ENLEVÉS, DÉTENUS CLANDESTINEMENT, TORTURÉS ET PARFOIS ASSASSINÉS PAR L’ARMÉE FRANÇAISE
L’impossible recherche des personnes enlevées par l’armée française à Alger en 1957
Fabrice Riceputi
A la mémoire de Jean-Luc Einaudi
Un fichier dissimulé par la préfecture d’Alger
Le 12 juin 1957, Me Maurice Garçon, personnalité en vue au barreau de Paris, secrétaire général de la Commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels, signe un rapport à celle-ci[1]. Cette commission avait été créée début mai par Guy Mollet, peu avant la chute de son gouvernement le 21 mai, en réponse aux graves accusations de pratique massive de la torture par l’armée française en Algérie. Niant énergiquement l’emploi de telles méthodes, indignes selon lui de « la patrie des droits de l’homme », le président du Conseil l’avait chargée d’enquêter en Algérie sur d’éventuels « abus et illégalités ».
Alors que cette Commission était surtout un moyen de démentir les révélations qui se multipliaient depuis le début de l’année sur la pratique de la torture et autres exactions pratiquées par l’armée française en Algérie[2], Maurice Garçon a pris son rôle au sérieux. Il a enquêté à Alger, essentiellement auprès des autorités françaises, alors que l’opération militaro-policière commencée en janvier, baptisée « bataille d’Alger », et qu’il faut mieux désigner par les termes de « Grande répression d’Alger »[3], allait durer encore quatre mois[4]. Quand il signe ce rapport, la France est en train de se doter d’un nouveau gouvernement, présidé par Maurice Bourgès-Maunoury, encore plus répressif que le précédent. Le pouvoir à Alger est aux mains d’un gouverneur général et ministre résidant, Robert Lacoste. Celui-ci, en étroite liaison avec le commandant de l’armée française en Algérie, Raoul Salan, et les forces politiques les plus extrémistes issues de la communauté d’origine européenne d’Algérie, organise depuis le début de l’année — après avoir obtenu du gouvernement et du Parlement français le cadre juridique qui permet sa généralisation — une répression massive contre la population autochtone dite musulmane, dans le but d’éradiquer en son sein l’influence croissante du FLN.
Maurice Garçon indique dans ce rapport que les « sévices » infligés aux suspects lors des interrogatoires – il n’utilise pas le mot torture – sont, selon ses informateurs, « de notoriété publique » et il détaille les quelques plaintes déposées à Alger à ce sujet. Puis il en vient à ce qu’il qualifie de faits « d’une gravité encore plus inquiétante » : « Il nous a été signalé que des individus incontestablement appréhendés par les autorités civiles ou militaires n’avaient jamais reparus. » Et d’ajouter : « De là à dire qu’ils avaient succombé sous les sévices et qu’on avait fait disparaître le corps, il n’y avait qu’un pas. Le fait a été signalé si souvent et serait si grave qu’il ne convenait pas de laisser une pareille question en suspens. »
Dans ces phrases prudentes, on reconnaît l’écho atténué des accusations portées lors de son audition devant la commission par Paul Teitgen. Le secrétaire général à la police de la préfecture d’Alger depuis l’été 1956, avait pu observer l’ampleur de la torture institutionnalisée par l’armée et des séquestrations arbitraires parfois suivies d’assassinats. Il tentait, vainement le plus souvent, de s’opposer à ces pratiques[5]. Dès le mois de mars 1957, il avait informé le garde des Sceaux d’alors François Mitterrand du « fait que bien des hommes disparaissent sans laisser de traces. On enterre les uns avec de faux permis d’inhumer et l’on jette les autres à la mer, dans des sacs lestés, la face mutilée pour qu’on ne les reconnaisse pas[6] ». Dans une lettre de démission au ministre résidant Robert Lacoste, Teitgen avait explicitement dénoncé, le 24 mars, un « système » produisant des « crimes de guerre » identiques selon lui à ceux de la Gestapo[7]. Il dira plus tard avoir eu connaissance, dans le cadre de ses fonctions, de 3 024 de ces disparitions forcées[8]. Enfin, Me Garçon indique qu’une autre source peu suspecte de complicité avec la « rébellion », le procureur général Jean Reliquet[9], l’a informé du fait que le « nombre de disparus » signalé à la justice est « assez élevé ».
Maurice Garçon ne donne pourtant de ces nombreuses disparitions qu’un seul exemple avéré. Il ne peut encore connaître le cas de Maurice Audin, qui vient tout juste d’être arrêté, le 11 juin, et qui ne « disparaîtra » que le 21 juin. Le cas dont il fait état, exceptionnel, résulte d’une instruction judiciaire ouverte à Alger, du fait, si l’on ose dire, d’une erreur technique des militaires dans la dissimulation du cadavre, insuffisamment lesté[10]. C’est celui de Khaled Berouala. Appréhendé le 10 mai 1957, déclaré évadé par les militaires le 11, il a été fortuitement retrouvé mort le 13, dans un fut métallique rejeté par la mer près d’Alger, son corps réparti dans deux sacs et portant d’évidentes traces de torture. L’avocat souligne qu’il a fallu qu’il informe lui-même le juge d’instruction du fait que Berouala était mort alors même qu’il se trouvait très officiellement assigné à résidence, c’est-à-dire sous la garde et la responsabilité de militaires français, dans un camp.
S’il ne peut mentionner que ce seul cas, Me Garçon indique que ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en connaître davantage auprès des autorités d’Alger. Il a en effet demandé à la préfecture l’accès à un document dont il a appris l’existence, vraisemblablement par Paul Teitgen : ce qu’il appelle une « liste » ou un « fichier » des personnes arrêtées et signalées comme « disparues ». Il déplore toutefois n’avoir pu obtenir d’y accéder, en raison de l’obstruction d’un représentant du préfet Igame[11], Serge Baret. Il a bien convoqué le fonctionnaire chargé du fichier, dénommé Rambaud[12], pour consulter ce dernier. Mais Rambaud ne put dire un mot. Car, raconte l’avocat, son supérieur, le directeur de cabinet du préfet, Pierre Bolotte[13], l’accompagna sans avoir été invité à le faire, s’exprima à la place de son subordonné et opposa, sans nier l’existence d’un tel fichier, un « refus poli » mais définitif à la demande de consultation. De fait, Pierre Bolotte indiquera fièrement dans une note à son préfet avoir évité ainsi d’alimenter davantage les protestations en métropole[14]. Maurice Garçon conclut son rapport en suggérant à la commission d’« exiger » elle-même un accès à ce fichier manifestement très embarrassant[15]. Cette dernière n’en fera rien.
Une terreur militaire délibérément organisée
Il convient ici de préciser le contexte[16] qui a conduit les autorités de la préfecture d’Alger à constituer ce fichier et à en refuser l’accès à la Commission de sauvegarde. En janvier 1957, par la volonté du gouvernement de Guy Mollet et en application des « pouvoirs spéciaux » votés par le Parlement en mars 1956, carte blanche a été donnée à l’armée pour « détecter et détruire » le FLN à Alger. Le gouvernement veut à tout prix mettre fin rapidement à l’implantation de ce dernier dans une ville qui est la vitrine mondiale de l’Algérie française, stopper ses attentats meurtriers[17] et les « ratonnades » qui s’en suivent très souvent, et empêcher par-dessus tout une grève politique de huit jours annoncée à la fin du mois de janvier par le FLN, dont la réussite démentirait aux yeux du monde et de l’ONU les succès prétendus de la politique gouvernementale de « pacification ».
