Maurice Rajsfus, activiste infatigable des droits de l’homme, laisse une œuvre importante, inspirée par une vie très active. Né le 9 avril 1928 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) d’une famille polonaise juive immigrée en France en 1923, il est mort le 13 juin 2020 à Antony (Hauts-de-Seine).
Le 16 juillet 1942, Maurice Rajsfus a quatorze ans. Il est arrêté par la police française, avec sa sœur et ses parents lors de la rafle du Vél’ d’Hiv. L’un des deux policiers qui vient les arrêter est un ancien voisin de palier. Les deux enfants sont finalement libérés après une série d’ordres et de contre-ordres ; ils ne reverront jamais leurs parents. Rajsfus n’a cessé, jusqu’à sa mort, «de surveiller cette police au passé trop présent, sans remords et sans mémoire», écrit l’éditeur.
D’abord membre du Parti communiste, dont il est exclu en 1946, puis de la IVe Internationale, dans les années 1950, il milite au sein du groupe Socialisme ou Barbarie de Claude Lefort et Cornelius Castoriadis. Il cofonde, en 1990, puis dirige le réseau Ras l’front dans le but de combattre le Front national et ses idées. En 1994, il crée l’Observatoire des libertés publiques, qui tient à jour, dans son bulletin mensuel «Que fait la police ?, la collection des violences policières. Il est l’auteur de plus de 60 livres, dont une vingtaine consacrée à la répression sous toutes ses formes, sur la période de Vichy et de l’Occupation, ainsi que sur Israël et la Palestine, sans oublier le 17-Ocotbre 1961 et Charonne, en février 1962 et ces autres formes au fil de décennies où il n’aura de cesse de rester en éveil.
EN 1955, CONTRE LE DÉPART DU CONTINGENTEN ALGÉRIE
Maurice Rasjfus a été de toutes les luttes antiracistes et anticoloniales et, bien sûr, pour l’indépendance de l’Algérie, parmi les premiers. Dans un entretien de 2015, sur le site d’extrême-gauche La Horde, il expliquait : «En septembre 1955, avec quelques camarades des mouvements de loisirs, nous avions lancé le Comité des mouvements de jeunesse de la région parisienne contre le départ du contingent en Algérie pour mater une guerre qui commence à se développer. Dès cette époque, la répression touche également les soutiens français aux indépendantistes algériens. Nous nous trouvons ainsi rapidement confrontés à la police et au PCF, toujours très stalinien.
Après l’interdiction d’une manifestation par la préfecture de police, nous avons ainsi été dénoncés dans l’Humanité, daté du 17 octobre 1955, comme ‘provocateurs policiers’… D’ailleurs, après la victoire du Front républicain, le 2 janvier 1956, sur un programme promettant la négociation avec les nationalistes algériens, le président du Conseil socialiste fait voter par la Chambre des députés les pleins pouvoirs à l’armée en Algérie avec l’appoint des voix des députés communistes. «Tout au long de la campagne électorale, avec le Comité, nous étions intervenus dans les meetings électoraux pour obliger les candidats à se positionner.»
«1953, UN 14 JUILLET SANGLANT»
Avec l’Association des amis de Maurice Rajsfus, la collection proposera une nouvelle édition des grands livres de cet auteur qui, toute sa vie, dénonça inlassablement les violences policières, notamment durant la Guerre d’Algérie. Ainsi, le quatrième volume sera consacré au 1953, un 14 juillet sanglant, paru initialement dans la collection Moisson Rouge en 2003.
Cette nouvelle édition est préfacée par Ludivine Bantigny et postfacée par le regretté Jean-Luc Einaudi avec lequel il avait publié Les Silences de la police – 16 juillet 1942-17 octobre 1961, aux éditions L’Esprit frappeur en 2001.
L’événement de 1953 est maintenant entré dans l’histoire des méfaits coloniaux, malgré la tentative de maintenir l’événement dans le silence.
Le 14 juillet 1953, lors d’une manifestation syndicale, des policiers abattent six travailleurs algériens qui marchaient au nom du PPA de Messali dont ils réclamaient la libération, ainsi qu’un syndicaliste français, place de la Nation, à Paris. Pour la première fois à Paris avait résonné le slogan «Nous voulons l’indépendance !».
Avant, beaucoup d’historiens, sur fond de racisme d’État, Maurice Rajsfus pointe la responsabilité d’un des acteurs de cette funeste journée qui deviendra, quelques années plus tard, le donneur d’ordre principal des massacres du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962, au métro Charonne : Maurice Papon, alors secrétaire général de la préfecture de police.
