NOTRE AMIE L'ALGÉRIE
Qu’ils vivent à Sidi Bel Abbès, à Oran,
Dans la casbah d’Alger, blanche ville chérie,
Nourris des beaux versets puisés dans le Coran,
Ils aiment leur patrie, - tous - la fière Algérie.
Djazaïr, entre le désert du Sahara
Et la mer de beauté, la Méditerranée,
Tes cités appelées Tlemcen ou Mascara,
Sétif ou Bejaïa sont jolies à l’année.
Riche de Berbères, d’Arabes, Djazaïr,
Tu as surtout l’atout d’une belle jeunesse
Qui préfère le raï mais sans le jazz haïr
Et se sépare un peu du fameux droit d’aînesse.
Tout n’est pas merveilleux dans ce nord Africain
Qui fut bousculé au long cours de son histoire
Et Abdel Kader plus fort qu’un Américain
Lutta pour l’unité de son grand territoire.
Djazaïr, tu as fait les fils français partir
Car tu voulais être seule et indépendante
En clamant haut et fort, que toi, pays martyr
Ne voulais plus rester front bas, langue pendante.
Les métropolitains ne te connaissent pas
Mais celui de Tizi Ouzou venu en France
Nous parle de là-bas et pendant un repas
Montre que son cœur bat en rythmant l’espérance.
Chers frères, nous avons eu un destin commun,
Chers amis, unis dans la France et l’Algérie,
Conservons du respect pour l’autre et l’un comme un
Poète suivi de près par son égérie.
PAR JEAN-MICHEL BOLLET
LA GUERRE
I
L'enfant vit cela
Qui envoûtait le jardin.
La guerre allait parler.
Il referma la porte.
II
Puis le silence.
On vit ce qui était plus vrai.
Les arbres forçaient la note.
Mais c'était la guerre.
Point.
Encore du mal fait au paysage.
Et un certain soleil apparut.
III
La guerre creusait.
Ce qu'elle creusa :
Une galerie noire.
Dunes noires.
Sables noirs.
Lune noire.
Ce qu'il en resta.
Une pensée noire.
Et cela vint.
Une guerre noire.
Et ce qui repartit.
Une vague noire.
IV
Il se tenait là.
Derrière les vitres.
Immobile, sans bruit.
Il demeurait là.
Dehors.
Quelqu'un.
Derrière la fenêtre.
Quelqu'un regardait.
La lumière éclairait
La guerre immobile.
V
Serait-elle venue
Sans autre ambition
Que de se prosterner
Devant lui, la guerre ?
Et faire quoi encore ?
Aurait-elle chanté et,
Sans un regard en arrière
Serait-elle partie ?
Il aurait eu peut-être
Le temps de l'écouter.
VI
Indésirables, ils vinrent.
Ils cherchèrent le silence.
Et tous les coins d'ombre.
Et ni eux ne bougèrent.
Ni les cyprès ne bougèrent.
Ni le silence ne bougea.
Seule une odeur pauvre,
La leur, circula.
Amère,
L'unique odeur.
Oui.
VII
Cela s'en prit aux oiseaux
Et ils furent cloués au ciel.
Les arbres n'eurent plus
Pour refuge que l'immobilité.
Restèrent les collines qui
Vite se couvrirent de nuit.
On ne reconnut plus rien.
L'enfant les montra du doigt.
La guerre passait là-bas
Avec ses nouveaux oiseaux.
VIII
Tout y était.
Et le regard aussi.
Route jusqu'au silence
Des plaines ensoleillées.
IX
Tant de fenêtres.
Tant de portes et quoi
Fenêtres de malheur,
Portes de malheur ?
La première si elle
Venait à s'ouvrir.
Seulement s'ouvrir.
S'ouvrir, et quoi ?
Peut-être, noir
Un regard en jaillirait.
Ou une voix noire.
Une chose aussi noire.
Et qui par les rues
Irait vous poursuivre.
Et continuerait ainsi
Jusqu'à la campagne.
Toujours fermées.
Fenêtres, portes.
Toujours le silence.
Et le temps passait.
X
C'étaient ces heures
Quand il y avait la mer
Et rien pour les combler.
C'étaient ces portes
Toujours trop accueillantes
Mais à ne pas ouvrir.
Toucher sans doute
Ce qu'on disait poursuivre.
Tendre sans doute la main.
Lorsqu'un battant s'ouvrit.
Et tout un gouffre s'ouvrit.
Tout un gouffre sans plus.
XI
Immense, immonde
Le monde autour d'eux.
Ils attendaient quoi
Plantés là ?
Ils avaient fait halte.
Et l'œil muet
Ils restaient à l'affût.
XII
Les guerriers temporisaient.
Laissaient la nuit, la neige
Les couvrir.
Puis la neige
Leur accorda une lumière
Qui provoqua leur réveil.
XIII
Son regard alla
De la table au bahut.
C'était la dernière fois.
L'enfant se détourna.
Un miroir ouvrait son eau.
C'était de l'autre côté.
Un paysage inconnu.
Il ne s'en émut pas.
Il ne se retourna pas.
