Le Pen. Les gens de chez moi, qui partagent mon accent et l’amour des bunyettes, votent à l’extrême droite à presque chaque élection et n’hésitent plus à te cracher leur racisme au visage. Heureux comme des Algériens en France.
J’avais déjà six ans – et un tas de bêtises derrière moi – quand les deux policiers responsables de la mort d’Aïssa Ihich ont été reconnus coupables de violences aggravées. Quelques mois de sursis et puis s’en va. C’est à peu près à cet âge-là que mes parents ont fait comprendre à ma sœur et moi qu’il fallait qu’on soit des petites filles sages, plus sages que les autres parce qu’on est « chez eux ». Ils me le disent encore parfois quand je m’emporte dans des tirades antiracistes. Ma mère s’inquiète aussi du sort que les policiers pourraient réserver à une jeune journaliste venue couvrir les manifestations, puisqu’elle sait comme je sais que pour eux, nous ne sommes que des Arabes comme les autres.
Depuis le drame du 27 juin 2023, c’est sans se cacher que des confrères, des consœurs et des élu·es nous crachent tous les jours dessus. En plus de cette horde de gens anonymes sur les réseaux sociaux : on ne m’a jamais autant traitée de sale Arabe que ces derniers jours. Mon amoureux filtre mes notifications Twitter quand je dors, pour que je ne puisse voir que les interactions des gens que je suis, mais dans une démarche malsaine, je remets souvent les notifications parce que je veux savoir. Je n’écris pas pour me plaindre, j’écris parce qu’il fallait un lieu pour déverser un peu de ma colère, et je l’ai trouvé ici, à défaut de faire du sport. Avec autant de rancœur, on ne respire pas bien.
Dans un très juste billet du Bondy Blog, « Heureux comme un Arabe en France », mon confrère Ayoub Simour pose la question : « Comment se construit-on dans ce contexte où l’on se fait constamment cracher dessus ? » Il pense à son petit frère, 8 ans, qui reconnaît dans le visage de Zemmour celui d’un raciste, quand nos responsables politiques peinent encore à qualifier CNews pour la chaîne qu’elle est : d’extrême droite. Quand l’un, moins aveugle que les autres, se risque à mettre des mots sur la réalité, il est lâché par tous les autres.
J’ai honte de ce qu’est devenu ce pays pour le petit frère d’Ayoub et pour ma petite sœur à moi, Asma. Elle vient d’avoir son bac, brillamment. Elle est en colère, comme moi, mais ne se trimballe pas de manifestation en assemblée générale comme je le faisais à son âge. Il y a quelques mois, elle s’est levée contre l’injustice : elle a défendu l’une de ses camarades de classe venue en abaya et exclue de cours pour cela. Avec une autre de leurs copines, arborant une Vierge Marie autour du cou et dénonçant le deux poids deux mesures puisqu’elle n’avait jamais été inquiétée à ce sujet, elles ont toutes les trois atterri dans le bureau de la proviseure. Asma a défendu le droit de sa camarade de classe à venir avec une robe large, arguant que ce n’était pas un signe religieux et que la démarche du professeur était discriminante.
De son côté, la proviseure répétait les éléments de langage qu’on entend depuis des semaines sur les chaînes de télévision nourrissant la haine. Je connais ma sœur, elle devait trembler comme une feuille mais elle a tenu, et c’est peut-être la seule chose qui me réjouit dans toute cette affaire. Son portable a sonné au milieu de la brimade, c’était l’appel à la prière qu’elle avait oublié de mettre en silencieux. D’un geste d’autorité, la proviseure a exigé de ma petite sœur qu’elle supprime l’application de son portable. La laïcité appliquée à l’intime, jusqu’aux portables des jeunes filles musulmanes dont il ne faut pas seulement contrôler l’habit mais aussi l’iPhone. Elle s’est exécutée, de peur de représailles trop importantes sur sa scolarité. Quand elle m’a raconté tout ça, le feu de la haine a consumé ce qu’il me restait d’espoir dans ce pays.
J’ai cherché une issue positive à ce texte, mais je n’ai pas trouvé. Je ne vois, dans cet océan de racisme et d’autoritarisme, rien de positif. Comme le dit la rappeuse Casey,« des fois, c’est un crachat dans ta gueule que j’ai envie d’envoyer pour que tu comprennes ».
