Amira Bouraoui à sa libération de prison, près de Tipasa, à l'ouest d'Alger, le 2 juillet 2020. RYAD KRAMDI / AFP
La militante franco-algérienne avait été interpellée par Tunis à l'aéroport alors qu'elle souhaitait embarquer pour la France.
La militante politique et journaliste franco-algérienne Amira Bouraoui, arrêtée en Tunisie et en passe d'être expulsée vers l'Algérie, se trouve désormais «sous la protection des autorités françaises», a déclaré son avocat français François Zimeray à l'AFP. Elle est «libre et en bonne santé», s'est de son côté réjoui son avocat tunisien, Hashem Badra, également interrogé par l'AFP.
Me Zimeray s'est aussi «félicité de la mobilisation des autorités françaises» pour sa cliente, qui faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire et risquait de devoir purger une peine de deux ans de prison en Algérie.
Interpellation à l'aéroport
Arrivée en Tunisie vendredi 3 février, elle avait été «interpellée alors qu'elle cherchait à embarquer avec son passeport français sur un vol pour la France», avait indiqué quelques heures plus tôt Me Badra. Cette médecin de formation de 46 ans avait ensuite été placée en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant une juge ce lundi, qui avait décidé sa remise en liberté, en ajournant son dossier au 23 février, avait-il précisé.
Malgré cela, elle avait toutefois été emmenée à un poste de la police des frontières à Tunis en vue d'«être expulsée vers Alger» lundi soir, avait regretté l'avocat tunisien, racontant l'avoir vue «pleurer» «dans une cage en verre». Contacté par l'AFP, le ministère tunisien de l'Intérieur n'était pas en mesure de confirmer ni d'infirmer ces informations.
Plainte pour enlèvement-séquestration
«Ma cliente a fait l'objet d'une tentative d'enlèvement et de séquestration de la part de certaines autorités dépositaires de la force publique en Tunisie, à la demande des autorités algériennes», avait précédemment dénoncé François Zimeray, ancien ambassadeur de France au Danemark. «J'ai fait savoir cet après-midi que je n'hésiterais pas à déposer une plainte au parquet de Paris pour enlèvement-séquestration si elle n'était pas immédiatement libérée sachant que, en droit français, la détention arbitraire commise par un agent dépositaire de la force publique est un crime. Et que lorsque ce crime est commis à l'étranger sur un citoyen français, les tribunaux français sont compétents», avait-il menacé.
Selon une responsable du bureau de l'ONG Human Rights Watch à Tunis qui a été saisi de l'affaire, il ne fallait «en aucun cas» renvoyer Amira Bouraoui «vers un pays où elle a été emprisonnée et fait l'objet d'une série de poursuites pour son militantisme pacifique et ses opinions». Le site du média algérien Radio M où elle animait depuis septembre une émission politique, avait également fait état de l'arrestation d'Amira Bouraoui par la police des frontières en Tunisie, et de son «extradition» prévue lundi 6 février au soir vers l'Algérie.
«Connue depuis son engagement dans le mouvement 'Barakat' en 2014 qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika, elle a tenté plusieurs fois de quitter le territoire national ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, mais en vain», selon le site. Amira Bouraoui avait été emprisonnée courant 2020 pour plusieurs chefs d'inculpation. Elle a été libérée en juillet 2020. Elle est sous le coup d'une condamnation à deux ans de prison ferme pour «offense» à l'islam pour des propos tenus sur sa page Facebook.
Les violents tremblements de terre de lundi ont causé la mort de plus de 5 000 personnes, des dizaines de milliers de blessés et des destructions immenses dans le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie.
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De part et d’autre de la frontière qui sépare la Turquie et la Syrie sur plusieurs centaines de kilomètres, partout ce sont les mêmes scènes d’effroi, de peur, d’inquiétude sourde et de colère. Vingt heures après le séisme de magnitude 7,8 survenu lundi 6 février, à 4 h 17 du matin, dans le district de Pazarcik, situé à une soixantaine de kilomètres de la frontière syrienne, près la grande ville de Gaziantep, des dizaines de milliers de personnes continuaient d’errer sur le bord des routes, ou de ce qu’il en reste, à la recherche d’abris ou d’aide.
Le bilan provisoire est passé mardi à 3 419 morts en Turquie, selon l’organisme gouvernemental de gestion des catastrophes (Afad). Il s’agit du séisme le plus meurtrier depuis 1999, quand une violente secousse avait dévasté la partie orientale de la mer de Marmara, près d’Istanbul, tuant plus de 17 000 personnes.
La secousse a été ressentie dans toute la région, causant d’immenses destructions dans dix provinces du sud-est – Kahramanmaras, Adiyaman, Diyarbakir, Sanliurfa, Gaziantep, Kilis, Osmaniye, Malatya, Adana et Hatay. Des répliques ont suivi, une quarantaine au total, dont une particulièrement forte (7,5), survenue en début d’après midi, à 13 h 24, heure locale. Des milliers d’immeubles supplémentaires, qui avaient semblé résister à la première onde de choc, se sont effondrés.
Tard dans la soirée, les secours n’étaient toujours pas arrivés à Kahramanmaras, considérée comme l’épicentre du premier séisme, où des centaines de maisons ont été détruites. Près de dix-huit heures après le séisme, ni les équipes de recherches et de sauvetage ni l’approvisionnement en nourriture n’avaient atteint la zone.
Maisons aplaties
Ailleurs, les mêmes scènes se répètent. L’ampleur et l’étendue des dégâts sont saisissantes. Des kilomètres de routes sans lumière, des milliers de maisons aplaties ou simplement renversées. L’asphalte déchiré ici et là, telle une vulgaire feuille de papier. Partout, des coulées de boue, de pierres ou de terre sur la chaussée et les habitations. Les poteaux électriques sont couchés sur les bas-côtés comme de simples crayons posés sur le coin d’une table. Certains sont pliés en deux ou pulvérisés.
C’est à Hatay que le séisme a frappé le plus durement, avec 502 morts, selon le décompte – provisoire – de lundi soir. A Diyarbakir, 309 décès ont été dénombrés, et 205 à Osmaniye.
