Mère
Ma mère n'avait pas de jardin
mais des îles en falaises flottant
sous le soleil dans ses coraux délicats.
Il n'y avait pas de branche épurée
dans sa pupille mais beaucoup de massues.
Quel temps c'était quand je courais, pieds nus,
sur la chaux des orphelinats
et que je ne savais pas rire
et que je ne pouvais même pas voir l'horizon.
Elle n'avait pas la chambre d'ivoire,
ni la salle d'osier,
ni le vitrail silencieux des tropiques.
Ma mère avait la chanson et le foulard
pour bercer la foi de mes entrailles,
pour lever la tête comme une reine ignorée
et nous laisser ses mains,
comme des pierres précieuses,
face aux restes froids de l'ennemi.
Madre
Mi madre no tuvo jardín
sino islas acantiladas
flotando, bajo el sol,
en sus corales delicados.
No hubo una rama limpia
en su pupila sino muchos garrotes.
Qué tiempo aquel cuando corría, descalza,
sobre la cal de los orfelinatos
y no sabía reír
y no podía siquiera mirar el horizonte.
Ella no tuvo el aposento de marfil,
ni la sala de mimbre,
ni el vitral silencioso del trópico.
Mi madre tuvo el canto y el pañuelo
para acunar la fe de mis entrañas,
para alzar su cabeza de reina desoída
y dejarnos sus manos, como piedras preciosas,
frente a los restos fríos del enemigo.
NANCY MOREJON
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