Quiconque aborde l’Algérie évoque naturellement la figure singulière d’Albert Camus dont l’œuvre dense et puissante reste intimement liée. Dans un même élan mémoriel, l’acronyme du FLN sort des limbes comme le symbole d’un mouvement révolutionnaire qui, les armes à la main, a su impulser un changement du sens de l’histoire d’un pays colonisé pendant cent trente-deux ans.
En poursuivant, pas à pas, ces deux itinéraires pour le moins antagoniques, une lumière dense vient titiller les instincts et se met à éclairer des zones d’ombres insoupçonnées.
Subtilement rédigé au carrefour du récit, de l’étude et de l’essai, situé au milieu d’une galerie de mini portraits se chevauchant au gré du temps, Camus et le FLN est, au fond, une sereine biographie d’une époque pétaradante qui pouvait nous suggérer que l’art parfumé du vivre ensemble pourrait mieux s’apprécier en passant par un chemin moins douloureux, là où l’énergie du cœur est plus forte que la fidélité à la terre.
Loin des dogmes dominants, tant culturels que politiques, l’auteur s’est fié aux textes, ces empreintes indélébiles qui disent les états d’âmes et les combats d’hommes, attelés dans le train d’une histoire encombrée d’injustices, d’incompréhension et d’espoirs, qui font toute la richesse de cet ouvrage.
Tarik Djerroud est né en 1974, en Kabylie, Algérie. Il est romancier et éditeur, fondateur des éditions Tafat en 2010. Il se passionne pour l’histoire contemporaine de son pays natal.
Tarik Djerroud, Camus et le FLN, Éditions Erick Bonnier, 20/10/2022, 21 €.
Après Alain Vircondelet Albert Camus et la guerre d’Algérieaux éditions du Rocher, après Georges Marc Benhamou Guerre d’Algérie, pour saluer Albert Camus, dans la collection Placards et libelles aux éditions du Cerf, on pouvait se demander quel était le point de vue d’un auteur algérien sur la position d’Albert Camus pendant la guerre d’Algérie. C’est dire l’intérêt de l’ouvrage de Tarik Djerroud, romancier, éditeur et auteur passionné par l’histoire de son pays. Son récit, d’une façon synthétique, mais très complète, nous dresse une fresque de la guerre d’Algérie en y incluant Albert Camus. Au fil du récit, il nous décrit l’itinéraire de ce dernier. Issu d’un milieu pauvre, Camus est sensible à la misère sociale, en particulier celle des Algériens. Membre du parti communiste dont il se sépare rapidement, il apparaît très tôt comme n’étant pas indépendantiste. Il pense que l’on peut contrer le nationalisme en amenant une amélioration de la condition des Algériens. Il est favorable au projet Blum-Violette qui prévoyait des mesures allant dans ce sens, mais qui fut torpillé par les gros colons d’Algérie. Camus constate la réalité du sort des indigènes lors de son voyage en Kabylie, dont il rapporte des articles pour essayer – sans succès – d’alerter les autorités françaises sur cette injustice. Il se pose des questions quant à la justification de la conquête, mais il considère que celle-ci étant à jamais acquise, la présence de la France est irréversible, à charge pour elle de mieux traiter les Algériens. Il a évolué d’une volonté d’assimilation fraternelle à une solution fédérale qui aurait évité aux Algériens de passer par le stade du nationalisme. Ne supportant pas le massacre de civils et les attentats terroristes aveugles, il avait proposé une trêve. Sans succès. Une réunion en ce sens se tiendra en janvier 1956 à Alger dans une atmosphère de guerre civile. Il imaginera par la suite une sorte de fédéralisme interne, assez mal défini et qui ne retint l’intérêt d’aucune des parties. La remise du prix Nobel en 1957 sera pour lui l’occasion de prononcer, quelques jours après, cette phrase qui restera célèbre :
J’ai toujours condamné la terreur, je dois aussi condamner un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère et ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.