Le 7 janvier, le préfet Igame d’Alger, Serge Baret, délègue donc ses « pouvoirs de police » au général Jacques Massu, commandant la 10e division parachutiste[18]. Dans une agglomération de près de 800 000 habitants, c’est, comme l’a montré Raphaëlle Branche[19], une guerre d’un type nouveau qui commence. L’ennemi, clandestin, est vu comme un « rhizome vénéneux » au cœur de la population algérienne. Militants, propagandistes, agents de liaison, collecteurs de fonds, receleurs d’armes, fabricants et poseurs de bombes tirent leur force de leur immersion dans une population restée jusque-là grandement opaque aux yeux d’une police dont tous les cadres sont des Européens d’Algérie et dont les méthodes, pourtant réputées « musclées »[20], sont désormais jugées trop lentes et inefficaces. La guerre contre-révolutionnaire que pensent mener bon nombre d’officiers, notamment ceux qui sont arrivés assoiffés de revanche d’Indochine et de Suez avec le général Salan, ne consiste pas seulement à « détecter » l’ennemi et à le mettre « hors d’état de nuire ». Il s’agit aussi, par une démonstration littéralement terrifiante d’une force bien supérieure à celle du FLN, de dissuader les Algériens de continuer à le soutenir ou, pour ceux qui s’en tiennent à distance, de basculer dans son camp. L’arrestation arbitraire en masse, la détention extrajudiciaire dans des lieux improvisés et souvent non répertoriés officiellement[21], l’interrogatoire le plus souvent sous la torture et les exécutions sommaires en seront les modes opératoires.
La pratique de l’enlèvement « par surprise » revêt aux yeux des militaires une importance tactique décisive. Dans une directive sur la conduite des opérations alors menées dans les campagnes d’Algérie, le général Salan préconisait en janvier 1957 « l’enlèvement provisoire et par surprise, par action héliportée, de quelques habitants pris au hasard ou repérés comme suspects en vue d’un interrogatoire sur l’organisation rebelle implantée dans le douar[22] ». À compter du 7 janvier 1957, les arrestations à Alger relèvent elles aussi le plus souvent de cette méthode, l’hélicoptère en moins. Les parachutistes arrêtent très massivement, selon le principe que tout Algérien manifestant peu ou prou une sympathie pour le nationalisme, voire tout Algérien « pris au hasard », peut détenir des informations et peut constituer le premier maillon d’une « filière » qu’il s’agit de remonter ; l’objectif est, d’interrogatoire en interrogatoire, de reconstituer toute l’organisation de l’ennemi clandestin. Pour ce faire, ils ont été débarrassés par le ministre Robert Lacoste et le préfet Igame Serge Baret de toute contrainte légale, notamment de la présence d’officiers de police judiciaire, tout au moins durant les premiers mois, avant une « légalisation » de leurs pratiques en avril 1957. Les arrestations, perquisitions et interrogatoires, ainsi que les détentions « provisoires », sont pratiquées sans aucun contrôle civil, hormis celui, très limité et intervenant en bout de course, des assignations à résidence, qui revient à Paul Teitgen[23].
« Calmer l’émotion des familles »
Pourquoi, dans ces conditions, la préfecture entreprit-elle de constituer le fichier qu’elle refusa à Me Garçon ? Elle ne craint pas de protestation collective des Algériens. C’est bien après la « bataille d’Alger », en juin 1958, que des femmes oseront pour la première fois manifester avec slogans et pancartes devant la préfecture d’Alger pour réclamer la libération des personnes enlevées par l’armée[24]. Mais, dès les premières semaines de 1957, les pouvoirs civils – la justice, la préfecture d’Alger, le gouverneur général ministre résidant en Algérie, jusqu’au gouvernement français en métropole – sont destinataires de nombreuses interventions demandant instamment des éclaircissements sur la situation des personnes arrêtées. Elles émanent de parents ou amis des disparus, d’avocats, de notables, d’anciens combattants algériens, d’employeurs européens, ou même de militaires des SAU[25], ainsi que d’entreprises privées ou de services publics qui ne savent quoi faire du poste vacant d’un employé ayant été arrêté ou dont certains services, par exemple à l’hôpital ou à la Radio télévision française d’Algérie, sont décimés par les arrestations[26].
Sauf à reconnaître qu’elle ne contrôle plus rien, la préfecture doit répondre à ces interpellations. Or, dans presque tous les cas, elle en est incapable : les militaires communiquent davantage avec la presse, à laquelle ils font abondamment part de leurs « succès », qu’avec elle. Certes, à la préfecture, Paul Teitgen prononce des assignations à résidence. Mais, interrogé sur le sort des « disparus », il ne peut qu’indiquer leur situation légale et dire à quelle date ils ont, le cas échéant, été officiellement placés dans un « centre de tri » ou dans un « centre d’hébergement », sans pouvoir le vérifier. Quoi qu’il en soit, il ne peut dire ce qu’ils sont devenus ensuite, les remises à la police étant très rares, les présentations à la justice exceptionnelles. De plus, jusqu’en avril, Teitgen refuse d’officialiser certaines des assignations à résidence demandées par les parachutistes, qui lui paraissent par trop arbitraires. Les militaires n’en continuent pas moins à enlever et détenir qui bon leur semble, et pas toujours là où ils ont déclaré le faire, loin de là[27]. Enfin, ils ne lui signalent pas toutes leurs arrestations, ou bien ils ne le font qu’après avoir « exploité », c’est-à-dire interrogé le plus souvent sous la torture, leur « suspect ». L’opacité du dispositif est extrême : Paul Teitgen, scandalisé, dénoncera dans sa lettre à Lacoste puis à la Commission de sauvegarde un système d’anonymat et d’irresponsabilité complets dans la répression[28]. C’est dans ces conditions qu’à la mi-avril, la préfecture tente d’établir un dénombrement, particulièrement hasardeux, des personnes arrêtées. Elle commence par une liste de 86 « personnes réclamées par leur famille (disparus (sic) ne figurant sur aucun fichier) » et poursuit par 217 « personnes dont l’arrestation a été signalée par la Presse (sic) et qui ne figurent pas sur les fichiers de la 10e DP ». Enfin, elle note que 2 035 « suspects » ont selon elle été détenus par l’armée depuis janvier sans avoir jamais été assignés à résidence[29]. Où ces personnes ont-elles été détenues ? Où sont-elles à présent ? La préfecture l’ignore.