Le même Maurice Papon lié durant la Seconde Guerre mondiale à l’enlèvement et la déportation de juifs entre 1942 et 1944. Dans la même collection, on retrouvera ainsi les ouvrages consacrés aux exactions anti-juifs : La Police de Vichy : les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo ; Des Juifs dans la Collaboration. L’Ugif 1941-1944 et La rafle du Vél-d’Hiv. La collection s’enrichira en 2022 et 2023 de quatre nouveaux titres par an.
SOURCE : https://www.elwatan.com/pages-hebdo/france-actu/hommage-a-maurice-rajsfus-une-vie-dengagement-anti-colonialiste-et-anti-raciste-30-03-2021
Maurice Rajsfus, l’historien des violencespolicières est mort
Maurice Rajsfus était un rescapé. Il a évité la Rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1942. Toute sa vie, il a œuvré pour dénoncer les répressions policières. Il est mort samedi 13 juin 2020 à l’âge de 92 ans, a annoncé son fils Marc Plocki à l’AFP.
Il laisse derrière lui une somme immense sur son sujet. Plus de 60 livres en tout, dont le premier sur l’Union générale des israélites de France (Ugif) intitulé Des juifs dans la collaboration l’a fait connaitre en 1989. S’en suivra notamment La Censure militaire et policière 1914-1918, Le Cherche midi, 1999 ou encore, Drancy, un camp de concentration très ordinaire, 1941-1944, Le Cherche midi, 2005.
Mais avant d’être historien, le militant d’extrême-gauche est journaliste. Il est notamment secrétaire de rédaction au Monde. Et en parallèle, il milite. Témoin du massacre du 17 octobre 1961 puis des violences policières lors de Mai 68, il commence à ficher ces actions sur des bristols, jusqu’à récemment. Il n’a cependant jamais fait d’études académiques en histoire. Maurice Rajsfus a cependant passé un doctorat en sociologie en 1992.
« Infatigable militant antiraciste et antifasciste, Maurice Rajsfus fut un des créateurs de Ras l’Front au début des années 1990 et animateur du bulletin Que fait la police ? Qui dénonça pendant près de vingt-cinq ans les violences et l’arbitraire policier », dit de lui son fils à l’AFP. Ras l’Front est un réseau associatif français créé en 1990 à la suite de « l’appel des 250 » dans le but de lutter contre le Front national et ses idées. Il intervient fortement à la fin du XXe siècle contre Jean-Marie Le Pen.
Il laisse 10.000 fiches sur les violences policières.
Un évident symbole : son existence a pris fin le jour même où des dizaines de milliers de personnes défilaient dans plusieurs villes de France pour dénoncer le racisme et les violences policières et réclamer « justice ». Le combat de sa vie est désormais celui d’une époque, porté par un mouvement sans frontières.
Communiqué LDH
Maurice Rajsfus est décédé ce samedi 13 juin 2020. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) adresse ses condoléances à ses proches et salut son combat exemplaire.
Comme plus de treize mille juifs, dont quatre mille enfants, Maurice Rajsfus a été arrêté avec sa famille par les forces de l’ordre française au service du régime nazi, le 16 juillet 1942 lors de la rafle du Vél d’Hiv. L’un d’eux était leur voisin de palier.
De cette période, Maurice Rajsfus gardera une profonde cicatrice envers la police française. En 1982, il dira : « Quarante ans après, je n’ai pas pardonné ».
Véritable traqueur des violences policières, il dénonça pendant près de vingt-cinq ans les violences et l’arbitraire policier, et entreprit un inlassable travail de documentation, constituant un précieux fonds d’archives de dix mille fiches sur les violences policières de 1968 à 2014. Il fonda également l’Observatoire des libertés publiques, un an après la mort de Makomé M’Bowolé, tué d’une balle le 6 avril 1993 alors qu’il était interrogé, menotté, dans un commissariat du 18e arrondissement de Paris.
Durant la même période, il fut le créateur du bulletin Que fait la police.
Maurice Rajsfus, c’est aussi l’engagement antifasciste. En 1990, il fut l’un des premiers signataires de « l’appel des 250 » (personnalités) pour lutter contre le Front national de Jean-Marie Le Pen et de ses idées. S’en suis la création de Ras l’front, dont il fut l’un des présidents. Cette organisation avait pour vocation de créer un «mouvement de résistance et de vigilance » contre le «fascisme ». Mouvement unitaire, composé de citoyens, syndicats, associations et partis politiques, Ras l’front, c’était un seul principe : « On ne se planque pas. On leur fait plus de mal en n’ayant pas peur. Apparaître publiquement, c’est plus efficace que la baston ». Les fêtes Black-blanc-beur contre la fête des Bleu-blanc-rouge, c’est eux, le salon du livre antifasciste également, tout comme le travail avec le Droit au logement (Dal)…
Dans les coups marquants de l’époque de Ras l’front, le 1er mai 1995, place de l’Opéra, au nez et la barbe de Jean-Marie le Pen et de ses militants, une banderole s’abat, un immense calicot, siglé « Non au fascisme. Non au racisme » et signé Ras l’front.