Au bord de la route, à l’entrée de la ville, une maison comme tant d’autres semble coulée dans le sol tel un bateau dans l’océan. Ils sont une dizaine à tourner autour, appeler, crier, en vain. Sous les décombres se trouve Remzi Saldiray, 63 ans. Père de famille, il a réussi à sortir tout le monde de la demeure. Sa mère, les enfants, les cousins, sauf lui. Il ne répond plus depuis quelques heures. Son frère fixe les débris, les mains au ciel. Il appelle Dieu à l’aide, et pleure. « Personne n’est venu depuis ce matin, personne… », répète-t-il.
Et puis, le long de la route, il y a ces villages fantômes, vidés de leurs habitants par peur des répliques. Ils sont tout près, dans leur voiture, à quelques mètres seulement, pour garder un œil sur leurs affaires. Parfois un peu plus loin aussi, autour d’un éventuel spot de téléphone où la réception fonctionne par moments.
Partout sur le bas-côté s’agglutinent des grappes de voitures aux vitres fermées et embuées de l’intérieur. « Impossible de revenir dormir chez nous », dit Ali, installé avec sa femme à l’avant de leur véhicule. Son frère est concessionnaire. Il a donné toutes les clés aux gens du quartier pour qu’ils dorment dans ses véhicules.
Un îlot de vie
Au bout de la route, à Samandag, lointaine banlieue balnéaire d’Antakya (Antioche) – ses 122 000 habitants – comme l’indique un panneau de bienvenue – et ses plages, le séisme a réduit au silence l’intégralité de la ville. Deux maisons sur trois au moins sont gravement endommagées. Les voitures sont écrasées, les magasins soufflés. Il n’y a personne dans ce qu’il reste des rues. Les files de voitures sont plus loin, en hauteur. « On nous a parlé d’un risque de tsunami et d’une troisième réplique violente pour dans quelques heures », explique Ali, trentenaire, assis dans son véhicule.
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La station Shell du centre-ville est le seul endroit où les rescapés se retrouvent. Un générateur permet d’éclairer et de remplir les réservoirs d’essence : un îlot de vie dans une mer de désolation. Tout autour, les maisons sont effondrées. C’est un champ de ruines sur des centaines de mètres, comme si la cité avait été bombardée de l’intérieur, par le sol. Ici une famille de dix personnes, partie d’un trait. Là, la sœur d’Hasan, vieil homme en pleurs, « On a dû essayer de sortir nous-mêmes les gens à la main, mais c’est impossible », lâche-t-il.
A l’intérieur de la station, on vide les quelques rares étagères encore fournies. On se réchauffe comme on peut sous une couverture partagée. « On n’a rien à manger, ni à boire », dit un jeune, la voix basse. Les regards sont tristes et graves. « On a appelé au début et puis rien. On a emmené un bébé à l’hôpital qui est à 5 kilomètres d’ici et c’est tout. Oui, bien sûr qu’on attend qu’ils viennent ! », lâche Yelda, 32 ans, native de la ville.
Elle tend le doigt vers la droite : « Il y a un couple juste derrière, le mari est mort et la femme toujours vivante, mais sous les graviers aux côtés du corps de son mari. » Elle dit attendre, avec les autres présents dans la station d’essence, mais elle a perdu espoir. « On entend les gens crier, mais on ne peut rien faire. En fait, on attend qu’ils meurent », conclut-elle.
Près de vingt-deux heures après le séisme, aucun secours n’était encore arrivé à Samandag. Les seuls, selon l’affirmation d’un médecin de l’hôpital du cru, sont les ambulances des urgences et dix pompiers de la caserne. Personne d’autre.
Comme une malédiction
En Syrie, ce sont les mêmes scènes de désolation. Plus de 1 600 morts sont à déplorer, dont environ la moitié dans la région d’Idlib, dans le nord-ouest, selon le bilan fourni par les secouristes du bastion anti-Assad, et l’autre dans les villes d’Alep, ainsi que de Hama (centre), Tartous et Lattaquié (sur la côte), selon les chiffres du ministère de la santé syrien. La lenteur des opérations et le caractère parcellaire des informations font redouter un bilan plus lourd encore.
Quand l’horreur s’arrêtera-t-elle ? Dans ce pays dévasté par la guerre, le séisme apparaît comme une malédiction, un coup de plus sur une population exsangue, devenue en majorité dépendante de l’aide humanitaire pour survivre. Dans le froid et la pluie, des scènes jumelles de chaos et de douleur se sont déroulées sur des territoires adverses. Dans la région rebelle d’Idlib, dans la ville sous contrôle gouvernemental d’Alep, l’urgence est la même, retrouver les survivants, identifier et offrir une sépulture aux morts.
Les moyens des secouristes sont limités pour retirer les vivants et les morts des décombres. Dans la zone contrôlée par le régime, des bulldozers sont utilisés. Des pans entiers d’immeubles se sont effondrés en zones urbaines, et des familles entières sont parfois portées disparues.
Dans l’enclave d’Idlib, la situation est un « désastre », rapportaient lundi les secouristes locaux de la défense civile, les casques blancs, confrontés à l’une de leurs missions les plus difficiles. Dès le matin, des hôpitaux ont été débordés. Le séisme a suscité des scènes de panique, les habitants sortant à la hâte de leur immeuble.
L’immeuble où vivait Oussama Abdelhamid, un habitant du village syrien d’Azmarin, frontalier de la Turquie, s’est effondré à la seconde où celui-ci franchissait la porte de l’appartement avec sa femme et ses enfants, tel qu’il l’a rapporté de son lit d’hôpital à l’agence Associated Press. Tous les voisins de leur immeuble sont morts.
Dans cette région, restée la cible régulière ces derniers mois des bombardements des forces pro-régime, et où vivent quatre millions de déplacés originaires d’autres provinces, des camps entiers ont été balayés, plongeant des familles entières dans le dénuement.
