En 1957, un procureur suisse se donne la mort après avoir été impliqué dans une affaire d’espionnage mêlant les services de renseignement français, la CIA, des indépendantistes algériens et le gouvernement égyptien.
L'affaire Dubois est un scandale diplomatique international qui fit grand bruit à la fin des années 1950. De quoi s'agit-il ? En 1957, la Suisse enfreint sa neutralité en fournissant à la France des informations en pleine guerre d’Algérie... Une histoire digne d'un roman noir, adaptée en roman graphique.
En 1955, René Dubois est nommé procureur général de la Confédération helvétique. Un poste qui fait de lui le chef du contre-espionnage suisse. Matthieu Berthod, dessinateur du roman graphique "Berne, nid d'espions", nous explique sa vision du personnage : "Dubois est plutôt un dépressif, un magistrat en fin de carrière, en bout de course"
Le procureur est approché par un colonel des services secrets français, Marcel Mercier, un personnage qui fut difficile à représenter pour le dessinateur : "Mercier est le personnage pour lequel on avait le moins de documents photographiques, il a fallu reconstruire son visage".
L’espion français avait un grand intérêt à se rapprocher du procureur, en raison d'un contexte politique que le scénariste du roman, Eric Burnand, résume ainsi : "On est en pleine guerre d'Algérie, la France a besoin d’avoir des informations sur la façon dont les indépendantistes algériens réfugiés en Suisse communiquaient avec l’ambassade d’Egypte. Il y avait tout un travail de contact pour organiser la lutte de libération, soutenue par l'Egypte, alors dirigée par Nasser. Du point de vue de Paris, la Suisse apparaissait comme la base arrière du FLN.".
La collaboration de René Dubois avec les Français est motivée par la peur d’un nouveau conflit mondial. Il est aussi probablement influencé par une idéologie politique proche du pouvoir français.
Problème : Max Ulrich, un inspecteur de la police fédérale suisse qui mélange travail et business, fournit lui aussi des informations à Marcel Mercier sans en informer René Dubois. Un personnage peu scrupuleux représenté comme tel par le dessinateur : "Si je prends Ulrich, un des policiers véreux, c’est un peu facile mais il faut reconnaître qu'il avait vraiment la gueule de l’emploi. Il n’y a donc pas eu besoin de forcer sur le caractère, le visage, les attitudes."
Le policier vend, entre autres, des relevés d’appels téléphoniques entre les Américains et les Egyptiens. Ce qui, sans surprise, rend les agents de la CIA furieux.
Une affaire peu connue malgré une médiatisation et une influence sur la politique en Suisse
Ces manigances s'ébruitent, parviennent à la presse et provoquent un scandale d’Etat. René Dubois ne le supporte pas et se suicide. L’affaire vient ébranler violemment la supposée neutralité suisse dans les conflits de ses voisins. "Ça a fait un tel scandale que la politique a un peu changé par la suite. La Suisse avait violé sa neutralité. Cette affaire l’a obligée à redevenir un lieu de bons offices" nous précise le scénariste.
Cette importante affaire d’espionnage qui, pourtant, concerne la France reste aujourd’hui méconnue. Eric Burnand nous décrit la volonté de l'Etat helvétique de passer sous silence ce scandale : "On a tout fait pour l'étouffer, il y avait à l’époque une reconstitution d’une nouvelle coalition gouvernementale qui intégrait les socialistes, et René Dubois était lui-même socialiste. Donc le parti socialiste suisse a tout fait pour qu’on passe l'éponge, pour qu’on oublie ce faux pas. Donc il y a eu une sorte d’accord où tout le monde a dit “Allez, on règle ça”, il y a eu un débat au parlement helvétique qui a duré très peu de temps, “et ensuite on passe à autre chose”.
Une histoire à adapter
"Berne, nid d'espions", éditions Antipodes
Ces événements rocambolesques qui se sont déroulés à Berne se prêtaient parfaitement à une adaptation, à condition de savoir restituer par le dessin l'atmosphère particulière dans la capitale suisse. Un défi relevé par le dessin de Matthieu Berthod, qui confie avoir été inspiré par la ville : "La ville de Berne a son caractère qu'il fallait le retranscrire par un dessin assez sensible, un peu mouillé, très sombre. La tonalité générale du scénario était sombre, c’est plutôt un univers dépressif. C'est pour cela que j'ai imaginé une météo plutôt pluvieuse."
Ce qui rend cette histoire encore plus fascinante, ce sont les rumeurs qui l’entourent. Comme celles concernant une supposée relation entre René Dubois et Elisabeth de Miribel, attachée de presse à l’ambassade de France à Berne et ancienne secrétaire du général de Gaulle. Le scénariste a voulu rester fidèle à la réalité documentaire, et se garder de toute extrapolation romanesque : "J’avais trouvé dans le dossier d'instruction quelques informations émanant d’une voisine qui disait les avoir vus ensemble. Mais, même si des amis m’ont dit “Mais pourquoi tu n’as pas écrit une scène glamour voire une scène de sexe comme dans les bons romans d’espionnage style OSS 117 ?", j'ai préféré ne pas pousser plus loin des événements qu’on aurait pu en effet romancer.".
Dans la deuxième partie du roman, on apprend qu’un procès a eu lieu. Celui du policier fédéral Max Ulrich qui passe aux aveux. Le colonel des renseignements français, Marcel Mercier, est démasqué et devient indésirable en Confédération helvétique. L’ouverture des archives dans les années 2000 a permis d'apprendre que René Dubois avait été manipulé par les services secrets français tout en étant surveillé par la CIA et par un espion de l'armée suisse.
Le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé, lors d'une conférence de presse, avoir proposé la médiation algérienne pour tenter de régler le conflit en Ukraine qui a été acceptée par Vladimir Poutine.
L'Algérie et la Russie ont signé, jeudi à Moscou, une Déclaration de partenariat stratégique approfondi, censée donner un nouvel élan à la relation entre les deux pays.
Le document a été paraphé par les présidents Abdelmadjid Tebboune, en visite de trois jours en Russie, et Vladimir Poutine lors d'une cérémonie qui s'est déroulée au palais du Kremlin, en présence des délégations des deux pays.
Signataires déjà en 2001 d'un accord de partenariat stratégique, les dirigeants des deux pays souhaitent renforcer davantage leur coopération économique et consolider leur relation politique. Une relation, a estimé le président Poutine, qui a un caractère stratégique et une signification à part".
S'exprimant lors d'un point de presse à l'issue de ses entretiens avec le président Tebboune, Poutine a souligné que "les relations entre l'Algérie et la Russie ont commencé à prendre forme au milieu des années 1950. Dès cette époque, nous pouvions dire qu'elles revêtent un caractère stratégique. Sans aucune exagération".
Le dirigeant russe a souligné qu’au cours de cette période "nous avons eu de très bonnes relations entre le peuple russe et le peuple héroïque et courageux d'Algérie, qui a lutté pour son indépendance pendant de nombreuses années et l'a emporté". Selon lui, la déclaration signée, ce jeudi, "marquera le début d'une nouvelle étape, encore plus avancée, de nos relations bilatérales".
-- Tebboune invité au sommet Russie-Afrique
Par la même occasion, Vladimir Poutine a affirmé avoir invité son homologue algérien au sommet Russie-Afrique qui se tiendra fin juillet à Saint-Pétersbourg. Intervenant à cette occasion, le président algérien a salué, de son côté, une "relation historique" entre l'Algérie et la fédération de Russie.
Abdelmadjid Tebboune a insisté, dans son intervention, sur "la nécessité d'accélérer l’adhésion de l’Algérie au groupe des BRICS".
"Actuellement, la situation internationale est très tendue. Il faut que nous renforcions le processus de notre adhésion aux BRICS", a-t-il déclaré, estimant que "l’intégration du bloc des cinq va stimuler le développement du pays plus que ne l’ont fait jusque-là d’autres organisations internationales financières".