Phrase qui doit être remise dans son contexte, car elle fut la cause de nombreuses critiques de la part des bien-pensants de tous bords. Camus révéla en même temps qu’il avait demandé plusieurs fois la grâce d’Algériens condamnés à mort pour terrorisme, ne cessant jamais de dénoncer la torture et la peine capitale. À cause de son entre-deux, Albert Camus fut rejeté de toutes parts. Les attaques dont il fut l’objet l’incitèrent à ne plus s’exprimer publiquement sur la question algérienne. Il se retrouva terriblement seul. Mort en 1960, victime d’un terrible accident de voiture, il ne connut pas la fin tragique de la guerre dont les deux dernières années furent parmi les plus sanglantes. En même temps que celle d’Albert Camus, Tarik Djerroud raconte l’histoire du nationalisme algérien et son engagement progressif et inéluctable dans un dur conflit. Rappelant les circonstances dramatiques de la colonisation et de la conquête, il évoque le rôle des leaders nationalistes algériens, Messali Hadj, l’indépendantiste, Ferat Abbas qui fut au départ assimilationniste, et qui évolua vers une position indépendantiste. Puis celui des neuf activistes qui fondèrent le comité révolutionnaire pour l’unité et l’action qui fut le premier noyau révolutionnaire, aboutissant à la naissance du FLN. Tout au long de son récit l’auteur rappelle le déroulement de la lutte des Algériens pour se libérer, sans en occulter certains aspects sombres : les luttes internes dont l’une des premières conséquences fut l’assassinat d’Abane Ramdane, ce leader au destin tellement prometteur. Il montre comment, utilisant des moyens parfois rudes, le FLN s’est imposé comme le seul représentant du peuple algérien, mettant en place des mesures autoritaires et éliminant par le sang les rivaux comme les membres du MNA de Messali Hadj, ceux qui ne suivaient pas ses consignes ou encore ceux qui refusaient de rompre les liens ou les contacts avec les Français. Il raconte comment les premiers résistants, les combattants de l’intérieur, eux qui étaient au contact des troupes françaises, ont été trahis par ceux qui étaient restés à l’extérieur des frontières qui ont pris le pouvoir à leurs dépens, imposant un régime autoritaire militaire et islamique, alors que les premiers révolutionnaires souhaitaient mettre en place un état démocratique, social et laïque. Camus et le FLN avaient des grandes divergences sur les objectifs et sur la méthode.
Au FLN, la révolte contre le système colonial se justifiait aussi par l’impossibilité de réformer ledit système. Or, Camus depuis des lustres, pensait que la réforme du système était possible à condition d’agir à l’intérieur même du système.
Ils divergeaient aussi sur l’attribution des responsabilités. Camus mettait sur le même niveau les auteurs des attentats des deux bords, mais il faisait là une analyse qui ne pouvait pas être partagée par les Algériens.
Ici, clairement, s’inscrivait une autre grande divergence entre Camus et le FLN ; le chroniqueur raisonnait à partir de l’actualité en cours, à partir du 20 août sinon à partir du 1er novembre, et les analystes du FLN faisaient remonter la genèse du problème à l’agression de 1830.
L’auteur présente Albert Camus comme il l’est habituellement : un anti-indépendantiste qui ne pouvait concevoir la séparation entre la France et l’Algérie, refusant les attentats des uns et des autres. Mais au fil du récit, il nous fait découvrir un homme bien plus complexe, qui avait parfois des éclairs de lucidité et un certain recul sur ses prises de position. Camus : “Je peux me tromper ou juger mal d’un drame qui me touche de trop près”. Il nous suggère même que Camus, au fond de sa conscience, était indépendantiste, mais qu’il ne pouvait l’admettre publiquement ou même se l’avouer à lui-même, car il était effrayé par les conséquences que cela impliquait pour les Français d’Algérie dont il se sentait solidaire.
Nous sommes en droit de penser que, d’une manière détournée, en 1939, la présence française en Algérie hantait ses pensées et, à travers elles, il interrogeait sa présence personnelle sur cette terre et sur les conditions de se racheter d’une présence sur une terre conquise en 1830.