Transporter les cadavres
En zone gouvernementale, le Croissant-Rouge syrien a été chargé d’extraire les survivants et de transporter les cadavres. A Alep, la peur restait dévorante lundi. Des immeubles se sont écroulés comme des châteaux de cartes. « On l’a échappé belle. Notre maison est encore debout », se félicite, groggy, Jamal, un jeune homme dont l’adolescence a été rythmée par la guerre dans la seconde ville de Syrie, coupée par les combats entre armée et rebelles de 2012 à 2016.
« Mais on sent que tout est dangereux autour de nous, on s’inquiète pour la suite : va-t-il y avoir de nouvelles secousses ? dit-il. Les gens sont restés dehors dans les rues ce lundi, de peur que leur maison ne s’effondre. » L’ambiance y était pourtant glaciale, avec une pluie sans fin.
Des habitants sont restés dans les grands jardins publics d’Alep. Des abris improvisés ont ouvert : plus de mille personnes – des sinistrés ayant perdu leur domicile – ont passé la nuit de lundi à mardi dans des églises de la ville.
« On a pu servir un repas, mais on n’a pas pu distribuer de couvertures. Il est impossible d’en trouver à Alep au milieu des destructions », explique Safir Salim, directeur local du Hope center (centre Espoir), une association locale chrétienne. Il attend des envois en provenance du Liban dès ce mardi. « Tout le monde a peur », ajoute-t-il, avant que la ligne ne coupe : les liaisons sont difficiles, les connexions mauvaises.
Le séisme a emporté, entre autres, des habitations vétustes, construites sans fondations solides et dépourvues de normes de construction antisismiques, ou déjà partiellement détruites par les bombardements. L’habitat n’a pas été réhabilité, sans parler même de reconstruction. La catastrophe se produit dans un pays où les services se sont effondrés : à Idlib, des centres de santé ont été frappés par l’aviation russe ou syrienne à répétition au cours de la dernière décennie. En zone gouvernementale, des médecins ont fait leurs valises depuis longtemps et l’équipement des hôpitaux s’est largement dégradé.
Un quotidien déjà très dur
Le tremblement de terre se greffe sur un quotidien très dur pour les Syriens. Dans la zone sous contrôle du régime, où vit la majorité de la population, l’économie est étranglée, sous le coup de la débâcle libanaise voisine, des sanctions américaines (Washington interdit toute transaction d’un tiers avec le régime), de la corruption… Les approvisionnements en pétrole par Téhéran, pilier, avec Moscou, du régime, ont chuté.
Faute de moyens de chauffage, les Syriens brûlent de nouveau cet hiver tout ce qui leur passe sous la main – plastique, tissus, coques de pistache… – pour résister au froid. « Avant le séisme, la Syrie traversait la pire crise humanitaire que le pays ait connue depuis le début du conflit », explique Bahia Zrikem, chargée des programmes Syrie du Norwegian Refugee Council (NRC), une ONG présente dans les zones rebelles et gouvernementales. Avec la difficulté de la population à se nourrir ou à accéder à des services de base, « nous constations l’augmentation de pratiques de survie, comme le travail des enfants », ajoute-t-elle.
La réponse humanitaire internationale va se faire, par des partenaires locaux, sur un territoire fractionné entre diverses forces politiques (le groupe islamiste radical Hayat Tahrir Al-Sham dans la province d’Idlib, les rebelles pro-Turcs autour d’Alep, le régime en zone loyaliste…). « On est encore pour l’instant au stade de la recherche des disparus, prévient Louise Bichet, responsable Moyen-Orient chez Médecins du Monde France, antenne active en zone rebelle et gouvernementale. Il va falloir compter les structures de santé encore debout et sécurisées pour les patients et le personnel, comprendre par quelle voie le matériel nécessaire va pouvoir être acheminé… »
La diaspora syrienne, qui a laissé éclater son émotion face à l’ampleur du drame, a lancé dès lundi des levées de fonds et des collectes sur les réseaux sociaux. Des secouristes libanais de la Croix-Rouge sont partis prêter main-forte dans la Syrie voisine.
Malgré son angoisse d’une réplique, Jamal, le jeune homme d’Alep qui vient tout juste d’être père, n’envisageait pas d’évacuer temporairement la ville avec sa femme et son enfant. « Nous n’avons pas de moyen de transport. Et où irions-nous ? Nous n’avons nulle part où aller. »
Par Nicolas Bourcier (Adana, Hatay, Samandag (Turquie), envoyé spécial), Marie Jégo and Laure Stephan (Beyrouth, correspondance)
Publié aujourd’hui à 10h35, mis à jour à 12h17https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/07/seisme-en-turquie-et-en-syrie-on-entend-les-gens-crier-mais-on-ne-peut-rien-faire_6160837_3210.html.
Les bilans des victimes n’ont cessé de s’alourdir et devraient augmenter au fur et à mesure des recherches. L’Organisation mondiale de la santé a dit redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux »
L’aide internationale doit arriver ce mardi 7 février en Turquie et dans le nord de la Syrie où la course contre la montre et le froid se poursuit pour extirper des survivants des violents séismes qui ont ravagé la région la veille.
Selon le dernier bilan officiel, qui risque de s’alourdir, près de vingt heures après la première des trois secousses, d’une magnitude de 7,8 ressentie jusqu’au Liban, à Chypre et dans le nord de l’Irak, plus de 5 000 personnes ont trouvé la mort.
Les secours se sont acharnés dans le froid, sous la pluie battante ou la neige, parfois à mains nues, pour sauver chaque vie qui pouvait l’être, comme cette enfant de 7 ans sortie des ruines à Hatay (sud), à la frontière syrienne, sous les yeux de l’AFP, après plus de vingt heures de terreur, le pyjama maculé de poussière. « Où est ma maman ? », a-t-elle demandé au secouriste qui la tenait dans les bras.
Le mauvais temps qui plane sur l’Anatolie complique la tâche des secours et rend le sort des rescapés plus amer encore, grelottant sous des tentes ou autour de braseros improvisés.
Traduction : « Un enfant sauvé des décombres et une famille coincée au troisième étage de leur maison après l’effondrement de certaines parties, à Afrin, dans le nord de la campagne d’Alep, après minuit la nuit dernière. »
L’aide internationale à la Turquie doit commencer à arriver mardi avec les premières équipes de secouristes, de France et du Qatar notamment.