Tout en approuvant la poursuite de la politique de « pacification », dont l’objectif officiel est de réprimer sans faiblir la « rébellion », le préfet Igame Serge Baret se trouve aussi contraint d’empêcher que, selon une formule rituelle, ne se creuse encore davantage le « fossé » entre les autorités françaises et des « Français musulmans », qu’il s’agit d’empêcher de basculer dans le camp ennemi. C’est pourquoi, pressée de demandes d’informations, la préfecture décide de recueillir les plaintes des familles de « suspects » arrêtés et de lancer des sortes d’avis de recherche pour tenter de « calmer » une « émotion » déjà vive un mois et demi seulement après le début de l’opération. C’est ce qu’explique la note de service, datée du 23 février 1957 et signée Pierre Bolotte, qui attribue cette tâche de recherche au Service des liaisons nord-africaines (SLNA) qu’il dirige :
« Les opérations de police conduites récemment ont dû, pour avoir leur pleine efficacité, être entreprises avec rapidité et porter sur un nombre important d’individus. Des personnes insoupçonnées jusqu’alors ont pu être ainsi convaincus (sic) de collusion avec les mouvements subversifs, d’autres ont fait l’objet de vérifications qui n’ont apporté aucune preuve de culpabilité, mais ont nécessité certains délais dans lesquels des familles se sont inquiétées. La méthode utilisée est justifiée par les excellents résultats qu’elle a permis d’obtenir, elle a en contrepartie provoqué dans le public quelque émotion qui s’est traduite par des interventions dans différents services de son administration, voire auprès de mon cabinet. Dans un but de coordination et pour répondre au souci légitime manifesté en particulier par l’Ordre des avocats, je décide de charger mon Service des liaisons-nord-africaines de recueillir toutes les demandes concernant le sort des individus sur le lieu de détention, les faits reprochés et les mesures prises à l’encontre des intéressés, après avoir pris, en outre, l’avis des dits organismes sur l’opportunité d’une divulgation, ce service donnera aux demandeurs connaissance de l’essentiel pour calmer toute inquiétude[30]. »
C’est donc au Service des liaisons nord-africaines (SLNA), organe chargé du renseignement politique sur les « Français musulmans », héritier des « Affaires indigènes » et au personnel très réduit, qu’est confiée la collecte des signalements des familles et des réponses de l’armée. Cet objectif rejoint la préoccupation exprimée dès juillet 1956 par Robert Lacoste, qui définissait ainsi le rôle dans la « pacification » du SLNA, « section politique musulmane » de ses services : « Déceler les indices de mécontentement, relever les lacunes éventuelles de notre action en milieu autochtone » et se faire « l’avocat de nos compatriotes musulmans lorsque leurs intérêts risqueraient d’être négligés par une vue purement administrative ou policière des choses[31] ». Avec le déclenchement de l’opération militaire, l’unique correspondant algérois du SLNA trouve donc une nouvelle utilité comme intercesseur auprès de l’armée des Français musulmans victimes de la répression. Dans une sorte de partage bien compris des tâches avec les militaires, la préfecture décide ainsi d’offrir une assistance administrative et, si l’on ose dire, humanitaire, aux familles victimes de la terreur. Celle-ci est conçue comme une sorte de suivi social de la répression, propre à canaliser l’« émotion », mais ne constitue en aucune manière un recours juridique et n’ouvre aucun droit. Elle tente également d’accréditer l’idée que l’autorité civile exercerait encore un tant soit peu un certain contrôle sur l’opération militaro-policière en cours, en prétendant être en capacité de dire aux Algérois qui détient qui et où.
Telle est l’origine du fichier réclamé en juin 1957 par Maurice Garçon et qui a continué à être alimenté ensuite. Nous savons par un bilan statistique archivé qu’il se poursuivit au moins jusqu’à la fin de 1958 et comporta alors plus de 2 000 fiches. Au contraire d’un certain nombre d’archives préfectorales relatives à la « bataille d’Alger », ce fichier n’a pas entièrement disparu[32], il est aujourd’hui partiellement conservé aux Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM). Après un délai de cinquante ans, on peut le consulter librement.
Une source importante sur la Grande répression d’Alger
Ce fichier était aussi une source d’information importante pour reconstituer la répression elle-même. C’est la raison pour laquelle Serge Baret et Pierre Bolotte en avaient interdit la lecture à Maurice Garçon. Croisé avec d’autres archives préfectorales ou d’autres sources comme la presse et la mémoire familiale des Algérois, il constitue une source précieuse permettant d’approcher les réalités de la Grande répression d’Alger.
Chacune de ces fiches indique le plus souvent l’identité, la filiation, l’adresse, la profession, les circonstances, la date et l’auteur de l’arrestation d’une personne appréhendée, dont les proches s’inquiétèrent de ne plus avoir aucune nouvelle et s’adressèrent à la préfecture d’Alger dans l’espoir d’en obtenir. Elle se termine souvent par : « personne à prévenir en cas de découverte ». Ces « fiches de renseignement » furent envoyées aux différents organismes susceptibles de détenir l’information – la police, la direction des camps et l’armée –, lesquels, en principe, étaient censés les compléter et permettre ainsi à la préfecture d’informer les familles du sort de l’individu recherché. La collection de ces réponses ne figure malheureusement pas dans ce fonds d’archives de la préfecture d’Alger. On en trouve cependant quelques-unes dans les archives du cabinet du préfet. Ainsi que dans le fonds des deux Commissions de Sauvegarde qui furent successivement destinataires, de mai 1957 à 1962, de très nombreux signalements de disparitions. et qui diligentèrent un certain nombre d’enquêtes. De plus, on peut consulter des bilans statistiques très précis — et partiellement nominatifs — du nombre de non réponses de l’armée, ainsi qu’un décompte de ses réponses qualifiées par la préfecture de « non valables ».
Il n’y est donc jamais explicitement question de disparition au sens de dissimulation de mort de détenu sous la torture ou par exécution sommaire. Nul ne dressa jamais une telle liste : le préfet Igame d’Alger, Serge Baret, moins que quiconque. Ce représentant du gouvernement était lui-même un acteur civil majeur et zélé de l’opération en cours et il n’entra évidemment jamais dans ses intentions d’en archiver les crimes. L’aurait-il voulu qu’il en aurait été franchement incapable : en déléguant ses « pouvoirs de police » au général Massu, il avait abandonné du même coup tout contrôle sur les modalités de la répression. Il n’est du reste pas certain que le général Massu lui-même ait été en mesure de le faire, tant ses unités étaient, au nom de l’urgence, laissées libres d’agir à leur guise chacune dans leur secteur.
On comprend pourtant fort bien aujourd’hui le refus de communiquer ce fichier à la Commission de sauvegarde. La préfecture d’Alger savait en effet qu’elle avait, en le constituant à d’autres fins, dangereusement documenté une pratique de répression visant à terroriser la population algérienne : l’arrestation par enlèvement de milliers de « suspects », dont beaucoup avaient subi la torture et dont certains ne réapparaîtraient plus.
Les archives des demandes d’assignations adressées par les militaires à Paul Teitgen témoignent d’un arbitraire presque sans limites dans l’usage de la notion de « suspect »[33]. Le simple motif d’arrestation ne figure pas toujours sur la demande, pas plus, parfois, que l’identité de son auteur. D’après ces demandes, quelques-uns des appréhendés sont, selon une indication toujours très sommaire, suspectés de crimes de sang, de recel d’armes ou de bombes, ou encore de liens avec le FLN ou le PCA, motifs normaux d’arrestation dès avant le 7 janvier. Mais dans beaucoup d’autres cas, on trouve les motifs des plus vagues tels que « suspect », « en lien avec la famille X », « subversif », « ennemi de la France », « arrogant », « habile horloger et admirateur de Nasser » qui sont jugés suffisants par les militaires pour interner les personnes dans des camps et les soumettre à interrogatoire. Gilberte Alleg évoqua avec indignation cette extension infinie de la notion de suspect : « Est suspect, surtout s’il est musulman, celui qui passe dans la rue au moment d’un attentat et celui qui se terre chez lui ; celui qui court et celui qui ne court pas ; celui qui n’a pas de fiche de paie (et c’est particulièrement facile en Algérie où sur 9 millions d’habitants il y a 2 millions de chômeurs). Est suspect celui qui habite le village dans les environs duquel un représentant des “forces de l’ordre” a été abattu ; celui qu’un “mouchard”, le visage recouvert d’une cagoule, désignera du doigt à la patrouille[34]. » L’officier Paul Aussaresses, quant à lui, expliquera ainsi comment il rechercha les maçons qui aménageaient des caches dans les murs de la Casbah : « Lorsqu’on trouvait un maçon chômeur depuis longtemps dont les mains révélaient pourtant qu’il venait de travailler, cela faisait un suspect de plus[35]. »
L’opération ainsi conçue s’est donc immédiatement traduite par une véritable explosion du nombre des contrôles, des arrestations et des détentions dans le Grand Alger, sans commune mesure avec le nombre estimé de membres du FLN. Robert Lacoste note en janvier que les « centres d’hébergement » existant déjà n’y suffiront pas et devront être augmentés d’un camp d’une capacité de « 20 000 » places[36]. Dès le 8 janvier, premier jour de l’opération, les paras ont « contrôlé » pas moins de 950 personnes au cours d’une première rafle. Ce jour-là, « 290 suspects [sont] emmenés pour interrogatoire[37] ». Régulièrement répétées, ces rafles débouchent fréquemment sur des gardes à vue clandestines à durée indéterminée. Slimane Chaouli est par exemple raflé le 27 février devant un Monoprix, puis détenu avec des dizaines d’autres, non pas dans un camp répertorié mais « au fond de la piscine du stade municipal asséchée », pour simple « vérification de sa situation » (sic), durant trente-trois jours[38]. Courant janvier, des fichiers de police permettent aux militaires de procéder à des arrestations plus ciblées. Fin janvier et début février, l’étouffement brutal de la grève des huit jours, très suivie dans ses premières heures, a fourni à l’armée un nouveau « stock » de centaines de grévistes à interroger. Celui-ci offre aux parachutistes de nouvelles pistes, exploitées par des centaines d’enlèvements ciblés, au domicile de ces personnes ou sur leur lieu de travail. Des attentats se produisent presque tous les jours et des rafles et campagnes d’enlèvements ciblés leur répondent systématiquement[39]. Une seconde vague d’une grande intensité suivra au printemps et en été : Raphaëlle Branche indique que, de la fin mars au 30 septembre, « le journal de marche du secteur d’Alger-Sahel fait presque quotidiennement état de 20 000 personnes contrôlées. Sur ce nombre, quelques dizaines par jour sont retenues pour être interrogées[40] ». À la mi-septembre, le secrétaire général à la police démissionnaire, Paul Teitgen, indiquera avoir signé pas moins de 24 000 assignations à résidence. Mais l’on sait que les détenus par l’armée furent très loin de lui être tous signalés, particulièrement durant les premiers mois.