Quiconque aborde l’Algérie évoque naturellement la figure singulière d’Albert Camus dont l’œuvre dense et puissante reste intimement liée. Dans un même élan mémoriel, l’acronyme du FLN sort des limbes comme le symbole d’un mouvement révolutionnaire qui, les armes à la main, a su impulser un changement du sens de l’histoire d’un pays colonisé pendant cent trente-deux ans. En poursuivant, pas à pas, ces deux itinéraires pour le moins antagoniques, une lumière dense vient titiller les instincts et se met à éclairer des zones d’ombre insoupçonnées. Subtilement rédigé au carrefour du récit, de l’étude et de l’essai, situé au milieu d’une galerie de mini-portraits se chevauchant au gré du temps, Camus et le FLN est, au fond, une sereine biographie d’une époque pétaradante qui pouvait nous suggérer que l’art parfumé du vivre ensemble pourrait mieux s’apprécier en passant par un chemin moins douloureux, là où l’énergie du cœur est plus forte que la fidélité à la terre. Loin des dogmes dominants, tant culturels que politiques, l’auteur s’est fié aux textes, ces empreintes indélébiles qui disent les états d’âme et les combats d’hommes, attelés dans le train d’une histoire encombrée d’injustices, d’incompréhension et d’espoirs, qui font toute la richesse de cet ouvrage.
Les enfants de la guerre d’Algérie : le grand départ
Dahhna Poznanski-Benhamou, Les enfants de la guerre d’Algérie : le grand départ : essai-témoignage, Ramsay, 24/05/2023, 1 vol. (299 p.), 20€
Si aujourd’hui Daphna Poznanski-Benhamou est une femme politique engagée et qu’elle représente, entre autres, une grande partie des Français de l’étranger, se battant pour les droits des expatriés dans leurs pays d’accueil et dans leurs pays d’origine, c’est pour être fidèle à une promesse qu’elle s’est faite lorsqu’elle était enfant. En effet, sur le quai noir de la fumée d’un incendie qui se trouvait au pied du paquebot qui lui permettrait de quitter une Algérie à feu et à sang, elle s’est juré de ne plus jamais se laisser ballotter par l’histoire et de porter la voix de ceux qui ne parviennent pas à se faire entendre.
Les enfants de l’exode : l’histoire occultée de 1962
C’est à cette enfant et à quelques autres que l’autrice entreprend de rendre hommage en leur donnant la parole dans son essai. À ceux qui sont aujourd’hui pour la plupart des grands-parents mais également les derniers à avoir directement vécu les “événements” d’Algérie et qui conservent au fond d’eux un enfant transbahuté. Sa démarche est aussi celle de la transmission d’une mémoire. Elle et les autres témoins évoquent, et ressuscitent en réalité, une Algérie qui, bien qu’elle n’existe plus, reprend forme grâce à leurs récits. Ils racontent, certains pour la première fois de leur vie, mettant un terme à un long mutisme, des événements dont la société française a longtemps fait abstraction et de leurs conséquences auxquelles les gouvernements ont refusé de se confronter. Lorsque les Français d’Algérie sont arrivés en France – environ 100000 étaient attendus mais un million est arrivé en catastrophe sans que rien n’ait été prévu pour les accueillir – personne n’était prêt à écouter ce qu’ils avaient vécu ou ce qu’ils avaient à dire. Certains aussi se sont tus et ont préféré tenter d’oublier le passé parce qu’ils vivaient dans l’urgence, de se loger, de retrouver un emploi, de se nourrir, de scolariser les enfants, de rapatrier le reste de la famille, tout cela alors qu’ils quittaient un pays chaud pour vivre l’hiver européen le plus rigoureux de la décennie, traumatisés par les drames subis et par tout ce qu’ils avaient perdu dans la guerre, par leur départ précipité sans se retourner, par le regard méprisant des habitants de la métropole qui ne voulaient pas d’eux.
