Tony Greenstein, militant antisioniste juif accusé... d'antisémitisme. D. R.
Tony Greenstein a été un activiste politique pendant toute sa vie d’adulte, se concentrant principalement sur la Palestine et les activités antiracistes et antifascistes. Il est l’un des membres fondateurs de Palestine Solidarity Campaign (Campagne de solidarité avec la Palestine) en Grande-Bretagne et de Jews for Boycotting Israeli Goods (Juifs pour le boycott des produits israéliens. Syndicaliste actif, il risque une peine de prison pour avoir planifié une action contre une usine de fabrication de drones appartenant à Elbit Systems qui fournit des armes à Israël. La sentence du tribunal sera connue le 26 juin prochain.
Mohsen Abdelmoumen : Au cours des vingt dernières années, nous avons assisté à la montée parallèle et effrayante des néo-conservateurs en Occident (France, Royaume-Uni et Etats-Unis) et de l’aile droite messianique, suprématiste et apocalyptique en Israël. Selon vous, comment cela s’est-il produit et y a-t-il un lien entre les deux ?
Tony Greenstein : Je ne pense pas que la montée des néocons soit quelque chose de nouveau. Des forces similaires ont toujours existé dans l’Occident impérialiste, même si elles ne s’appelaient pas néocons. Il s’agit essentiellement de la croyance selon laquelle l’Occident possède un droit divin d’intervenir dans les colonies ou le tiers-monde chaque fois que cela est nécessaire pour protéger ses intérêts. Les Britanniques l’ont fait dans tout le Moyen-Orient – en Irak, en Egypte et, bien sûr, en Palestine.
L’aile droite messianique et suprématiste d’Israël trouve évidemment ses racines dans le sionisme travailliste. C’est un gouvernement sioniste travailliste qui a conquis la Cisjordanie, Gaza et le plateau du Golan, et ce sont les gouvernements sionistes travaillistes de Levi Eshkol, Yigal Allon, Gold Meir et Yitzhak Rabin qui ont entamé la colonisation et le peuplement de la Cisjordanie. C’est le gouvernement sioniste travailliste qui a autorisé la présence de colons à Hébron sous la direction du rabbin Moshe Levinger.
Le messianisme n’est pas propre à l’aile droite du mouvement sioniste, bien qu’il ait atteint son apogée dans l’avènement des forces de colonisation ouvertement suprématistes sur le plan racial et judéo-nazies d’aujourd’hui. Mais il s’agit là de l’aboutissement logique du sionisme lui-même. Selon les termes du Premier ministre israélien «modéré» Yair Lapid, la solution la plus souhaitable est d’avoir un maximum de terres avec un minimum de Palestiniens. Bien sûr, la droite coloniale peut, à juste titre, affirmer que si un Etat juif signifie moins de Palestiniens, elle peut aller encore plus loin et avoir un Etat sans Palestiniens ou, du moins, un Etat juif où les Palestiniens sont juridiquement inférieurs et n’ont, en fait, aucun droit. Le messianisme est en fait l’accomplissement de la mission coloniale sous la forme d’un messie revenant pour apporter le salut aux forces coloniales de peuplement. Il s’agit toujours, bien sûr, d’une inspiration divine car Dieu est toujours du côté du vainqueur.
Voyez-vous également un lien entre la montée des forces eschatologiques au sein de la population juive et la montée générale des forces non démocratiques et illégitimes en Occident, telles que les oligarques tout-puissants après quarante ans de néolibéralisme et le soi-disant Etat profond ?
Je pense que l’on a tendance à penser que, parce qu’Israël se considère comme le rempart de la civilisation contre la barbarie, pour citer le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, le phénomène de dirigeants tels que Victor Orban en Hongrie, Le Pen en France et Georgia Meloni en Italie, ne fait que refléter les tendances et les courants politiques qui se manifestent en Israël.
Il s’agit là d’une erreur fondamentale. Alors que la démocratie bourgeoise est mise à rude épreuve par les régimes autoritaires qui s’installent dans une grande partie de l’Europe, Israël n’a jamais été une démocratie bourgeoise. Il a toujours été un Etat d’apartheid, même si ce n’est qu’aujourd’hui que cela apparaît clairement, même aux yeux des défenseurs des droits de l’Homme tels qu’Amnesty International, Human Rights Watch et B’Tselem. Israël est un Etat colonial de peuplement et le colonialisme de peuplement produit toujours une situation d’apartheid entre les colons et les colonisés. Le colonialisme de peuplement instaure une forme de démocratie pour les colons mais, comme Israël l’expérimente actuellement, si vous maintenez une junte militaire dans les territoires occupés, tôt ou tard, la répression des colonisés commence à se faire sentir et s’exprime par la réduction des droits des socialistes et des anti-impérialistes au sein de la société de peuplement et même à l’encontre des principaux libéraux, comme nous le voyons avec les réformes judiciaires.
Toutefois, il est erroné de se contenter de comparer les sociétés très différentes de l’Europe et d’Israël.
Avec les opérations psychologiques Covid et la guerre en Ukraine, le niveau de contrôle dystopique des populations et de répression des opposants politiques, en particulier des forces de gauche, n’a jamais été aussi élevé depuis la guerre froide. Où va l’Occident, selon vous ?
Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec l’expression «opérations psychologiques Covid» et je ne suis même pas sûr de ce que cela signifie. La guerre en Ukraine, qui est une guerre par procuration de l’OTAN, a pour raison d’être l’expansion de l’empire mondial des Etats-Unis et de leurs petits alliés en Europe. La Russie est une cible, non pas parce qu’elle est socialiste, elle ne l’est pas, mais parce qu’elle est considérée comme résistante aux plans de l’empire américain, dont le but ultime est la confrontation avec la Chine. Bien sûr, lorsque vous entrez en guerre, la répression augmente à l’intérieur du pays, comme nous le voyons en Grande-Bretagne avec les attaques contre les manifestants qui mènent des actions directes et l’adoption d’une législation répressive telle que le Public Order Act 2023, dont l’objectif est d’empêcher toute protestation efficace.
Depuis de nombreuses années, vous êtes visé pour votre engagement en faveur de la Palestine par un système institutionnel qui tente de détruire votre carrière politique et menace aujourd’hui votre liberté. Comment est-ce possible en Grande-Bretagne qui est considérée comme la mère de la démocratie libérale ?
Toutes les démocraties bourgeoises se composent d’une couche superficielle de droits démocratiques et d’un Etat dur composé de la police et des services de renseignement. L’alliance de l’Occident avec Israël a donné lieu à une bataille idéologique dans laquelle l’«antisémitisme» est l’arme favorite d’une droite qui ne connaît que le langage d’une forme de racisme. L’antisémitisme est le faux antiracisme de la droite.
J’étais personnellement impliqué dans un groupe d’action directe, Palestine Action, et j’ai été arrêté lors d’une sortie qui visait la société d’armement israélienne Elbit. Elbit est intégralement impliquée dans les forces armées britanniques, et une attaque contre Elbit est donc considérée comme une attaque contre l’Etat lui-même. J’en paie le prix, comme d’autres militants. Comme nous l’avons vu avec le leadership de Jeremy Corbyn du Parti travailliste entre 2015 et 2019, face à une menace perçue pour leurs intérêts, l’ensemble des médias de masse, du Daily Mail de droite au Guardian «libéral» ont retourné leurs armes contre Corbyn et la gauche avec de fausses accusations d’antisémitisme.
Dans votre situation, ce qui est particulièrement frappant, c’est l’ironie qu’un juif puisse être accusé d’antisémitisme uniquement en raison de ses convictions humanistes et non sionistes, un courant politique qui a toujours existé parmi les juifs depuis la création du sionisme moderne. Comment expliquez-vous que les sionistes aient si complètement réussi à diffuser les critiques de l’entité sioniste israélienne et l’antisémitisme dans tout l’Occident ?
Lorsque le sionisme est apparu sur la scène politique à la fin du XIXe siècle, les juifs ont été ses plus féroces opposants. Ils considéraient le sionisme, avec sa conviction, que les juifs formaient une nation séparée, comme une forme d’antisémitisme juif. Le premier congrès sioniste s’est tenu en 1897 à Bâle, en Suisse. La raison en est que lorsqu’il avait été initialement prévu à Munich, en Allemagne, la communauté juive s’était révoltée et avait accusé les autorités locales d’antisémitisme. Le sionisme, qui affirmait que les juifs n’avaient pas leur place là où ils vivaient et qu’ils devaient émigrer en Palestine, n’a fait que reprendre le discours de l’antisémite qui disait la même chose.
A l’origine, le sionisme était une idée chrétienne et non juive. Ce sont des antisémites non juifs, comme Arthur Balfour, qui ont introduit la première loi sur l’immigration, l’Aliens Act 1905, pour rejeter les réfugiés juifs. Il ne voulait pas d’eux en Grande-Bretagne, mais il était heureux qu’ils colonisent la Palestine.
Israël a pris le contrôle de la collecte des statistiques sur l’antisémitisme dans le monde. Il a en quelque sorte colonisé les communautés juives de la diaspora et, ce faisant, a redéfini l’antisémitisme comme une hostilité à l’égard d’Israël et du sionisme. C’est ce qu’on appelle le «nouvel antisémitisme» pour le distinguer de ceux qui détestaient les juifs en tant que juifs. Le «nouvel antisémitisme» traite Israël comme un «juif parmi les nations». En d’autres termes, l’hostilité à l’égard d’Israël n’est pas due à ce qu’il fait, à ses expulsions, aux démolitions de maisons, etc. mais au fait qu’il s’agit d’un Etat juif.
Le sionisme attribue l’opposition des Palestiniens aux activités coloniales des colons à l’«antisémitisme» et non à leur réaction justifiée à la colonisation.
Comment expliquez-vous que l’entité sioniste criminelle d’Israël continue d’assassiner les Palestiniens en toute impunité. Est-elle au-dessus des lois ?
Israël jouit de la même impunité que les Etats-Unis en Irak, au Vietnam, etc. En cela, il n’est pas unique. Julian Assange est menacé d’extradition vers les Etats-Unis parce qu’il a révélé les crimes de guerre américains en Irak. Les criminels de guerre ont-ils été punis ? Bien sûr que non. Alors, quand vous dites qu’il est au-dessus de la loi, je vous demande, quelle loi ? Le droit international n’a pas de mécanisme d’application, sauf lorsque l’Occident souhaite utiliser la Cour pénale internationale contre ses opposants. Donc oui, dans la mesure où Israël est le principal allié de l’Occident au Moyen-Orient, il est au-dessus de la loi parce que c’est lui qui la dicte.
A votre avis, peut-on dire que le citoyen vit vraiment en démocratie en Occident ?
Je pense avoir répondu à cette question plus haut. Bien sûr, nous ne vivons pas dans une démocratie. Nous avons des droits démocratiques limités, c’est tout. Dans un Etat et une économie où quelques-uns contrôlent les moyens de subsistance du plus grand nombre, où il n’y a pas de démocratie économique ou de contrôle des ressources naturelles, il est évident que la société n’est pas démocratique.
Le lobby sioniste détient la quasi-totalité des médias en Occident. Selon vous, comment peut-on informer le public d’une manière efficace concernant les actes de barbarie commis par l’entité sioniste d’Israël à l’encontre du peuple palestinien ?
Je pense qu’il est erroné de dire que le «lobby sioniste possède presque tous les médias en Occident». Ce n’est pas vrai. Le lobby sioniste se compose de quoi ? L’ambassade d’Israël et diverses ramifications du mouvement sioniste – BICOM, Community Security Trust, Board of Deputies of British Jews, Jewish Leadership Council, Union of Jewish Students, etc. Ces organisations ne possèdent pas la grande majorité des médias. Des magnats tels que Rupert Murdoch, Lord Rothermere, etc. ne constituent pas le lobby sioniste, mais ils soutiennent l’impérialisme occidental et, par conséquent, le sionisme et sa création, l’Etat israélien.