Le président américain Joe Biden a promis à son homologue Recep Tayyip Erdoğan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ».
Traduction : « La réponse de la protection civile européenne à la Turquie : 17 pays européens ensemble avec la Turquie et la Syrie ont offert 25 équipes de recherches et de sauvetages et 2 équipes médicales d’urgence. 1 155 sauveteurs et 72 chiens de recherche se dirigent vers la Turquie. Les premières équipes sont arrivées hier. »
Les Français envisageaient de se rendre en particulier à Kahramanmaraş, épicentre du premier séisme, région difficile d’accès et profondément meurtrie ensevelie sous la neige.
Deux détachements américains de 79 secouristes chacun se préparaient lundi à se rendre sur place, selon la Maison-Blanche.
La Chine a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence, selon un média d’État à Beijing.
Selon le président turc, 45 pays ont proposé leur aide.
Évasion de prisonniers de l’EI
En revanche en Syrie, l’appel lancé par les autorités de Damas a été surtout entendu par son allié russe, promettant des équipes de secours « dans les prochaines heures », alors que selon l’armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider les secours.
L’ONU a également réagi, mais en insistant que l’aide fournie irait « à tous les Syriens sur tout le territoire », dont une partie n’est pas sous le contrôle du gouvernement.
EN IMAGES : La course contre la montre des sauveteurs en Syrie et en Turquie
Dans ces zones tenues par les rebelles, frontalières de la Turquie au nord-ouest de la Syrie, au moins 700 morts ont été dénombrés.
Profitant du chaos créé par le tremblement de terre, une vingtaine de combattants présumés du groupe État islamique (EI) se sont évadés d’une prison militaire à Rajo, contrôlée par des rebelles pro-turcs.
Les bilans de part et d’autre de la frontière n’ont cessé de s’alourdir et compte tenu de l’amplitude des dégâts, ils devraient augmenter au fur et à mesure des recherches.
Rien qu’en Turquie, les autorités ont dénombré près de 5 000 immeubles effondrés. Et la chute radicale des températures fait courir un risque supplémentaire d’hypothermie aux blessés, coincés dans les ruines.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dit elle-même s’attendre au pire et redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux ».
Dans la journée de lundi, pas moins de 185 répliques ont été enregistrées, consécutives aux deux premières secousses : l’une de 7,8 survenue en pleine nuit (4 h 17 locales), l’autre, de magnitude 7,5, à la mi-journée, les deux dans le sud-est de la Turquie.
Plusieurs répliques ont été enregistrées dans la nuit, mardi avant l’aube. La plus forte, de magnitude 5,5, a été enregistrée à 6 h 13 locales à 9 km au sud-est de Gölbaşi (sud).
Des dortoirs ont été ouverts par les autorités locales dans les gymnases ou les collèges ou même dans les mosquées afin d’héberger les rescapés. Mais par crainte de nouveaux séismes, nombre d’habitants ont préféré passer la nuit dehors, comme à Şanlıurfa, dans le sud-est turc.
« Qui n’a pas peur ? Tout le monde a peur ! », assurait Mustafa Koyuncu, 55 ans, entassé avec sa femme et ses cinq enfants dans la voiture familiale.
Ce séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17 000 personnes, dont un millier à Istanbul.
Le chef de l’État turc a décrété un deuil national de sept jours et la fermeture des écoles pour la semaine.
C'était la guerre d'Algérie S1 E2 : L'insurrection (1954-1955)
Dans cet après-guerre, malgré Sétif et sa répression, rien n'a changé en Algérie. Même si certains musulmans, comme Ferhat Abbas, croient toujours en la France et ses promesses d'égalité et de liberté. En 1947, un statut de l'Algérie plutôt "libéral" est voté par l'Assemblée algérienne. Il soulève bien des espoirs. Mais pour le parti des "grands colons", il y a le feu. Il faut bloquer ce dangereux statut. Alors, les autorités françaises vont organiser une élection truquée : le bourrage des urnes est massif et systématique dans toute l'Algérie. Six ans avant le début de cette guerre, le modéré Ferhat Abbas tire alors la sonnette d'alarme. Lui qui croyait encore en la France et ses promesses se sent trahi. Au même moment, les jeunes du parti de Messali, le rival de Ferhat Abbas, créent une branche clandestine, l'Organisation Spéciale.
C'était la guerre d'Algérie S1 E3 : La "sale guerre" (1956-1957)
Début 1956, la guerre dure depuis deux ans, même si tout le monde feint de l'ignorer. Avec les pouvoirs spéciaux votés par l'Assemblée nationale, Guy Mollet envoie le contingent en Algérie. Dans les années qui suivent, un million et demi de jeunes Français, des appelés venus de métropole, débarquent pour un service militaire porté à 30 mois. Une génération entière va découvrir la guerre. Marquée par de terribles attentats, l'année 1956 voit s'affronter différents fronts. Les ultras radicaux de l'Algérie française, soutenus par certains militaires, cherchent à faire pression sur la population et le gouvernement. Tandis qu'en réaction à la guerre contre-révolutionnaire menée par l'armée française, le "FLN des débuts" va se structurer, éliminer ses rivaux, étendre son influence
C'était la guerre d'Algérie S1 E4 : 1957
la bataille d'Alger
En 1957, plus de 200 000 soldats, jeunes appelés du contingent, débarquent pour prêter main-forte à l'armée qui se bat dans les djebels, contre le Front de libération national algérien, le FLN. Bientôt, ils seront un million cinq cent mille, venus des quatre coins de la France, à participer à " cette guerre sans nom " qui est devenue une " sale guerre " où l'armée, les paras et la Légion traquent les maquisards du FLN. En 1957, dans les deux camps, les durs vont l'emporter. L'armée française d'une part qui va imposer ses vues à un pouvoir politique en perdition. Et, côté algérien, la montée en puissance du FLN, qui se structure, s'impose face à ses rivaux, et va inaugurer une nouvelle stratégie, un nouveau front : porter la terreur dans les villes et d'abord à Alger. Ce sera la bataille d'Alger.