Le regard d’une enfant sur l’exil algérien
Les enfants faisaient également partie de ce grand voyage vers la France métropolitaine, de cette espèce de débandade ; des enfants qui avaient encore un long avenir à bâtir et peut-être des souvenirs moins encombrants à traîner et une plus forte aptitude à la résilience. C’est à travers leurs yeux que Daphna Poznanski a voulu faire envisager le périple à ses lecteurs. Le premier tiers du livre nous livre le témoignage de l’autrice elle-même qui se lit comme un roman. Elle nous raconte comment, enfant unique, elle essaie d’apprivoiser ce qui se passe. Consciente de leur poids, elle dresse des listes et emmagasine les “grands mots”, surtout ceux en “ion” (comme manifestation, insurrection…), et tente de reconstituer les étapes qui l’ont menée d’une enfance insouciante à l’exil, d’une terre à l’autre. Petite, elle créait son histoire à partir de mots qu’elle ne comprenait pas, se rendant compte que finalement certains adultes ne faisaient que semblant de mieux savoir ce qu’ils signifiaient. Malgré la confusion environnante, la petite fille poursuit ses jeux d’enfant, se préoccupe de son amie, de sa famille et des visites qu’elle fait avec sa mère, du garçon dont elle est amoureuse, tout en restant alerte aux changements plus ou moins perceptibles qui s’imposent dans son quotidien. Elle nous fait part de son incompréhension, de ses appréhensions, nous montre ce qu’elle a absorbé des attentats et des agressions, ce qu’elle a vu des activités des fellaghas et du F.L.N. ainsi que de l’O.A.S. Elle reproduit même pour nous les titres des journaux et les tracts qu’elle a lus, les différentes annonces qui fleurissaient dans les vitrines des magasins fermés ou abandonnés. On la suit dans son évolution historique et émotionnelle jusqu’au départ inéluctable.
Mosaïque de récits d’enfants d’Algérie
Le reste du livre est consacré à d’autres témoignages. Sont ainsi réunies différentes voix et différentes expériences. On y trouve les récits d’enfants de pieds-noirs, certains juifs, d’autres chrétiens, ceux d’enfants de harkis. Tous avaient entre 6 et 17 ans au moment des “événements” qu’ils n’appellent que rarement “guerre”. Leur anonymat est préservé. Chacun se voit consacrer l’espace de 3 à 5 pages. Ils y racontent au moins une anecdote marquante, comment ils tentaient de poursuivre leur vie d’enfant, et, souvent, le moment auquel ils ont découvert ou compris qu’ils étaient confrontés à une guerre. L’autrice leur a soumis un questionnaire qu’ils étaient invités à suivre ou non. Pour certains, il a fallu qu’elle procède à des entretiens pour les aider à donner forme à leurs souvenirs, à se raconter. Le format est donc assez uniforme mais chaque témoignage préserve le style original de celui qui l’a rédigé. On a donc ceux qui s’expriment aisément et font de longues et riches phrases, l’une qui laisse de nombreux points de suspension au sein de son texte, des niveaux de langue divers et variés, parfois l’impression que le conteur retombe en enfance et retrouve ses mots de ce temps-là.
Destins bouleversés et traumatismes de la guerre
Les expériences diffèrent. Il y avait des parents qui maintenaient leurs enfants à distance et ne leur expliquaient rien, perdant de cette façon la confiance de leur progéniture qui n’était pourtant pas aveugle face aux transformations du monde qui les entourait. D’autres parents vivaient eux-mêmes dans le déni ou l’incompréhension, d’autres encore tentaient de rendre l’actualité accessible aux oreilles des plus jeunes et avaient pris les devants, tentant d’anticiper un départ qui leur paraissait déjà inévitable sur le long terme. Les enfants étaient entourés de voisins, qui d’amis sont parfois devenus ennemis ; des membres de leur famille portaient l’uniforme, des connaissances rejoignaient les rangs des différents mouvements. Il arrivait qu’ils ne reviennent pas, ou bien qu’ils soient ramenés morts ou blessés. Ces enfants ou leurs proches ont pu être pris dans des attentats ou évitèrent de peu des attaques dans les rues ou des enlèvements. Les réflexions ne sont pas forcément politiques puisqu’elles cherchent à retracer les émotions vécues au moment des faits, les renversements qui firent passer de la vie d’avant aux “événements”, et toutefois quelques idées transparaissent de temps à autre. Les enfants devenus adultes se disent que les choses auraient pu se passer autrement. Ils se demandent quelle vie ils auraient eue, ce qu’ils seraient devenus, s’ils n’avaient pas quitté leur pays, s’ils n’avaient pas connu la guerre, les déchirements, les pertes humaines et matérielles. S’ils n’avaient pas eu à s’exiler, s’ils avaient été mieux accueillis et intégrés au moment de leur arrivée, s’ils ne s’étaient pas partout sentis à un moment étrangers. Ils s’interrogent sur l’impact de l’histoire sur leur être. Si tous n’ont pas ressenti chaque expérience de la même façon, si tous n’ont pas vécu les bouleversements exactement dans les mêmes conditions, les thèmes se répètent, les événements de l’actualité les plus marquants reviennent tout comme l’évocation des discours du général de Gaulle, de ses visites, des espoirs déçus, et des moments clés où tout est devenu clair et qu’ils ont compris ce qui allait se passer. Ils s’expriment aussi sur la difficulté ou l’impossibilité pour la plupart d’entre eux de retourner en Algérie aujourd’hui. Ce livre est l’occasion pour ses contributeurs de libérer les images de leur enfance, d’enfin partager ce qui les a traversés et ce qu’ils ont vécu. Pour les lecteurs il s’agit d’aborder cette partie de l’histoire, que l’autrice parvient à transmettre à travers les sentiments de ses protagonistes, d’un point de vue rarement mis à la portée du grand public.