Typologie des enlèvements par l’armée
Les cas collectés par la préfecture semblent constituer un échantillon assez représentatif de l’ensemble des plusieurs milliers d’arrestations de l’année 1957 et permettent d’en faire une rapide typologie. Elle est sans grande surprise : le « suspect » type est un homme algérien jeune, de trente ans en moyenne, à faibles revenus mais rarement chômeur, habitant un quartier populaire d’Alger, comme la Casbah, mais aussi, très souvent, les très nombreuses cités « indigènes », notamment à Belcourt, à Hussein Dey, au Clos Salembier, au Ruisseau, à La Redoute, ou les vastes bidonvilles algérois. Il est fréquemment déjà marié et père de famille. La majorité des cas signalés (environ 550), ont été arrêtés entre la fin janvier et le début avril 1957. De la mi-avril à la mi-mai se produit une baisse de ce nombre, relative accalmie avant une nouvelle montée en intensité – 260 arrestations signalées au SLNA en juin et juillet, période correspondant au début de ce qu’on nomme parfois la « seconde bataille d’Alger » et qui ne se terminera qu’en septembre 1957. C’est l’arrestation à domicile, en pleine nuit, qui est privilégiée, selon les consignes expresses du commandement. 64 % ont été appréhendés chez eux entre 22 heures et 6 heures du matin, avec un pic entre minuit et 3 heures, contre 22 % sur leur lieu de travail et 14 % sur la voie publique, généralement lors de rafles et de contrôles inopinés.
Le scénario le plus fréquent, souvent décrit, est le suivant : les parachutistes, souvent accompagnés d’un « guide », un « indicateur » lui-même fréquemment cagoulé – appelé Bou Shkara par les Algériens – et parfois tout juste sorti d’un interrogatoire sous la torture, prennent position dans la rue et sur les terrasses, et enfoncent la porte. Ils fouillent le logement, procèdent parfois sur place à un premier interrogatoire qui peut être violent. Ils se saisissent d’un ou de plusieurs membres de la famille dont ils possèdent le nom et chargent leur prise, souvent cagoulée, dans un camion que leur tournée nocturne remplit jusqu’au petit matin. Il arrive assez fréquemment qu’en cas d’absence de la cible, on embarque pour obtenir sa localisation une autre personne que celle qu’on était venu chercher. Une homonymie ou même une ressemblance avec le « suspect » peuvent aussi valoir une détention. Enfin, aucune explication n’est jamais donnée sur le motif de l’arrestation, ni sur la destination de l’appréhendé. Les lieux de détention possibles sont très nombreux, pas toujours connus comme tels et inaccessibles aux civils.
L’angoisse qui s’installe et se diffuse dans les familles, dans leur voisinage et, par capillarité, dans toute la société « musulmane », ainsi que, en beaucoup plus petit nombre, parmi les « Européens » communistes ou « progressistes », est d’autant plus forte qu’elle porte sur l’intégrité physique du disparu et sur sa survie même. Bien des lettres adressées aux autorités, dont un certain nombre sont archivées, supplient d’abord qu’on veuille bien dire simplement si le père, le fils ou le mari est toujours en vie. L’inquiétude augmente bien sûr encore en intensité lorsque ce dernier est un enfant ou un adolescent : 6 % des signalés à la préfecture ont entre quatorze et dix-huit ans. Elle augmente bien sûr aussi, pour devenir véritablement, selon le mot de Raphaëlle Branche, « une continuation de la torture par d’autres moyens[42] », avec le temps d’absence qui passe. 20 % des signalements sont faits deux mois au moins après l’arrestation, jusqu’à six mois pour des arrestations datant du mois de janvier et signalées en juillet ou août. 40 % font état d’une durée d’absence de un à quinze jours, ce qui montre qu’on s’inquiète le plus souvent très rapidement du sort de la personne arrêtée.
On sait en effet dans tout Alger que beaucoup de détenus sont torturés, sans distinction d’âge ou de sexe, dans les nombreux lieux de détention improvisés, dont la villa Sésini n’est que le plus connu et l’un des plus actifs, mais aussi alors qu’ils se trouvent officiellement assignés à résidence dans un camp et même parfois, après leur présentation à la justice et une incarcération à la prison civile[43]. On sait aussi que certains en meurent plus ou moins « accidentellement » ou sont délibérément exécutés plutôt que d’être livrés à la justice, comme Larbi Ben M’hidi le 16 février, l’avocat Ali Boumendjel le 23 mars ou Maurice Audin, probablement le 21 juin. Avant de s’adresser à la préfecture, bien des épouses et des mères ont erré en vain de casernes en « villas » et de « centres de tri » ou d’« hébergement » en commissariats, en quête de nouvelles. Elles vivent bel et bien une « disparition inquiétante », dont elles savent qu’elle pourrait durer et même devenir définitive. Les conséquences immédiates sont non seulement psychologiques mais aussi matérielles. Les hommes arrêtés étaient presque toujours les seuls pourvoyeurs de revenus de familles souvent nombreuses et très modestes. Des milliers d’entre elles se voient donc privées brutalement de toute ressource. Dans de nombreuses lettres, souvent rédigées par des écrivains publics, des mères et des épouses implorent les autorités de considérer qu’elles sont, avec leurs enfants, plongées « dans la misère » la plus complète, du fait de l’absence du salaire du mari, du père ou des fils, et ne pouvant même plus percevoir certaines pensions et allocations en leur absence prolongée[44].
