Jean-Claude Perez (photo ci-dessus) mérite mieux que les quelques lignes qui lui sont consacrées dans l’article ci-dessus.
Dès 1955, Pérez est un contre terroriste, terme que les historiens n’apprécient pas mais que le docteur décrit lui-même[1]: […] on ne devient pas contre-terroriste du jour au lendemain ; on ne prend pas un flingue pour aller dans la rue après ses visites à la poursuite…d’un agent qui soutient le FLN…ou d’un porteur d’armes…ou d’un agent de renseignement comme on va organiser un camp scout […]. Les noms des personnes que l’ORAF va assassiner « clandestinement » sont fournis par la police locale et les services spéciaux.
En 1956, Pérez est membre de l’ORAF-organisation de résistance pour l’Algérie française- dont François Mitterrand, déposant le 18 mai 1962 au procès Salan, définira ainsi : « L’ORAF disons que c’était la première mouture de l’OAS. C’était un organisme de combat, le plus brut, le plus simple et, je n’hésite pas à le dire, le plus criminel à mes yeux ». Des membres de l’ORAF seront accusés d’avoir jeté une grenade défensive le 26 septembre 1956 contre la porte du domicile du délégué à l’Assemblée algérienne Boudjema Benjamin Ould Aoudia, ne provoquant que des dégâts matériels.
Arrêté le 6 février 1956 avec un comparse pour reconstitution d’un groupement non reconnu, il passe deux mois à la prison de Barberousse dans des conditions singulières décrites par Henri Alleg lorsque ce dernier s’y trouve emprisonné[2]: […] Des policiers d’Alger, ils avaient la morgue et la désinvolture fanfaronne…C’étaient des locataires de luxe, deux ultras de la bande des bazookistes de Kovacs…ces messieurs confortablement installés dans un quartier du centre de la prison, jouissent d’un régime spécial. Rasés tous les jours, frais et roses, ils ne garderont pas de Barberousse les souvenirs amers qu’en auront les patriotes algériens […].
Le chef d’œuvre dans la vie de ce terroriste restera l’épisode sanglant des Barricades le 24 janvier 1960 qu’il décrit longuement à TF1: […] Je vais sur les lieux, ça avait l’air mou ; alors je dis bon, je vais chercher ceux de Bab el Oued et là je trouve un bataillon d’Unités Territoriales en tenue et casque lourd […] Moi j’avais par exemple un 7,65 armé et un Herstal 9 mm de 14 coups, 13 dans le chargeur et la quatorzième dans le canon. Tout ça c’était sur moi. […]. La suite est hélas bien connue : 14 morts et 125 blessés par balles dans les rangs des gendarmes mobiles, certains mourront de leurs blessures mais le nombre ne sera jamais révélé. L’attirail que Pérez portait sur lui n’a probablement pas servi ?
Assigné à résidence au camp de Téfeschoun, Pérez en sort le 22 avril 1961 sur l’intervention du colonel Godard à l’occasion du putsch, pour entrer dans l’OAS après l’échec du coup de force. Le petit docteur de Bab el Oued connait une belle promotion : lui qui obéissait à la police locale anti républicaine et aux services spéciaux corrompus devient le chef de l’Organisation Renseignement Opération, aux côtés des dignitaires du terrorisme.
Toutefois il n’est guère apprécié par Salan, le chef suprême de l’OAS, et il ne fait pas l’unanimité dans son entourage « […] le mépris dont l’accablait ses collègues ou la discrétion qu’ils manifestaient à son égard m’étonna [3][…]». Anne Loesch dans son livre La valise et le cercueil écrit : […] Le gros Pérez, timoré, hésitant, éclatant d’orgueil, violent en paroles. Sa grossièreté dessert sa qualité de médecin : « Salut la compagnie ! Après l’orage tout va bien. Moral de fer et couilles d’airain ».
Benjamin Stora cite les propos de Jean-Claude Pérez à TF1[4] : « Nous avons fait quelques opérations, effectivement. 5000 morts, 6000 morts peut-être. C’est horrible, mais tout est horrible dans une guerre ».
Comme beaucoup de ces grands patriotes dont le courage commençait à la vue d’un passant arabe pour vite finir en apercevant un gendarme, Pérez fuit en Espagne pour échapper à la justice et attendra qu’une des nombreuses lois d’amnistie concerne les fuyards pour revenir en France. Invité par un Cercle algérianiste, Pérez confirmera que l’ORAF avait recruté le nommé Bud Abott, qui appartenait à la pègre algéroise, pour assassiner maître Boudjema Benjamin Oud Aoudia dans son étude rue de Tanger. Le tueur à gages avait finalement renoncé.
Les toujours partisans de la colonisation et de l’OAS ont la douleur d’avoir perdu l’un de ceux que Germaine Tillion avait appelés « …Les singes sanglants qui font la loi à Alger [5]»
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1 OAS contre de Gaulle, TF1, documentaire de Pierre Abramovici. 2 janvier 1991.
2 Henri Alleg, Prisonniers de guerre, p. 104.
3 Paul Hennissart, Les combattants du crépuscule, Grasset, 1970
4 Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli, La Découverte, 2022, p.91
5 Le Monde, 18 mars 1962, p. 1
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Pour de plus amples informations voir Jean-Philippe Ould Aoudia, L’assassinat de Château royal. Alger 15 mars 1962, éd. Tirésias, 1992, pp 135-143.
Jean-Philippe Ould Aoudia
Fils de victime de l’OAS
http://www.micheldandelot1.com/#_ftn4
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