Le 18 mars 1962, la signature des accords d'Évian ouvrait la voie à l'indépendance de l'Algérie. Soixante ans après la fin de la guerre, les plaies sont encore vives de part et d'autre. France 24 est allé à la rencontre de ceux qui ont vécu ce conflit dans les deux camps.
https://www.youtube.com/watch?v=C1dgG9nKvFY
Deux Appelés en Algérie | Guerre d'Algérie (1/2)
110 915 vues21 déc. 2022 FRANCE
Guerre d'Algérie : film-documentaire en deux épisodes sur la thématique des Mémoires de la Guerre (1954-1962). Réalisé à partir de témoignages d'Appelés du Contingent de l'Armée Française, ce documentaire personnel n'a aucune finalité politique, mais cherche à mettre en lumière des témoignages inédits ou méconnus. Je vous prie donc de rester courtois et respectueux en commentaires et de n'apporter aucune haine. Les mémoires sont clivantes, mais il est nécessaire de les respecter. L'Historien ne cherche pas à faire adhérer : il énonce des faits.
L'ancien ambassadeur de France en Algérie n'en rate pas une pour réagir à ce qui se passe en Algérie. Xavier Driencourt, qui s'est débarrassé de l'obligation de réserve, est devenu « spécialiste » de l'Algérie. Ses récentes déclarations sur l'accord de 1968 et l'immigration confirment son hostilité à l'Algérie qu'il fustige à chaque occasion.
Recul du français en Algérie
Pour expliquer cette nouvelle orientation des autorités algériennes, Xavier Driencourt place cette décision sur le plan géopolitique. « Le pouvoir algérien montre aux Anglo-Saxons qu’il se débarrasse de la France », explique le diplomate, qui rappelle que « cela fait maintenant plusieurs années que le pouvoir algérien cherche à se débarrasser de ce fameux butin de guerre qu’est la langue française, langue de l’ancien colonisateur ».
Les USA et l'Angleterre derrière le remplacement du français en Algérie ?
Le diplomate revient sur la chronologie du recul de la langue de Voltaire. « Il y avait certes eu la politique d’arabisation des années 1970, mais de manière générale, le français restait la langue "utile", parlée par les élites, l’administration et les entreprises », soutient-il en indiquant que « depuis quelques années, il y a une volonté délibérée d’éliminer le français, et de le remplacer par l’arabe d’une part, langue de l’islam, et l’anglais d’autre part, au nom d’une prétendue modernité, et ceci avec le concours discret, mais massif et intéressé des pays anglo-saxons, les États-Unis et le Royaume-Uni en tête ».
Xavier Driencourt accuse donc ces pays d'être derrière la décision de l'Algérie en mettant indirectement en cause la souveraineté de la décision politique dans le pays. Plus loin encore, le diplomate accuse les dirigeants d'hypocrisie sans le dire : « en 2020 déjà, le ministre de l’Enseignement supérieur avait demandé le remplacement du français par l’anglais, ce qui n’empêchait d’ailleurs pas le même ministre de me demander des places au lycée français pour ses proches ».
