Juin 1936 Naissance de Fatma Zohra à Cherchell, Algérie, de Tahar Imalhayène et de Bahia
Sahraoui (de la tribu des Berkani du Dahra)
1937-1946 Enfance à Mouzaïaville dans la Mitidja où le père est instituteur. Elle fréquente
l’école française. Les premières années, après l’école française, elle va dans une école
coranique privée ; elles sont deux filles au milieu des garçons.
1946-1953 Elle étudie au Collège de Blida, section classique, le latin, le grec et l’anglais. Elle est la seule musulmane dans sa classe. Il y a une vingtaine d’Algériennes qu’on appelle « les indigènes » mais elles sont en section moderne. Toutes sont internes. Fatma Zohra passe le bac à Blida et Alger.
Oct. 1953 Hypokhâgne au Lycée Bugeaud (aujourd’hui Lycée Emir-Abdelkader) à Alger, où Albert Camus a fait ses études. Elle suit l’enseignement du Professeur Lamblin.
Oct. 1954 Son père accepte de la laisser partir en khâgne à Paris, au Lycée Fénelon où elle rencontre Jacqueline Risset. Leur Professeur de Philo est Dina Dreyfus.
1 Nov. 1954 La guerre d’Algérie commence.
Juin 1995 Elle réussit l’entrée à l’ENS de Sèvres qui s’installe Boulevard Jourdan, dans le 14ème arrondissement. La directrice de l’Ecole est Mme Prenant, Professeur de Philo, spécialiste de Spinoza.
A partir d’Octobre 55, en 1ère et 2ème années, elle choisit non pas la Philo mais l’Histoire. Elle aurait aimé étudier l’arabe littéraire mais cet enseignement n’existe pas.
Mai-Juin 1956 Grève des étudiants algériens. Fatma Zohra ne passe pas ses examens en raison des « événements »
Juin 1957 Son premier roman La Soif, qu’elle a écrit en deux mois, est publié chez Julliard. Il est traduit aussitôt aux Etats-Unis où il a du succès et reçoit une importante édition en livre de poche. Fatma Zohra prend le pseudonyme de Assia Djebar à cause de ses parents et à cause de l’administration de l’Ecole.
Mars 1958 Elle continue à faire la grève des examens. La directrice de l’ENS, qui est alors Marie-Jeanne Durry, la contraint de quitter l’école.
Assia épouse un Algérien et quitte la France avec lui pour la Suisse puis Tunis.
Eté 1958 – À Tunis, Assia travaille comme journaliste en collaboration avec Frantz Fanon.
Eté 1959 Elle se rend dans les camps, aux frontières tunisiennes, avec la Croix Rouge et le Croissant Rouge, où elle fait des enquêtes parmi les paysans algériens réfugiés après le bombardement de Sakiet Sidi Youssef. Son 4ème roman Les Alouettes naives, qu’elle publiera en 1967, retrace cette période.
A Tunis, en 1958, Assia rencontre Kateb Yacine.
Elle prépare, sous la direction de Louis Massignon, un Doctorat d’Histoire sur Aïcha el Manoubia, sainte patronne de Tunis à la fin du XIIème siècle, et étudie le récit des miracles.
Sept. 1959 Assia retrouve au Maroc son Professeur en Sorbonne Charles-André Julien, spécialiste de l’Histoire de l’Algérie, qui est Doyen de la Faculté des Lettres de Rabat. Elle enseigne pendant 3 ans comme Assistante en Histoire.
Été 1960 Assia écrit Les Enfants du nouveau monde. Certains récits lui sont inspirés par sa mère et sa belle-mère qui viennent lui rendre visite à Rabat et qui lui racontent des épisodes de la guerre à Blida vue depuis le patio des femmes. Le roman ne sera publié qu’en 1962 à cause d’un litige entre le Seuil et Julliard.