-- Conflit en Ukraine: Tebboune parle d'une médiation algérienne
Toujours à l'occasion de cette conférence de presse, le président Tebboune a annoncé avoir proposé à son homologue la médiation algérienne pour tenter de régler le conflit en Ukraine. Il a remercié, ce faisant, son homologue, Vladimir Poutine pour avoir accepté cette médiation, affirmant que l'Algérie "sera à la hauteur de cette confiance".
À ce sujet, Poutine a remercié l'Algérie et le Président Tebboune pour cette disposition à fournir des efforts de médiation dans le conflit opposant son pays à l'Ukraine. Il a rappelé, dans ce sens, que l'Algérie est membre du groupe de contact de la Ligue arabe sur l'Ukraine, le président Poutine a indiqué avoir expliqué au président Tebboune "la vision russe, les origines de ce conflit, et les circonstances qui l'entourent".
Dans la foulée, il a fait savoir qu'il recevra, samedi, des chefs de délégations du continent africain pour débattre de l'initiative proposée par l'Algérie pour le règlement du conflit russo-ukrainien.
Aksil Ouali |15.06.2023 - Mıse À Jour : 15.06.2023
A Moscou, la Russie et l’Algérie renouvellent leur « partenariat stratégique »
La visite d’Etat du président Tebboune visait à rassurer le Kremlin, alors que la guerre en Ukraine pourrait contraindre Alger à diversifier ses acquisitions militaires.
Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Vladimir Poutine, à Moscou, le 15 juin 2023. MIKHAIL METZEL / AFP
Côte à côte face aux défis du monde. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a rencontré jeudi 15 juin son homologue russe, Vladimir Poutine, lors d’une visite d’Etat à Moscou mise en scène pour projeter l’image d’une Russie toujours courtisée par les pays du Sud et celle d’une Algérie à l’offensive diplomatique. Les deux chefs d’Etat ont signé une « déclaration sur un partenariat stratégique approfondi », renouvelant ainsi un document du même type paraphé en 2001. Outre le secteur des hydrocarbures, le renforcement de la coopération portera sur le domaine militaire, selon l’agence Tass qui mentionne des manoeuvres conjointes, des transferts de technologies et des coproductions.
La presse algérienne avait annoncé le déplacement du président Tebboune avec emphase, l’agence officielle Algérie presse service (APS) louant des « relations exceptionnelles fondées sur l’amitié ». Alors que la Russie, qui accueille au même moment le Forum économique de Saint-Petersbourg, tient à compter ses amis et dissiper toute impression d’isolement sur la scène internationale, l’ombre de la guerre en Ukraine plane sur cette visite.
Depuis l’éclatement du conflit, en février 2022, l’Algérie n’a cessé de ménager Moscou en s’abstenant lors des différents votes de résolutions des Nations unies dénonçant « l’agression » russe. Certes, la relation stratégique n’est pas sans nuages, ainsi que l’illustrent les critiques adressées par M. Tebboune contre l’action de la compagnie de sécurité privée Wagner au Mali. Le coût de cette présence, avait-il déclaré fin décembre au Figaro, « serait plus utile » au service du « développement du Sahel ».
Mais les réserves d’Alger vis-à-vis d’entités militaires non étatiques – M. Tebboune avait également dénoncé en janvier 2020 le rôle de « mercenaires » (sous-entendant ceux de Wagner mais sans les citer) ciblant à l’époque la capitale libyenne, Tripoli – n’ont toutefois pas perturbé outre mesure la coopération sécuritaire.
Lune de miel
L’Armée nationale populaire (ANP) algérienne, dont des générations de cadres ont été formées après 1962 dans les académies soviétiques, s’est procuré à Moscou 73 % de ses acquisitions d’armes à l’étranger entre 2018 et 2022, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Et à l’heure où Alger intensifie son effort de modernisation militaire – avec un budget de 2023 propulsé à 23 milliards de dollars, en augmentation de 120 % par rapport à 2022 –, ses regards vont de nouveau se tourner vers la Russie.
Mais l’enlisement des troupes de Moscou en Ukraine et son impact sur l’industrie de défense russe bouleversent la donne. « Il est fort probable que les Russes n’ont pas la capacité de fournir les armes souhaitées par les Algériens, souligne Isabelle Werenfels, spécialiste du Maghreb à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), basé à Berlin. Et hors de la Russie, il n’y a que les Européens, les Chinois, un peu la Turquie et peut-être l’Inde qui peuvent les leur fournir. »
Parmi les Européens, si toute transaction avec la France – qui répond déjà à 5,2 % des besoins d’armements algériens – est politiquement délicate, l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-uni peuvent être des fournisseurs potentiels.
Un autre terrain où l’Algérie peut voir sa relation avec l’Europe se densifier au risque de troubler Moscou est celui de l’énergie. La question a gagné en urgence alors que les Européens cherchent des alternatives au gaz russe sur fond de guerre en Ukraine. Aujourd’hui source de 11 % des importations de gaz de l’Europe, l’Algérie est vouée à étoffer à terme son statut de fournisseur du Vieux Continent, même si sa capacité à relever dans l’immédiat son niveau d’exportation est limitée.
Avec l’Italie, en pleine lune de miel diplomatique avec Alger, les projets se multiplient via notamment des gazoducs reliant les deux pays. L’Allemagne, pour sa part, se prépare à importer de l’hydrogène vert à partir de l’Algérie.
Objectif Brics
Dans ce contexte, la visite de M. Tebboune a Moscou vise à « rassurer les Russes, à leur faire savoir que l’Algérie est encore là », observe Mme Werenfels : « Cette visite ne signifie pas que l’Algérie bascule dans le camp de la Russie. Elle permet avant tout aux Algériens de contrebalancer ce qu’ils entreprennent dans d’autres domaines. Leur message est : “Nous avons toutes les options”. »
Cette visite survient en outre à un moment clé de l’évolution de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. L’émergence d’un nouveau pôle de développement autour des ambitions économiques de l’Arabie saoudite suscite en effet des interrogations inquiètes en Algérie. « L’implication du Maghreb dans ce projet ambitieux ne semble aucunement à l’ordre du jour, écrivait le 6 juin le quotidien algérien L’Expression. […] Autant dire que [les pays maghrébins] sont tout bonnement sommés de se mettre à niveau s’ils ne veulent pas être marginalisés. »
Aussi l’Algérie, confrontée depuis 2021 à la dégradation de sa relation avec le Maroc – qui plombe tout espoir de dynamique économique au Maghreb – et plus récemment à un refroidissement de ses rapports avec l’Arabie saoudite, doit-elle se trouver de nouvelles marges de manœuvre.
Sa campagne visant à rejoindre le forum des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) trouve là tout son sens. La Russie soutient sa candidature. D’où l’importance de la présence, jeudi, de M. Tebboune à Moscou au côté de M. Poutine, ainsi que vendredi au forum de Saint-Persbourg pour y vendre l’image d’une Algérie présentée comme riche en nouvelles opportunités d’investissements à travers ses projets de diversification hors hydrocarbures. « L’Algérie connaît une renaissance économique sans précédent », a lyriquement lancé, mercredi, M. Tebboune à des hommes d’affaires russes.
Abdelmadjid Tebboune a signé un nouveau décret présidentiel qui rétablit un couplet de l’hymne national algérien faisant référence à la France en tant que colonisateur de l’époque. Il avait été «retiré » en 1986 pour des considérations politiques.
Enième signe du raidissement des relations entre Alger et Paris. Tebboune vient de signer un décret qui remet un couplet très critique de la France coloniale dans l’hymne national Kassamen. Ce couplet comminatoire qui se justifiait en temps de guerre d’indépendance a été retiré par le président Chadli Bendjedid et donc disparu des cérémonies officielles.