Une population non pas « analphabète trilingue », « mais analphabète tout court »
Enfin, cette décision consiste non pas à introduire l’anglais, mais carrément remplacer le français dans l’enseignement supérieur, ajoute encore l'ex-ambassadeur, qui affirme que « le résultat est connu, avec à la fin une population non pas "analphabète trilingue" selon la formule utilisée par un de mes collègues, mais analphabète tout court ».
Il faut souligner que cet ancien ambassadeur a des positions anti-algériennes et ne rate aucune occasion pour fustiger l'Algérie, même si le remplacement de la langue française par l'anglais ne fait pas l'unanimité en Algérie. Plusieurs observateurs affirment que cette décision a été prise sans préparation et que, pour l'instant, l'encadrement universitaire n'est pas prêt à se mettre à la langue de Shakespeare.
L’homme est soupçonné d’avoir tiré un coup de fusil sur Mahamadou Cissé, 21 ans, par « exaspération », alors qu’il avait été pris à partie par un groupe de jeunes dans le hall de son immeuble.
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Par Le Parisien avec AFP
Le 22 juillet 2023 à 09h50
Un ancien militaire octogénaire, soupçonné d’avoir tué un jeune voisin à Charleville-Mézières il y a sept mois, a été remis en liberté vendredi, a-t-on appris de source proche du dossier, les parties civiles déplorant une décision « incompréhensible ».
Le 9 décembre 2022, Mahamadou Cissé, 21 ans, avait été tué d’un coup de fusil dans le quartier prioritaire Ronde-Couture. Le procureur de Reims lors des faits, Matthieu Bourrette, avait alors évoqué un possible « meurtre par exaspération ». Selon lui, l’auteur présumé, un ouvrier retraité ancien membre de commandos de marine ayant participé à la guerre d’Algérie, avait déclaré avoir ouvert le feu après avoir été insulté par ce jeune homme et pris à partie par son groupe.
Mais la famille de la victime a déploré de nombreuses négligences dans l’enquête, signe de « mépris » voire de « racisme », et les parties civiles souhaitent que soit retenue la préméditation, l’octogénaire ayant proféré des menaces dont la police avait été informée.
« Cette décision est incompréhensible pour la famille du défunt »
Le suspect, âgé de 83 ans, a interdiction de détenir une arme, de se rendre dans les Ardennes et de quitter le territoire national, selon l’ordonnance de mise en liberté prise vendredi.
Le prévenu, « soutenu par l’extrême droite par le biais d’une pétition et d’une cagnotte, a regagné sa liberté (….) après seulement six mois de détention », a déploré l’avocat de la famille de la victime, Me Saïd Harir. « Cette décision (…) est incompréhensible pour la famille du défunt », ajoute l’avocat dans un communiqué, faisant valoir que l’instruction n’en est qu’à ses débuts : la confrontation prévue avec un témoin direct n’a pas eu lieu, de même que la reconstitution.
Soulignant que « les témoignages évoquent un individu raciste », l’avocat a estimé qu’ « habiter dans un quartier défavorisé et être de couleur ne devrait jamais être une justification à perdre la vie ». En mai, quelque 300 personnes s’étaient rassemblées à Charleville-Mézières pour demander justice pour Mahamadou Cissé, et sa sœur avait évoqué un « dossier bâclé ».
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Le prévenu, « soutenu par l’extrême droite par le biais d’une pétition et d’une cagnotte, a regagné sa liberté (….) après seulement six mois de détention », a déploré l’avocat de la famille de la victime, Me Saïd Harir. « Cette décision (…) est incompréhensible pour la famille du défunt », ajoute l’avocat dans un communiqué, faisant valoir que l’instruction n’en est qu’à ses débuts : la confrontation prévue avec un témoin direct n’a pas eu lieu, de même que la reconstitution.
Soulignant que « les témoignages évoquent un individu raciste », l’avocat a estimé qu’ « habiter dans un quartier défavorisé et être de couleur ne devrait jamais être une justification à perdre la vie ». En mai, quelque 300 personnes s’étaient rassemblées à Charleville-Mézières pour demander justice pour Mahamadou Cissé, et sa sœur avait évoqué un « dossier bâclé ».
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