La bourgeoisie non juive de ce pays a adopté le sionisme bien avant la bourgeoisie juive. En 1917, la Déclaration Balfour représentait l’alliance entre la bourgeoisie non juive et le mouvement sioniste dans ce pays. Sir Edwin Montagu a été le seul membre du cabinet de guerre de Lloyd George qui a approuvé la Déclaration Balfour, à être en désaccord. Il était également le seul membre juif de ce cabinet. Ce n’est qu’en 1940 que les sionistes se sont emparés du Conseil des députés et de son premier président, Sir Selig Brodetsky.
Il ne faut pas tomber dans une vision conspirationniste de ces choses. S’il était dans l’intérêt de l’impérialisme occidental de désavouer Israël, les médias ne soutiendraient pas autant le sionisme. Néanmoins, les gens sont bien mieux informés aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été sur les Palestiniens et sur ce qu’ils subissent.
Mon pays, l’Algérie, est ciblé par Israël à travers des campagnes médiatiques et autres, notamment via le Team Jorge et en utilisant le vassal marocain. Pourquoi, d’après vous, l’entité sioniste d’Israël s’arroge-t-elle le droit d’agresser les pays et les peuples en toute impunité ? Israël n’est-il pas une entité voyou construite sur les guerres ?
Je ne connais pas la situation particulière à laquelle vous faites référence. Toutefois, le sionisme s’arroge le droit d’attaquer d’autres pays parce qu’il en reçoit l’autorisation des Etats-Unis principalement. Lorsqu’Israël a attaqué l’Egypte en 1956, en alliance avec la France et le Royaume-Uni, contre la volonté des Etats-Unis, Eisenhower a rapidement fait connaître son point de vue et Israël a été contraint de se retirer du Sinaï. Ce fut la guerre de Suez. Israël fait ce qu’il fait parce qu’il est le chien de garde agréé des Etats-Unis en particulier. Il n’est pas un agent libre. Israël a été contraint de rendre le Sinaï à Sadate parce que les Etats-Unis ont fait pression sur lui dans le cadre des accords de Camp David. Il ne l’a pas fait de son plein gré.
Des débuts en 1954 aux derniers brasiers de 1962, les grandes étapes sont racontées par des acteurs directs dans un va et vient permanent entre les situations personnelles et les évènements : la pacification, le FLN, les émeutes du Constantinois en 1955, les embuscades, les représailles, la bataille d’Alger, les DOP, les commandos de chasse, la liquidation des harkis…
Ô toi qui viens de tuer ton ennemi, Empresse-toi de t’en inventer un autre Pour donner un sens à ta vie, Car la joie que te procure ton acte est éphémère, Et alors, de quoi te réjouiras-tu, Lorsque les jours auront passé ? De quelle haine nourriras-tu ton âme ? Vite ! Vite ! Découvre-toi un autre homme à détester, Un qui n’aimera pas la façon dont tu pilles son champ, Celui de ses amis, Un qui sera différent, De qui tu n’apprécieras pas l’attitude, Dont tu pointeras les défauts, Dont tu condamneras les gestes, L’apparence, le port de cheveux, la taille de barbe ! Ô toi qui as mis à bas celui que toisait ton œil noir, À présent que ta vengeance l’a terrassé, Monte la voix, haut dans le soir Et crie son nom ! Ainsi tous ceux qui seraient tentés de te maudire, De te repousser à défaut de te nuire, Sauront quel sort sera le leur S’ils aboient trop fort. Si donc ton cœur ne sait battre qu’au son du tonnerre, Pioche parmi la foule de ceux qui t’ignorent, Eprouvent envers ton être un mince ressentiment, Et choisis le plus laid ! Le bossu ! Le borgne ! Ou laisse au hasard le soin d’en sortir un du nombre Et fais de celui-ci ton nouvel adversaire ! Dépêche-toi ! Avant qu’à force d’hésitation Et à ton immense déception, Tu en viennes à le connaître. Quelle folie ce serait s’il devenait ton ami !
J’ai parlé de Michèle Tabarot depuis longtemps sur mon blog, l’article que vous pourrez lire ci-dessous date du 13 avril 2016, écrit par le regretté François Nadiras de la Ligue des Droits de l'Homme de Toulon, mais il y a 2 jours à l’Assemblée nationale elle a « ramenée sa fraise » commençons donc par cela :
L'Hymne algérien a été un sujet de la séance du 20 juin 2023 à l'Assemblée Nationale
QUI EST MICHELE TABAROT ?
Michèle Tabarot fille de Robert Tabarot qui crée en 1960 le noyau OAS d’Oran avec Athanase Georgopoulos, patron de bar dit “Tassou” et Georges Gonzales dit “Pancho”. L’organisation terroriste sème la terreur, et, comme à Alger, n’hésite pas à assassiner des soldats français, notamment…
Le Chef de bataillon Bardy, le Commandant de gendarmerie Boulle, le Lieutenant Ferrer, le Général de corps d’armée Ginestet, le Médecin-colonel Mabille, le Lieutenant-colonel Mariot, le Chef de bataillon Maurin, le Sous-lieutenant Moutardier, le Lieutenant-colonel Rançon.
Le député Jean Léonetti raconte que, à l’occasion d’une réunion de rapatriés, une femme âgée lui a déclaré : « nous voudrions que vous arriviez, un jour, à dire à l’Assemblée nationale que ce que nous avons fait collectivement, en Algérie, c’était bien. »
On comprend cette personne qui, comme beaucoup d’autres ayant vécu ce drame, n’a pas de responsabilité individuelle dans les inégalités du système colonial ni dans les atrocités commises à l’occasion de cette guerre. Mais ceux qui aujourd’hui détiennent un mandat politique ont le devoir, sinon de dire la vérité, du moins de ne pas énoncer des contre-vérités.
En raison du rôle qu’elle a joué dans l’adoption de la loi du 23 février 2005, Michèle Tabarot porte une lourde responsabilité dans la réécriture mensongère de la période coloniale en Algérie.
« Certains veulent convertir leur mémoire en histoire officielle »Éric Savarese
Robert Tabarot dit “Rocher”, le père de Michèle Tabarot, est né à Paris en 1928. Il passe toute sa jeunesse à Oran dont ses parents sont originaires. Champion de boxe, il constitue avec Conessa et Villeneuve un des premiers groupes “contre-terroristes”.
En 1960, il crée le noyau OAS d’Oran avec Athanase Georgopoulos, patron de bar dit “Tassou” et Georges Gonzales dit “Pancho”. L’organisation terroriste sème la terreur, et, comme à Alger, n’hésite pas à assassiner des soldats français.
« L’accord F.L.N. (ou Exécutif Provisoire)-O.A.S. du 17 juin 1962 à Alger n’a aucun effet sur Oran, pas plus que les premiers rapprochements organisés à Tlemcen et surtout à Sidi-Bel-Abbès. Bien au contraire. Vendredi 22, samedi 23 et surtout lundi 25 et mardi 26 juin tout brûle à Oran. On ne leur laissera rien. […] Les destructions continuent et sont imputées à Robert Tabarot et Charles Micheletti. »
Le 27 juin, Tabarot fuit l’Algérie et se réfugie à Alicante où il ouvre une pizzeria et devient « une sorte de maire occulte pour quelque trente mille exilés d’Algérie, surtout des oranais ». Athanase Georgopoulos est à Torremolinos … Ils rentreront s’installer en France en 1969, bénéficiant de l’amnistie de 1968.
Assemblée générale de la Maison
du Pied-Noir du Cannet
Le Cannois N° 0200 du jeudi 2 janvier 2003 (extraits)
A l’extrême droite : Robert Tabarot
En présence de Robert Tabarot, président national de “La Maison du pied-noir”, Manuel Alenda, président de la section du Cannet, a déclaré : « Que notre passé aide notre avenir, que notre créance ne soit pas une dette d’honneur car, nous, nous n’en avons aucune envers qui que ce soit, sauf envers nos parents. Si cette mémoire n’est pas transmise aux générations futures, si elle ne rentre pas dans l’histoire officielle, alors les “pieds noirs” seront nés pour rien et disparaîtront définitivement. C’est pourquoi nous avons raison et devons revendiquer avec force et conviction nos droits à l’histoire avec un grand H. ».
Thierry Ollive
Née à Alicante (Espagne), le 13 octobre 1962, Michèle Tabarot, qui se définit pourtant comme une « Française d’Algérie », n’avait toujours pas mis les pieds en Algérie en octobre 2004 !
Maire du Cannet (Alpes-Maritimes) depuis 1995, elle est élue députée (UMP) de la 9ème circonscription des Alpes-Maritimes en juin 2002. Autant par fidélité familiale que par intérêt électoral — sa circonscription compte environ 10% de pieds-noirs — elle s’inscrit au Groupe d’étude sur les rapatriés, dont elle devient vice-présidente. Ce groupe de 57 députés agira comme un lobby. Comme tout groupe de pression, il transcende les clivages politiques : on y trouve six socialistes, à côté d’une forte majorité d’élus UMP et UDF.
Lors de l’élaboration du projet de loi en faveur des rapatriés, en 2004, Michèle Tabarot a défendu l’indemnisation des quelques centaines d’anciens membres civils de l’OAS qui avaient fui à l’étranger pour échapper à la justice française. L’article 13 de la loi du 23 février 2005 leur permettra de récupérer les points de retraite non acquis au cours des années 60. « En plus de l’effort d’indemnisation des harkis, il était normal de réparer cette injustice », estime Michèle Tabarot. Elle considère sans doute également comme “normal” le fait que l’ami Athanase Georgopoulos ait été nommé, le 30 décembre 2005, membre de la commission chargée de gérer cette indemnisation.
Cet ancien membre de l’OAS, élevé à la dignité de Commissaire aux gratifications, au côté d’un conseiller d’Etat, a ainsi portes ouvertes aux ors des ministères. Nul doute que, au moment de l’examen de sa propre demande, ses pairs apportent [aient apporté ?] une juste compensation financière à son « inactivité » exercée tant dans le cadre de l’OAS à Oran, que dans celui de sa florissante boite de nuit, l’Eldorado, à Torremolinos.
Michèle Tabarot a soutenu sans hésiter l’amendement de Christian Vanneste qui demandait aux programmes scolaires de souligner « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » « Il y en a marre de la repentance permanente ! dit-elle. Tant que nous ne serons pas fiers de notre histoire, nous ne pourrons pas favoriser l’intégration des jeunes générations. »
Adopté sans bruit dans la loi du 23 février 2005, cet amendement a fini par réveiller les consciences : une proposition de loi du PS visant à l’abroger est soumise à l’Assemblée nationale le 29 novembre 2005. Quelques extraits du discours prononcé par Michèle Tabarot à cette occasion méritent d’être repris.
Discours de Michèle TABAROT le 29 novembre 2005 à l’Assemblée Nationale pour la reconnaissance des aspects positifs de la colonisation [8]
Le 10 février dernier, lors que notre Assemblée venait d’adopter la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mes collègues et moi-même quittions cet hémicycle avec la légitime fierté d’avoir oeuvré, 40 ans après, à la réhabilitation de la mémoire française en Algérie, la légitime fierté de pouvoir dire à la communauté rapatriée, qu’en dehors de toute considération matérielle la Nation avait tenu à lui rendre un hommage solennel et ô combien mérité. [...]
Je ne peux m’expliquer qu’après plusieurs mois de silence l’opposition ait décidé de remettre en cause cette avancée, si ce n’est pour satisfaire une partie de son électorat et une minorité d’enseignants signataires d’une pétition contre l’article 4 de la loi du 23 février 2005.
Pour ma part, je n’oublie pas que les enseignants qui aujourd’hui demandent l’abrogation de l’article 4, sous un prétexte d’objectivité et de neutralité sont les mêmes qui arrivaient avec des roses à la main dans l’enceinte de nos salles de classe le 11 mai 1981.
Les mêmes qui nous ont enseigné pendant toutes ces années que les modèles communistes, de Moscou, Pékin ou Phnom Penh, permettaient à l’être humain de s’épanouir dans une société juste, égalitaire, et dans le respect des droits de l’homme.