C'était avant la guerre
Quand, la dernière fois
Son visage s'y fut montré.
XIV
Et il fit un rêve d'arbre.
Il était debout sous le ciel.
Les bourgeons éclataient.
Une lumière l'éclaira,
Qui l'accompagna jusqu'au soir.
Et son rêve l'abandonna.
La nuit compta les balles.
Le jour compta les morts.
On attendait la saison d'après.
XV
On les laissait avoir peur.
On les laissait avoir froid.
On les laissait blanchir.
On ne peut pas, dit l'enfant,
Alors qu'il fait si froid,
Alors qu'il fait si noir.
Mais dehors ils restaient.
On ne peut pas, disait-il.
Et rien, aucune réponse.
XVI
La guerre n'avait là rien Écrit ce matin sur la neige.
Si heureusement blanche.
Les arbres faisaient
Debout, noirs, le guet.
Pas d'autres signes.
Et le silence.
Autant
Il y en avait pour l'œil
Qu'il n'y avait rien à ouïr.
XVII
C'était cette campagne
Qu'une guerre poursuivait
De sa haine, de sa colère.
L'enfant y allait.
Il tendait la main.
Une balle y tomba.
Il leva la tête.
Il ouvrit la bouche.
Des balles y tombèrent.
Il les avala.
Resta bouche ouverte.
La guerre passa.
XVIII
Trop tard.
Les choses,
Les arbres au jardin
Avaient pris de l'âge.
Toutes les choses.
Les arbres, le jardin
Gravaient leur empreinte
Dans l'air du soir.
Se faisaient rouille.
Le temps ne faisait rien À l'affaire.
La guerre
Ne savait où mourir.
XIX
Des pas sur le sable.
Ils venaient vers lui.
Le masque lui ressemblait
Quand y explosa un cri.
«
C'était mon histoire
Qu'il voulut raconter. »
Il entendait toujours
Des pas sur le sable.
Leur marche pesait lourd.
Et les vagues se reposèrent.
XX
Il emprunta un visage.
Il se sentit regardé.
N'était que la guerre
Portait trop beau.
On pouvait en mourir.
Pas moi, disait-il.
Il eût voulu crier.
Elle avançait éclairant
La rue de son visage.
Pas moi, disait-il.
Pas moi.
Ce vide noir
Qui n'en finit pas.
Le noir ça me connaît.
Et sa lumière à elle.
Qui tombe sur la rue.
Il arriva devant un mur
Et cria.
Il cria noir.
XXI
Il y eut un cri.
Ils firent halte.
Il y eut ce silence.
La marche reprit.
Mais aucune ombre
Ne suivit leurs pas.
Il y eut du vent.
Il sema le désert.
Exténué, le vent,
Le silence eut un cri.
Et ne s'arrêta plus.
Eux, continuèrent.
Eux, continuaient.
Allaient à l'infini.
XXII
Quelqu'un s'arrêta
Devant la porte ouverte.
Y laissa une rose noire.
Eux tous le savaient.
Puis les pas s'entendirent
Encore.
Puis rien.
Eux tous
Avec cette rose à leur porte
Il leur fallut du courage.
XXIII
Danseurs et danseuses
Ils ne le furent jamais
Ayant fui le marbre.
Et ce qui demeura.
Un abîme de clarté
Creusé par la guerre.
Entrés sous l'arbre,
Oiseaux et oiselles
En surent la férocité.
XXIV
Elles furent blanches.
Puis elles furent bleues.
Puis il y eut du soleil.
Puis elles furent roses
Et remplacèrent le soleil.
Elles mirent des taches.
Rouges d'abord
Les balles furent noires.
Il allait pouvoir dormir.
XXV
La cueillette eut lieu.
On rapporta des pommes
Et de la fatigue.
On secoua la fatigue.
On mangea les pommes.
Vint l'heure du silence.
Le soleil bleuit la nuit.
On dormait et il éclairait.
On rêvait, l'œil ouvert.
XXVI
Une balle ou quoi ?
Elle tournaillait et lui :
Elle ne sait où aller.
Le garçon la regardait.
Elle continuait, tournait.
Se savait-elle perdue ?
Manquait-il des cibles
Au salon ?
Elle ne savait
Qui tuer et tournait.
XXVII
La guerre enleva son masque.
De chaque œil tomba une larme.
Le même doigt écrasa l'une
Et le même écrasa l'autre.
L'enfant regarda la guerre.
Elle n'avait pas de visage.
Il alla s'occuper d'autre chose.
La guerre garda son secret.
XXVIII
Il y avait la porte.
Il y avait la cage.
II y avait la fenêtre.
Il se tournait vers
L'une et vers l'autre.
Il y avait une guerre,
Il y avait son odeur.
Il examina ses ongles.
Le sang en était blanc.
La guerre à ses pieds
Tomba.
Elle tomba.
Lui,
Regarda ses chaussures.
Lui, regarda la cage.
L'oiseau y était.
Puis
Regarda par la fenêtre.
Il ne vit que prairies.
Il marcha vers la porte.
L'enfant s'y arrêta.
Là,
Rien de la guerre.
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PAR MOHAMMED DIB
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