Afflux de demandes, mutisme de l’armée
Le responsable du SLNA, Rambaud, sait que la démarche d’oser s’adresser aux autorités françaises pour s’en plaindre est, dans le contexte algérois de 1957, très loin d’aller de soi pour beaucoup d’Algériens. Il indique dans une note qu’à son avis c’est « moins d’une famille sur trois » concernée par des arrestations qui l’a fait[45]. Le même responsable note ensuite que bien des Algériens écrivent directement à l’armée, ainsi qu’au « service social » de Suzanne Massu, son concurrent privé : « Le SLNA, écrit-il, n’est en définitive saisi que des demandes n’ayant pu être satisfaites ailleurs[46]. »
Dans ces conditions, le succès de son service, tout au moins dans la collecte des réclamations, est significatif et montre qu’une part non négligeable de la population concernée accorde ou feint d’accorder un certain crédit à sa supposée citoyenneté française « musulmane ». Durant les deux premiers mois, il recueille près de 500 signalements, pour des personnes arrêtées en janvier, février et mars. Ils sont très consciencieusement envoyés tous les trois ou quatre jours, par paquets de quelques dizaines, au général Massu, puis, à partir de juillet, au colonel Yves Godard. En octobre, le SLNA en a transmis 1 258 à l’armée. Fin décembre, leur nombre est porté à 1 532. Les familles restant très longtemps privées de nouvelles, les demandes d’information continueront d’affluer après la fin de la « bataille d’Alger », alors même que le nombre d’arrestations aura très nettement diminué : en septembre 1958, le dernier bilan statistique archivé donne un total de 2 039 requêtes transmises au commandement militaire algérois[47].
Si le SLNA remplit donc sa mission de collecte des requêtes, qu’en est-il de son objectif de localisation des personnes arrêtées par l’armée ? De son aveu même, l’échec de sa démarche auprès du commandement militaire est massif : dans 70 % des cas, soit ce dernier n’a pu ou n’a voulu apporter aucune réponse à la demande des familles, soit sa réponse est jugée « insatisfaisante » ou « non valable ».
Un premier bilan arrêté en mai 1957 et portant sur 655 demandes indique qu’à cette date, dans près des deux tiers des cas, l’armée n’a rien répondu du tout. Le chef du SLNA alerte le préfet sur le fait qu’il se heurte à un préoccupant « silence » de l’armée. Il conclut amèrement ainsi : « Je crois devoir vous signaler que cet état de choses provoque dans le public musulman un certain mécontentement qui s’exerce uniquement à l’encontre de l’autorité civile jugée comme seule responsable du manque de renseignement. Il ne m’a pas été possible depuis longtemps de faire simplement connaître à un seul avocat si le client auquel il s’intéresse est mort ou en vie. » Et d’ajouter : « L’opinion qui prévaut actuellement au barreau est que mon service sert uniquement à donner le change[48]. » En septembre 1957, Pierre Bolotte adresse une lettre de relance au colonel Godard, qui a succédé à Massu comme correspondant militaire du SLNA, accompagnée d’une très longue liste de 652 noms et prénoms, dates d’arrestations et rappel de la date de la première demande. Si un certain « effort » de l’armée est alors noté, la proportion de non réponses reste très importante. Fin 1958, sur les 2 039 demandes de renseignement envoyées au commandement militaire, un peu plus de la moitié seulement a finalement reçu une réponse.
De plus, les renseignements communiqués par les militaires ne convainquent pas toujours, loin s’en faut, la préfecture et moins encore les familles. Fin 1958, le SLNA qualifie sèchement près du quart d’entre eux, soit 454, de « non valables ».
Quand ils le font, que répondent en effet les militaires ? Les réponses reçues ne figurent plus dans le fonds de la préfecture d’Alger. Subsiste un bilan statistique de mai 1957, déjà cité. L’armée ne conteste l’arrestation des 655 personnes concernées que dans trois cas, mais ne répond, nous l’avons vu, que pour environ 200 d’entre elles. Elle déclare quarante-trois personnes « libérées » et quatre « évadées » ou « abattues ». Moins de 30 % figurent sur les listes d’assignés à résidence et seraient donc dans les camps de Beni Messous ou de Paul-Cazelles, selon ses dires. 5 % seraient entre les mains de la police. Moins de 1 % d’entre elles ont été remises au Parquet, ce qui illustre de façon spectaculaire la déconnexion complète de la répression d’avec l’ordre judiciaire.
Les archives du cabinet du préfet conservent quelques dossiers jugés problématiques. Certaines « libérations » censées avoir été effectuées par l’armée sont tout d’abord pour le moins douteuses. Ahmed Gaceb est par exemple déclaré « libéré » par Massu, alors que la presse a mentionné son exécution sur la voie publique avant cette prétendue libération[49]. Des témoins disent avoir vu Mohamed Touati parmi les prisonniers à la caserne Thiers, puis à la caserne Paris, enfin à la Villa de l’Allée des mûriers. Or, il est répondu à sa mère qu’il a été « libéré » le jour même de son arrestation. Elle le cherchera encore deux ans plus tard[50]. Ali Bouabdallah, arrêté le 22 février 1957, est quant à lui tout à la fois déclaré « détenu » par le général Massu et « libéré » par Suzanne Massu[51]. Certains appréhendés sont déclarés assignés dans un camp, alors qu’ils y sont « inconnus ». Un autre est déclaré « libéré », alors qu’il est toujours officiellement assigné au camp de Paul-Cazelles. Aux demandes d’informations, on répond aussi parfois que l’intéressé, « libéré » mais toujours introuvable, « a selon toute vraisemblance rejoint les rebelles », explication commode et sans doute parfois exacte, mais, Raphaëlle Branche l’a montré, très souvent douteuse : pourquoi les familles de maquisards, qui ne pouvaient ignorer longtemps une montée au maquis, seraient-elles allées se signaler auprès de l’armée ?
Rappelons ici que, selon Paul Aussaresses, dans le fichier des arrestations qu’il dit avoir tenu à jour, la lettre « L » comme « libéré » aurait signifié « mort »[52]. Bien que ce fichier, s’il exista, ait disparu, on ne peut exclure qu’il explique que, lors des enquêtes menées jusqu’en 1962 par les deux Commissions de Sauvegarde successives, le commandement militaire réponde le plus souvent que la personne a été « libérée »[53]. La date indiquée situant en général cette « libération » après une à trois semaines de détention au secret et d’interrogatoire.
Les « évasions » et « tentatives de fuite » se multiplient également pour expliquer les disparitions, comme celle de Maurice Audin. Mais aucune enquête digne de ce nom n’a lieu : un simple rapport des militaires suffit à clore définitivement le dossier, le décès de l’abattu lors d’une « tentative de fuite » étant constaté par un médecin militaire. Comme l’a noté Raphaëlle Branche, ces nombreuses évasions de camps et de locaux militaires, pourtant solidement gardés, de même que les tentatives de fuite lors de transports sécurisés – une vingtaine de ces derniers cas en 1957 sont évoqués dans un dossier « Abattus » du cabinet du préfet – peuvent fréquemment être suspectées de constituer la version urbaine de la « corvée de bois » pratiquée par l’armée avec les combattants de l’ALN en zone rurale. Yahia Akezouh, vingt ans, élève en « Math élem » au lycée Gauthier, arrêté dans la nuit du 30 au 31 mars, sert, après interrogatoire, de « guide » aux gendarmes au domicile d’un suspect. Il profiterait alors « de l’obscurité qui régnait dans le couloir » (sic) pour s’enfuir. Il serait abattu « après les trois sommations réglementaires ». Sa famille doit se contenter de cette explication sans appel. Son lieu d’inhumation ne lui est pas indiqué[53]. Abdelaziz Sellami est déclaré abattu, le lendemain de son arrestation, dans une « tentative de fuite » « à 23 h 45 sur la route près de Birmandreis », sans qu’on sache ce qu’il y faisait[54]. Le permis d’inhumer a été délivré plus d’un mois après sa mort. Certaines réponses frappent par leur apparente incohérence. Ainsi Mohamed Ouamara, industriel, est arrêté « le 28 février 1957 à 17 heures » sous les yeux de son épouse et de ses sept enfants. Vingt mois plus tard, les paras le déclarent arrêté « le 5 mars 1957 » et « abattu » lors d’une « tentative de fuite » le 7[55]. Peu avant cette tentative supposée, Ouamara avait été vu incapable de se tenir debout sans aide, au sortir d’une séance de torture. La différence de dates d’arrestation s’explique très probablement par une détention clandestine d’une semaine dans un centre de torture, préalablement à une assignation à résidence officielle : la « période d’exploitation » selon les termes des militaires.