Le bilan de ces régimes tyranniques est pourtant sans appel.
Les mêmes qui aujourd’hui, désemparés de ne plus pouvoir enseigner leur modèle de démocratie, font quotidiennement à leurs élèves le procès de la colonisation.
Mes chers collègues,
Il est bien trop réducteur d’avoir de l’Histoire une vision manichéenne.
Notre passé se compose de multiples facettes, certaines sont glorieuses, d’autres moins. Pour sa part, la France coloniale a permis d’éradiquer des épidémies dévastatrices, grâce aux traitements dispensés par les médecins militaires, Les Français d’Outre-mer ont permis la fertilisation de terres incultes et marécageuses, la réalisation d’infrastructures que les Algériens utilisent encore aujourd’hui. La France a posé les jalons de la modernité en Algérie, en lui donnant les moyens d’exploiter les richesses naturelles de son sous-sol. [...]
Il ne s’agit pas, comme cela a pu être dit, de réécrire l’histoire officielle. [...]
Il s’agit simplement, pour la représentation Nationale de donner son opinion sur un événement historique comme elle a pu le faire par le passé pour l’esclavage ou en reconnaissant le génocide arménien.
Au moment où l’on s’interroge sur ce qui compose l’identité nationale sur ce qui doit favoriser notre cohésion plus que jamais les jeunes Français doivent connaître l’histoire de leur pays, dans toute sa réalité et en être fiers.
Il faudra attendre le 15 février 2006, pour que, par le moyen d’une manoeuvre procédurale, à l’initiative du président de la République, l’article 4 finisse par disparaître de la loi.
Un dernier baroud d’honneur devait rassembler, le 3 février 2006, à Saint-Laurent-du-Var, la classe politique locale qui ne voulait rien perdre de son électorat. Les écharpes tricolores étaient légion et tous les partis de Droite étaient représentés, de l’UDF au FN en passant par l’UMP, le MPF, et le MNR.
« Nous n’avons à nous excuser de rien ! »
du Commissariat général au Plan, « la population musulmane d’âge scolaire est évaluée, pour le terme de la période de 20 ans, à 2.500.000 enfants de 6 à 14 ans. Déjà, en 1954-55, cette population s’élève effectivement à 1.990.000 enfants. Avec 307.000 élèves inscrits dans les écoles du premier degré, le taux de scolarisation atteint 15,4 % à la veille de la guerre d’indépendance. »
Dans l’enseignement supérieur, en 1954, « il n’y avait que 1.200 étudiants musulmans algériens dont un peu plus de la moitié à Alger, qui suivaient surtout des études formant à des professions libérales comme médecins ou avocats, qui les mettraient dans une situation de relative indépendance par rapport à l’administration. En 1954 donc, on comptait seulement quelque 600 Algériens musulmans pour 5.000 étudiants en Algérie, les universités françaises n’ayant formé à cette date qu’un seul architecte et un seul ingénieur algérien des travaux publics. »
Pouvons-nous en être fiers ?
L’histoire apprend, au premier chef, que le système colonial, en contradiction avec les principes fondateurs de la République française, a entraîné des massacres de centaines de milliers d’Algériens ; et qu’il les a dépossédés, « clochardisés » - pour reprendre le terme de Germaine Tillion - à une grande échelle, exclus de la citoyenneté, soumis au Code de l’indigénat, et sous-éduqués, au déni des lois en vigueur. Mais, aussi, qu’il y eut de multiples souffrances de Français, parfois déportés en Algérie pour raisons politiques, ou embrigadés dans les guerres coloniales, ou encore pris dans un système dont ils sont devenus, à son effondrement, les victimes expiatoires - comme l’ont été les harkis, enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient pas, puis abandonnés, relégués en France et discriminés en Algérie.
« François Nadiras tu as écrit ce texte et je ne t’oublie pas »
« Lorsqu’on voit ce que l’occupation allemande a fait comme ravage dans l’esprit français, on peut deviner ce que l’occupation française a pu faire en cent trente ans en Algérie.» Jean Daniel, « Le temps qui reste », 1972 .
Résumé
L’Europe s’ensauvage ! Elle, qui se dit le sanctuaire des droits de l’Homme, a peur de l’étranger du mélanoderme, surtout s’il appartient à une religion qui sent le soufre.
Deux petits exemples : le premier se passa le 8 juin dernier, à Annecy, quand un homme a brusquement agressé des enfants dans un parc. L’horreur ! Heureusement, il n’y eut que des blessés. Au lieu de juger l’acte, on a jugé à tort la religion. Le ban et l’arrière-ban de la droite extrême se sont immédiatement déchaînés. Pas besoin d’enquête, le jugement fut sans appel : Haro sur l’Arabe l’islamiste musulman, le terroriste !
Résultat des premières investigations : nous avons affaire à un déséquilibré chrétien, dont la famille est installée en Suède, qui s’est écrié « Au nom du Christ » au moment de commettre l’innommable. Cela nous change du Allah Akbar…
Le deuxième exemple d’ensauvagement concerne l’odieuse chasse aux migrants. Il nous vient de Grèce : « Sur une vidéo récente, on voit des hommes – présentés comme étant des gardes-côtes grecs – qui essaient de faire couler un Zodiac à bord duquel se trouve un groupe de réfugiés syriens. Il y a également eu une vidéo qui montrait des citoyens grecs sur la plage, criant en direction de réfugiés entassés dans une embarcation pour leur dire de rentrer dans leur pays. Depuis des années, on voit de telles vidéos tournées dans différents pays, de la Hongrie au Liban, de la Grèce à la Bulgarie. Elles montrent des Syriens frappés, humiliés, emprisonnés, leurs maisons ou campements incendiés. Et parfois, cela va jusqu’au meurtre.(…) Le cri de désespoir d’un journaliste syrien : « Qu’avons nous fait pour que le monde nous traite ainsi? Quel crime avons-nous commis pour être ainsi mis au supplice?» (1)
Dans cette nouvelle contribution, nous traiterons de l’accord de 1968 scellé entre l’Algérie et la France. Nous parlerons de ses racines en mettant tout à plat, dans un devoir d’inventaire serein, et montrerons comment l’Algérie, pendant 132 ans, a fait preuve d’œuvre positive. Une œuvre à laquelle elle continue de s’atteler en ce XXIe siècle, en face d’une France qui parle de coopération avec des réflexes du bon vieux temps des colonies.
Il est dans l’intérêt des deux pays d’aller véritablement de l’avant, d’abord en réalisant un inventaire lucide de ce qui s’est passé, et ensuite en favorisant une nouvelle construction apaisée dans l’égale dignité des deux peuples, algérien et français, qui peuvent parvenir à regarder ensemble vers le futur, comme le recommande la nouvelle configuration mondiale.
Les tirs groupés des Droites populistes contre l’accord de 1968
En France, le débat sur l’immigration a réveillé certaines haines de la droite et l’extrême droite. Le grain à moudre de cette vindicte est offert par l’ancien ambassadeur en Algérie, Xavier Driencourt, qui, dans un brûlot, a déversé son fiel contre le pays où il représenta deux fois la France, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020.
« L’Europe se droitise. Plusieurs pays de cette zone ont basculé ces dernières années. L’immigration est devenue la première préoccupation des nouveaux gouvernants et de la France, qui a jusque-là fait exception. En effet, la droite et l’extrême droite font pression pour voter une loi très restrictive sur l’immigration. Il manque à l’appel Eric Zemmour, Marine Le Pen. C’est dans ce climat que plusieurs personnalités politiques appellent à la remise en cause de l’accord de 1968 entre l’Algérie et la France. En effet, après l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, qui a appelé à la suppression de l’accord de 1968 avec l’Algérie, c’est au tour d’un ancien Premier ministre d’abonder dans le même sens. Il est temps de remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie. Xavier Driencourt, deux fois ambassadeur en Algérie, a appelé les autorités françaises à annuler l’accord de 68, même s’il faut aller au clash avec l’Algérie. Le diplomate n’a pas exclu qu’Alger réagisse à une telle décision par la rupture pure et simple des relations diplomatiques avec Paris, mais il a estimé nécessaire que la France franchisse un tel pas ».
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a pour sa part estimé qu’il fallait “rééxaminer” l’accord signé en 1968 avec l’Algérie sur les questions migratoires. « Sur certains points, les Algériens sont favorisés par rapport aux autres étrangers (notamment en matière de regroupement familial), sur d’autres ils sont perdants pour les étudiants » (2)
Cependant, pour le moment, le gouvernement français a fait savoir que la révocation du texte n’était pas à l’ordre du jour.
Histoire de l’émigration algérienne en France
L’émigration algérienne est fondamentalement différente des autres migrations. Je me souviens notamment de la réponse que fit d’Abba Eban, l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères, de 1966 à 1974, alors qu’il était interrogé sur l’expansion Israélienne : « Les frontières d’Israël, dit-il, sont celles d’Auschwitz ».
Un rappel historique utile : « La présence algérienne en France s’inscrit sur plus d’un siècle d’une histoire singulière. Les Algériens nourrissent un flux migratoire précoce et important de coloniaux vers la métropole, dès la seconde moitié du XIXe siècle. Ni Français, ni étrangers jusqu’en 1962, les Algériens sont, tour à tour, “indigènes”, “sujets français” puis “Français musulmans d’Algérie”. Cette immigration qui ne dit pas son nom connaît pourtant bel et bien les difficultés de l’exil. Hommes seuls en métropole mais pas célibataires, ils sont bien souvent mariés par leurs familles avant leur départ, comme une façon de s’assurer leur retour au village. Leur salaire ne leur permet que de survivre en métropole, les sommes durement épargnées devant assurer la subsistance de leurs familles. Mais c’est la Grande Guerre qui amorce un mouvement migratoire représentatif vers la France. Près de 100 000 travailleurs d’Algérie auxquels s’ajoutent 175 000 soldats coloniaux sont recrutés entre 1914 et 1918. Les pouvoirs publics renvoient après l’armistice tous les travailleurs et soldats dans leurs colonies. Dès 1921, plus de 35 000 “sujets” algériens sont recensés en France, leur nombre atteint plus de 85 000 en 1936, le nombre des Algériens présents sur le territoire métropolitain passe de 211 000 en 1954 à 350 000 en 1962. (30 000 familles en 1962). L’apogée répressive intervient le 17 octobre 1961, au soir d’une manifestation de 22 000 Algériens, durant laquelle 11 538 personnes sont arrêtées et plus d’une centaine tuée » (3)
Les conditions qui ont prévalu pour l’accord du 27 décembre 1968
On aura rien compris aux accords de 1968, si on ne connaît pas leur genèse, c’est-à-dire ce qu’il a été prévu et ce qu’il est advenu par la suite, à force de retouches. Comme quoi, la « normalité » entre l’Algérie et la France est que la circulation des personnes entre les deux rives soit facilitée, à cause de l’importance de la dimension humaine de la relation algéro-française et surtout de l’existence de textes qui garantissent cette mobilité.
« Le président algérien a cité les Accords d’Évian et l’Accord de décembre 1968 régissant les conditions d’entrée et de séjour des Algériens en France. Cette mobilité a été « négociée et il convient de la respecter », a estimé le président, en soulignant qu’il y a « une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins ».
Les Accords de 1968 ont été négociés dans une conjoncture particulière. Six ans après l’indépendance de l’Algérie, il fallait encadrer la nouvelle situation induite pour des dizaines de milliers d’Algériens se trouvant en France et qui, avant 1962, étaient Français. Le statut de l’Algérie était en effet différent des autres colonies françaises. Elle était subdivisée en 3 départements La garantie des intérêts des citoyens français et algériens après l’indépendance était prévue dans les Accords d’Évian.