Voilà donc Tebboune, pour se donner une épaisseur politique, le remet en avant. «Réactivier ce couplet maintenant est du pur populisme ! Comment ce gouvernement peut-il être autant aveugle ? Il y a 5 millions d’Algériens en France et nos gouvernants se plaisent à faire de la surenchère », analyse un ancien député. Concession au courant islamo-baathiste ? Pas seulement. Cet acte vient confirmer une énième crise politique non révélée entre les autorités algériennes et la France. Finis donc les assauts d’amitié ! Ce énième volte-face renseigne sur la nervosité qui règne dans l’état-major de Tebboune. « Pour moi, Tebboune est son équipe dirigent le pays au doigt mouillé, un jour ils disent oui et un autre jour non, Leur manque de clairvoyance est affolant ! Je m’inquiète beaucoup surtout. Les gouvernants cultivent dangereusement un déni des réalités d’abord nationales mais aussi internationales, nous confie un économiste introduit à Alger. Personnellement je suis en train de liquider mes affaires pour partir, je ne vois rien de bon ».
Pour les autorités, l’enjeu est ailleurs : dans la rente mémorielle. Quoi de plus pratique pour chatouiller l’orgueil national que se rétablir ce couplet et de surfer sur le passé pour faire oublier un présent peu
Le président Abdelmadjid Tebboune a signé un décret (n° 23-195 du 21 mai 2023) rétablissant un couplet anti-français dans l’hymne national de l’Algérie. «Qassaman», nom de l’hymne national algérien, redevient à nouveau le seul hymne au monde à citer, sous le ton du défi et de la haine, le nom d’un autre pays en ces termes:
«Ô France! Le temps des palabres est révolu.
Nous l’avons clos comme on ferme un livre.
Ô France! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi!
Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra.
La France paraît plus que jamais déchirée par des fractures identitaires, entretenues au-delà de l’extrême droite et des racistes patentés. Depuis cinq ans, le débat sur l’islamophobie est devenu très âpre, moins académique et plus politique. Sur la base de son expérience universitaire aux États-Unis, Jocelyne Cesari analyse l’affaire Florence Bergeaud-Blacker. Elle met en lumière une guerre des cultures à la française, facteur significatif de la polarisation du débat sur les études islamiques.
Paris, le 2 juin 2023. L’anthropologue française Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, quitte l’université de la Sorbonne sous escorte policière après une conférence.
La sculpture représentant l’émir Abdelkader, installée en face du château d’Amboise, a été inaugurée samedi 5 février 2022.
Si Abdelmadjid Tebboune était venu en France, parmi le menu des visites prévues il était envisagé une cérémonie autour de la statue représentant l’émir Abdelkader, installée en face du château d’Amboise et inaugurée samedi 5 février 2022. Mais Macron, une fois de plus a raté son coup, c’est Poutine qui en n'a bénéficié.
Michel Dandelot
Algérie : Abdelmadjid Tebbounel’émir Abdelkader et la Russie
Sergueï Lavrov et Abdelmadjid Tebboune
En Russie dans le cadre d’une visite d’Etat, le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a inauguré une stèle commémorative de l’émir Abdelkader. Ce dernier est une personnalité historique algérienne et arabo-musulmane.
Le Président algérien, Abdelmadjid Tebboune est en visite de trois jours en Russie où il doit participer aux travaux du SPIEF (Forum économique international de Saint Petersburg). Avant ce conclave, le dirigeant nord-africain a procédé à une inauguration, non des moindres, ce mercredi 14 juin 2023, dans la capitale russe.
Chevalier de l’Ordre de blanc en Russie
Le chef de l’Etat algérien a, en effet, inauguré, à Moscou, une stèle en commémoration de l’émir Abdelkader. Une première du genre en Russie. Le monument a été érigé en « reconnaissance aux contributions et au rôle de l’Emir dans la diffusion des valeurs de tolérance et de dialogue des religions et principes de l’humanité ».
L’émir Abdelkader a été honoré, « en tant que héros national, fondateur de l’État algérien moderne et chevalier de l’Ordre de blanc pour son rôle dans la protection des membres du consulat de Russie à Damas en 1860 ». Signalons que si l’émir est aujourd’hui rehaussé, c’est en grande partie pour sa bravoure légendaire.
Grand cordon de la Légion d’honneur en France
L’émir Abdelkader est une figure historique, surtout du fait qu’il ait apporté une farouche résistance, en Algérie, au colonisateur français. Installé en Syrie après sa libération, il a empêché plusieurs massacres en s’interposant pour protéger des familles chrétiennes réfugiées dans le quartier des Algériens. Il se dit qu’il en a sauvé plus d’un millier. Un geste de bravoure qui lui a d’ailleurs valu de recevoir de Napoléon III le grand cordon de la Légion d’honneur.
De son vrai nom Abdelkader ibn Muhieddine, l’émir est né le 6 septembre 1808 à El Guettana, en Algérie. Ce chef religieux et militaire algérien a mené une lutte contre la conquête de l’Algérie par la France au milieu du 19ème siècle. Il est mort le 26 mai 1883, à Damas, alors dans l’Empire Ottoman et dans l’actuelle Syrie.
En cette année de cinquantième anniversaire de la fin d’une guerre qui vit l’Algérie accéder à l’indépendance, la diffusion d’un film documentaire (Guerre d’Algérie, la déchirure, de Gabriel Le Bomin et Benjamin Stora, diffusé sur France 2 le dimanche 11 mars 2012 à 20h30) fait ressurgir l’une des plus grandes polémiques médiatiques qu’ait connue la France pendant la guerre d’Algérie, dans les derniers jours de l’année 1955.
La séquence incriminée montre un gendarme en train d’abattre, de sang froid et sans sommation, un civil algérien qui s’éloigne sur une route, avant de recharger son arme. Un message, posté sur un blog le 9 mars 2012, puis largement relayé auprès d’un certain nombre d’associations, qualifie ces images de « mise en scène, réalisée par la Fox Movietone et tournée le 22 août 1955 à Aïn Abid, devant une dizaine de journalistes. On voit le suspect s’éloigner. Soudain, il jette sa casquette en l’air (ce qui permet au gendarme de la prendre pour cible). Le suspect s’écroule ensuite, simulant la mort… Le gendarme G…. , qui avait accepté de tourner cette scène contre rétribution, a ensuite bénéficié d'un non-lieu devant le tribunal où il avait comparu pour faute. Tournée en 1955, ces images ont ensuite été utilisées par des cinéastes du FLN pour illustrer la répression qui a suivi les événements de Sétif, en 1945.
“Mise en scène, trucage des images” : plus de cinquante ans après, on retrouve ici la rhétorique et les arguments utilisés par le gouvernement français lors de la publication de ces images, fin 1955, images qui le plaçaient face à la révélation de la brutalité et du caractère indiscriminé de la répression militaire consécutive à l’insurrection nationaliste du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois. Avant d’expliciter les conditions de production et de diffusion de ces images, puis le déroulement du scandale médiatique qu’elles ont provoqué en 1955, arrêtons-nous un instant pour les regarder vraiment.
Que s’est-il passé le 22 août 1955 à Aïn Abid ?
Le 22 août 1955, à Aïn Abid, petit village à une quarantaine de kilomètres au sud de Constantine qui venait d’être le théâtre de l’assassinat de sept de ses habitants européens par l’ALNi , ce n’est pas une mais trois exécutions sommaires qui se déroulèrent devant la caméra. Ces trois séquences différentes (deux sur une route et une autour d’une tente de nomades) ont été, parmi d’autres, tournées par le caméraman Georges Chassagne, natif d’Algérie et correspondant permanent dans ce pays pour deux firmes d’actualités : la française Gaumontiii et l’américaine Fox-Movietone.
