Ali Belhadj (L), one of two leaders of Algeria's banned Islamic Salvation Front (FIS), attends a demonstration in Algiers February 12, 2011. About 50 people shouted anti-government slogans in a square in Algeria's capital on Saturday but were encircled by hundreds of police determined to stamp out any attempt to stage an Egypt-style revolt. REUTERS/Louafi Larbi (ALGERIA - Tags: POLITICS CIVIL UNREST)
Après avoir dénoncé le rôle politique que s’est attribué le patron de l’armée algérienne dans une récente intervention à la télévision, l’ancien leader du Front Islamique du Salut, Ali Beladj, qui domina la scène politique algérienne dans les années 1990, a été convoqué successivement par la police puis devant le tribunal de Hussein-Dey qui lui ont rappelé son devoir de réserve. Ce prédicateur très écouté en Algérie a répondu en arabe aux questions de Mondafrique (voir l’entretien en Pièce Jointe)
La mise en garde des autorités à l’égard de l’ex numéro deux du Front Islamique du Salut, Ali Belhadj, vient rappeler la ligne rouge que personne aujourd’hui ne doit franchir. L’arbitrage politique ultime appartient dans l’Algérie des généraux à l’institution militaire et à elle seule. La semaine dernière, le général Chengriha, le patron de l’armée, expliquait à la télévision où il apparaît presque quotidiennement qu’il n’était pas question que son pays revienne aux années 1992-98, lorsqu’une quasi guerre civiie opposait les militaires et les maquis islamistes du FIS.
Les harangues martiales du général Chengriha ont provoqué l’indignation d’un Ali Belhadj, ex numéro deux du FIS. » Il n’appartient pas aux militaires, a déclaré en substance le prédicateur, de faire de la politique alors queles politiques algériens, eux, sont soit en prison, soit réduits au silence ». Des propos qui font écho au slogan rassembleur du Hirak – « Non à l’État militaire, oui à l’État civil ».
Circulez, rien à voir
La mise en cause de l’armée comme colonne vertébrale du pouvoir est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir en Algérie. Déja, le malheureux et prudent patron de « Magreb Émergent, Kadi Ihsane, pour s’être interrogé sur l’utilité d’un deuxième mandat du Président Tebboune, croupit aujourd’hui en prison (1).
Pour Ali Belahdj, nettement plus incisif que le journaliste,le résultat ne s’est pas fait attendre. Convoqué dans la proche banlieue d’Alger au commissariat de Bab Ezzouar (« la porte des visiteurs »), baptisé par la population « la Division », Ali Belhadj s’est fait taper sur les doigts avant d’être convoqué au commissariat d’Hussein-Dey pour se voir infliger une sévère feuille de route..L’interdiction lui a été faite de tout déplacement hors de sa commune, de toute prière à la Mosquée et de toute manifestation publique, via des vidéos ou des réseaux sociaux.
Pour autant, l’ex leader du FIS n’a pas été placé en détention.
Pour quelle raison les militaires algériens font soudain preuve d’un tel doigté face à un de leurs ennemis de toujours? Et qui plus est a revendiqué la légitimité de la violence face au pouvoir durant les années noires, même s’il a évolué sur cette question? Autant de questions auxquelles on ne peut répondre qu’en analysant la réponse graduée et sophistiquée que le régime algérien apporte à l’Islam politique. Il n’es plus question à leurs yeux de s’en prendre à l’islam en tant que tel tant que les prédicateurs religieux ne tentent pas d’exclure l’armée du jeu politique
L’Histoire avance!
Le patron de l’armée algérienne qui agite le spectre des années noires (1992-1998) pour justifier la répression actuelle, confond des contextes historiques totalement différents. Le Hirak a effacé beaucoup de fractures anciennes. Dans les années 1990, on assistait en effet à la naissance d’un Islam politique radical et composite face à un pouvoir militaire républicain et laïque. Dix ans après, la société algérienne, largement réconciliée avec elle même, est partagée entre islamisation, modernité et ouverture vers le vaste monde. « Aujourd’hui, affirme un ancien ministre, tout le monde va à la mosquée, ce n’est plus une ligne de fracture ».
Après avoir revendiqué la violence politique dans les années 199 et l’a payé par cinq puis douze années de prison, Ali Belhadj ne prône plus la lutte armée. Le noyau dur de ses fidèles a jeté des passerelles vers des courants non islamistes et prêchent la réconciliation nationale. En ce sens, l’ancien leader du FIS joue un rôle de catalyseur d’une certaine ferveur religieuse et de régulateur des tensions.
À ce titre, Ali Belhadj est intouchable. Du moins, le régime algérien hésite à le jeter en prison comme il le fait pour des militants islamistes ordinaires (2).
(1) Le 10 mai, le Parlement européen doit se saisir du cas de ce journaliste courageux
(2) Des bonnes sources algériennes estiment qu’un tiers des 300 prisonniers politiques algériens, dont beaucoup sont membres du mouvement « Rachad », s’inscrivent dans la mouvance de l’islam politique .
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