C'était la guerre d'Algérie S1 E5 :
Vers l'indépendance (1959-1962)
C'est le vrai-faux coup d'Etat du 13 mai à Alger qui ramène de Gaulle au pouvoir, après douze années de traversée du désert. Il est l'homme providentiel pour les "pieds-noirs" et l'armée. Mais, très vite, des doutes s'installent chez ceux qui l'ont porté au pouvoir. Où va-t-il, ce de Gaulle de 1958 ? Où conduit-il l'Algérie ? Pense-t-il déjà à l'indépendance ? Ou seulement, comme on le dit, à quelques réformes profondes pour donner à l'Algérie un statut d'autonomie ? De 1958 à 1959, de Gaulle va tenter de trouver son chemin vers l'orient compliqué de l'Algérie. Il lance l'ambitieux Plan de Constantine, pour développer économiquement le pays et lier son destin à celui de la France. Il jure "Jamais, moi vivant, le drapeau du FLN ne flottera sur Alger", et il poursuit la guerre militaire avec plus de force encore que ses prédécesseurs.
« Stop ! Coupons un instant le son vrillant de la cacophonie ambiante. Mettons nos mains sur nos oreilles afin d’écouter le silence et réfléchissons loin du bruit. » L’éditorial de Philippe Lemoine, rédacteur en chef délégué à Ouest-France.
Albert Camus, écrivain français (1913-1960). | RENÉ SAINT-PAUL, RUE DES ARCHIVES
Stop ! Coupons un instant le son vrillant de la cacophonie ambiante. Mettons nos mains sur nos oreilles afin d’écouter le silence et réfléchissons loin du bruit. L’exercice apaise le cerveau, diminue le stress et ralentit les battements du cœur.
À titre collectif, il pourrait aussi réduire les nuisances de la pensée primaire qui semble prendre le pas dans bien des domaines. Dans la période agitée qui est la nôtre, où les guerres de tranchées sont devenues la norme du dialogue en société, la vocifération fait loi.
Les solistes de l’incantation à usage des foules ont pris le pas sur la réflexion commune. Ils ont en général une partition bien rodée au refrain entraînant : celui du bouc émissaire. On les trouve sans surprise aux deux extrémités de notre pyramide nationale.
Tout en bas : les immigrés. Victimes expiatoires de la crise, ils sont une fois de plus montrés du doigt. Les renvoyer chez eux redonnerait une richesse immédiate à notre pays.
Oui, les frontières doivent être mieux contrôlées, oui, ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République doivent être sanctionnés. Mais n’oublions pas que notre société est aussi bien contente de trouver des travailleurs pour ces secteurs en tension que sont la restauration et le bâtiment. Que notre économie tourne aussi grâce à leur travail. Qu’il est bien souvent pénible. Il suffit de regarder dans nos rues qui sont les « pédaleurs » de la livraison à domicile…
« Chaque génération se croit vouée à refaire le monde »
Tout en haut : les milliardaires. Ceux dont le train de vie faisait rêver dans les magazines sont désormais qualifiés de « vampires ». Leur richesse n’est plus qu’un vol et leurs noms s’étalent sur des banderoles qui réclament le retour de la guillotine. Aux nouveaux Robespierre, ténors de la terreur sociale, rappelons que l’histoire s’est aussi mal terminée pour lui.
Oui, le capitalisme doit être encadré. Oui, les richesses doivent être mieux partagées. C’est une nécessité impérieuse. Une éthique morale. Mais n’oublions pas non plus que ceux qui ont créé des empires industriels, développé le luxe à la française, leader de nos exportations, sont parfois partis de rien et ont créé des milliers d’emplois. Vouloir créer une France sans milliardaires est une illusion égalitariste sans prise aucune avec l’économie mondiale.
Dans son dernier essai baptisé Blanc, l’écrivain Sylvain Tesson nous exhorte, une fois de plus, à prendre les chemins de traverse, à nous fondre dans une nature sauvage, loin des turpitudes du monde et de sa frénésie technologique. L’idée est bien sûr tentante. Elle est aussi pour lui une façon très personnelle d’exprimer son magnifique talent littéraire. Talent qui fait aussi l’objet d’une vaste promotion sur tous les écrans dont il fustige par ailleurs l’omniprésence…
La symphonie du bien commun est une œuvre rare qui réclame du génie au service de tous les instruments et des chefs d’orchestre habités par une vision d’ensemble. Il en est un dont la pensée souvent nous manque : Albert Camus. « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande : elle consiste à empêcher qu’il ne se défasse. »
Zoulikha Oudai, née Yamina Echaïb le 7 mai 1911 à Hadjout en Algérie, est une résistante algérienne durant la Guerre d'Algérie.
Fille d’un père cultivé, grand propriétaire terrien et conseiller municipal, Zoulikha Oudai a vécu à Cherchell, où elle est instruite dans une école indigène. Elle donne naissance à cinq enfants. L'un d’eux sera exécuté en janvier 1957, par les services de renseignements français, deux mois après l'exécution de son père et mari de Zoulikha El Hadj Si Larbi.
L’exécution par l’armée coloniale de son conjoint et de son fils sont des éléments déclencheurs de son engagement pour l'indépendance de l'Algérie. Rapidement nommée responsable du Front de libération nationale dans la région de Cherchell, elle participe à des opérations de renseignements pour le FLN et de rapprochement entre le FLN et la population. Elle financera le FLN avec l’argent de son mari. Quand le réseau FLN de la région de Cherchell est démantelé, en 1957 (54 arrestations), Zoulikha Oudai rejoint le maquis où elle se réfugie auprès de Ghebalou Hmimed et son adjoint Boualem Benhamouda, commissaire politique du secteur (deux étudiants ayant pris le maquis après la fameuse grève des étudiants en mai 1956). Avant de rejoindre le maquis, elle prit soin de bruler toutes ses photos, seules deux photos ont été récupérées chez sa sœur . A partir du maquis, elle continua à diriger le réseau de femmes qui n'a pas été démantelé. L'armée française lui tend une embuscade dans l’oued Haïzer où elle est arrêtée le 15 octobre 1957 et exposée attachée à un véhicule blindé. Elle s'adresse à la foule : « Mes frères, soyez témoins de la faiblesse de l’armée coloniale qui lance ses soldats armés jusqu’aux dents contre une femme. Ne vous rendez pas. Continuez votre combat jusqu’au jour où flottera notre drapeau national, sur tous les frontons de nos villes et villages. Montez au maquis ! Libérez le pays ! »1 Le capitaine tente de la faire taire : elle lui crache au visage. Elle est torturée pendant dix jours mais ne livre pas le nom de ses compagnons d'armes.