Georges Chassagne a travaillé dans la plus grande légalité, respectant le système des autorisations alors en vigueur pour les journalistes : un laissez-passer délivré par les autorités civiles (Gouvernement général et préfets), permettant de se rendre dans des zones où l’armée opérait. Le 21 août, il a été « convié officiellement, par le gouvernement général, ainsi que cinq de ses confrères de la presse américaine et algéroise, à un voyage organisé, et sous escorte, dans le Constantinoisiv ». Le début de son reportage, tel que conservé dans les archives Pathé-Gaumont, montre qu’il a accompagné le Gouverneur général Jacques Soustelle lors de sa visite auprès des victimes européennes à l’hôpital de Constantine : c’était l’objectif de ce voyage de presse organisé. Le lendemain matin, il a profité, avec cinq autres journalistes (dont Robert Soulé, correspondant de France Soir et Jacques Alexandre, correspondant de la firme américaine d’actualités CBS News, concurrente de la Fox Movietone), d’une escorte de CRS, qui convoyait des autorités locales jusqu’à Oued Zenati, pour rejoindre la zone troublée. Ils s’arrêtèrent à Aïn Abid, où l’armée était en train d’opérer un ratissage afin de retrouver les auteurs de la tuerie du 20 août. « Les militaires avaient demandé à tous les musulmans de se rassembler pour un contrôle d’identité. [...] Tous ceux qui ne s’étaient pas présentés aux autorités devaient être considérés comme rebelles », rapporte Robert Soulév . Les journalistes suivirent alors une patrouille formée de six à huit soldats et d’un gendarme « qui semblait conduire les opérations de nettoyagevi ». Originaire d’Aïn Abid, il était proche de la famille Mello, dont plusieurs membres avaient été tués. Première séquence filmée : la patrouille fouille des tentes de nomades (qui campaient, l’été, à l’extérieur du village). A peine sorti de sa tente, sans arme et les bras en l’air, un Algérien est abattu d’un coup de fusil. Un militaire l’achève d’une balle de revolver dans la tête, à bout portant. La tente est ensuite démontée. Selon Georges Chassagne, on y a « d’ailleurs retrouvé des objets provenant du pillage de la maison d’un fonctionnaire des PTTvii <#sdendnote7sym> ». Un peu plus tard, « la patrouille entra dans la cour d’une ferme et demanda à un Algérien d’une soixantaine d’années si un musulman, nommément désigné, était resté à la ferme ou s’il s’était enfui ». Chassagne était resté à l’extérieur : « Il vit ressortir le gendarme, poussant un individu. Sur l’ordre du gendarme l’homme s’éloigna. Il fut abattu à quelques mètres par un coup de mousquetonviii ». Chassagne déclencha alors sa caméra, pour filmer une scène dont le déroulement lui était connu, puisqu’il en avait déjà filmé une semblable, quelques minutes plus tôt : un Algérien, vêtu d’une djellaba blanche, abattu par le même gendarme, devant une maison. Témoin de cette nouvelle exécution sommaire, Chassagne déclencha sa caméra plus rapidement et la séquence filmée est un peu plus longue (8 secondes, contre 3 pour la séquence précédente) et un peu mieux cadrée.
Des images qui font le tour du monde
Après avoir tourné quelques plans de la mosquée, qui a servi de PC aux émeutiersi , Chassagne quitta Aïn Abid en fin de matinée, pour rejoindre Constantine puis Alger. Le soir même, il transmettait ses bobines à ses employeurs. Comme la firme Gaumont, qui n’inclut pas ces images dans son journal filmé de la semaine (diffusé dans les cinémas avant le film), le bureau parisien de la Fox Movietone décida « d’exclure les séquences en cause des montages destinés à la France et à l’Europex ». A New-York, ces images furent montées, avec d’autres – en provenance, notamment, du Maroc – pour une bande d’actualités évoquant les troubles qui avaient secoué l’ensemble de l’Afrique du Nord le 20 août 1955. Ce film d’actualités fut diffusé sur les télévisions du continent américain, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Amérique latine, à quelques jours de l’ouverture de la 10e session de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, à l’ordre du jour de laquelle 15 Etats du groupe afro-asiatique avaient demandé l’inscription de la question algériennexi. Les images d’exécution étaient accompagnées du commentaire suivant : « Les victimes sont des fanatiques voués à l’assassinat. C’est une poursuite où les Français, qui ont vu des hommes, des femmes et des enfants européens dépecés sauvagement, ne peuvent prendre le temps de discuter (effet sonore sur l’image – silence au moment de l’exécution – effet sonore sur l’image). La pitié est à nouveau oubliée dans une guerre meurtrièrexi . »
Découvrant ces images à la télévision américaine, puis dans le magazine Life où cinq photogrammes issus de la bande filmée furent publiés le 5 septembre 1955xii, l’ambassadeur de France à Washington prévint immédiatement Paris, tout en l’informant que certaines avaient été utilisées par le MNA (Mouvement national algérien de Messali Hadj) dans un document adressé au gouvernement des Etats-Unis : A black paper on french repression in Algeriaxiv . Le 14 novembre, le ministère de l’Intérieur demanda au Gouvernement général de lui « adresser d’extrême urgence un projet de réfutation du livre noir » et que « ses services s’emploient à déterminer dans quelle mesure il n’y a pas trucage à l’origine des documents Fox Movietone et Lifexv ». Georges Chassagne fut alors convoqué au Gouvernement général pour authentifier ses images et confirmer le lieu et la date de la prise de vues. Dans sa note de synthèse du 23 novembre, le Gouvernement général dénonçait le film de la Fox comme un « montage truqué, dans lequel des images prises hors d’Algérie [notamment au Maroc] sont intercalées avec celles prises sur placexvi.
Le scandale médiatique en France
C’est la publication de ces cinq mêmes photogrammes dans L’Express du 29 décembre 1955 (sous le titre : « Des faits terribles qu’il faut connaître ») qui déclencha le scandale en France où ces images n’avaient pas été vues, sinon, marginalement, via l’édition internationale de Life du 3 octobre 1955. L’Express dénonçait certes la censure dont cette bande filmée aurait été victime en France (alors qu’il s’agissait d’une décision assumée d’autocensure de la part de la Fox) mais aussi, plus largement, les méthodes de la répression française en Algérie en révélant - témoignages oraux, documents écrits et images à l’appui - un certain nombre de « faits accablants » pour l’armée et le gouvernement, à qui le quotidien demandait d’apporter des démentis. Bien que connue des services gouvernementaux, l’exécution sommaire dont ces images apportaient la preuve n’avait donné lieu à aucune enquête sérieuse et le quotidien déplorait que « rien n’ait été fait depuis ni pour sanctionner ni pour prévenir le retour de tels abus ». Alors que la France se trouvait en pleine campagne électorale pour les législatives, L’Express considérait que « seule la connaissance des faits permettra à l’opinion de manifester sa volonté politique et d’arrêter la chute, par impuissance, dans une guerre sans honneur et sans issuexv ». La contre-attaque du gouvernement ne se fit pas attendre. Étonnamment, elle ne visa pas L’Express, qui ne fut pas saisi, mais les producteurs des images : la stratégie fut de discréditer ces images en criant au trucage et à la mise en scène pour ne pas avoir à s’expliquer sur les faits eux-mêmes. Le jour même de la publication dans L’Express, à l’issue d’une conférence extraordinaire à la Présidence du Conseil, Edgar Faure reconnaissait l’exécution sommaire mais en faisait porter la responsabilité au caméraman qui avait tourné cette bande d’actualités, accusé d’avoir « soudoyé le gendarme auxiliaire afin qu’il se prête au scénarioxvii » : la mise à mort n’aurait eu lieu que pour permettre à l’opérateur de réaliser des images-choc. Par le biais d’un communiqué officieux, diffusé par l’AFP sous la forme d’une « note émanant des milieux autorisés », le gouvernement annonçait que ce dernier serait poursuivi pour « corruption de fonctionnaire, provocation au meurtre et complicité » et qu’une action en justice serait intentée contre la firme américaine Fox Movietone, accusée d’avoir « alimenté la propagande antifrançaisexix ». Le communiqué n’hésitait pas à qualifier la réalisation de cette bande filmée d’ « opération montée », de « machination organisée par l’étranger » et de « véritable complot politique, car elle est intervenue quelques jours avant le vote de l’ONU sur l’affaire algériennex ». Dans les milieux diplomatiques, la diffusion de ces images à travers le monde était en effet perçue comme l’une des causes du vote majoritairement hostile à la France. Quant au gendarme auxiliaire, le gouvernement annonçait qu’il avait été déféré devant un tribunal militaire.