Dans le préambule de l’Accord de 1968, il est indiqué que le texte entre « dans le cadre de la déclaration de principe des Accords d’Évian relative à la coopération économique et financière » et vise à « apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français ». Il faut noter le besoin de main-d’œuvre de la France, en plein dans les trente glorieuses, qui avait engagé alors d’importants chantiers d’infrastructures. Il prévoyait d’ailleurs l’entrée en France d’au moins 5 000 travailleurs par an » (4)
La fin de l’émigration officielle décidée par l’Algérie
Devant une montée de la xénophobie à Marseille, suite à l’assassinat d’un conducteur de bus, le gouvernement du président Boumediene décida, le 19 septembre 1973, de suspendre l’immigration de main-d’œuvre avec la France. La décision algérienne intervint dans un contexte où la France avait déjà fait adopter, en 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet mettant fin aux régularisations de sans-papiers.
« En 1973, écrit Marie Thérèse Têtu, l’Algérie devance la France dans la suspension de l’immigration de main-d’oeuvre salariée. Dans un contexte français marqué par le racisme à l’égard des Algériens, la décision algérienne met fin à cent ans d’une libre circulation des travailleurs commencée durant la période coloniale. Les immigrés algériens en France sont, selon les données de l’Insee de 2011, au nombre de 702 811, soit près de 13 % de l’ensemble des immigrés ; c’est la nationalité la plus nombreuse. Depuis la fin de la libre circulation entre la France et l’Algérie, en 1965, puis l’arrêt de la migration économique en 1973, seuls les migrations familiales et les va-et-vient « touristiques » entre les deux pays se sont poursuivis jusqu’à l’instauration des visas en 1986. Les conditions drastiques de délivrance de ces visas n’ont pas mis un frein à la tradition migratoire des Algériens, mais les ont poussés à emprunter la voie de la migration irrégulière : dépassement de la durée de validité des visas de tourisme ou même traversée des frontières maritimes ou terrestres sans passeport ni visa. L’implantation ancienne d’une communauté algérienne en France a permis de développer et de stabiliser un axe migratoire, un espace franco-algérien à l’intérieur duquel des circulations autant spatiales, matérielles que symboliques s’opèrent en dépit des obstacles administratifs ou des politiques d’intégration de la France. Les migrations, désormais irrégulières, peuvent toujours s’appuyer sur la présence d’une importante population d’origine algérienne répartie sur tout le territoire français »(5)
Les « 30 glorieuses » finissant, la France voulait se débarrasser de ses « tirailleurs bétons ». Pour renforcer le flux du retour, le 30 mai 1977, une note ministérielle signée de M. Lionel Stoléru, alors secrétaire d’État au Travail, instaura pour la première fois l’aide au retour en faveur des travailleurs étrangers désireux de regagner leur pays d’origine. Le bénéficiaire s’engageait à renoncer à son droit au séjour, et recevait en contrepartie un pécule de 10 000 F, complété par une indemnité forfaitaire de voyage. C’était une façon de faire partir même ceux qui étaient en famille. A la fin de février 1984, 50 000 départs d’Algériens avaient été enregistrés.
Le chantage du visa
Les Algériens font face à un lourd fardeau financier lorsqu’il s’agit d’obtenir des visas Schengen. Selon cette étude, l’Algérie a enregistré la dépense la plus élevée en visas Schengen en 2022, sur le continent africain, à hauteur de 15 787 992 $.
L’an dernier, l’Algérie a été le pays où le taux de refus de visas Schengen a été le plus important, en grande partie à cause d’un différend avec la France. S’appuyant sur des données de SchengenVisaInfo (site d’information TSA), on constate que 48,2 % des demandes algériennes ont été rejetées, alors que chez les voisins tunisiens et marocains, ce taux est de 30 %. À la fin de septembre 2021, Paris avait en effet décidé de réduire de 50 % l’octroi de visas. En tête du classement des pays dont les demandes de visa Schengen sont le plus refusées, figurent l’Algérie avec 48,2%, la Tunisie 29 %, le Maroc 28,20% et l’Egypte 18.61%.
Les atouts de la France dans le rapport
de force avec l’Algérie
La droite et l’extrême droite revendiquent, depuis plusieurs années, la suppression de l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie. Et parmi les personnalités les plus hostiles à cet accord qui fâche, se trouve l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, qui a affirmé que la France ne peut engager un rapport de force avec l’Algérie. La France pourrait-elle remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie ?
« En dehors des visas, la France n’a pas d’atout pour faire pression sur l’Algérie. Le pouvoir algérien peut même faire pression sur nous avec le gaz qu’il nous vend. Les seuls atouts dont nous disposons, c’est effectivement les visas, la question migratoire ». Sur le plan économique, nous ne pesons pas énormément en Algérie. L’Algérie a beaucoup plus de moyens de pression ». (6)
Ce que fut la colonisation de l’Algérie
La phrase de Jean Daniel résume à elle seule la tragédie de la colonisation. Et la dette atemporelle de la France. En réponse au négationnisme des « nostalgériques » partisans par petits enfants interposés du bon temps des colonies.
La colonisation française ne fut pas un long fleuve tranquille. Nous allons décrire la spécificité de la relation Algérie-France que certains veulent banaliser. Tout au long de ces 132 ans, l’oeuvre coloniale ne fut pas positive, car le fameux bréviaire fut décliné de toutes les façons possibles. Les traces de cette oeuvre incontestable portent à jamais l’empreinte de la France. Elles ne profitèrent objectivement qu’à la population européenne et à la métropole, tout ayant été fait pour qu’il n’y avait pas d’industrie. L’Algérie fut pourvoyeuse de matières premières (blé, agrumes, liège, minerais, alfa, vin, dattes…) et, bien plus tard, en pétrole. Cet or noir qui a financé une partie des frais de la «pacification» en Algérie.
Certes, nous l’avons mis en exergue à maintes reprises, des instituteurs, des médecins, des Européens admirables tentèrent, à titre individuel, d’alléger les souffrances des Algériens, mais ils furent, hélas, en petit nombre. Nous leur serons à jamais reconnaissants. Les rares Algériens instruits furent, selon la belle expression de Jean El Mouhoub Amrouche, des voleurs de feu. Moins d’un millier d’Algériens formés en 132 ans, c’est cela la vraie réalité de l’oeuvre positive de la colonisation que nous avons reçue en héritage, nous laissant un pays exsangue où le taux de scolarité était à peine de 20%. (7)
L’oeuvre positive de l’Algérie à travers l’histoire
La remise en cause de l’accord de 1968, qui est une pure provocation politicienne, me donne l’occasion de présenter la singularité, voire la spécificité de la relation Algérie-France, à travers le douloureux compagnonnage, sanglant et arbitraire, qui nous a été infligé un matin de 1830 et s’est prolongé pendant 132 ans.
A son corps défendant, l’Algérien a servi de chair à canon dans les guerres françaises, de sujet et d’émigré taillable et corvéable à merci, dont on se sert comme d’un kleenex. Ceci nous donne le droit d’un devoir d’inventaire, afin de rafraîchir la mémoire de tous ces politiciens français qui, pour beaucoup d’entre eux, sont plus « récents sur le sol français » que nombre d’Algériens eux-mêmes, mais qui en rajoutent dans la plus pure tradition du « plus royaliste que le roi ».
Pour l’histoire, le maréchal Clauzel qui voulut, en vain, démonter l’arc de Triomphe de Djemila est symptomatique de tout le butin que renferment les musées de France et de Navarre. Un butin qu’il faudra bien un jour restituer, au même titre que les restes mortuaires, notamment des crânes des patriotes algériens. Nous allons brièvement rappeler quelques faits indéniables concernant les Indigènes, sujets de l’Empire, qui restent méconnus en France, quand ils ne sont pas carrément niés par le pays des droits de l’Homme…
Les Régiments de Tirailleurs Algériens qui ont versé leur sang pour la France
L’historien Pascal Blanchard écrit à propos des « engagés malgré eux » : «Longtemps occultée, la participation des populations coloniales aux efforts de guerre de la France est aujourd’hui un véritable enjeu de mémoire, au cœur des luttes politiques et juridiques des anciens combattants et des sans-papiers. Ces derniers ont contribué à sortir de l’oubli des milliers d’hommes, dont les sacrifices ne sont toujours pas reconnus. Il reste que l’image du tirailleur libérateur de la France occupée ne permet pas d’appréhender, dans toute sa complexité, l’histoire des troupes coloniales.» Pour l’histoire, des Algériens furent recrutés dans les troupes françaises depuis 1837 (les fameux turcos) on parle justement de ces zouaouas (Berbères) recrutés par tous les moyens – la famine, la peur-) que l’on appela les zouaves au point que la statue du zouave du pont de l’Alma indique les crues de la Seine. Ils furent ensuite envoyés lors la guerre du Levant en 1865 …Ensuite, ce fut la guerre de Crimée, la guerre de 1870: parmi les plus braves, on cite les Algériens qui arrivèrent à enlever une colonne à Wissembourg, moins d’une centaine de rescapés sur les 800 Après le cauchemar de Verdun et du Chemin des dames, des milliers d’Algériens y laissèrent leur vie. Du fait de la conscription obligatoire, pratiquement chaque famille eut un soldat engagé, qui mourut ou qui revint gazé ou traumatisé à vie. (8)
Lors de la Seconde Guerre mondiale, les troupes coloniales payèrent un très lourd tribut aux combats sanglants de mai et juin 1940. Plus tard, les troupes alliées, en débarquant en Italie, furent cependant bloquées à Monte Cassino. On fit appel, une fois de plus, aux troupes coloniales françaises constituées de tirailleurs algériens et marocains.
Elles défoncèrent, au prix de pertes très lourdes, les lignes allemandes, le 22 mai 1944. 450 000 soldats participèrent au débarquement allié en Provence, le 15 août 1944. L’opération a été menée par les forces américaines et françaises sous les ordres du général de Lattre de Tassigny.
« Jeunes de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, fils de l’Afrique occidentale ou de l’Afrique équatoriale, de Madagascar ou de l’Océan indien, de l’Asie, de l’Amérique ou des territoires du Pacifique, tous se sont magnifiquement illustrés dans les combats de notre Libération. Ils paieront un très lourd tribut à la victoire », avait déclaré le président Jacques Chirac lors du 60e anniversaire du débarquement en 2004 à Toulon. En effet, l’armée française, éclatée après la débâcle de 1940, se reconstitue sur le continent africain (…) Dirigée par le général de Lattre de Tassigny, sous le nom d’armée B, équipée par les Américains à partir de printemps 1943. C’est « une armée profondément originale, une armée qui compte moitié d’Européens et moitié de musulmans et de coloniaux ». Fin 1944, elle compte près de 600 000 hommes, dont les deux tiers sont venus d’Afrique du Nord. On y compte quelque 176 000 « Européens » et 233 000 »musulmans », selon la terminologie utilisée à l’époque » (9).
Parmi les 140.000 soldats algériens, 14.000 tombèrent au champ d’honneur et 42.000 furent blessés. Ce sont, en partie, ces soldats qui revinrent au pays pour voir leurs familles être massacrées, un jour funeste de mai 1945.
Les tirailleurs bétons
L’Algérie apporta sa pierre à l’édifice en aidant à reconstruire la France dévastée. Sa contribution précieuse en la matière est, assurément, à mettre sur le compte de son œuvre positive pour la France. Le succès des «trente glorieuses» doit aussi beaucoup à l’apport des Algériens qui, après avoir versé leur sang pour la France, travaillèrent massivement et à la sueur de leur front à sa reconstruction, jusqu’au jour où le président Giscard d’Estaing décida de les «expulser».
Ce fut le «million Stoléru» pour solde de tout compte d’un siècle d’humiliation et de rapine. On lit dans un communiqué : « Si aujourd’hui la grosse artillerie politico-médiatique est sortie pour la reconnaissance des tirailleurs venus des colonies, il n’en est pas de même pour les – «guerriers «- du BTP, des mines ou de la sidérurgie…» La France n’arrive toujours pas à sortir de son hypocrisie coloniale. C’est trop facile de vouloir toujours réécrire l’histoire… Cela devient insupportable qu’une telle omerta règne dans notre pays sur le sort réservé aux vieux travailleurs immigrés maghrébins » (10)
Les émigrés au grand cœur
Que dire aussi de ces émigrés qui, malgré leurs conditions sociales désastreuses, firent preuve d’un courage héroïque en sauvant, au péril de leur vie, des Français juifs, abandonnés aux Allemands par la majorité des Français restés fidèles au maréchal Pétain ?