Exécutée le 25 octobre 1957, son corps n'est retrouvé qu’en 1984 quand un agriculteur déclare se souvenir avoir enterré le corps d’une femme et de deux hommes trouvées morts avec des menottes sur la route. Les militaires français avaient l'habitude de jeter les corps des prisonniers du camps de ghardous afin que les habitants des environs puissent les enterrer. Rares sont les rescapés du camps d'extermination de Ghardous créé par le chef secteur Lt colonel Lecoint. Elle repose désormais au cimetière des martyrs de Menaceur avec plus de 400 compagnons morts pour l'indépendance de l'Algérie.
Bibliographie Assia Djebar, La Femme sans sépulture, A. Michel, 2002 M'hamed Houaoura, "Le nom de Yamina Oudaï ne figure pas sur la liste des 405 martyrs" [archive], in El Watan, 8 novembre 2016. Kamal Bouchama, Lalla Zouleikha, la mère des résistants, Édition Juba, 2016 Hommages[modifier | modifier le code] Le film d'Assia Djebar La Nouba des femmes du Mont Chenoua (1978) lui est dédié2
Notes et références ↑ « Zoulikha Oudaï, La Femme Sans Sepulture » [archive], memoria.dz (consulté le 27 mars 2014) ↑ Assia Djebar : littérature et transmission, Wolfgang Asholt, Mireille Calle-Gruber et Dominique Combe, éd., Presses Sorbonne nouvelle, 2010, p. 69
Le ministre russe des Affaires étrangères, M. Sergueï Lavrov s’est félicité des « excellentes relations historiques » unissant la Russie et l’Algérie, mettant en relief l’importance du partenariat stratégique et du dialogue actif entre les deux parties dans tous les domaines.
« Les relations historiques entre les deux pays appellent au respect entre les peuples des deux pays », a affirmé le chef de la diplomatie russe dans une interview accordée à « RT Arabic », rappelant le soutien de son pays à l’Algérie durant la Guerre de libération contre la colonisation.
Soulignant que son pays entretenait des relations avec l’Algérie avant même l’indépendance, M. Lavrov a indiqué que « nous entretenons, depuis, des relations étroites dans tous les domaines et un dialogue politique intense ».
Il a cité, à ce propos, les entretiens téléphoniques entre le Président algérien, M. Abdelmadjid Tebboune et son homologue russe Vladimir Poutine, affirmant que « le Président Tebboune comprend le sens, l’histoire et l’avenir du partenariat stratégique algéro-russe ».
Il a rappelé, par là même, que l’Algérie était le premier pays africain a signer une Déclaration de partenariat stratégique avec la Russie en 2001, qualifiant cet accord de « base de nos relations et conférant un caractère spécifique à nos contacts ».
Concernant les contacts au niveau politique, M. Lavrov a relevé sa rencontre, en septembre dernier en marge de l’AG de l’ONU, avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra ainsi que les évènements survenus l’année passée qui, explique-t-il, « dénotent l’existence d’une plateforme solide sur laquelle se base la coopération politique entre les deux pays ».
Quant aux relations en matière d’énergie, M. Lavrov a précisé: « certainement, nous sommes des partenaires non seulement dans le cadre de l’OPEC+, mais aussi dans le Forum des pays exportateurs du Gaz au sein duquel la Russie et l’Algérie participent activement », soulignant, à cet égard, les efforts entrepris par les deux pays pour garantir la stabilité des marchés énergétiques mondiaux.
Sur ce point, M. Lavrov est revenu sur la décision de la dernière réunion ministérielle des pays « OPEC+ » qui a mis l’accent sur « la coordination entre les participants à cet évènement en vue de réguler le marché du pétrole et des produits pétroliers de manière à préserver, à la fois, les intérêts des producteurs et des consommateurs ».
Soulignant que la Russie et l’Algérie partageaient les mêmes positions, il a déclaré : « nous voulons des marchés stables, c’est pourquoi il est inutile de manipuler les cours ».
Concernant les niveaux des échanges commerciaux et économiques, le responsable russe les a qualifiés d' »impressionnants ».
« Nous avons engagé un dialogue actif et intense dans plusieurs domaines (…) les niveaux des échanges commerciaux et économiques entre nous sont assez impressionnants, d’autant que l’Algérie est l’un de nos trois grands partenaires en Afrique ».
M. Lavrov a également estimé toutefois que « les capacités n’ont pas été entièrement exploitées, notamment dans les domaines de l’Energie, de l’Agriculture et de la production de médicaments ».
Tirailleurs, le film de l’intouchable Omar Sy crève les écrans. Il pose le problème central de ce qu’est la Mémoire par rapport à l’Histoire.
La Mémoire, c’est l’Histoire triée au temps présent. Et ce tri dépend de celui qui trie. Dès lors, comment a évolué le temps présent pour la mise en lumière des tirailleurs de nos armées françaises ?
En 1996, il y a 27 ans, dans un colloque consacré aux troupes coloniales dans la Grande Guerre, j’ai présenté les monuments en hommage aux combattants de la Grande France.
C
Tirailleurs, le film de l’intouchable Omar Sy crève les écrans. Il pose le problème central de ce qu’est la Mémoire par rapport à l’Histoire.
La Mémoire, c’est l’Histoire triée au temps présent. Et ce tri dépend de celui qui trie. Dès lors, comment a évolué le temps présent pour la mise en lumière des tirailleurs de nos armées françaises ?
En 1996, il y a 27 ans, dans un colloque consacré aux troupes coloniales dans la Grande Guerre, j’ai présenté les monuments en hommage aux combattants de la Grande France.