Tous les points de cette version officielle se trouvèrent démentis en quarante-huit heures, mettant le gouvernement dans une posture délicate. Pour sa défense, la Fox organisa en effet à Paris, le 31 décembre, une conférence de presse au cours de laquelle Georges Chassagne détailla les conditions dans lesquelles il avait réalisé ce filmxxi . Sa version des faits était dans le même temps corroborée par le témoignage que son collègue de France Soir Robert Soulé livrait à son journalxxi. Empêtré dans ses mensonges, le gouvernement multiplia pendant plusieurs jours les réunions de crise et les communiqués contradictoires. Contraint de reconnaître l’innocence de Chassagne, contre qui aucune poursuite n’avait été effectivement engagée, il dut lui présenter des excuses officiellesxxiii <#sdendnote23sym> , mais aussi révéler que le gendarme incriminé, loin d’avoir été inculpé par un tribunal militaire, n’avait fait l’objet que d’une mesure disciplinaire hâtive, peu de temps avant que le scandale n’éclatexxiv . Jean Daniel dénonçait alors « l’égarement d’hommes responsables qui, devant la dénonciation de leur impuissance, s’en prennent aussitôt et avec une tragique frivolité à n’importe quel bouc émissaire. Pour se disculper ils n’ont pas un seul moment hésité à mettre en cause une nation alliée, à calomnier un journaliste honnête, à falsifier des informations pour construire de prétendus démentisxxv . Finalement, l’affaire s’éteignit à la faveur du changement de majorité : les élections du 2 janvier 1956
firent du gouvernement responsable un gouvernement sortant. Le 4 janvier, Maurice Bourgès Maunoury, ministre de l’Intérieur au moment des faits, déclara prendre « l’entière responsabilité de ce qui s’est passé» mais invoqua le souvenir de « l’atmosphère au lendemain du massacre du 20 aoûtxxvi pour relativiser la violence de ces images d’exécution. En participant à l’internationalisation du conflit, ces images ont donc servi la cause algérienne, bien que les nationalistes algériens ne soient en rien responsables de leur réalisation ni de leur diffusion. L’écho qu’elles obtinrent à travers le monde et à la tribune de l’ONU n’est peut-être pas pour rien dans la décision prise par les responsables de l’Armée de libération nationale (ALN), réunis en congrès dans la vallée de la Soummam, le 20 août 1956, tout juste un an après les événements d’Aïn Abid, de lancer une vaste campagne de publicité à l’étranger fondée sur l’image. A partir de 1956, la guerre qu’ils menaient contre les Français fut aussi une guerre diplomatique et une guerre mé
Le docu-fiction La Reine Cléopâtre, diffusé sur Netflix, a suscité de vives controverses dès la sortie de sa bande-annonce, à cause du choix d’une actrice africaine-américaine, Adele James, pour interpréter la célèbre reine. Des Égyptiens dénoncent une appropriation culturelle, alors que le camp adverse pointe du doigt la négrophobie.
L’actrice Adele James incarne Cléopâtre dans le docu-fiction diffusé sur Netflix.
La Reine Cléopâtre, le docu-fiction produit par Jada Pinkett Smith pour Netflix, s’insère dans la mouvance « Black Royalty » ou « Black is King » (titre d’un film musical produit par Beyoncé en 2020). Au-delà d’une récupération militante de figures historiques, c’est une volonté de construire une dignité noire, de contrer des siècles de subalternité et d’humiliation et de bien faire comprendre que l’Afrique « noire » a une histoire et des civilisations millénaires, notamment à travers la mise en scène d’une royauté noire. La figure de la royauté est une forme d’utopie décoloniale, un roi étant l’absolu opposé d’un esclave, et permet de se réapproprier une histoire décimée par la blanchité coloniale.
En effet, l’eurocentrisme, dont la fondation est le suprémacisme blanc, a inventé et reproduit l’histoire de ses dominés, principalement pour rendre « naturelle » sa domination, et donc la subalternité des colonisés. Le colonialisme européo-américain n’aurait pu exister sans l’invention de la race, la hiérarchisation raciale qui a suivi ayant permis de « naturaliser » le fait colonial. Dans sa continuation, nous vivons dans un monde où la production du savoir reste prisonnière de l’eurocentrisme de l’Histoire, bien que de plus en plus contesté. L’infériorisation de la « blackness » (que l’on peut traduire par la noirceur), développée pour les besoins de la traite transatlantique ayant permis l’essor du capitalisme et des économies du Nord, ne produit pas simplement du racisme dans sa compréhension classique. Elle influe sur la manière dont la cartographie du « continent noir » est imaginée encore aujourd’hui.
LE SOPHISME DE L’HOMME BLANC
L’Afrique telle que nous la vivons est le produit d’une partition coloniale en trois parties, conceptualisée par le philosophe allemand Friedrich Hegel : une Afrique « européenne », celle du Nord, une Égypte « asiatique », et la « véritable » Afrique, celle que l’on nomme aujourd’hui subsaharienne mais qui, à l’époque coloniale, se nommait simplement « Afrique noire ». Pour Hegel, cette dernière est « une terre anhistorique et non développée, encore imprégnée de l’esprit de la nature ». Une traduction quotidienne de cette cartographie radicalisée du continent est la pratique consistant à nommer « Africain » un Subsaharien en Afrique du Nord. Cette tendance à ne pas se penser africain, et à assimiler l’africanité au fait d’être noir, nourrit la négrophobie arabo-africaine.
La campagne lancée contre le documentaire en Égypte s’est d’ailleurs largement focalisée sur la « pureté » de l’ADN égyptien et sa dissociation de l’ADN « africain ». Ainsi, un communiqué du ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités daté du 27 avril dénonce les traits « africains » d’une Cléopâtre censée avoir « la peau claire » et argue l’assimilation historique de tout « trait étranger » aux Égyptiens. Le mythe d’une nation (racialement) homogène cimenté par les constructions nationales postindépendance rejoint ainsi un déni d’africanité, cette identité étant toujours perçue comme rattachée à une Afrique noire primitive et en marge de la modernité.
Ironiquement, la négrophobie en Afrique du Nord se fonde sur le déni de toute origine noire à la région, déni affectant notamment l’écriture de l’histoire africaine par des africanistes occidentaux ayant intériorisé la partition hégélienne du continent et opérant une analogie numérique entre la traite transatlantique et la traite transsaharienne, comme Humphrey Fisher, Ralph Austen, John Hunwick et Philip Curtin. Selon cette vision, les Noirs africains en Afrique du Nord ne peuvent être que des descendants d’esclaves formant une sorte de « diaspora africaine en Afrique ». L’éminent universitaire kényan Ali Mazrui prévenait pourtant que considérer que « rien n’est africain à moins qu’il soit noir, c’était justement tomber dans le sophisme de l’homme blanc »1.