Le tract suivant résume mieux que cent discours l’empathie de ces «Justes» algériens. Nous lisons : « Hier à l’aube, les juifs de Paris ont été arrêtés. Les vieux, les femmes et les enfants. En exil comme nous, travailleurs comme nous. Ils sont nos frères. Leurs enfants sont comme « nos propres enfants » – «ammarach nagh» La mosquée de Paris avec M. Mesli et le recteur Benghebrit jouèrent un rôle important en sauvant près de 1500 Juifs, rééditant le geste de l’émir en Syrie un siècle plus tôt en sauvant plus de 5000 chrétiens. Il y eut même des émigrés au grand cœur dans la résistance en sauvant des pilotes anglais » (11)
Au moment où la langue française perd de plus en plus de locuteurs, l’Algérie a continué à la « soutenir » en utilisant le français. Malgré le peu de francophones à l’indépendance, d’une façon ou d’une autre, 36 millions d’Algériens parlent, pensent et achètent français.
Et ceci, sans faire partie de la francophonie et ses relents de France-Afrique. C’est dire si l’Algérie continue à contribuer grandement au rayonnement de la langue française ! Un autre cadeau sera celui de l’académicienne écrivaine éclectique, Assia Djebbar, sans compter toute l’activité culturelle que l’Algérie offre à la France en poursuivant ses enseignements en français dans le supérieur, rendant rapidement opérationnels les milliers de diplômés universitaires.
La nouvelle immigration voulue par la France : « L’émigration choisie »
Depuis la présidence Sarkozy, tout est fait pour réduire l’émigration de Papa. Mélanie Travet écrit : « La France doit accueillir des étrangers auxquels [elle] peut donner un travail, qui ont besoin de se former en France ou qui répondent à ses besoins économiques ». C’est ainsi que dans une lettre de mission de 2007, Nicolas Sarkozy rappelait l’un de ses thèmes favoris de campagne : celui de l’« immigration choisie ». Même diplômé, il ne fait pas bon être étranger. Augmentation soudaine et radicale du plancher des ressources requis pour venir étudier en France délivrance de visas au compte-gouttes . La fabrique à sans-papiers marche à nouveau à plein régime : depuis le décret du 6 septembre 2011, les candidat·e·s au visa ou au titre de séjour étudiant doivent désormais justifier de plus de 7 680 euros de ressources annuelles (contre 5 400 euros en 2010). Sélection sur la fortune et la nationalité, les étudiant·e·s sont depuis bien longtemps les victimes «collatérales» de la fermeture des frontières. Ces jeunes doivent également se soumettre au tri effectué par les agences Campus France, chargées de sélectionner les « meilleurs » éléments. « Pour le ministère de l’immigration, il s’agissait sans doute de la mesure la plus emblématique de l’immigration choisie, permettant d’attirer en France la crème de l’immigration professionnelle, chercheur, ingénieur, artistes, intellectuels, médecins… (…) Dans un premier temps, le chiffre de 5000 cartes à délivrer par an a circulé » (12)
L’hémorragie de la sève des diplômés
C’est dans ce contexte que l’Algérie a, depuis1968, perdu de nombreux cadres et travailleurs. Comme en février 2022, lorsque 1200 médecins formés en Algérie ont réussi d’un coup l’examen d’équivalence qui leur permet d’exercer dans les hôpitaux français. On parle de 15 000 médecins algériens qui exercent uniquement en France.
Reste à mesurer les pertes pour le pays, avec le départ d’un nombre aussi important de médecins formés aux frais de l’État. D’après les chiffres fournis par la Banque mondiale, L’Algérie ne compte que 1,7 médecin pour 1 000 habitants en 2018, contre 6,5 pour la France, 4,9 pour l’Union européenne et 3,8 pour l’ensemble des pays de l’OCDE venaient d’Algérie (47,64 % contre 41,73 % en 2017, dont plus de 50,8 % de femmes). Les Tunisiens, pour leur part, représentaient 19,2 % des inscrits en 2018 (21,11 % en 2017).
Selon les données de campus France pour l’année scolaire 2021-2022, plus de 400 000 étudiants dans les universités françaises venaient de l’étranger. Parmi eux, ils étaient plus de 100 000, soit plus d’un quart, à venir du continent africain. 0n dit que l´Afrique a perdu, depuis les années 90, plus de 1 million de diplômés. Le Maghreb monopolise les premières places.
Graduellement, les candidats à l’émigration se trouvent de plus en plus dans les rangs des universitaires. Rien à voir avec « les tirailleurs Béton » des années 60 et 70, qui ont construit les infrastructures de la France. Plus de 70 % d’entre eux étaient sans qualification professionnelle, et étaient orientés vers les emplois les plus pénibles, les plus salissants, les plus humiliants.
Nous observons aujourd’hui de nouvelles populations de candidats à l’émigration universitaire. Ces candidats-là n’ont plus besoin du pays qui les a formés pour faire leur « trou en France ». Ce sont leurs compétences qui parlent désormais pour eux. Quant aux rares harraguas, iils nous sont renvoyés (OQTN).
Nos jeunes universitaires reviennent à l’Etat à environ 100.000 $ par an, selon les normes de l’UNESCO sans compter le pécule que le diplômé prend avec lui autour de 7500 euros. L’Algérie disposait d’un vivier de 31 000 étudiants chaque année. Pour un turnover de 3 ans, c’est au moins 10.000 diplômés qui enrichissent la France et qui auront coûté chaque année au pays 1 milliard de $. Cette dette, que la France contracte depuis 1968, s’apparente au mythe de Sisyphe, le mythe de l’éternel recommencement, qui fait que l’Algérie ne capitalise pas le savoir. C’est un chantier à ouvrir d’urgence.
Une certaine France n’a pas encore déprogrammé le logiciel de la mentalité de l’Empire colonisateur, avec l’esprit dominateur, celui des races supérieures, un avatar que l’on doit à Jules Ferry, le père de l’Ecole Républicaine en France et des écoles gourbis en Algérie. Il est clair que la psychose de l’invasion immigrée, exacerbée par les politiciens nostalgiques de l´empire de l´AOF, AEF, ou encore d´une «Reconquista» à rebours, voire du Grand Remplacement, est insensée et suicidaire à terme pour les pays où ils sévissent.
Que vaut ce fameux accord franco-algérien de décembre 1968, que l’on brandit comme une menace qui pourrait porter préjudice à l’Algérie ? C’était un accord gagnant-gagnant « win win», à travers lequel, à la demande de la France, l’Algérie participait activement par sa main d’oeuvre au développement de la France, après l’avoir aidé à recouvrer sa liberté.
Il ne peut pas y avoir de solde de tout compte d’un passé sans devoir d’inventaire. C’est un fait, l’immigration algérienne est en train de changer. Le temps des chibanis natifs des Aurès, de la Kabylie ou de Sétif est révolu. Ce sont désormais des jeunes de plus en plus instruits, qui rendront caduque cette épée de Damoclès brandie au-dessus de l’Algérie.
Au nom du sang versé, il ne peut être question de banaliser les apports inestimables des immigrés dans l’histoire tumultueuse algéro-française, longue de près deux siècles. Jacques Chirac affirmait à raison qu’un Français sur dix a des racines algériennes.
Pour toutes ces raisons, il faut au contraire trouver une solution de compensation pour les milliers de diplômés qui participent au rayonnement de la France. C’est cela l’ouverture d’un nouveau chantier du Savoir qui pourra, avec le temps, permettre de compenser le mal absolu de la colonisation.
Le moment est venu d’ouvrir une nouvelle page, celle de la confiance et d’un dialogue constructif, sans condescendance, mais mus par le désir de faire enfin la paix !
Mis en cause par la justice dans l’affaire du fonds Marianne, Mohamed Sifaoui était entendu le 15 juin 2023 par une commission d’enquête du Sénat. Le journaliste et éditeur Thomas Deltombe, qui avait démasqué les méthodes de Sifaoui dès 2005 dans L’Islam imaginaire, analyse la complaisance médiatique dont l’« expert » franco-algérien a bénéficié pendant deux décennies.
À la faveur de l’affaire du fonds Marianne1, les portraits de Mohamed Sifaoui fleurissent dans les médias français. Mais ces papiers, ravageurs pour la plupart, esquivent généralement les premiers pas du journaliste sur la scène médiatique française, au début des années 2000. C’est pourtant à cette époque que se situe l’une des clés du scandale qui éclate aujourd’hui au grand jour. Car la mission que Mohamed Sifaoui s’est vu confier par les services de Marlène Schiappa au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty correspond peu ou prou à la tâche que lui avaient assignée les grands médias audiovisuels français deux décennies plus tôt : combattre un « islamisme » aux contours flous et traquer jusqu’au dernier ses supposés complices.
PROFITEUR DE DÉSASTRES
Les attentats du 11 septembre 2001 apparurent comme une aubaine pour Mohamed Sifaoui, journaliste algérien réfugié en France au terme de la guerre civile qui avait ravagé son pays au cours des années 1990. La sidération mondiale provoquée par l’attaque du Wall Trade Center et du Pentagone lui permit de vendre aux médias et aux éditeurs hexagonaux une analyse susceptible de lui ouvrir bien des portes : ce que l’Algérie a vécu pendant une décennie, et dont il fut, dit-il, un témoin privilégié, allait désormais s’étendre au monde entier (et à la France en particulier). Tel est le sous-texte de ses interventions télévisées qui se multiplient dans les mois suivant la parution en 2002 de son livre La France, malade de l’islamisme. Menaces terroristes sur l’Hexagone (Le Cherche-Midi éditeur, 2002).
Exploitant à fond son expérience de la « sale guerre » algérienne des années 1990, qui fait d’ailleurs l’objet de vives polémiques, Mohamed Sifaoui signe son premier coup d’éclat, sur France 2, le 27 janvier 2003 avec une « enquête » dans laquelle il affirme avoir filmé de l’intérieur, en caméra cachée, une « cellule d’Al-Qaida » en plein Paris. Diffusé dans l’émission « Complément d’enquête » et décliné dans un livre intitulé Mes « frères » assassins : comment j’ai infiltré une cellule d’Al-Qaïda (Le Cherche-Midi éditeur, 2003), ce « reportage » à sensation suscite l’admiration de bien des commentateurs. « Un coup de génie ! » s’extasie par exemple Thierry Ardisson, qui invite immédiatement le téméraire journaliste dans son émission « Tout le monde en parle ».
Mais l’« enquête » provoque également quelques remous. La journaliste Florence Bouquillat qui l’avait assisté dans cette curieuse « infiltration » souligne à demi-mot, dans l’émission « Arrêt sur images », sur France 5, les méthodes douteuses de son confrère algérien (9 février 2003). Cette infiltration à la barbe des services de renseignement paraît, pour de nombreuses raisons, totalement invraisemblable, comme nous le documentions dans L’Islam imaginaire2. Interrogé par « Complément d’enquête », Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, se montre lui-même incrédule. « Vous savez, des menaces, j’en reçois tous les jours », balaie-t-il d’un revers de main.
Qu’à cela ne tienne : M6, en quête d’audimat, diffuse deux mois plus tard… la même « enquête », en version longue. Cette version remaniée vaut de nouveaux éloges à ce « journaliste dont le courage inspire le respect » (Le Parisien, 23 mars 2003). Mieux : il est récompensé quelques mois plus tard par le Grand Prix Jean-Louis Calderon au festival du scoop d’Angers. « Je trouve que le travail qu’il a fait, c’est vachement gonflé, applaudit alors le créateur du festival. C’est du bon journalisme d’investigation » (Ouest-France, 1er décembre 2003).