Ces monuments sont la parfaite illustration de la mémoire, c’est-à-dire de l’Histoire triée au temps présent. De 1918 à 1950 ces monuments, rares, traduisent d’abord la volonté d’assimilation des troupes coloniales dans une mémoire régimentaire que corrige à la marge une reconnaissance identitaire à travers, en particulier, les symboliques funéraires.
De 1950 à 1975 les monuments vont refléter les tentatives de sauvegarde et de rupture de la décolonisation. Tentatives de sauvegarde de l’empire en particulier avec l’inhumation au Mont Valérien d’un tiers de héros coloniaux sur les 17 combattants inhumés. Tentative de sauvegarde également à travers le transfert de Félix Eboué au Panthéon. Tentative de rupture avec la matérialisation du souvenir des tirailleurs massacrés en 1940 par les armées allemandes sur le territoire français.
De 1975 à 2000, la rupture est consommée. Les tirailleurs ne sont plus que les dernières buttes témoins d’un temps où les nations africaines deviennent fières de leur indépendance. C’est le temps de la cristallisation des pensions (voulue, on l’oublie trop souvent, par les gouvernements africains eux-mêmes); c’est le temps du regroupement des tombes des « Morts pour la France » « Chrétiens » dans les Pays d’Afrique du Nord (et de l’abandon des tombes musulmanes et animistes); c’est le temps de la nostalgie, portée en particulier par les rapatriés concernant l’armée d’Afrique.
Et puis est venu le temps des films Indigènes et Tirailleurs, celui de la repentance, du surdimensionnement du rôle des tirailleurs et de la dénonciation de la colonisation.
C’est le temps du présent.
Au Souvenir Français, plus qu’en toute autre association, nous avons l’impérieux devoir de sauvegarder la mémoire des tirailleurs des armées françaises. Toute leur mémoire. Mais nous avons aussi l’impérieux devoir de respecter l’Histoire.
« […] une jeunesse d’ici et maintenant peut perdre la vie, Pour peu qu’elle porte sur son corps, Les traces d’un ailleurs et d’un autrefois »
Prix littéraire de la Porte dorée 2022, Sensible de Nedjma Kacimi est sorti en poche. Ce livre Percutant, ciblé, poétique, militant se décline en quelques 47 fragments. Pour la lectrice algérienne que je suis, le prénom de l’autrice ne peut que faire sens… Nedjma, l’étrangère convoitée dans le roman magistral de Kateb Yacine, le Polygone étoilé :
« Une seule femme nous occupe Et son absence nous réunit Et sa présence nous divise »
Lourd héritage que donnent les parents à la petite fille qu’ils prénomment… étoile ! En hommage à Kateb Yacine, il y eut tant de Nedjma(s) après l’indépendance ! Et on mesure cet héritage quand on liste les qualifiants choisis par le jeune écrivain, révélateurs d’une appréciation assez ambivalente de cette « femme aux cheveux fauves dominant la pelouse » : elle est tour à tour « Cendrillon » « sauvage » et à l’« incroyable maintien de gazelle » ; « sultane (…) dans une atmosphère de sortilège et d’envoûtement » ; « une Salammbô déflorée » ; une « vestale au sang déjà versé », « mauvaise chimère » et « ma mauvaise étoile ». « Nedjma la femme faite adversité (…) fleur irrespirable, étoile de sang jaillie du meurtre (…) qu’aucun époux ne pouvait apprivoiser, Nedjma l’ogresse au sang obscur » est « gitane » et « goutte d’eau trouble ». Et malgré ces traits contradictoires, grâce au roman de Kateb, elle est devenue le symbole de l’Algérie à la fois ancestrale et résistante, l’espace même de la rencontre entre désir, liberté et enfermement.
L’avant-dernier fragment de Sensible a ce prénom pour titre et aussitôt Nedjma-la narratrice donne un résumé du roman qui ne doit pas tromper sur sa complexité, « parce qu’il y a des romans dont on ose à peine s’approcher ». Dans sa vie, ce prénom a été un poids d’étrangeté ou d’arabité (presque toujours suspecte en France) jusqu’au jour où elle entend « une exclamation à l’accent germanique » : « Nedjma ? Comme le roman de Kateb Yacine ? » Elle a vingt-deux ans et c’est la première fois « que l’on s’incline devant l’éclat de de nom ». Ce très beau fragment lui rend la complexité de son identité et une part de son algérianité qui ne remet pas en cause son appartenance à la France.
J’ai évoqué précédemment un « livre » : en effet, la facture de Sensible le rend difficilement classable dans une seule référence générique. C’est tout d’abord un essai, par son intention dominante que signale la 4ème de couverture : « Nedjma Kacimi dissèque avec vigueur les contradictions d’une France encore arcboutée à des stéréotypes qu’il est urgent de faire voler en éclats pour laisser sa place à une jeunesse diverse et créative trop souvent opprimée ». On a bien ici les deux pôles de la communication : l’énonciatrice et son intention d’une part et, d’autre part, son interlocuteur privilégié, la jeunesse laissée sur le bas-côté. On pourrait dire qu’il y a une réflexion sur l’intégration dans la nation française des « retombées » (enfants, descendants) postcoloniales, à partir d’un espace privilégié, l’Algérie (le constat étant : comment accepter les enfants de l’après-guerre ?). Ainsi le second fragment se termine par cette affirmation : « Ils ont beau dire, on ne les entend pas. Alors il faut que je m’y mette aussi. Que je relaye ce cri qui, depuis l’origine du silence, n’est autre qu’un cri d’amour que l’on refuse d’entendre ». L’essai lui-même s’ouvrira sur d’autres interlocuteurs et d’autres espaces, tout au long de son parcours mais la « matière Algérie » reste primordiale.
Le titre lui aussi interpelle : Sensible, un qualifiant neutre de genre, même si le prénom Nedjma le tire vers le féminin. Les différents sens de « Sensible » déclinent les ressentis de l’énonciatrice : « 1. Capable de sensation et de perception 2. (choses) que le moindre contact rend douloureux 3. capable de sentiment, apte à ressentir profondément les impressions». On peut ajouter « sensible à : qui se laisse
toucher par, ressent vivement ».