Bien d’autres cas identiques sont connus, dont celui de Nelly Forget, qui subit le même sort, la mort en moins, exactement aux mêmes dates[56]. Mustapha Khelifi, arrêté le 9 février 1957, a été localisé par son épouse à El Biar puis au camp de Beni Messous, deux centres contrôlés par l’armée. En janvier 1958, il lui est néanmoins répondu qu’il est « inconnu » au fichier de l’armée. Elle le cherchait toujours en août 1959[57]. La mère d’Othmane Doudah, dix-sept ans, arrêté avec son frère en février 1957, n’a pas seulement fait appel à la préfecture. Comme beaucoup de mères et d’épouses, elle a écumé les camps d’internement, a écrit à Suzanne Massu, a été « éconduite par le capitaine Graziani ». En août 1959, soit deux ans et demi plus tard, elle cherche toujours son fils et s’adresse à des avocats. Pourtant, les archives de la préfecture indiquent que le général Massu l’aurait informée dès juin 1957 de la mort de son fils, « abattu lors d’une tentative de fuite », mais sans lui indiquer ni la date de sa mort, ni son lieu d’inhumation[58].
Des milliers d’« histoires algériennes », aucune « affaire française » ?
Le responsable du SLNA avance une explication sur l’absence de réponse véritable par l’armée : les unités parachutistes agissent « en francs-tireurs » et ne rendent pas toujours compte au commandement. Pour exacte qu’elle soit, cette observation ne renseigne pas sur ce qu’il est advenu des personnes au sujet desquels l’armée ne répond rien ou fournit des informations fausses ou incohérentes. Que sont-elles devenues ?
Les responsables de la préfecture le savaient fort bien, leur fichier était en quelque sorte destiné à changer de nature avec le temps. Il était en 1957 une simple liste d’arrestations. Il deviendrait un jour celle de victimes avérées de la terreur. Parmi les centaines de personnes recensées, certaines ont reparu, libérées d’un camp après des semaines, des mois ou des années, remises à la justice, etc. On saurait alors qu’un grand nombre d’entre elles avaient été détenues au secret et torturées. Parmi bien d’autres, ce serait notamment très vite le cas pour Henri Salem, dit Alleg, dont l’épouse s’adressa au SLNA le 27 juin 1957, ou pour Djamila Bouhired, dont la disparition a été signalée par Me Jacques Vergès le 23 avril. Ce serait aussi le cas pour Ali Boumendjel, pour lequel une demande d’information est envoyée à l’armée le 18 mars à laquelle elle répondrait qu’il s’est « suicidé » le 23[59]. D’autres enfin, de façon tout aussi certaine, quoique dans une proportion encore inconnue soixante et un ans après, ne reparaîtraient plus, ni vives ni mortes. Elles seraient un jour définitivement réputées véritablement disparues, car mortes entre les mains des parachutistes, toute preuve de leurs meurtres ayant été, sauf accident, supprimée, leur cadavre détruit ou dissimulé. Mais cela prendrait très souvent des années : la « disparition définitive » est bien une continuation de la torture proprement dite par d’autres moyens, à plus grande portée et qui ne prend jamais véritablement fin. En l’absence de dépouille et de toute preuve d’assassinat, la mort ne devient en effet une certitude que très longtemps après, si elle le devient véritablement un jour.
La veuve de Mohamed Djebbar, imam de Castiglione arrêté en mars 1957 pour collecte de fonds, crut par exemple bien au-delà de l’année 1962 à la possibilité de la réapparition de son mari. Elle a d’abord interrogé la préfecture, visité tous les lieux de détention connus de la région d’Alger, toujours en vain. Puis, à l’indépendance, elle a encore espéré qu’il serait parmi les milliers d’internés progressivement libérés des camps. Elle pensa ensuite qu’il avait peut-être, comme d’autres, perdu la mémoire du fait des tortures et qu’on le retrouverait peut-être. « Et puis un jour, nous dit son fils, elle ne posa plus de question », ne regrettant plus que de ne pas pouvoir « lui parler » sur sa tombe, cette dernière n’existant pas. Ses enfants ne purent jamais lui avouer que leur oncle, détenu avec lui dans une caserne à Koléa, avait été témoin de son décès probable sous la torture : « Quand ses hurlements s’arrêtèrent, on sut que c’était fini », leur avait-il dit longtemps après sa propre libération[60]. La douleur causée par l’absence de vérité et de justice est sans fin. En 1959, la « veuve » de Mohamed Ouamara, Fatma, écrit : « Avec toutes les recherches qu’on a faites. Néant trouver ni mort ni vivant[61]. »
La disparition de Maurice Audin est signalée à la préfecture par Josette Audin le 27 juin, puis à nouveau par Louis Audin, son père, fin juillet. Quelques semaines plus tard, une « affaire Audin » éclate en métropole, qui permet à l’opinion de connaître, au-delà de ce sort tragique, le phénomène des « disparitions » et son mécanisme, dont le jeune universitaire membre du Parti communiste algérien est aujourd’hui encore le symbole unique.
Maurice Audin ne fut qu’un parmi beaucoup d’autres. Mais, dans leur immense majorité, les proches d’Algériens victimes comme lui des parachutistes ne furent pas seulement confrontés à une police et à une justice qui fonctionnaient alors comme des auxiliaires zélés de la répression militaire[62]. Socialement et politiquement déjà « invisibles » du fait de la situation coloniale, suspectés de terrorisme, ils ne disposèrent pas de relais dans une opinion française métropolitaine fort peu soucieuse de leur sort. Pour eux, les parachutistes ont, en somme et jusqu’à aujourd’hui, parfaitement réussi leur disparition. Il n’y eut jamais — en dehors du cas d’Ali Boumendjel, essentiellement en raison de la protestation de son professeur de droit, René Capitant — aucune « affaire », ni judiciaire ni politique.
Le « Cahier vert »
En août 1959, deux avocats défenseurs du FLN, Michel Zavrian et Jacques Vergès, s’installent à l’hôtel Aletti et font savoir par le bouche à oreille qu’ils y recueilleront des « plaintes » pour disparition. En une semaine, en dépit d’une présence policière dissuasive dans l’hôtel et de l’expulsion rapide de Vergès, ils en collectent pas moins de 175, dont la grande majorité remonte à 1957. Beaucoup figuraient déjà dans le fichier du SLNA. Ces disparitions ont alors plus de deux ans et sont donc particulièrement inquiétantes. Les Temps modernes, puis les éditions La Cité de Nils Andersson, à Lausanne, publièrent leur liste sous le titre Les Disparus. Le Cahier vert[63]. Mais que purent en faire les avocats ? Ils les communiquèrent à la Croix-Rouge internationale, la « drôle de justice » française d’Algérie refusant de les prendre en compte. Indiquons que l’instruction judiciaire exceptionnellement ouverte pour le meurtre de Khaled Berrouala, mentionnée plus haut, n’exposa les militaires à aucune sanction, alors même qu’ils avaient avoué le crime[64]. Quant aux autres plaintes enregistrées, fort rares, elles ne donnèrent lieu à aucune instruction et furent définitivement étouffées par l’amnistie de 1962.