ENQUÊTES RACOLEUSES
Mohamed Sifaoui, adoubé, se lance alors dans une nouvelle enquête, plus ambitieuse encore : il décolle avec un compère vers le Pakistan et l’Afghanistan afin d’y débusquer Oussama Ben Laden ! « Vous êtes convaincu que les Américains savent où se trouve Ben Laden… Vous, vous l’avez pratiquement retrouvé en trois semaines ! » s’extasie le présentateur de l’émission « Zone interdite » sur M6, qui accueille le reporter sur son plateau. [C’est une] « enquête remarquable et qui vraiment montre ce qu’on peut faire avec la télévision aujourd’hui, surtout quand c’est fait avec autant de talent et de courage », abonde l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine dans la même émission, le 9 novembre 2003.
Si la thèse défendue par le reportage n’a rien d’original, reconnaît pour sa part Le Monde, puisque nul n’ignore en réalité dans quelle région se terre le patron d’Al-Qaida, « le document, d’une grande qualité » mérite tout de même quelque éloge en raison« des risques énormes [pris] par ses auteurs — qui y ont bel et bien failli y laisser leur vie » (Le Monde, 1er novembre 2003). Le Club de l’audiovisuel du Sénat a décerné au documentaire le prix Patrick-Bourrat du grand reportage.
Malgré les mises en garde et le scepticisme grandissant qu’inspirent ses reportages aux téléspectateurs attentifs3, Mohamed Sifaoui, consacré expert en « islam » et en « terrorisme », a désormais micros ouverts et reçoit le soutien d’une bonne partie de la profession. Il sera même sollicité en février 2005 par le Centre de formation des journalistes (CFJ) afin de partager avec la future élite du journalisme français ses bons tuyaux pour enquêter « sur le terrain de l’islam de France ».
Plus rien ne semble dès lors devoir arrêter Mohamed Sifaoui, qui enchaîne les reportages à sensation, pour diverses chaînes de télévision, et les ouvrages racoleurs : Lettre aux islamistes de France et de Navarre (Cherche-Midi, 2004), L’affaire des caricatures : dessins et manipulations (Privé, 2006) , Combattre le terrorisme islamiste (Grasset, 2007), etc. En 2007, Arte lui consacre même un portrait onctueux, intitulé « Un homme en colère ».
Chaque nouvel attentat — et ils sont nombreux — sonne pour le journaliste comme une divine surprise : ces attaques confirment son statut de « spécialiste » doté d’une prescience quasi prophétique et l’autorisent à fustiger ses détracteurs, dont il souligne avec morgue la « naïveté » et la « lâcheté »4. Ceux qui critiquent ses méthodes sensationnalistes et ses grotesques mises en scène refusent de regarder la réalité en face, argumente-t-il, et se font complices du « terrorisme » et du « nazisme islamiste »5. Rhétorique habituelle des profiteurs de désastres.
« AUX RACINES DU MAL »
L’ambition de Mohamed Sifaoui n’est pas tant de traquer les poseurs de bombes que de débusquer les « islamistes » et leurs « idiots utiles ». C’est ce qu’il explique clairement dans La France malade de l’islamisme : « Il ne s’agit pas uniquement de parer à des attaques terroristes, mais de faire barrage à cette idéologie intégriste, source de tous les dangers ». Il faut donc, ajoute-t-il, s’attaquer « aux racines du mal ».
Mohamed Sifaoui se met ainsi au diapason de tous ceux qui, profitant de la lutte indispensable contre les violences commises au nom de la religion musulmane, cherchent à engager la société tout entière dans un « combat idéologique ».
La polémiste Caroline Fourest, qui partage les mêmes motivations et dont la carrière médiatique démarre sensiblement à la même période, devient au milieu des années 2000 l’indéfectible alliée de Sifaoui6. Avec une habile répartition des rôles : tandis que la première s’impose comme l’égérie « féministe » de la grande croisade des élites françaises contre l’« islamisme », le second sert de caution musulmane. Exploitant à fond son statut de « native informant », il se propose de dépister l’islam de l’intérieur et de révéler le double discours des islamistes prétendument tapis dans l’ombre.
Cette notion d’islamisme devient ainsi l’arme fatale du courant islamophobe qui prolifère dans les années 2000-2010. Jamais définie précisément, cette notion d’apparence scientifique permet d’amalgamer toutes sortes de personnes ou d’organisations qui n’ont la plupart du temps rien en commun, sinon la détestation de ceux qui veulent les réduire au silence.
C’est cette confusion qui fait toute l’efficacité de cette bombe à fragmentation idéologique : on peut, en collant partout l’étiquette « islamiste », associer subrepticement n’importe quel musulman aux pires djihadistes. « Le voile n’est pas islamique : le voile est islamiste », affirmait ainsi Mohamed Sifaoui sur RTL lors de la promotion médiatique de son énième opus, (Taqiyya ! Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France, L’Observatoire, 2019).
Comme le notent les sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed dans Islamophobie (La Découverte, 2013), le soupçon se répand ainsi par capillarité.
SOUS LE TERRORISME, LA GAUCHE
Car Mohamed Sifaoui et ses amis ne se contentent pas de coller des étiquettes infamantes sur les musulmans qui leur déplaisent. Pour éradiquer « le mal », il convient de chasser tous ceux qui contestent cette stigmatisation : de la Ligue de l’enseignement à l’Observatoire de la laïcité, de la Ligue des droits de l’homme (LDH) au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) à l’Union nationale des étudiants de France (Unef), on ne compte plus les associations — et les personnalités — que Mohamed Sifaoui a placées dans son viseur au cours des années.
Par capillarité donc, tous ceux qui ne partagent pas ses vues deviennent une menace pour notre démocratie, ainsi qu’il l’affirme dans son avant-dernier livre Les Fossoyeurs de la République, paru en mars 2021, tout entier consacré à l’« islamo-gauchisme », c’est-à-dire à peu près toute la gauche. La gauche française et européenne, en adoptant un discours « victimaire », est devenue l’instrument de l’« islamisme », ressasse-t-il sur quatre cents pages. « Il faut à la fois casser cette gauche et la forcer à reconfigurer son logiciel idéologique », plaide-t-il dans Le Point7, lors de la promotion du livre, que son éditeur présente comme un outil indispensable de « réarmement idéologique ».
Dès lors, ce n’est guère surprenant que Mohamed Sifaoui, infiltré au sein l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (Useppm), ait utilisé le fameux « fonds Marianne » pour lancer une opération de cyberharcèlement contre des personnalités et des associations qui n’ont strictement rien à voir avec la mort de Samuel Paty. Dans sa vision complotiste du monde, Rokhaya Diallo ou Edwy Plenel sont, in fine, un peu responsables de cette barbarie. « Ils peuvent sauter au plafond s’ils le souhaitent, mais je le répète : le discours victimaire des milieux indigénistes et islamistes, souvent relayé, de bonne ou de mauvaise foi, par des gauchistes, arme la main de criminels », assène-t-il encore dans Le Point en avril 2021 (loc. cit.).
L’ART DE SE POSITIONNER
S’il a fallu vingt ans et un scandale d’État pour que Mohamed Sifaoui perde enfin son rond de serviette sur les plateaux télé (temporairement ?), c’est évidemment parce qu’une bonne partie de l’intelligentsia française, des journalistes vedettes et des responsables politiques partagent ses obsessions. L’argumentaire de Sifaoui n’a d’ailleurs rien d’original ni de nouveau : il était déjà omniprésent dans les années 1990 et n’a cessé de prospérer depuis lors.
C’est sans doute pour cette raison que le journaliste est sorti presque sans dommages de la sordide affaire Estelle Mouzin, en 2008 : cette année-là, il avait fourni un « tuyau » bidon à la police judiciaire de Versailles, qui avait fait démolir un restaurant chinois en croyant, sur la foi de ce « renseignement », retrouver le corps d’Estelle Mouzin. Elle n’a retrouvé que des ossements d’animaux et l’État a dû verser plusieurs centaines de milliers d’euros de dédommagement au restaurateur lésé. Malgré ses affabulations, le fantassin de la lutte contre l’« islam politique » navigue, insubmersible, sur la vague conservatrice qui inonde la France depuis plusieurs années.
Notre homme, il faut le dire, a le don de se positionner. Se présentant comme un éternel insoumis, il ne rechigne pas à faire des appels du pied au pouvoir. « Emmanuel Macron a été le président qui a fait le plus, notamment depuis 2020, dans la lutte contre l’islam politique »,expliquait-il par exemple le 26 avril 2022, en saluant le vote de la loi contre le séparatisme. Flirtant avec les discours les plus réactionnaires, il prend soin en parallèle de revendiquer son appartenance à la gauche et de critiquer les figures de proue de la fachosphère. Un « en même temps » qui ne manque pas d’intéresser ceux qui, du côté de Manuel Valls ou d’Emmanuel Macron notamment, entendent séduire l’électeur d’extrême droite avec la conscience tranquille.
Le livre qu’il a consacré à Éric Zemmour en 2010, alors que son étoile commençait à pâlir, participe de cette stratégie d’équilibriste. Ce portrait lui valut en tout cas les hommages en ombre chinoise de Laurent Joffrin dans Libération : « Dans le petit monde de Zemmour, tout en catégories sommaires, Sifaoui n’existe pas : il est musulman et républicain. C’est un journaliste lui aussi controversé, attaqué, parfois imprudent, Algérien d’origine, vétéran du combat anti-islamiste, réfugié politique, devenu français, à la fois musulman, laïque, démocrate, intégré, critique des siens et admirateur de la culture française » (11 septembre 2010). En d’autres termes : le musulman idéal susceptible de séduire n’importe quel idéologue d’extrême droite…
« D’UN BOUT À L’AUTRE, LA PROBITÉ » : SIFAOUI BÉATIFIÉ PAR BHL
De fait, l’identité musulmane de Mohamed Sifaoui est fréquemment convoquée par ses défenseurs, qui y voient manifestement l’authentique certificat de leur propre antiracisme et un passe-droit pour briser quelques prétendus tabous. On le constate une nouvelle fois dans l’ahurissant éloge que lui dresse Bernard-Henri Lévy, dans son bloc-notes du Point, le 5 octobre 2017, à l’occasion de la publication par Mohamed Sifaoui de son autobiographie (Une seule voie : l’insoumission). Ce dernier, en plus d’être « l’un de nos meilleurs journalistes d’investigation », est « un musulman qui habite avec bonheur un prénom — Mohamed — dont le poids symbolique n’échappera à personne ». Ce qui rend bien sûr d’autant plus méritoires — héroïques même — ses audacieuses prises de positions sur l’islam, la gauche ou la politique israélienne.
Au terme de cette béatification éditoriale, BHL presse ses lecteurs de se procurer les « mémoires » (sic) de son ami journaliste qui marie avec bonheur « la rigueur déontologique exigée par le métier et les partis-pris idéologiques qu’impose l’engagement ». « Au total, conclut-il, c’est un bel autoportrait qui se dessine au fil de ce livre tour à tour lassé, attristé, désemparé, puis, de nouveau, combatif, enragé, plein d’alacrité et respirant, d’un bout à l’autre, la probité ».
C’est cette probité qu’interroge aujourd’hui la commission sénatoriale sur le fonds Marianne qui a auditionné Mohamed Sifaoui le 15 juin. Mais si l’on voulait s’attaquer aux racines du « mal », peut-être faudrait-il également entendre ceux qui pendant vingt ans l’ont soutenu, encouragé, défendu et financé — malgré les alertes qui se sont multipliées durant tout ce temps.
Dans son ouvrage « Cinquante clés pour l'indépendance », dont la traduction vers l'Arabe vient d'être publiée, le regretté historien et sociologue Abdelmadjid Merdaci, retrace, à travers 50 éclairages historiques, les principales stations qui ont marqué le combat libérateur.
Paru aux éditions « Hibr », l'ouvrage de 161 pages traduit par Khalsa Goumazi, revient, sous forme d'articles de presse, sur le « mouvement indépendantiste », défini comme un mouvement politique qui revendique l'indépendance de l'Algérie au début du XXe siècle, notamment sous la houlette de l'Etoile nord-africaine (ENA), parti interdit puis dissout pour ses positions en faveur de l'indépendance.
