J'écrivais autrefois :
Je revois le Jardin d'essai
La darse de l'Amirauté
Les arcades du Palais d'été
Et les places plantées de palmiers
Et je pense au Clos-Salembier
Aux rencontres que j'y faisais
A ma jeunesse que j'ai laissée
Sur les bancs de la rue Michelet."
J'avais fréquenté dans mon enfance le littoral du côté est puisque ma mère était née à cap Matifou mais mon père avait passé ses toutes jeunes années aux Bains romains. J'ai le souvenir de l'Amirauté que nous quittions pour filer vers la Madrague de Guyotville
Selon Historia magazine n° 210 (LA GUERRE D'ALGERIE) voici :"C'est au journal Alger républicain, dirigé par Pascal Pia qu'Albert Camus collabora à Alger. En juin 1939 Camus écrit une série d'articles sur la famine en Kabylie. Le ton, le fond, la forme, en font un modèle du genre. Leur publication demandera dix jours et fera sensation tant dans les milieux musulmans, où cette voix surprend, que dans ceux du Gouvernement général, que cette même voix offusque. Camus traînera "la casserole" de ce reportage jusqu'à son expulsion d'Alger, qu'on lui signifiera d'ailleurs qu'en termes voilés. On le trouve plutôt indésirable. Alger républicain était, avant guerre, un journal indépendant soutenu par les socialistes."
Pour mes parents, Alger républicain était le pendant de l'Humanité à Paris.
L'amirauté d'Alger de Louis Benisti. Louis Benisti se lie d'amitié avec Jean de Maisonseul qui le présentera à Albert Camus. Louis Benisti deviendra l'ami intime d'Albert Camus qui confiera plus tard à Jean de Maisonseul : "Je passe ma vie à voir des gens que je méprise ou qui m'ennuient alors que
je sais que je ne rencontrerai jamais personne comme Benisti ".
Je me demande pourquoi Camus s'entendait avec Benisti dont la naïveté des dessins me désarme. Sa prose ? Ses sculptures ? Lorsque j'étais jeune, je crois que j'étais sévère dans mes jugements. Je suis à présent plus tolérant. Peut-être parce que j'ai passé un grand cap. Je sens bien que la vie est et sera très changeante au soir de ma vie. Je m'en inquiète. Un de mes professeurs nous disait autrefois :"Ce n'est pas dans le grand âge qu'on se pose les questions essentielles sur l'âge, -sur chaque âge de la vie". Je ne comprenais pas. Mon esprit courait ailleurs. J'étais tout entier au plaisir de connaître le monde. J'ai surtout vu les aéroports. Je voulais dépeindre Venise ou Prague, New-York et Miami, Hong-Kong ou Singapour. Que sais-je ? Ecrire et relater, cherchant ma voie et me cherchant une voix que les autres auraient reconnue. Hélas, on se raconte toujours, -c'est su,- quoi qu'on écrive.
C'est en contemplant ce tableau de l'amirauté d'Alger dont l'original est passé par l'esprit du peintre Louis Bénisti que j'essaie d'ordonner ces réflexions. Elles ne sauraient être fortuites. Une méditation sur l'âge, même superficielle, en entraîne inévitablement une sur le passé. Le passé ! Je retourne toujours vers le mien en contemplant Alger.
Albert Camus :
"L'été remplissait le port de clameurs et de soleil. Il était onze heures et demi. Le jour s'ouvrait par son milieu pour écraser les quais de tout son poids de chaleur. Devant les hangars de la Chambre de Commerce d'Alger, des "Schiaffino" à coque noire et cheminée rouge embarquaient des sacs de blé. Leur parfum de poussière fine se mêlait aux volumineuses odeurs de goudron qu'un soleil chaud faisait éclore."
Voici une photo et un tout petit texte de Martial Mélis-Granval :
"J'ai vécu dans ce quartier de l'Amirauté, Cathédrale, Place du Gouvernement, Opéra d'Alger et comme Camus et bien d'autres j'allais "Lézarder" sur les quais de L'Amirauté quelquefois entre midi et deux heures. Voici une photo de ma jeunesse sur les quais de l'Amirauté".
Ecoutons encore Albert Camus : A Alger, on ne dit pas "prendre un bain" mais "se taper un bain". N'insistons pas. On se baigne dans le port et l'on va se reposer sur des bouées. Quand on passe près d'une bouée où se trouve déjà une jolie fille, on crie aux camarades :" Je te dis que c'est une mouette." Ce sont là des joies saines. Il faut bien croire qu'elles constituent l'idéal de ces jeunes gens puisque la plupart continuent cette vie pendant l'hiver et, tous les jours à midi, se mettent nus au soleil pour un déjeuner frugal.
Et puis un jour ce fut la fin...
A jamais les côtes s'éloignèrent et nous partîmes chercher la Méditerranée ailleurs. Plus jamais nous ne trouvâmes une ville où l'on apercevait la mer au tournant de chaque rue.
L'exilé, ce n'est pas celui qui part, puisque celui qui part va toujours découvrir un autre monde qu'il ne connaît pas et qui pourrait apporter un certain excitant à sa vie ; l'exilé, c'est celui qui reste.
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