1962 Le 1er juillet, Assia rentre à Alger, envoyée par Françoise Giroud, directrice de l’Express, pour faire un reportage sur les premiers jours de l’Indépendance.
Enterrement de sa grand-mère maternelle. Son texte Les morts parlent se fait l’écho de ce deuil.
Le 1er septembre, elle est nommée Professeur à l’Université d’Alger où elle est la seule Algérienne à enseigner l’Histoire. Assia choisit de travailler sur le XIXème siècle et l’Etat de l’Emir Abdelkader. Elle enseigne jusqu’en 1965. L’Histoire, comme la Philosophie, doivent alors être arabisées : Assia se met en disponibilité et quitte Alger pour Paris.
Oct. 1966 – Résidente en France, elle fait des séjours réguliers, l’été, chez ses parents au
Janv. 1974 bord de la mer, à Daouda (Alger). Adoption à 13 mois de sa fille Djalila, née en Juin 1965.
1974 – En janvier 1974, retour à Alger. Elle enseigne la littérature française et le
1975 le cinéma au Département de Français de l’Université. Tahar Djaout suit son séminaire de Cinéma. Elle travaille également à l’A.A.R.D.E.S., dirigée par M’Hamed Boukhobza, pour des enquêtes sociologiques sur les structures familiales d’émigrants.
Divorce en Octobre 1975.
Assia dépose à la TV algérienne un projet de film long métrage qui est un documentaire-fiction sur la tribu de sa mère, les Berkani, au nord de Cherchell.
1976 – Le tournage du film La Nouba des femmes du Mont Chenoua a pour lieu
1978 principal Tipasa, avec deux comédiens et des acteurs non-professionnels. En même temps, Assia assure ses cours de littérature à l’Université. Plusieurs chapitres de son roman Vaste est la prison évoquent des épisodes du tournage.
1979 Montage du son à Paris. La réception du film, lors de la première projection à Alger, est houleuse. Sélectionné par le Festival de Carthage, La Nouba est déprogrammé par Alger. Protestation des Critiques étrangers qui demandent une autre projection.
Reçoit le Prix de la Critique internationale à la Biennale de Venise. Accueil enthousiaste du public.
1980 Est invitée avec La Nouba des femmes du Mont Chenoua au premier Festival de femmes. La Télévision algérienne ne donne pas suite : il faut attendre 1995 pour que le film soit diffusé par « Women Make Movies » à New York.
Publication du recueil de nouvelles Femmes d’Alger dans leur appartement aux Editions des femmes.
1981 – Epouse le poète Malek Alloula.
1984 Assia refuse un poste à l’UNESCO. Retirée à l’Hay-les-Roses, elle se consacre à l’écriture.
Elle travaille à un nouveau film de montage à partir des Archives à Paris : La Zerda ou les chants de l’oubli, avec le musicien Hamed Essyad. Le film est financé par la Télévision algérienne. En février 1983, il obtient au Festival de Berlin le Prix du Meilleur Film historique.
1985 Publication de L’amour, la fantasia, premier livre du « Quatuor algérien ». Critique enthousiaste. Prix de l’Amitié franco-arabe. Détachée au Centre Culturel Algérien à Paris jusqu’en 1994, elle y organise entre autre un colloque sur l’œuvre de Mohammed Dib.
Elle est nommée par Pierre Bérégovoy au Conseil d’Administration du Fonds d’Action Sociale (Emigration en France) ; elle y restera six ans.
1987 Publication d’Ombre sultane, deuxième volume du quatuor. Prix Liberatur à Francfort-sur-le-Main (meilleur roman de femme). Assia commence à faire de régulières tournées de lectures. A l’Institut culturel Français de Heidelberg, elle est reçue par Mireille Calle-Gruber.
1991 Publication de Loin de Médine.
Nommée Membre du jury de l’International Literary Neustadt Prize aux Etats-Unis, qui est composé de dix écrivains, Assia y défend Mohammed Dib.