UNE RÉACTION À LA RHÉTORIQUE COLONIALE
Face à cela, la théorie de l’afrocentrisme fait d’une Égypte « noire » la pierre angulaire de sa rhétorique. Dans le monde francophone, la théorie d’une Égypte négro-africaine, berceau des civilisations subsahariennes, fut lancée par le penseur sénégalais Cheikh Anta Diop. Elle est emblématique de la disjonction du continent africain au lendemain de l’espoir suscité par les indépendances et l’espace permis pour la circulation de figures et théories de la libération radicale du Sud, notamment avec le séjour de nombre d’intellectuels afro-américains au Caire au début des années 1960, et la « Mecque révolutionnaire » que fut Alger pour plusieurs mouvements radicaux, dont les Black Panthers.
C’est d’ailleurs l’argument d’une « réappropriation imminente » d’une Afrique du Nord « colonisée » que l’on pensait propre aux « guerres culturelles » (cultural wars) américaines qui a nourri en février-mars 2023 la psychose à l’encontre des migrants subsahariens en Tunisie, instrumentalisée par un groupuscule fasciste qui a eu l’oreille du pouvoir. Partout, on pouvait entendre un racisme des plus abjects justifié par un prétendu plan de colonisation du Maghreb par les migrants subsahariens.
Or l’afrocentrisme doit tout d’abord être compris comme une réaction à la rhétorique coloniale selon laquelle l’Afrique subsaharienne ne possédait pas d’histoire avant sa colonisation par l’Europe, et que toute trace de civilisation lui serait forcément exogène, lui venant d’Orient, des Berbères, des Arabes ou de l’Europe. C’est donc un mouvement qui vise à retourner le stigmate et à écrire l’Histoire du point de vue de l’Afrique, qui ici se confond souvent avec le point de vue afro-américain sur l’Afrique, l’afrocentrisme étant né de la réflexion d’intellectuels afro-américains à partir du contexte racial états-unien.
HÉGÉMONIE AMÉRICAINE ET POSTCOLONIALISME
Notre manière de penser la race, et donc le racisme, reste intrinsèquement liée à la sémantique et au vécu des afrodescendants de la traite transatlantique. Depuis l’avènement des études postcoloniales et décoloniales, des chercheurs du Sud évoluant au sein d’universités nord-américaines comme Hassan Mohamed, Ali Mazrui, ou plus récemment Abdelmajid Hannoum et Hisham Aïdi, ont mis en garde contre une lecture « américanisée » de la traite arabo-berbère et contre la partition racialisée de l’Afrique. Ils prônent la nécessité de situer la race dans la modernité occidentale.
Pourtant, pour ce qui est de « désaméricaniser » la race, le pari est loin d’être gagné : d’abord parce que la traite transatlantique a été déterminante pour l’expansion du capitalisme, du racisme et de la mise en équivalence de la figure du « noir » avec celle de l’esclave ; ensuite parce que les afrodescendants aux États-Unis ont joué un rôle fondateur dans la formation et l’expansion de l’idéologie panafricaniste ; enfin, parce que les États-Unis exercent une hégémonie culturelle sur le monde qui permet aux représentations et aux enjeux nés en leur sein de s’exporter et de devenir hégémoniques, notamment à travers les médias de masse et les productions académiques.
Ces représentations qui promeuvent la dignité noire doivent être encouragées et célébrées. Elles sont salvatrices pour nos subjectivités postcoloniales et permettent de nous imaginer au-delà du regard du colonisateur. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue la question du pouvoir. Une réappropriation de l’Histoire ne doit pas se faire aux dépens d’une autre communauté de destin, elle aussi dominée.
La Reine Cléopâtre s’ouvre sur les mots d’une professeure d’études africaines : « Ma grand-mère m’a dit : “Peu importe ce qu’ils t’enseignent à l’école, Cléopâtre était noire”. » Dans le documentaire, ce n’est pas seulement Cléopâtre qui est représentée comme noire, mais l’Égypte entière, rappelant l’imaginaire d’une Égypte berceau des civilisations négro-africaines. Cette représentation serait peut-être passée inaperçue si le documentaire n’était pas produit par Netflix, et donc accessible au plus grand nombre.
PACIFIER LES CONTESTATIONS
Ces dernières années, les structures néolibérales telles que les plateformes de streaming ont eu massivement recours au tokénisme, pratique consistant à (sur)représenter des minorités raciales, de genre et sexuelles, afin de se targuer d’inclusivité et d’invisibiliser la violence structurelle à laquelle ces minorités font face. Depuis l’assassinat de George Floyd en mai 2020 et l’émergence du mouvement Black Lives Matter, une contre-révolution s’est mise en place afin de pacifier un mouvement questionnant le racisme structurel aux États-Unis et dans le monde. La volonté d’une plateforme comme Netflix de produire un documentaire tel que celui réalisé par Jada Pinkett Smith doit être comprise dans ce contexte.
Cela dit, ce n’est pas tellement l’Amérique blanche qui est ici attaquée, mais un autre groupe dominé : les Arabes, et plus particulièrement les Égyptiens, qui ont dénoncé un « blackwashing »2 et qui se voient confisquer une représentativité pour la deuxième fois : une actrice américaine blanche – Elizabeth Taylor – avait interprété Cléopâtre en 1963 dans le film de Joseph Mankiewicz, et c’est aujourd’hui une actrice noire-américaine – Adele James – qui l’interprète à son tour. L’intervention de l’humoriste en exil Bassem Youssef dans un talk-show diffusé aux États-Unis concernant la polémique est en ce sens révélatrice d’un malaise, lorsqu’il dénonce l’appropriation de la culture égyptienne pour les besoins d’un narratif africain-américain, celui de la surreprésentation d’une minorité aux dépens de la visibilisation d’une autre.
L’effacement de l’historicité des Nord-Africains non noirs reproduit la narration coloniale, mobilisée par exemple par la colonisation française au Maghreb pour opérer une distinction ethnolinguistique binaire entre Berbères autochtones et Arabes envahisseurs, et rattacher ainsi ses colonies à une identité méditerranéenne. Décoloniser la question raciale donc, sans complaisance aucune avec une négrophobie bien ancrée, mais sans pour autant se laisser envahir par des débats américanocentrés, là est tout l’enjeu.
L’année 1957, celle de la bataille d’Alger, fut terrible. A Alger, le terrorisme battait son plein. La police avait disparu des rues et la Casbah était devenue le fief inexpugnable du FLN. Le gouvernement avait donné les pleins pouvoirs de police au général Massu, qui s’était constitué une sorte d’état-major «de la main gauche» , comme on disait entre nous, dont la mission était de démanteler les réseaux terroristes. Avec l’aide du colonel Trinquier, il avait fait un travail d’identification de la population d’Alger, comparable à celui qu’avait fait Napoléon en Rhénanie.
Toute la région d’Alger avait été quadrillée : chaque quartier avait son numéro, chaque arrondissement était divisé en îlots, chaque îlot était repéré par une lettre peinte en bleu d’un mètre de haut, avec un chef d’îlot qui devait répondre des habitants. Enfin, on avait doté d’un second chiffre d’immatriculation chaque groupe de maisons ou d’immeubles. Le colonel Trinquier avait baptisé ce système dont il était très fier «détachement de protection urbaine «DPU Nous, nous l’appelions finement, bien sûr, le Guépéou. Il fallait un autre officier pour seconder Trinquier, et Massu avait passé un savon au lieutenant-colonel Mayer pour qu’il me désigne. Je l’ai supplié : «Ne faites pas ça, mon colonel, ne faites pas ça ! – Et pourquoi donc ?» me demanda Mayer. «Je sais ce que m’a coûté Philippeville. J’en ai assez et j’en ai assez fait». – C’est à Philippeville qu’ont commencé les tortures à l’électricité ? Le général soupire, se tait, soupire à nouveau.
