La guerre d'Algérie, longtemps niée et réduite par les autorités françaises à des «évènements», était aussi une guerre des images, celle où les images servaient d'armes. Comme les Français, les Algériens ont également commencé à développer leur propre série d'images à diffuser pendant la guerre. Il est désormais admis que «le cinéma est né de la guerre de libération et fait pour la servir», comme l'écrivait Hala Salmane dans Algerian Cinema, publié par le British Film Institute en 1976.
Comment a-t-il servi cette guerre de libération? En grande partie, la mission des premières années du cinéma algérien était de montrer qu'une guerre se déroulait et de contrer le récit français de la guerre. Il s'agissait d'un récit national, mais il est important de souligner qu'il a été influencé par des idées et des personnes venant de l'étranger, dont beaucoup avaient été inspirés par la lutte de libération de l'Algérie et avaient choisi d'y participer.
Cette solidarité, cet internationalisme et ce tiers-mondisme ont été à la base du cinéma algérien à ses débuts et ont contribué à façonner le cinéma du pays à venir. La naissance du cinéma algérien a donc été profondément transnationale. À ses débuts, il se caractérisait par un flux constant d'équipements, d'idées et de cinéastes entre l'Algérie et d'autres pays d'Afrique du Nord (principalement la Tunisie), ainsi qu'entre les deux rives de la mer Méditerranée et au-delà. Des cinéastes sont venus de France pour participer aux débuts du cinéma algérien. Un cinéaste en particulier, René Vautier, a joué un rôle fondamental dans ce processus; selon les mots de l'historien du cinéma Ahmed Bedjaoui, son nom est «à jamais lié à la naissance du cinéma algérien». Le rôle de Vautier ne peut pas et n'a pas été sous-estimé.
Né en 1928, il combat très jeune dans la Résistance contre le fascisme nazi en France avant de se tourner vers le cinéma. Ses premiers films - comme Afrique 50 (1950) - étaient ouvertement anticoloniaux. Après 1954, il ne se contente pas de se ranger du côté du FLN, mais aide l'Armée algérienne à développer ses propres capacités de tournage et de montage. Il tourne le moyen métrage Algérie en flammes (1958), l'un des tout premiers films produits pendant la guerre, monté et développé en Allemagne de l'Est, exemple clair de solidarité internationaliste et de soutien à la révolution algérienne. Avec l'intellectuel et militant franco-martiniquais, Frantz Fanon, il écrit le scénario de J'ai huit ans (1961), tourné en Tunisie et réalisé par l'ancien militaire français devenu anticolonialiste Yann Le Masson et la Franco-Yougoslave Olga Poliakoff.
Le scénario était basé sur les dessins d'enfants algériens réfugiés en Tunisie, collectés avec l'aide de l'Italien Giovanni Pirelli, figure clé du tiers-mondisme italien. Des images tournées par Vautier sont ensuite utilisées dans Djazaïrouna (Notre Algérie, 1960-1961), coréalisé par Pierre Chaulet, Djamel Chanderli et Mohamed Lakhdar-Hamina; Lakhdar-Hamina allait devenir l'un des cinéastes algériens les plus importants. À cette époque-là en Algérie, la notion d'auteur était plus fluide qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Les cinéastes ont travaillé collectivement sur plusieurs films consacrés à la cause algérienne, chacun partageant le crédit de réalisateur. La solidarité entre les Algériens et les cinéastes français radicaux était importante. Jacques Charby, membre du Réseau Jeanson (le Réseau Jeanson, qui a aidé la lutte algérienne depuis la France), a été actif en Algérie et en Tunisie et a réalisé le premier long métrage algérien.
Amira SOLTANE
15-06-2023
https://www.lexpressiondz.com/chroniques/l-ecran-libre/comment-la-propagande-francaise-a-cache-les-images-de-la-guerre-d-algerie-325771
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