à partir de Série de conférences dans les Universités d’Amérique du Nord. Lors du
1992 Colloque de Queen’s University (Canada) organisé par Mireille Calle-Gruber, elle rencontre Gayatri Spivak.
1993 Carrefour des littératures à Strasbourg.
1993 – Les assassinats en Algérie frappent ses proches : Tahar Djaout est tué le 3 juin
1994 1993 ; Mahfoud Boucebci le 15 juin ; M’Hamed Boukhobza le 27 juin. Abdelkader Alloula, son beau-frère, est assassiné le 11 mars 1993 et meurt à Paris le 15.
1994 Passe trois mois à Strasbourg avec une bourse d’écrivain. Commence Les Nuits de Strasbourg, qui sera interrompu. Participe à la fondation du Parlement international des écrivains Christian Salmon.
1995 Publication de Vaste est la prison, écrit à Paris en 1994. A Berkeley, où elle est Professeur invité, Le Blanc de l’Algérie, hantée par les assassinés d’Algérie.
Reçoit le prix Maurice-Maeterlinck à Bruxelles, Doctorat honoris causa à l’Université de Vienne.
Mort du père en octobre. Elle va à Alger.
Puis, à son retour, elle accepte la direction du Centre Francophone de l’Université
de Louisiane, à Baton Rouge.
1996 Parution du Blanc de l’Algérie.
1997 Parution de Oran, langue morte. Prix Marguerite Yourcenar (Boston, octobre 1997) Sortie des Nuits de Strasbourg.
Prix du Meilleur essai en Allemagne et Prix International de Palmi en Italie (1998).
Vaste est la prison, traduit aux Etats-Unis et publié par Seven Stories, reçoit de
nombreuses et excellentes critiques.
1999 Elue à l’Académie Royale de Belgique sur le fauteuil de Julien Green.
2000 Monte au Teatro di Roma (juin-octobre) l’opéra écrit l’année précédente :
Figlie d’Ismaele nel Vento e nella Tempesta. Repris à Palerme et à Trieste en octobre.
Reçoit le Prix de la Paix à Francfort-sur-le-Main.
2001 Quitte la Louisiane pour New York University.
2002 Doctorat honoris causa de l’Université de Concordia (Montréal).
Nommée Silver Chair Professor à New York University.
Parution de La Femme sans sépulture.
2003 Un colloque international « Assia Djebar, nomade entre les murs… », organisé à la Maison des Ecrivains par Mireille Calle-Gruber, réunit autour d’Assia, outre
de nombreux critiques universitaires et ses traducteurs, les écrivains Andrée Chédid,
François Bon, Pierre Michon, Albert Memmi, Abdelkebir Khatibi, Jacqueline Risset.
Publie La Disparition de la langue française.
2004 En Italie (Pordenone), le prix littéraire Dedica est consacré tout le mois à l’œuvre d’Assia Djebar.
2005 Reçoit le doctorat honoris causa de l’Université d’Osnabrück, ville-symbole de l’historique Traité de Westphalie et de la concorde entre les peuples et les religions.
16 juin 2005 Assia Djebar est élue à l’Académie Française.
Reçoit le prix Pablo Neruda à Naples, Italie en décembre 2005.
2006 Reçoit le prix Grinzane Cavour à Turin, Italie en janvier 2006.
Réception à l’Académie Française aura lieu le 22 juin 2006.
« 1936 Cherchell, à une centaine de kilomètres à l’ouest d’Alger, l’ancienne capitale de la Maurétanie césarienne et de Juba II dans l’Algérie antique : c’est là que naît le 30 juin 1936 Fatma-Zohra Imalhayène dans une famille de petite bourgeoisie traditionnelle.