Maurice Rajsfus, c’est aussi l’écrivain, auteur de plus de soixante livres, dont La police hors la loi, Drancy un camp de concentration ordinaire, Les mercenaires de la République et biens d’autres ouvrages.
Ses combats doivent aujourd’hui, plus que jamais, être les nôtres. La LDH participe depuis quelques années à la création et au fonctionnement d’observatoires citoyens des libertés publiques et des pratiques policières. Elle y poursuivra sans relâche ses missions et invite les citoyennes et citoyens engagés à en faire de même.
Paris, le 16 juin 2020
Maurice Rajsfus (1928 - 2020)Que fait la police ?
6 décembre 2012, Paris. Dans le cadre d'une soirée de commémoration de Malik Oussekine et d'Abdel Benyahia, tous deux tués par des policiers en 1986 l'un à Paris l'autre en banlieue, Maurice Rajsfus présente son livre 'Je n'aime pas la police de mon pays', publié par les éditions Libertalia. Il y revient en particulier sur ses fameuses fiches bristol par milliers avec lesquelles « l'historien de la répression » recense depuis Mai 68 les exactions policières à partir de coupures de presse, ou sur l'aventure du bulletin mensuel 'Que fait la police ?' (1994 – 2012), ainsi que sur l'Observatoire des libertés publiques, lancé le 6 avril 1994, un an jour pour jour après la mort de Makomé M'Bowolé, tué d'une balle dans la tête tirée à bout portant par un inspecteur de police dans un commissariat du 18ème arr. de Paris. « Je me suis toujours senti, depuis la guerre [1939 – 45], et singulièrement ces vingt dernières années, héritier de mes parents étrangers et je suis étranger par héritage » déclare-t-il, en référence à ses parents juifs polonais arrivés à Paris dans les années 1920 (cf. son livre 'Mon père l'étranger', éd. L'Harmattan 1989). Des 'juifs étrangers' qui, dénoncés par un voisin policier, seront pris dans la rafle du Vel d'Hiv le 16 juillet 1942 et mourront suite à leur déportation à Auschwitz. Enfants, Maurice Rajsfus et sa soeur en réchapperont. Plus tard, « j’ai commencé à m’intéresser aux exploits de la police, avec le massacre des Algériens de Paris le 17 octobre 1961 et le 8 février 1962 à Charonne. Et depuis, je n’ai jamais cessé de m’intéresser aux activités d’une police qui, d’un régime à l’autre, soit sous la gauche soit sous la droite a toujours des comportements identiques. C’est constant...» « Depuis 1968, après les années où Marcellin et ses successeurs ont fait la chasse aux étudiants et aux lycéens, l’ennemi public numéro 1 avec la crise de 1974 –la crise du pétrole- est devenu l’immigré. Donc je comprends très bien ce qu’il se passe, comment ça se passe, pourquoi il y a cette chasse à l’homme, pourquoi il y a cette chasse aux jeunes, pourquoi dans le regard des policiers la guerre d’Algérie ne s’est jamais terminée en France après 1962." La volonté de Maurice Rajsfus, c'est « d’essayer de faire comprendre à la population que sa police, ce n’est pas la police qui défend la veuve et l’orphelin, c’est la police qui traque essentiellement les sans-papiers, les précaires, les parias, ceux qui n’ont pas de défense. » Maurice Rajsfus intervient inlassablement, tel un 'vieux sage', aux côtés des militant-es engagé-es dans des campagnes 'Vérité et justice', comme lors du forum organisé par le MIB le 27 septembre 2001 devant la cour d'assises de Versailles dans l'affaire Youssef Khaïf; lors du procès (juillet 2010) des révoltés de Villiers-le-Bel après la mort de Lakhamy et Moushin (percutés à moto par une voiture de police le 25 novembre 2007), il témoigne en leur faveur, fustigeant la délation de sinistre mémoire. Il participe également à plusieurs tentatives de relancer des réseaux antifascistes ou antiracistes qu'il voudrait plus efficaces. Lucide, il ne cache pas son pessimisme face au discours sécuritaire qui gangrène l'ensemble de l'échiquier politique, et qui sert l'extrême-droite. Pour lui, l'heure est à la résistance...
ATTENTION DANGERS
La police est aux ordres
du Pouvoir en place
Et en 2023 l’extrême-droite monte encore
dans les sondages
" Haine, racisme, xénophobie,
islamophobie
la République recule "
http://www.micheldandelot1.com/hommage-a-maurice-rajsfus-une-vie-d-engagement-anti-colonialiste-et-an-a207289638
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