Dans les livres d’histoire, ils sont donc ces anonymes « 3 024 disparus de la Bataille d’Alger » — évalués ainsi de manière très hypothétique par Paul Teitgen sur la base des informations dont il disposait —, des disparus sans identités particulières, doublement disparus, physiquement et symboliquement, du fait de leur statut de colonisés et du peu d’intérêt que leur cas a suscité en dehors de personnalités comme Pierre Vidal-Naquet et les membres de Comité Maurice Audin. Ils ne sont cependant pas oubliés dans le cercle étroit de leurs proches et de leurs descendants, où leur mémoire est restée confinée mais bien vivante, par-delà les générations. Des centaines de familles, au bas mot, sont aujourd’hui encore, tout comme celle de Maurice Audin, en attente d’informations sur le sort exact d’un ou de plusieurs de leurs parents. Outre les circonstances exactes de leur mort, la localisation de leur corps est évidemment pour elles la principale question. Bien des informations et rumeurs circulent en Algérie sur des charniers et autres fosses communes, mais, à ce jour, rien de systématique n’a été entrepris pour parvenir à identifier les corps supposés s’y trouver, y compris celui de Maurice Audin. De nombreux descendants de « disparus » de 1957 ont reçu le statut d’enfants de « chahid », mais leur liste, si elle existe dans un ministère à Alger, n’est pas communiquée aux historiens.
Puisse la présente publication d’une liste de 1010[65] de leurs noms contribuer à rompre avec une occultation qui reste au fond l’ultime et seule véritable victoire des militaires dans la prétendue « bataille d’Alger ».
Remerciements : à Pierre-Jean Le Foll-Luciani, auteur de travaux sur les communistes algériens, auquel nous devons certaines notices ( voir notamment Pierre-Jean Le Foll-Luciani, Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965), PUR, 2015, ainsi que son site internet Trajectoires dissidentes ) et à Malika Rahal pour sa bienveillance et son aide dans certaines identifications de personnes disparues (voir notamment Malika Rahal, Ali Boumendjel. Une affaire française. Une histoire algérienne, Paris, Les Belles Lettres, 2010. et son site internet Textures du temps).
Fabrice Riceputi
Septembre 2018
Enseignant et historien, membre de l’association Histoire coloniale et postcoloniale (site Histoirecoloniale.net), auteur de La bataille d’Einaudi. Comment la mémoire du 17 octobre 1961 revint à la République, Paris, Le Passager Clandestin, 2015 et de « Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d’Algérie, une trahison républicaine », 20&21. Revue d’histoire, n°142, avril-juin 2019, p. 3-17.
NOTES
[1] « Le rapport de Me Maurice Garçon à la première Commission de sauvegarde », du 12 juin 1957, publié et commenté par Pierre Vidal-Naquet, La raison d’État, textes publiés par le comité Maurice Audin, Paris, La Découverte, 2002 (réed.), p. 137-175.
[2] Les dénonciations de se sont multipliées depuis le début de l’année 1957. Le 15 février, l’hebdomadaire Témoignage chrétien a publié un cahier spécial intitulé De la pacification à la répression, le dossier Jean Muller, à près de 100 000 exemplaires. Les 13 et 14 mars 1957, le quotidien Le Monde publie deux articles concernant le livre de Pierre-Henri Simon, officier de réserve, catholique, intitulé Contre la torture (Seuil, 1957). Le Comité de résistance spirituelle a publié, également en mars 1957, un livre collectif intitulé Des rappelés témoignent. De plus, le très douteux « suicide » d’Ali Boumendjel, détenu clandestinement et torturé par l’armée, le 23 mars 1957, a encore ajouté à la pression politique sur Guy Mollet.
[3] L’expression de « Grande répression d’Alger » est de l’historien Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002, p. 229.
[4] Op. cit. Maurice Garçon démissionnera peu après pour protester contre l’enterrement par le gouvernement des conclusions de la Commission. Sur cette dernière, voir Raphaëlle Branche, « La Commission de sauvegarde pendant la guerre d’Algérie. Chronique d’un échec annoncé », Vingtième siècle. Revue d’histoire, vol. 61, n° 1, 1999.
[5] Audition qu’il complétera en septembre 1957 par une longue et accablante « Note » publiée et commentée par Pierre Vidal-Naquet, « Une note de Paul Teitgen au président et aux membres de la Commission de sauvegarde », La raison d’État, op. cit., p. 194-210. Sur le rôle de Paul Teitgen durant la guerre d’Algérie, voir Fabrice Riceputi, « Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d’Algérie, une trahison républicaine », 20&21. Revue d’histoire, n°142, avril-juin 2019, p. 3-17. Et ici même : Un témoin capital de la torture et des disparitions : Paul Teitgen.
[6] Citation par Georgette Elgey d’« archives personnelles », Histoire de la IVe République, La fin, Paris, Fayard, 2008, tome 3, p. 435, note 3.
[7] Lettre de Paul Teitgen à Robert Lacoste, 24 mars 1957, in Charlotte Delbo, Les Belles Lettres, Paris, Minuit, 1961, p. 80. Cette lettre n’a été rendue publique par Teitgen qu’en 1960.
[8] Sur cette estimation fameuse et ses limites, voir Raphaëlle Branche, La guerre d’Algérie : une histoire apaisée ?, Seuil, Paris, 2005, p. 213-217 et Fabrice Riceputi, « Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d’Algérie, une trahison républicaine », loc. cit.
[9] Sur le rôle de Jean Reliquet, nommé procureur général par François Mitterrand, voir notamment Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, « Justice et torture à Alger en 1957, apports et limites d’un document », in Enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb contemporain. Actes de la DESCO, avril 2002.
[10] Selon Paul Teitgen, les militaires pratiquaient également le largage en mer par hélicoptère de cadavres aux pieds coulés dans une bassine de ciment, « ce que les gens d’Alger appelaient « les crevettes Bigeard » ». Emission de télévision « Témoignages sur la “bataille d’Alger” et la torture », 30 septembre 1991, site INA.fr.
[11] Inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire. Statut de « proconsul » créé en 1948 par Jules Moch, réactivé en Algérie en 1956.
[12] Nous n’avons trouvé aucune information sur ce fonctionnaire de la préfecture d’Alger.
[13] Serge Baret (1910-1978), nommé préfet d’Alger en décembre 1956 par Robert Lacoste, sera chaleureusement félicité par le général Massu pour le concours apporté à l’armée durant la « bataille d’Alger », de même que Pierre Bolotte (Jacques Massu, La Vraie Bataille d’Alger, Paris, Plon, 1971, p. 103-104). Sur la longue carrière de « pacificateur colonial » de Pierre Bolotte (1921-2008), passé par l’Indochine, l’Algérie, la Guadeloupe puis la Seine-Saint-Denis, voir Mathieu Rigouste, qui évoque son passage en Algérie : « Des massacres oubliés de mai 1967 en Guadeloupe aux prémices de l’ordre sécuritaire moderne dans les quartiers », Basta !, 29 mai 2017.
[14] Fonds Pierre Bolotte, CHSP, Note au préfet Baret sur son audition devant la Commission, s. d.
[15] Rapport cité de Maurice Garçon du 12 juin 1957, loc. cit., p. 173.
[16] L’ouvrage de référence est celui de Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, nouvelle édition revue, Paris, Gallimard, 2016.