Son porte-parole et un des fondateurs de cette formation politique fondée en 1926, Messali Hadj, a défendu la légitimité de l'indépendance de l'Algérie, selon l'auteur qui explique que le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), façade légitime du Parti populaire algérien (PPA), a joué un rôle important, avant le déclenchement de la Guerre de libération en 1954, dans la mobilisation pour la lutte armée contre le colonialisme français.
L'ouvrage revient également sur le « Groupe des 22 », majoritairement membres de l'Organisation spéciale (OS), réuni à Alger en juin 1954 pour approuver à l'unanimité la nécessité de la lutte armée".
L'auteur relève que le déclenchement de la lutte armée le 1er novembre 1954, a confirmé « l'aboutissement d'une organisation parfaitement coordonnée à travers tout le pays » et a permis à « reconfigurer le champ politique algérien. »
Sur le plan extérieur, l'ouvrage met en lumière la participation des représentants du FLN à la Conférence de Bandung (18-24 avril 1955) en Indonésie, considéré comme un prélude à l'internationalisation de la cause nationale.
L'ouvrage revient également sur les offensives du Nord Constantinois, le 20 août 1955 menés par Zighoud Youcef, une étape importante dans le parcours libérateur, en apportant un nouveau souffle à la Révolution naissante et un « changement radical dans la nature du conflit. »
Un autre 20 août est également abordé dans l'ouvrage, celui de la tenue du Congrès de la Soummam, en aout 1956 à Ifri-Ouzellaguene (Béjaia), un « tournant décisif » sur le chemin de la Révolution, estime l'auteur qui le considère comme un congrès qui allait jeter les jalons d'une nouvelle organisation de la Révolution et les fondements institutionnels de l'Algérie indépendante".
L'ouvrage s'intéresse également à d'autres thèmes en lien avec la Révolution, notamment la « Fédération du FLN en France », dont la création répondait, selon l'auteur, « au besoin politique de mener les combats sur le sol ennemi. »
L'auteur évoque par ailleurs les exactions de l'armée coloniale qui ont usé de la torture comme un « outil de guerre », contre les Algériens, mais aussi contre les Européens soupçonnés engagés en faveur de la cause nationale.
La création Gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA), l’organe de direction du FLN qui a eu notamment à conduire les négociations qui avaient abouti aux accords d’Evian, est un autre fait historique relevé par l'auteur, qui s'est aussi intéressé aux manifestations du 11 décembre 1960 et aux massacres du 17 octobre 1961 à Paris, à la Zone autonome d'Alger ou encore à la Bataille d'Alger.
Auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire de la ville de Constantine et la Guerre de libération nationale, Abdelmadjid Merdaci (1945-2020) a signé également nombre de contributions dans la presse nationale sur la culture et l'histoire.
Son parcours est jalonné de plusieurs ouvrages notamment « Le dictionnaire des musiques et les musiciens de Constantine », « GPRA, un mandat historique (19 septembre 1958-3 août 1962) », « Novembre 1954, de l’insurrection à la guerre d’indépendance » et « Constantine, citadelle des vertiges. »
Les revenus au titre des droits d'auteur de l'édition de cet ouvrage, paru en 2013 en langue française, seront reversés au profit d'une association d'aide aux personnes aux besoins spécifiques, précise l'éditeur.
Une semaine après le naufrage qui a fait au moins 78 morts au large du Péloponnèse, des données satellites et des vidéos expertisées par la BBC suggèrent que le bateau a bien dérivé pendant plusieurs heures avant le drame.
Que s’est-il vraiment passé ? Le naufrage au large de la Grèce d’un bateau de migrants mercredi 14 juin, qui a coûté la vie à 78 personnes et fait plusieurs centaines de disparus, continue de soulever de nombreuses questions sur les responsabilités des autorités.
• Le chalutier était-il à la dérive ?
Une semaine après le drame, les autorités grecques campent sur leurs positions : le chalutier, qui comptait au moins 700 exilés à bord, n’était pas en danger imminent dans les heures précédant le naufrage.
Les gardes-côtes grecs avaient indiqué mercredi matin « avoir été prévenus mardi par les autorités italiennes concernant un bateau avec à bord un grand nombre d’étrangers ». Des patrouilleurs grecs avaient alors été mobilisés pour le repérer. « A 15h35, le navire de pêche a été repéré par l’hélicoptère de la garde côtière [grecque] naviguant à vitesse régulière », peut-on lire sur un communiqué officiel du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis.
Les autorités helléniques affirment avoir été à de nombreuses reprises en communication avec le navire, via téléphone satellite, jusqu’à 21 heures. Dans un dernier communiqué publié le 19 juin, Athènes maintient sa position et affirme que le bateau a parcouru une distance de 24 nautiques marins (44 km) depuis le moment où il a été repéré jusqu’à son naufrage.
Pourtant, d’après une enquête de la BBC parue ce lundi 19 juin, ces dizaines de mille nautiques parcourus par le chalutier ne signifient pas qu’il naviguait de plein gré, insiste la BBC. Mais plutôt qu’il se déplaçait à peine, « ce que l’on peut attendre d’un navire en détresse secoué par le vent et les vagues dans la partie la plus profonde de la mer Méditerranée », explique la BBC. Selon le média, les garde-côtes auraient donc dû procéder au sauvetage.
Grâce aux coordonnées GPS des autres bâtiments présents dans la zone méditerranéenne, le média britannique est arrivé à la conclusion que le bateau ne bougeait plus entre 18 heures et 21 heures. Leur enquête s’appuie notamment sur la localisation de deux navires, présents dans la zone, qui sont venus en aide au chalutier. Selon la BBC, le « Lucky Sailor », s’est approché le premier de l’embarcation à 18 heures, sur ordre des gardes-côtes, pour fournir aux passagers de l’eau et de vivre. Trois heures plus tard, un second bateau, le « Faithfull Warrior », s’est lui aussi rapproché du navire pour un ravitaillement… aux mêmes coordonnées GPS.
A 22h40 GMT, le chalutier notifie une panne du moteur. Le patrouilleur à proximité « a immédiatement tenté d’approcher le chalutier pour déterminer le problème », ont indiqué les garde-côtes.
Vingt-quatre minutes plus tard, le patron du patrouilleur a annoncé par radio que le bateau avait chaviré. Il a coulé en 15 minutes.
La BBC assure avoir récupéré une vidéo, tournée depuis le second chalutier pendant le ravitaillement. Ces images ont été vérifiées et « le navire – qui ne bouge pas – correspond à la forme du navire de migrants en détresse. Les conditions météorologiques correspondent à celles signalées à l’époque ».
• Les passagers ont-ils réclamé de l’aide ?
Selon les garde-côtes grecs, « il n’y a pas eu de demande d’aide » des personnes à bord du bateau de pêche, qui aurait continué à avancer de manière constante. « Les migrants criaient : “Pas d’aide, on va en Italie” », expliquait déjà vendredi 16 juin le porte-parole des garde-côtes grecs, Nikos Alexiou. Selon lui, les gardes-côtes avaient essayé de lancer une corde vers le bateau pour évaluer le danger, mais celle-ci a été détachée par les passagers du chalutier.
Une version mise à mal par le témoignage de Nawal Soufi, une assistante sociale bénévole pour la ligne d’urgence Alarm Phone, un numéro d’alerte pour les migrants perdus en mer. Dès le mardi matin, elle reçoit un appel SOS et s’inquiète de la déshydratation des passagers, rapporte « le Parisien ». Elle transmet alors la position GPS du bateau aux autorités.
« Les gens à bord risquent de boire l’eau de la mer, l’eau (potable) s’est épuisée au quatrième jour de navigation » et « le conducteur du bateau les avait abandonnés en haute mer », s’alarme-t-elle sur son compte Facebook.
Régulièrement, elle est rappelée par des passagers, qui l’informent dans l’après-midi que sept personnes se sont évanouies, puis qu’il y aurait six morts et deux personnes dans un état critique.
« Tout au long de l’après-midi et jusqu’à 23 heures, je n’ai rien fait d’autre que rassurer les gens qui appelaient, leur expliquant que les autorités compétentes avaient la position du bateau et que les secours arriveraient sûrement », témoigne-t-elle sur son compte Facebook.
Selon elle, l’arrivée d’un des deux bateaux censés venir en aide au chalutier avec des vivres a compliqué la situation. « Ils craignaient que les cordes ne retournent le bateau, et que l’envoi de bouteilles ne cause une émeute, et donc un naufrage du bateau », croit-elle savoir. Une version corroborée par le frère d’un des passagers, qui explique à l’AFP : « Un bateau commercial a donné de l’eau et de la nourriture et tout le monde s’est précipité, le bateau a été déstabilisé à ce moment. »
Les cordes ont-elles été rompues à ce moment-là ? Est-ce que ce moment de confusion a été interprété par les gardes-côtes comme un refus de sauvetage ? Pour la bénévole, les migrants « ont toujours demandé à être sauvés ».
• Les autorités grecques remorquaient-elles le bateau quand il a chaviré ?
Selon un responsable de l’ONU qui s’est entretenu avec des rescapés, le bateau aurait chaviré alors qu’il était remorqué par les autorités grecques. « Les survivants nous disent que le bateau a chaviré alors qu’il faisait l’objet d’une manœuvre où il était tiré par les garde-côtes helléniques. Ils nous disent qu’il était tiré non pas vers les côtes grecques, mais en dehors de la zone de secours en mer grecque » , a rapporté Vincent Cochetel, de HCR Méditerranée occidentale et centrale, à Franceinfo.
A la télévision grecque, des rescapés ont évoqué auprès de l’ex-Premier ministre Alexis Tsipras un déroulé des faits similaire. « Les garde-côtes grecs ont demandé aux migrants de les suivre, mais ils n’ont pas pu », a dit un interprète au responsable politique. « Les autorités ont alors jeté une corde, mais parce qu’ils ne savaient pas comment tirer cette corde, le navire a commencé à se balancer à droite et à gauche, a-t-il raconté. Le bateau des garde-côtes allait trop vite, et le navire des migrants penchait déjà sur la gauche. C’est comme ça qu’il a coulé. »
Un remorquage qui n’a pas été évoqué par les autorités grecques, qui se sont bornées à évoquer la corde lancée et détachée par les migrants. Elles ont expliqué, trois jours après le drame, avoir « utilisé une corde pour se stabiliser, pour s’approcher, pour voir si [les passagers] voulaient de l’aide », a déclaré le porte-parole des garde-côtes grecs, Nikos Alexiou, à la télévision grecque ERT. « Mais il n’y avait pas eu de tentative d’amarrage du bateau », a-t-il tenu à préciser.
Pour les experts, les garde-côtes grecs auraient de toute manière dû intervenir. Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) pour la Méditerranée centrale et occidentale, indique auprès d’Euronews que « c’est aux autorités grecques qu’il incombait de procéder ou, au moins, de coordonner une opération de sauvetage, en utilisant soit leurs propres navires de sauvetage, soit en faisant appel à tout autre bateau sur zone, y compris à des navires marchands ».
« Selon le droit maritime international, les autorités grecques auraient dû coordonner plus tôt cette opération de sauvetage, dès lors que Frontex avait repéré ce bateau en détresse », a-t-il poursuivi.
Il a beau multiplier les échecs électoraux, collectionner les ennuis judiciaires et avoir été inculpé pour mise en danger de la sûreté nationale, l’ancien président reste le favori de la primaire républicaine pour l’élection de 2024.
« Have a drink ! » Donald Trump lève sa bouteille d’eau face à la foule avant de la porter à ses lèvres. « Thank you. Happy birthday. Great birthday. » Face à ce Narcisse peroxydé qui a soudain décidé de se souhaiter un joyeux anniversaire la veille de ses 77 ans, ses partisans venus l’acclamer ce 13 juin dans son club de golf de Bedminster, dans le New Jersey, n’ont d’autre choix que d’entonner en chœur « Happy birthday to you ». « Bel anniversaire, n’est-ce pas ? Je viens d’être inculpé pour des faits qui pourraient me coûter quatre cents ans de prison au total. Nous allons faire de cet anniversaire le plus beau de tous ! » ricane le Macbeth de l’Amérique.
