(Nanterre) Le gouvernement français a mobilisé à nouveau samedi de forts effectifs policiers en prévision d’une cinquième nuit consécutive d’émeutes urbaines après la mort mardi de Nahel M., 17 ans, tué par un policier et inhumé loin des caméras dans sa ville de Nanterre près de Paris.
En déplacement au commissariat de Dreux, à l’ouest de la capitale, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé que les 45 000 policiers et gendarmes déjà mobilisés seraient à nouveau sur le pont samedi soir, dont 7000 à Paris et en proche banlieue.
Une partie de ces effectifs ont été déplacés à Marseille (sud) et Lyon (centre-est), les principales agglomérations touchées vendredi soir.
Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir mortel, à bout portant, d’un motard de la police nationale lors d’un contrôle routier auquel le jeune homme, au volant d’une puissante voiture, tentait d’échapper à Nanterre a embrasé tout le pays et résonné bien au-delà des frontières françaises et notamment en Algérie, le pays d’origine de sa famille.
Le président Emmanuel Macron, qui a passé samedi après-midi une série d’appels téléphoniques à des maires du pays, inquiets de la spirale de violences qui secoue le pays, a même dû informer son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier de sa décision de reporter sa visite d’État prévue à partir de dimanche.
Dans la nuit de vendredi à samedi, les forces de l’ordre ont procédé à plus de 1300 interpellations, un chiffre record depuis mardi.
À Marseille en début de soirée, de petits groupes de jeunes étaient déjà réunis sur la Canebière, l’artère centrale de la ville, et ont été rapidement dispersés, ont constaté des journalistes de l’AFP. À 20 h (14 h, heure de l’Est), la situation était globalement sous contrôle dans la cité phocéenne, où une source policière a rapporté sept interpellations pour vol dans un centre commercial dans le nord de la ville.
La première ministre sur le pont
En région parisienne, le centre commercial de Créteil-Soleil, au sud de la capitale, a été fermé plus tôt, à 16 h, de manière préventive, en raison de messages alarmants sur les réseaux sociaux.
De nombreuses communes ont instauré un couvre-feu et les réseaux de transport en commun ont été fermés plus tôt que prévu, notamment celui des bus et tramways de la région parisienne à partir de 21 h.
La première ministre Élisabeth Borne devait se rendre samedi soir tard dans la salle de commandement de la police nationale au ministère de l’Intérieur, puis dans celle de la préfecture de police de Paris pour y suivre les opérations de maintien de l’ordre, a appris l’AFP de source gouvernementale.
Nahel M. a été inhumé en fin d’après-midi au cimetière du Mont-Valérien à Nanterre en présence de sa mère, de sa grand-mère et de plusieurs centaines de personnes lors d’une cérémonie « très calme, dans le recueillement et sans débordement », a rapporté un témoin à l’AFP.
Dans la matinée, l’ambiance était très tendue devant le funérarium entre des groupes de jeunes et la presse, dont la présence n’était pas souhaitée par la famille, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« Paix à son âme, que justice soit faite », a dit à l’AFP en sortant du funérarium une habitante de Nanterre qui ne souhaitait pas donner son nom. « Je suis venue soutenir la maman, elle n’avait que lui, la pauvre ».
Incendies et pillages
Les scènes de destruction et de pillages de commerces qui secouent de nombreuses villes de France ont suscité la stupeur et la colère des habitants.
« Ils sont venus spécialement pour casser, voler et repartir », a déploré à Marseille un commerçant du centre commercial du Merlan, Youcef Bettahar. « Moi j’étais là jusqu’à 5 h du matin, de très très jeunes filles et garçons repartaient avec des sacs remplis, on est vraiment dégoûté de ce qu’il se passe ».
Dans la nuit de vendredi à samedi, 1350 véhicules ont été incendiés, 266 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, dont 26 mairies et 24 écoles, et 2560 feux comptabilisés sur la voie publique, selon le ministère de l’Intérieur, des chiffres en recul cependant par rapport à ceux de la nuit précédente.
Des bâtiments de la police et de la gendarmerie ont été la cible d’attaque, et 79 policiers et gendarmes ont été blessés. « La prochaine personne qui touche un policier ou un gendarme doit savoir qu’elle sera retrouvée », a averti le ministre de l’Intérieur samedi soir.
La question de l’état d’urgence reste posée et la manière dont la France gère cet embrasement est surveillée à l’étranger, alors que le pays accueille à l’automne la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques à Paris à l’été 2024.
Les joueurs de l’équipe nationale de soccer ont lancé vendredi soir un « appel à l’apaisement ».
Cette spirale de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.
Le policier de 38 ans auteur du coup de feu qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi.
https://www.lapresse.ca/international/europe/2023-07-01/adolescent-tue-en-france/les-mobilisations-se-poursuivent-le-jeune-nahel-inhume.php
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