[17] Ce sont les premières exécutions de condamnés à mort du FLN, en juin 1956, et le premier attentat visant des civils à Alger, une bombe déposée par des Européens ultras en août 1956 dans la Casbah, rue de Thèbes (qui a fait quelque soixante-dix victimes), qui déclenchent les actions militaires, comprenant des attentats contre les civils, des nationalistes du FLN à Alger, auxquelles la « bataille d’Alger » lancée en janvier 1957 se veut une réponse.
[18] Par un simple arrêté préfectoral, 7 janvier 1957.
[19] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, op. cit.
[20] Deux rapports officiels, en mars et en décembre 1955, ont établi que la police d’Algérie pratique la torture de façon routinière. Ils sont publiés et commentés par Pierre Vidal-Naquet, La raison d’État, op. cit., p. 63 et 78.
[21] Sur les différents types de détentions et de camps durant la guerre d’Algérie, voir Sylvie Thénault, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012, chapitre 12.
[22] « Directive générale n° 3, 19 janvier 1957 », cité par Raphaëlle Branche, op. cit., p. 158.
[23] Cet ensemble d’assignations à résidence – 24 000, selon Teitgen – n’a pas été conservé dans les archives de la préfecture aux ANOM. On y trouve uniquement des « Notices en vue d’une assignation à résidence, février-mars 1957 », remplies par les militaires à l’intention de Teitgen (ANOM, 91/ 1 K 817-818). Mais ce dernier en a conservé un échantillon dans ses archives personnelles, confiées au début des années 1970 à Georgette Elgey (AN, fonds Georgette Elgey, 561AP/41, « Archives confiées par Paul Teitgen »).
[24] Rapport de police sur une manifestation de femmes devant la préfecture d’Alger, le 24 juin 1958, ANOM 91/ 4 I 213.
[25] Équivalent en zone urbaine des SAS, service tout à la fois social et de surveillance policière des Algériens.
[26] Voir dans les notices publiées par nos soins les signalements au SLNA de la disparition début avril 1957 d’une dizaine d’employés de la RTF.
[27] Par exemple, Nelly Forget se trouve, selon l’armée, assignée fin février 1957 dans le camp de Beni Messous, où elle n’est jamais allée. En revanche, elle est torturée une semaine durant à la Villa Sésini, puis mise en « convalescence » dans une autre villa avant d’être finalement présentée à la justice. Elle sera acquittée par un tribunal militaire en juillet.
[28] Lettre de Paul Teitgen à Robert Lacoste, 24 mars 1957, loc. cit.
[29] « Liste des personnes appréhendées durant la “bataille d’Alger” », 15 avril 1957, Fonds Pierre Bolotte, op. cit. Il ne s’agit que d’une statistique et non d’une liste nominative.
[30] Note de Pierre Bolotte, chef de cabinet du préfet, chargeant le SLNA de la recherche de personnes disparues, 23/02/1957, ANOM, 91/ 4 I 213.
[31] Circulaire de Robert Lacoste sur les pouvoirs spéciaux, 27 juillet 1956, ANOM, loc. cit.
[32] « Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », ANOM, 91/ 4 I 62. En revanche, des archives du secrétariat général à la police de Paul Teitgen ne subsistent que les quelques dossiers qu’il a lui-même emportés en guise de preuve de ses accusations lors de son expulsion d’Algérie par Salan en mai 1958.
[33] « Notices en vue d’une assignation à résidence, février-mars 1957 », ANOM, 91/ 1 K 817-818.
[34] Gilberte Alleg, « Témoignage », La Pensée, n° 79, mai-juin 1958.
[35] Paul Aussaresses, Services spéciaux, Paris, Perrin, 2001, p. 180.
[36] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée française pendant la guerre d’Algérie, op.cit., p. 169.
[37] « Synthèses journalières de l’état-major mixte d’Alger (1957) », ANOM 91/1 F 524.
[38] Courrier de Slimane Chaouli, ANOM, 91/ 4 I 213. Il dit avoir été « humilié » et forcé à « travailler ».
[39] Ainsi, le 10 février 1957, six attentats sont suivis de soixante-quinze arrestations (« Synthèses journalières de l’état-major mixte d’Alger », loc. cit.).
[40] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée française pendant la guerre d’Algérie, op. cit., p. 168.
[41] Voir l’étude statistique de l’échantillon.
[42] Raphaëlle Branche, La torture et l’armée française pendant la guerre d’Algérie, op.cit., p. 204.
[43] Voir, par exemple, la lettre de l’avocat Pierre Braun, du 4 avril 1957, qui signale à la préfecture trois extraction de détenus de la prison civile par les parachutistes, ainsi qu’un mort des suites de la torture ANOM 91/9K1.
[44] Interventions au sujet de personnes arrêtées, ANOM, ibid.
[45] Note au directeur de cabinet (SLNA), 2 pages, s. d., ANOM, ibid.
[46] Ibid.
[47] « Personnes arrêtées, demandes de recherche transmises au commandement militaire », bilans statistiques, ANOM, 91/4 I 62.
[48] Note au directeur de cabinet (SLNA), ANOM, loc. cit.
[49] Affaire Gaceb Ahmed, ANOM, 91/4 I 213. Interpellé sur cette publication, Massu rectifie.
[50] Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé, Les disparus, le cahier vert, postface de Pierre Vidal-Naquet, « Le Cahier vert expliqué », Lausanne, La Cité, 1959, p. 52. On citera cet ouvrage Cahier vert.
[51] Cahier vert, op. cit., p. 21.
[52] Paul Aussaresses, Services spéciaux, op. cit., p. 124-126.
[53] Archives des deux commissions de Sauvegarde des droits et libertés individuels (1957-1962), Archives Nationales, F/60/3124-F/60/3231.
[53] Dossier « Abattus », Affaire Akezouh Yahia, ANOM, 91/4 I 213.
[54] Ibid., affaire Sellami Abdelaziz.
[55] Cahier vert, op. cit., p. 80-81 ; et dossier « Abattus », ANOM, op. cit.
[56] Entretien avec Nelly Forget, 15 octobre 2016.
[57] Cahier vert, op. cit., p. 34-35.
[58] Cahier vert, op. cit., p. 28 ; et dossier « Abattus », ANOM, op.cit.
[59] Voir Malika Rahal, Ali Boumendjel. Une affaire française. Une histoire algérienne, Paris, Les Belles Lettres, 2010.
[60] Fiche SLNA et entretien de l’auteur avec Ahmed Djebbar, 25 avril 2018.
[61] Cahier vert, op. cit., p. 80.
[62] Voir Sylvie Thénault, Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d’Algérie, Paris, La Découverte, 2004.
[63] Ainsi nommé en raison de la couleur de la couverture du cahier de notes de Jacques Vergès, selon Marcel Péju, « A voix nue », émission de France Culture (1992).
[64] Les coupables, des militaires du sous-secteur Alger-Marine, ont avoué en effet avoir commis cet assassinat et tenté de faire disparaître le corps réparti dans deux sacs, mais ils ne seront jamais jugés. Pierre Vidal-Naquet, La raison d’État, op. cit., p. 173, note 40.
[65] Ce nombre de 1010 est celui des cas publiés sur ce site en septembre 2018. Aux quelque 850 cas faisant l’objet de fiches du SLNA archivées, correspondant à des signalements entre la fin février et la fin juillet 1957, ont été ajoutés ceux figurant dans une liste de signalés au mois d’août 1957, ceux archivés au cabinet du préfet, ainsi que quelques cas ne figurant que dans le Cahier vert d’arrestations de personnes dont les proches ont été un temps sans nouvelles. D’autres cas ont eu lieu qui, lorsque des renseignements précis auront été rassemblés, leur seront ajoutés.
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