Centré sur la quête de liberté d’une adolescente iranienne de 16 ans, qui retire son voile en atterrissant en Europe, le court-métrage La Valise rouge promet de retenir l’attention à la cérémonie des Oscars ce dimanche 12 mars à Hollywood.
Le film, réalisé et produit par le Luxembourgeois Cyrus Neshvad, dont les parents ont fui la révolution islamique en Iran en 1979 lorsqu’il était enfant, compte parmi les cinq nommés dans la catégorie du meilleur court-métrage.
U
n destin jugé « fou », que Neshvad et son équipe n’avaient évidemment pas anticipé quand ce film de dix-sept minutes, aux dialogues minimalistes, a été tourné début 2021 dans le décor aseptisé de l’aéroport de Luxembourg.
Moins de deux ans plus tard, il se retrouve sous les projecteurs au moment où le monde entier s’émeut du soulèvement en Iran déclenché par la mort de Mahsa Amini, à laquelle il était reproché de mal porter son voile. La vague de protestations est très durement réprimée par le régime théocratique.
« Pour moi, le film parle d’une femme, c’est-à-dire des femmes en Iran qui sont sous la domination de l’homme », déclare dans un entretien à l’AFP le cinéaste âgé d’une quarantaine d’années.
Un moment de « courage »
En Iran, « si une femme veut faire quelque chose, ou aller visiter quelque chose, l’homme [son père ou son mari] doit donner son accord et rédiger le papier et le signer », explique-t-il.
Dans La Valise rouge, une adolescente débarquant seule de Téhéran retire son voile pour échapper au quinquagénaire qui l’attend à l’aéroport en costume-cravate, avec le bouquet de fleurs du mariage.
Ce geste est un moment de « courage », commente Cyrus Neshvad, une manière de dire au public « ‘’suivez-moi’’, et comme moi ‘’enlevez votre hijab, n’acceptez pas cette domination, et soyons libres’’ »
Pour Nawelle Evad, l’actrice française – née de mère algérienne – qui joue l’adolescente iranienne, ce rôle a eu un écho particulier.
« Je suis partie de chez moi vers 19 ans et me suis aussi retrouvée seule dans une ville que je ne connaissais pas du tout, à Paris », raconte-t-elle à l’AFP. « C’est la même chose dans cet aéroport, qui figure vraiment l’entre-deux entre le passé et le futur ».
À propos du voile, la comédienne de 22 ans d’éducation musulmane explique avoir « eu l’habitude de le porter ».
« Pour moi cela n’a jamais été une obligation, l’objet est devenu limite plus culturel que religieux », poursuit-elle. Et dans le court-métrage son personnage « enlève son voile malgré elle, ce n’est pas sa volonté », juge l’actrice.
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté », enchaîne Nawelle Evad. « Que dois-je choisir pour moi-même ? Est-ce que j’écoute ma famille ? Est-ce que je fais mes propres choix ? ».
« C’est ce que je trouve si beau dans ce film... Les doutes auxquels tout le monde, dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle culture, est confronté »
- Nawelle Evad, actrice principale du court-métrage
L’annonce de la sélection de La valise rouge pour les Oscars a enchanté Cyrus Neshvad, qui y voit l’occasion de sensibiliser encore davantage la planète à « la cause des femmes iraniennes ».
« C’est un sentiment fou de faire de l’art pour le réel. Je n’ai jamais eu autant le sentiment d’être dans le réel avec le cinéma », lâche de son côté Nawelle Evad.
Selon les Nations unies, qu’il s’agisse de célébrités, journalistes, avocats ou simples citoyens, au moins 14 000 personnes ont été arrêtées en Iran depuis le déclenchement en septembre 2022 de cette vague de protestations pour défendre la liberté des femmes.
Par Marc Burleigh au Luxembourg avec Éric Randolph à Paris.
Published date: Dimanche 12 mars 2023 - 09:39
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