Trump a retrouvé son sourire sarcastique. Quelques heures auparavant, il n’en menait pas large pourtant. Bras croisés, visage fermé, dents serrées, tendu comme un arc dans son costume sombre. Assis à la table de l’accusé dans une salle d’audience bondée du 13e étage du tribunal de Miami, le premier président de l’histoire des Etats-Unis inculpé pour un crime fédéral avait plaidé non coupable. Trente-sept chefs d’inculpation étaient retenus contre lui, dont la « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », l’« entrave à la justice » et le « faux témoignage ».
L’ancien locataire de la Maison-Blanche est un habitué des tribunaux. Un récidiviste. Rien qu’en 2023, il a déjà comparu trois fois. En mars, il a été inculpé pour une histoire sordide d’accord financier passé avec une ancienne star de films pornographiques, Stormy Daniels. En mai, il a été reconnu coupable d’une agression sexuelle sur la chroniqueuse E. Jean Carroll. Mais cette fois, c’est différent. L’acte d’accusation est « plus grave sur le plan juridique et plus périlleux sur le plan politique », écrit Peter Baker dans le « New York Times ». Car Trump a mis en danger la sûreté de la nation.
L’affaire est rocambolesque. La loi oblige les présidents à transmettre leurs correspondance et documents de travail aux Archives nationales à la fin de leur mandat. Mais en janvier 2021, en quittant la Maison-Blanche, Trump emporte avec lui des centaines de documents classifiés comportant des renseignements ultrasensibles, notamment sur l’armement nucléaire des Etats-Unis. Des photos incroyables de cartons empilés dans une salle de bal, des toilettes ou un débarras de sa résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach en Floride, ont fait le tour du monde. Sommé de les restituer, il n’en a rendu qu’une partie en janvier 2022. Il a fallu que le FBI effectue une perquisition spectaculaire au cœur de l’été pour mettre la main sur le reste. Pourquoi avoir pris ce risque ? Pour s’en servir plus tard ? Peut-être. Parce qu’il ne parvient pas à concevoir qu’il n’est plus président ? Sûrement.
Au coude-à-coude avec Joe Biden
« Lock her up ! » (« enfermez-la ! »), hurlait Trump en 2016, lorsque sa rivale Hillary Clinton s’était vu reprocher d’avoir utilisé une messagerie privée au lieu d’un serveur gouvernemental sécurisé. Ironie de l’histoire, c’est lui qui, aujourd’hui, pourrait finir derrière les barreaux pour ne pas avoir appliqué les règles sur la protection des informations sensibles.
L’affaire des e-mails avait fait trébucher sa rivale au pied du podium. Les dossiers secrets lui coûteront-ils à son tour la victoire ? Personne ne se risque à faire des pronostics. Il n’y a pas si longtemps, on donnait le milliardaire blond platine pour mort politiquement. Il avait été lâché par le magnat des médias conservateurs Rupert Murdoch, qui l’avait déclaré persona non grata sur sa chaîne Fox News et le réduisait au surnom humiliant de « retraité de Floride » dans son tabloïd « The New York Post ».
On pensait que la série noire de ses ennuis judiciaires et ses trois échecs électoraux successifs plomberaient son retour sur scène. Il avait perdu le contrôle de la Chambre des Représentants en 2018, échoué à la présidentielle face à Joe Biden en 2020 – une défaite qu’il ne reconnaît toujours pas –, et enregistré des résultats mitigés aux midterms de 2022. Mais les affaires judiciaires l’ont paradoxalement ressuscité. On l’a vu remonter dans les sondages à chaque inculpation. Il fait désormais jeu égal avec Joe Biden. D’où lui vient cette mystérieuse résilience ?
« Save America »
Premier à s’être déclaré candidat à la Maison-Blanche pour 2024, le « retraité de Floride » a pris une longueur d’avance : il rassemble ses ouailles depuis novembre. Une incroyable communauté de fidèles, connue sous le nom de MAGA, en référence à son slogan « Make America Great Again », qui lui voue un véritable culte. C’est elle la clé de voûte du phénomène Trump. Mais pourquoi continuent-ils de le suivre contre vents et marées ?
D’innombrables études ont dépeint cette Amérique populaire, patriarcale, chrétienne, blanche et conservatrice qui se sent menacée par la transformation démographique et culturelle du pays, dont elle tient la gauche pour responsable. Une Amérique qui se souvient du mandat de Trump (2016-2020) comme d’une époque économiquement stable, où elle se sentait soutenue. Une Amérique qui « ne voit pas la lutte entre les républicains et les démocrates comme une compétition politique, mais comme un conflit existentiel,souligne l’historien Thomas Zimmer sur Twitter. Ces conservateurs ont décidé qu’ils sont le pays, et que tous les autres sont des ennemis. » Cette Amérique-là voit en Trump son commandant et se reconnaît dans son cri de guerre : « Save America. »
« Ils représentent aujourd’hui de 35 % à 50 % de l’électorat républicain »,selon Reed Galen, cofondateur du Projet Lincoln – un groupe de conservateurs opposés à Trump ayant claqué la porte du parti. Ce sont ces ruraux de Virginie-Occidentale qui affichent toujours une bannière « Trump » devant chez eux, même en dehors des périodes électorales. C’est cette famille rencontrée dans un restaurant de fruits de mer en Caroline du Sud, qui avait sorti ses casquettes « Trump 2024 » spécialement pour son déjeuner dominical. C’est Sharon, une infirmière californienne croisée à la grand-messe annuelle des républicains, la Conservative Political Action Conference (CPAC), à Washington, qui dilapide son peu de temps libre et ses maigres économies à sillonner les Etats-Unis pour le voir et revoir « monter à la tribune » lors de ses meetings.
Cette emprise alchimique qu’il exerce sur ses électeurs le soustrait aux lois de la gravité politique. « Teflon Don is back » (« Don Teflon est de retour ») annonçait le journal « Politico » en mai, pour décrire sa capacité à traverser les épreuves en restant indemne. « Comme il l’a dit lui-même en 2016, il pourrait se planter au milieu de la 5e Avenue à New York et tirer sur quelqu’un sans perdre un électeur, rappelle le politologue Geoff Kabaservice, du think tank Niskanen Center. Si ses supporters ne le jugent pas comme les autres politiciens, c’est parce qu’ils considèrent qu’il n’appartient pas à cette catégorie : c’est un milliardaire trop riche pour être corruptible, un roi du divertiss
ement impertinent, un messie venu les sauver. Ils arrêteront de le soutenir quand il mourra. »
D’autant qu’ils sont persuadés que leur héros est un martyr. « Dès son arrivée au pouvoir, il a fabriqué un récit très efficace qu’il a ressorti chaque fois qu’il a eu des ennuis, constate le politologue Lee Drutman, du think tank New America. Il se présente comme la victime d’un Parti démocrate corrompu qui abuserait de son pouvoir contre ses ennemis politiques. » Il a utilisé ce récit lors des investigations sur les ingérences russes dans la présidentielle de 2016, puis en 2020 en accusant les démocrates de lui avoir volé la victoire, puis dans l’enquête parlementaire sur l’assaut du Capitole, et de nouveau dans l’affaire des documents classifiés. Avec succès : 81 % des républicains estiment que leur champion est la cible d’une machination politique, selon un sondage réalisé après son inculpation à Miami.
Assis devant sa tente, une canette de bière à la main, Bryan, un garagiste à la retraite d’Alabama venu camper en Caroline du Sud, s’emballe :
« Et les documents classifiés qu’on a retrouvés aussi chez Joe Biden ? Et les e-mails de Hillary Clinton ? Si Trump est visé et pas les autres, c’est juste parce que l’Etat profond de Washington a voulu le neutraliser. Mais il peut compter sur nous. »
Sont-ils toujours prêts à en découdre ? Depuis l’assaut sur le Capitole du 6 janvier 2021, ses partisans se tiennent cois. Refroidis par la présence policière lors de ses comparutions et par les poursuites judiciaires qui ont visé les participants au 6 janvier. Mais Trump continue de ranimer leur flamme. « Je suis votre vengeance », leur a-t-il promis.
Ron DeSantis loin derrière
Résultat, malgré ses déboires, l’ancien président toise de haut ses concurrents en lice pour la primaire républicaine, avec 53,4 % des intentions de vote contre 21,4 % pour son rival le plus redouté, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, et 5 % ou moins pour tous les autres. Nul ne sait s’il est réellement imbattable ou finira par exploser en vol. Mais une chose est sûre : le célèbre golfeur confirme sa domination sur le Grand Old Party (GOP, le surnom du Parti républicain). Après sa nouvelle inculpation, la plupart des élus et candidats républicains ont repris en chœur son récit du procès politique. Ils sont piégés : ne pas défendre leur boss autoproclamé, c’est se voir accuser de faire le jeu des démocrates ; mais le soutenir, c’est reconnaître son hégémonie.
« Tout républicain qui remet en question sa vision paranoïaque de l’Amérique risque de se suicider politiquement », analyse Geoff Kabaservice. Ils l’ont vu purger le parti avant les midterms, tel un parrain de mafia, adoubant ses amis, éliminant ses ennemis. Et ils redoutent de s’aliéner les voix MAGA. La peur règne. L’oxygène manque. Dans son ombre, il n’y a pas de place pour exister. Ses rivaux ne se font remarquer que lorsqu’ils parlent de lui. « CNN a fait à Trump un cadeau incroyable en transmettant en direct un débat entre lui et ses sympathisants. Les grands médias doivent cesser de jouer son jeu pour donner de l’air à ses concurrents », remarque le politologue.
Quand ils n’affichent pas leur soutien, les élus du GOP se terrent dans un silence gêné. « Ce parti a passé un accord avec le diable : ils ont peur de gagner avec lui, mais ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner sans lui », juge le déserteur républicain Reed Galen. Seules de rares voix discordantes osent dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : « C’est un loser qui gémit et fait en sorte que tout tourne autour de lui », fustige le candidat à la primaire Chris Christie.
L’élite républicaine ne sait plus que faire. Ils ne lui trouvent pas d’alternative. Beaucoup misaient sur le Floridien Ron DeSantis. Mais il est loin derrière dans les sondages. La primaire 2024 semble rejouer celle de 2016 : une dizaine de concurrents aux idées plus ou moins similaires (moins d’immigration clandestine, d’avortements, de transgenres, d’impôts…)vont se neutraliser en se partageant la moitié de l’électorat qui ne roule pas pour le gourou MAGA.
Qu’espèrent-ils donc ? Le calendrier judiciaire qui va rythmer cette campagne est à double tranchant : il va ramener constamment la lumière sur Trump, qui criera encore et encore à la persécution politique, mais il pourrait finir par décourager ses électeurs les moins fervents. Car ses ennuis ne font que commencer. On attend encore les conclusions des investigations sur les pressions qu’il a exercées pour modifier le résultat de l’élection en Géorgie en 2020, et de l’enquête fédérale sur son rôle dans l’assaut du Capitole. Enfin, son procès dans l’affaire Stormy Daniels est prévu pour mars 2024, en pleine primaire.
Comment tout ça peut-il finir ? Trump entend poursuivre sa campagne jusqu’au bout. Après tout, la loi le permet, même s’il était derrière les verrous. La presse américaine le compare à un Silvio Berlusconi, qui a passé des décennies à faire des allers-retours entre les élections et les tribunaux italiens. Ou à un Benjamin Netanyahou, qui veut étouffer l’indépendance de la justice israélienne afin d’échapper à la prison. Comme eux, il n’a plus rien à perdre. Son but, c’est de se sauver lui-même en revenant à la Maison-Blanche. « Ce serait sa carte de sortie de prison – et l’enterrement de l’Amérique », prévient l’éditorialiste Edward Luce dans le « Financial Times ». Juste après s’être souhaité « happy birthday », Trump a promis que, s’il était réélu, il nommerait un procureur spécial pour « poursuivre Joe Biden ». « Lock him up ! » ont entonné ses adorateurs.
Par Sarah Halifa-Legrand (correspondante à Washington)
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