Le père fait des études à l’Ecole normale musulmane d’instituteurs de Bouzaréah, où il est condisciple du futur romancier algérien Mouloud Feraoun (1913-1962). Du côté maternel, dans la tribu des Béni Menacer, on trouve un aïeul, Mohammed Ben Aïssa El Berkani, qui était lieutenant (khalifa) de l’Emir Abdelkader à Médéa. L’arrière-grand-père, Malek Sahraoui el Berkani, neveu du khalifa et caïd des Beni Menacer, prend la tête en juillet 1871 d’une rébellion, parallèlement à la révolte dans les Kabylies. Il est tué au combat le 2 août 1871. Fatma-Zohra fréquente l’école coranique et l’école primaire française à Mouzaïaville (Mouzaïa actuellement) dans la Mitidja, où le père était instituteur. »
Jean Déjeux, Assia Djebar, écrivain algérien cinéaste arabe
Mon Enfance
Mon enfance, dans l’Algérie coloniale, s’est passée dans deux lieux. Mon père était instituteur. L’année scolaire se déroulait dans un petit village de colonisation, dans la plaine de la Mitidja, non loin d’Alger. Mon père était le seul instituteur algérien musulman, au milieu de collègues français, la plupart débarqués récemment de la France métropolitaine. Quand arrivaient les vacances scolaires, nous retournions à la ville d’où est originaire toute ma famille maternelle et paternelle ; c’est une des plus vieilles villes d’Algérie, qui s’appelle Cherchell, qui s’appelait, dans l’antiquité, Césarée, près de Tipasa, elle fut la capitale de la Maurétanie Cesarienne pendant cinq siècles.
Dans cette cité, repeuplée au seizième siècle par des familles de réfugiés andalous, toutes mes attaches et les traditions des miens se trouvent là. Alors que, dans le petit village de colonisation, nous étions isolés : la population autochtone étant presque entièrement composée d’ouvriers dépossédés, salariés dépendant de colons français très riches.
Lectures de jeunesse
J’ai quitté cette vie familiale à dix ans pour aller au collège de Blida. Mon père était passionné d’histoire, pendant les longues siestes d’été, je lisais ses collections sur La Révolution française avec les portraits de tous les grands révolutionnaires de 89…
Sur le plan littéraire, mon père aimait Anatole France, et naturellement les classiques du XIX… Moi, ce qui m’a d’abord marquée, vers l’âge de 13 ans, à la pension où j’étais à Blida (j’avais une amie mi-italienne, mi-française et nous lisions énormément), ce fut un livre : La Correspondance d’Alain Fournier et de Jacques Rivière. Deux jeunes étudiants, à 18 ans, au début de ce siècle, découvraient Gide, Claudel, puis Giraudoux… Grâce à ce livre, j’ai commencé, plus jeune que les autres, à lire, à lire vraiment, à faire la différence entre les livres de littérature qui vous forment et, disons, les livres pour enfants, livres d’aventures et de simple évasion…
Le plaisir de lire
A propos de livres d’enfant, je me souviens qu’à sept ans, je crois, en rapportant de l’école un livre d’Hector Malot, je pleurais à gros sanglots dans ma chambre et ma mère accourait affolée: or c’était le plaisir de pleurer à la lecture d’un livre sentimental! Ce fut mon premier souvenir de lecture…
Mais ce qui a dû déterminer ma conscience vive et admirative de ce qu’est vraiment la littérature, ce fut le fait que 3 ans ou 4 ans à l’avance, je lisais des livres un peu complexes et dont la densité (ou la difficulté à les comprendre vraiment) me fascinait…
Peut-être que mon désir d’écrire est né à ce moment là !...
J’ai eu d’ailleurs, un été de cette pré-adolescence, (à 13 ans, je crois) le projet d’écrire un roman pour pouvoir, l’ayant terminé et pensant l’envoyer en cachette à quelque éditeur, en faire simplement la surprise à mon père ! Projet puéril dont j’ai oublié le contenu, sauf que je ne pus terminer cette ébauche…
vendredi 13 juin 2008
http://assiadjebar.canalblog.com/archives/2008/06/13/9559174.html
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