– Voilà la question piège. Oui, ce sont les policiers qui nous ont appris certains procédés de renseignement. – Revenons à Massu et Mayer. Vous pouviez refuser, non ? – J’ai essayé de me défiler sans désobéir. J’ai rappelé à Mayer que nous avions dans nos rangs un charmant camarade, Lafargue, dit «Pétanque». C’était un officier bavard, braillard, soiffard, qui ressemblait tout à fait à Massu. Il pouvait faire l’affaire. Le hic, c’est que tout le monde savait qu’il était un sacré fainéant. «Envoyez-lui Pétanque, mon colonel, deux grandes gueules comme ça, ils s’entendront très bien.» Le colonel Mayer appelle Pétanque, l’exhorte à la tâche, lui demande de se montrer à la hauteur et l’expédie à Massu. Cinq minutes après, coup de fil de Massu, apoplectique : «Mayer, ça suffit comme ça ! Ne continuez pas à vous foutre de ma gueule ! J’ai dit : envoyez-moi Aussaresses et au galop !» Dans l’organigramme de l’état-major installé à la préfecture d’Alger, je deviens donc l’agent de liaison du général Massu, chargé de tout ce qui concerne la police et la justice. Trinquier, lui, supervise le contrôle de la population civile. En privé, Massu m’ordonne de faire ce que j’ai fait à Philippeville. Je lui demande alors deux choses. La première, c’est que je ne serai en aucun cas le subordonné de Trinquier. La seconde, c’est que, puisque j’allais être chargé du sale boulot qui emm… tout le monde, qu’on me laisse faire la même chose qu’à Philippeville et qu’on ne vienne pas me chercher des poux sur la façon dont j’obtenais des renseignements. Massu a accepté d’un grognement. C’était sa façon habituelle de parler. Je n’avais plus qu’à me constituer une équipe. Massu m’avait donné comme adjoint le lieutenant Carcet, son ancien aide de camp. Gérard Garcet avait été un des plus jeunes résistants du maquis du Vercors. Il avait seize ans quand il s’était engagé dans la lutte contre les nazis. Il était ensuite entré chez les parachutistes, avait accompli quelques exploits en Corée avant de se retrouver en Algérie. Le lieutenant Garcet vivait avec les Massu dans une maison à Hydra, mais, à cause d’une sombre histoire de vieux appâts de pêche oubliés dans le réfrigérateur, Madame Massu avait demandé «sa queue et ses oreilles» à son mari. C’est-à-dire qu’elle exigeait qu’il le vire. Donc, Massu me l’envoie à la préfecture où j’avais mon bureau. C’était un gars sympathique et débrouillard. Je lui explique le topo. Il fallait nous composer une équipe de sous-officiers et ce n’était pas facile. On a eu une idée : à cause d’un processus d’osmose mis en œuvre dans l’année, il y avait un certain nombre de sous-offs qui risquait de ne plus avoir d’affectation. On s’est donc procuré la liste et on a rassemblé les types. – Massu, dans ses Mémoires, parle d’officiers «triés sur le volet». En fait, c’était des paras en fin de contrat ? – En gros, oui. Je les ai donc rassemblés et je leur ai dit : «Le fait de travailler avec moi, ça ne vous rapportera rien. J’ai besoin de types pour faire les basses besognes. C’est ce que j’ai déjà fait à Philippeville, tout le monde le sait, voilà. Que ceux qui refusent fassent un pas en avant.». Ils sont tous restés au garde-à-vous. Aucun n’a refusé. Garcet est alors parti comme une flèche et il est revenu en portant triomphalement une caisse entière de whisky. Il l’avait piquée à Massu. Ça nous a souvent aidés… – Votre QG, c’était donc la préfecture ? – Garcet nous avait trouvé une villa rue des Tourelles, un nom prédestiné. C’était une grande villa, suffisamment isolée, avec un jardin… un jardin… (Le général reste songeur. Il se reprend.) Mes sbires vivaient à la villa des Tourelles. Moi, j’avais un bureau à la préfecture et une vieille jeep. La nuit, j’enfilais ma tenue léopard. Je ne la mettais jamais de jour. Le jour, j’étais en «tenue 46» et je ne portais pas d’arme ; je ne voulais pas avoir l’air d’un tonton macoute. Donc, chaque nuit, je faisais la tournée de tous les régiments. Je rencontrais tous les officiers de renseignements, ceux de service ainsi que leur colonel. On croisait nos infos. La cavalcade commençait. – Qui vivait à la villa des Tourelles ? – Garcet, les sous-offs, et Babaye, mon garde du corps. Babaye, c’était un Noir très noir, un colosse, enrôlé de force dans le FLN. il faut savoir que les Arabes, en tout cas ceux du FLN de l’époque, étaient plutôt racistes. Babaye s’était défendu comme un lion, contre mes hommes lors d’une attaque. Un de mes sergents lui avait alors lancé «Ho, couillon, qu’est-ce que tu fous avec le FLN ?» Babaye avait répondu qu’il n’avait rien choisi. «Et alors, tu préfères pas venir avec les Français ?» C’est ainsi que Babaye est venu avec nous et qu’il est resté. – Vous avez dit que votre action, c’était de «décharger l’armée des basses besognes» ? – Voilà. Par exemple, Bigeard me dit un jour : «Nous avons des types de la cellule terroriste de Notre-Dame d’Afrique. Vous ne pouvez pas m’en débarrasser ?» Je ne pouvais pas lui répondre «démerdez-vous-en» ! Il y avait des soldats chez Bigeard, des jeunes, des braves types. Fallait pas, non, fallait pas qu’ils fassent ce boulot. Tandis que nous, on était déjà de vieux officiers, Garcet et moi’ On en avait déjà tellement vu, ah… – Mais beaucoup de jeunes soldats, des appelés, ont dû participer à des interrogatoires. Qu’est-ce que vous voulez dire en parlant de «basses besognes» ? – Les exécutions sommaires. – Qui en décidait ? – Moi. Je le disais à Massu. En plus de la réunion quotidienne du matin, j’écrivais en quatre exemplaires tous les jours ce que nous faisions, de façon détaillée. Il y avait un exemplaire pour Massu, un pour le ministre-résidant Lacoste et un pour le général Salan. Massu savait tout. Le gouvernement aussi. J’assistais aux exécutions que j’avais ordonnées. J’aimais pas, j’aimais pas. – Attendez, cela se passait comment ? – Je disais à Massu : on a ramassé un tel et un tel et on l’a exécuté. Et il y en a un autre qui est dans le coup, mais on ne l’exécutera pas aujourd’hui. On le fera demain. Il s’évadera… «Broum, brourn», grognait Massu. On ne faisait pas toujours des listes pour Paul Teitgen, le secrétaire général de la préfecture. Certains, on les attendait dehors et on les exécutait. Après, on les assignait à résidence. Teitgen était fou furieux : «Ils m’ont fait assigner un type à résidence et ils l’ont tué. Ah, les salauds» ! Du coup, il a démissionné. – Ces exécutions, c’était à la villa des Tourelles ? – Non, y en a eu quelques-unes, c’est vrai, à la villa des Tourelles. Des types arrivés de jour… On les a enterrés sur place. Ils doivent être encore dans le jardin. – Et à part la villa des Tourelles ? – C’était dehors. En dehors d’Alger. La police était bien contente de n’être pas dans le coup. – Mais à quoi ça servait, ces exécutions ? – Mais je vous l’ai dit. On sous-traitait ce que les régiments ne voulaient pas faire. Autre exemple : réunion de cadres dans le bureau de Massu. Un colonel dit : «On a une bande de terroristes, on voudrait en débarrasser le régiment». Cela tombe bien, ce jour-là était présent Max Lejeune, le secrétaire d’État à la Guerre. On lui fait le topo. «Il faudrait réussir à leur faire prendre le maquis», propose l’un. «Un maquis bien éloigné», ajoute Massu. «Écoutez, dit Lejeune. Vous avez entendu parler de l’interception de Ben Bella ? Nous avions décidé en haut lieu d’abattre l’avion. Si nous ne l’avons pas fait, c’est que l’avions avait un équipage français. Le gouvernement regrette beaucoup d’avoir laissé Ben Bella en vie. C’est une erreur.» Massu avait compris. Moi aussi. Il m’a regardé et poussé un grognement. Je lui ai dit : «Bon. Je ferai ce que je peux.» – Mais cela faisait combien d’exécution ? – Pour une bombe de posée, ça montait vite. (Il semble à nouveau happé par le passé et, d’une voix très basse, presque imperceptible, il rejoue un interrogatoire. Il y joue aussi peut-être son propre rôle, dans une sorte d’implacable et calme voix off)
Question : Qui c’est qui a fait le coup ? Réponse : C’est lui. Q : Où il est ? R : Chez lui à telle adresse. Voix off : Bon, ben, on va le chercher tout de suite (…) R : Oui, j’ai posé la bombe. (Aussaresses fait tomber sa main sur la table comme un couperet) Voix off : Bon. OK. Liquidé. Q : Mais qui a fabriqué la bombe ? R : Ha, c’est lui ! Q : Où il est ? R : Il est là… Q : Tu as fabriqué la bombe seul ? R : Eh oui. Q : Ah, tu as fabriqué la bombe ; qui c’est qui t’a aidé ? R : Personne. Q : Mais si, on t’a aidé R : Personne. Q : Et qui t’en a donné l’ordre ? R : C’est lui. Voix off : Bon. Ça fait trois : celui qui a fabriqué la bombe, celui qui l’a posée, celui qui a donné l’ordre. Q : Mais qui c’est qui t’a dit de poser la bombe à tel endroit ? R : C’est le chef de… Off : Ça fait 4. Q : Et qui c’est qui travaillait avec ce chef ? R : C’est l’adjoint de… et le second adjoint de… Off : Alors, cela fait 6. Q : Mais attends, qui est-ce qui a planqué la bombe pendant que… R : C’est un tel. Il habite à telle adresse. Off : Ça fait sept. Q : Et celui qui a fait le guet ? R : C’est un type qui s’appelle X. Off : Huit. (Aussaresses semble revenir à nous). Etc., etc. On arrive vite à onze. Qu’est-ce qu’on fait de ces types quand on voit qu’il n’y a plus rien à en tirer ? On les exécute. (A suivre)
1. Les services secrets français sont à côté de la rue des Tourelles et de sa piscine, boulevard Mortier à Paris. 2. La «tenue 46» est un uniforme fait sur mesure, composé d’un blouson, d’un pantalon et considéré comme plus élégant. 1. Gérard Garcet avait environ trente ans et Paul Aussaresses trente-huit ans…
A fort Bragg j’apprenais aux militaires américains ce que j’avais vu et fait en Algérie
La Nouvelle République, 28 avril 2008
A fort Bragg j’apprenais aux militaires américains ce que j’avais vu et fait en Algérie (…) Je leur apprenais ce que j’avais fait. Toutes les techniques de la guerre subversive, la lutte contre la guérilla urbaine, le quadrillage des questions, l’infiltration comme je l’avais fait à Philippeville et pendant la bataille d’Alger, et puis, surtout nos méthodes pour récolter du renseignement, les méthodes pour faire parler les gens (…) La torture-exactement, oui… Ainsi répond le général Paul Aussaresses à ses intervieweurs qui, il faut le préciser, ne lui laissent aucun répit dans Je n’ai pas tout dit, un livre d’actualité dans lequel ce professionnel de la torture demeure plaide, fait sans remords ou regrets, et attaché au serment des tortionnaires. En effet, cet agent des services secrets français qui a baigné dans toutes les sauces, acculé, se suffit à acquiescer aux hypothèses émises par Jean Charles Deviau lequel fait preuve d’une maîtrise parfaite de son thème. Sans complaisance, opérant avec une grande distanciation, l’intervieweur accule son interlocuteur qui se laisse prendre à son propre piège, celui du mutisme, car tenu par le serment des tortionnaires. «Qu’est-ce qui t’a pris d’ouvrir ta gueule ?», lui a signifié l’autre général -ordonnatuer des tortures- Marcel Bigeard affirme Aussaresses dans Je n’ai pas tout dit, croire qu’il a tout dit cette fois serait pur naïveté. Ventes d’armes, affaires dites secrètes, guerre froide, s’agit-il de souvenirs, de révélations, de confessions ? C’est quand même un déballage des affaires louches de la France dite des droits de l’Homme quand, au sommet de l’Etat, on soutient les dictatures militaires, on envoie des spécialistes enseigner la torture, on peut se demander ce qu’il reste des idéaux démocratiques…
La Nouvelle République a choisi de publier quelques chapitres de ce livre-déballage en commençan
Le chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, l’avait dit en janvier 2023, il le fait. Il est attendu ce mardi 13 juin à Moscou pour une visite officielle de trois jours. Il avait dit aussi qu’il se rendrait à Paris le même mois mais la crise diplomatique a eu raison de l’élan réconciliateur de Tebboune. Donc ça se passera chez Vladimir Poutine, à qui l’Occident a fermé toutes les portes depuis qu’il s’est installé chez son voisin, l’Ukraine…
«A l’invitation du Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, entame aujourd’hui une visite d’Etat en Fédération de Russie, qui dure trois jours, dans le cadre du renforcement coopération entre les deux pays amis», dit le communiqué de la présidence algérienne.
Moscou et Alger avait peaufiné cette visite haut en couleurs en février dernier, en mettant le curseur sur la consolidation des partenariats dans moult domaines. Le communiqué indique qu'”au cours de cette visite, le président de la République participera aux travaux du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en Russie“.
A noter que l’Algérie et la Russie ont des relations diplomatiques depuis plus de 50 ans et la coopération bilatérale touche des secteurs tels que l’énergie, la défense et la culture. Leurs liens n’ont pas été impactés par la guerre en Ukraine, Alger a même accentué le virage en déposant officiellement son dossier pour rejoindre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Cette visite à Moscou balaie les derniers doutes sur les intentions et choix stratégiques de Tebboune.
On a appris que des accords économiques de poids seront paraphés avec Poutine, notamment dans le domaine de l’énergie où les deux pays pèsent lourd, même si les sanctions occidentales ont fermé à la Russie ses plus gros marchés, d’ailleurs Alger en a tiré un gros profit, notamment en Europe.
Les entreprises russes lorgnent les domaines de la construction, de l’agriculture et de la technologie en Algérie. Il est également question d’explorer les niches dans la santé, les sciences et l’éducation.
Par ailleurs la crise libyenne devrait être mise sur la table. On sait que l’Algérie est un acteur important dans ce dossier, la Russie aussi en tant que soutien du maréchal Khalifa Haftar. Tebboune milite activement auprès de la communauté pour une solution politique en Libye, il tentera d’entraîner Moscou dans cette direction…
Algérie : le président Tebboune entame une visite d'Etat en Russie
Alger et Moscou entretiennent des relations privilégiées de longue date
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune entame mardi une visite d'Etat de trois jours en Russie à l'invitation de son homologue Vladimir Poutine, a annoncé la présidence algérienne. Cette visite s'inscrit "dans le cadre du renforcement de la coopération entre les deux pays amis", souligne un communiqué de la présidence.
Lors de ce déplacement, M. Tebboune participera également aux travaux du Forum économique international à Saint-Pétersbourg qui se tiendra du 14 au 17 juin, a-t-on ajouté de même source.
Alger et Moscou entretiennent des relations privilégiées de longue date. Les échanges commerciaux entre les deux pays avoisinent les trois milliards de dollars et se basent "en grande partie sur les constructions mécaniques, la métallurgie, l’agroalimentaire", selon la mission économique russe en Algérie.
La coopération militaire n'est pas en reste. Moscou est un important fournisseur d'armement du plus grand pays d'Afrique par sa superficie.
M. Tebboune devait également effectuer une visite d'Etat en
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