Ce titre pourrait sembler insolite mais il prépare au texte. Le bandeau sur l’édition de poche avertit d’un livre « violent, percutant et intelligent » mais aussi, par cette forme, agitateur du passé colonial et des contradictions de la France actuelle. En somme, d’un geste d’écriture qui veut rendre visible le caché et l’inaudible… « Ma bouche sera la bouche de ceux qui n’ont pas de bouche »… écrivait déjà Aimé Césaire en 1939.
Le genre de l’essai est donc dominant. Toutefois il est sans cesse percuté par d’autres registres et, en particulier, l’interpellation poétique. Les brèves citations que nous avons données sont toutes incluses dans des développements réflexifs et ces pauses poétiques sont nombreuses comme si, à un moment de trop forte tension dans le dit du texte, seule la sobriété poétique pouvait rendre son efficacité aux mots. Par ailleurs, liée étroitement à la nomination – et on peut aisément constater combien la nomination est importante tout au long de Sensible –, quatre poèmes en prose interpellent les destinataires :
« […] Patience chers cœurs sensibles Les choses ne prennent pas le tour qu’elles auraient dû prendre […] »
Ces « poèmes » – aux pages79, 154, 247 et 253 – occupent deux pages à chaque fois. Dès ma première lecture, je n’ai pu m’empêcher de penser à ce que je considère comme un poème en prose sous forme d’interpellation, la « Lettre à un Français » de Frantz Fanon, éditée après sa mort :
« (…) Inquiet de l’Homme mais singulièrement pas de l’Arabe Soucieux, angoissé, tenaillé. Mais en plein champ, ton immersion dans la même boue, dans le même lèpre. Car pas un Européen qui ne se révolte, qui ne s’indigne, de s’alarme de tout, sauf du sort fait à l’Arabe. Arabes inaperçus. Arabes ignorés. Arabes passés sous silence. Arabes subtilisés, dissimulés. (…) »
À quel moment l’écriture change-t-elle de registre pour transmettre une émotion, une sensibilité, suspendant, un temps, l’argumentation ? Le livre est également rythmé par des séquences autobiographiques plus ou moins longues. Par touches, par flashes, des mini-récits éclairent, à partir de la vie de l’autrice, sa position et l’évolution de son positionnement jusqu’à aujourd’hui. Il y a même une transcription d’un entretien (interview 1 et 2) qui lui permet de revenir sur son projet, sur l’éventail de ses modes d’écriture, sur la polémique que peut provoquer la publication.
Enfin, la lecture de livres-clefs dans son expérience parcourt différents fragments : et d’abord la guerre d’Algérie avec ses trois personnages, le militaire, le colon et l’indigène ; ils seront rejoints plus loin par le pied-noir et le harki. La narratrice sort de son indifférence avec Des hommes en 2009 de Mauvignier, « le choc Mauvignier » (p.26). Elle va s’attarder sur Noël Favrelière, Le Désert à l’aube, effleurer le livre de Pierre Nora, évoquer L’Art de perdre d’Alice Zeniter et L’Art français de la guerre d’Alexis Jenni. Elle cite d’autres noms : « ça n’aura échappé à personne. La guerre d’Algérie sort gentiment des souterrains où l’avaient enfouie vivante ceux qui l’avaient menée. Elle ressort par l’opération d’écrivains qui, pincettes en mains et masque chirurgical sur le nez, l’extirpent de la gangue d’un silence amorphe (…) Eux, ils y vont, ces écrivains, Joseph Andras, Maïssa Bey, Yves Bichet, Jérôme Ferrari, Laurent Gaudé, Brigitte Giraud, Alexis Jenni, Michel Serfati, Zahia Rahmani ». On peut lui faire confiance pour ne pas citer ces noms au hasard. Il faut ensuite aller plus loin et c’est alors les historiens qui sont consultés : Yves Courrière, Benjamin Stora… et puis des écrivains algériens, Feraoun, Mammeri, Dib, Kateb, mais aussi des acteurs français incontournables comme Alleg et Vidal-Naquet ; d’autres encore. A la fin du livre, elle prévient qu’elle n’en a pas fini… : « je dois encore vous parler de Zohra Drif et de Hassiba Ben Bouali ». Des personnalités sont mises à l’honneur, comme Simone Veil (« Simone veille au grain », p. 99, toujours au moment de la guerre d’Algérie) et Isabelle Adjani (et son ascendance kabyle, p. 170). Des mises au point fortes sur une appellation (« Les mohameds », p. 41 à propos de tous les noms d’oiseaux dont on a affublé les Arabes), sur un comportement (« La case de l’oncle Tom », p. 57) : belle analyse que je me plais à mettre en écho avec celle de Toni Morrison, dans L’Origine des autres (traduction en 2018).
C’est dans le premier article, « Embellir la race » que la romancière américaine développe, en trois pages lumineuses de clarté et de simplicité, une analyse de La Case de l’oncle Tom d’Harriet Beecher Stowe – qui a tant fait pleurer dans les chaumières –, pour en synthétiser le message essentiel : les esclaves aiment servir ; ils sont gentils et quand ils ne le sont pas, c’est à cause de méchants Blancs. La romancière adresse ce message à son lecteur blanc car elle n’a pas écrit « pour que Tom, Chloé, ni quiconque parmi les Noirs la lisent. Le lectorat de son époque était composé de Blancs, de ceux qui avaient besoin de cet embellissement, qui le voulaient ou qui pouvaient le savourer ». Cet embellissement fonctionne comme « une protection littéraire » de l’écrivaine elle-même, contre sa propre peur des esclaves. Ainsi Toni Morrison analyse la manière dont elle s’y prend pour aménager tout en douceur « l’Espace noir », incitant, le Blanc, son « lecteur blanc craintif », à y pénétrer sans appréhension. La description a une fonction d’apaisement.
Élargissant son propos, Nedjma Kacimi insère une lecture-analyse magistrale du Poil-de-Carotte de Jules Renard, l’enfant mal aimé. Elle consacre plusieurs pages à l’invisibilité des femmes dans le domaine de l’art (« Avoir été disparues », p. 44). Ce second développement s’inscrit tout à fait dans les recherches actuelles que mènent les chercheuses et qu’ont évoquées, dans leur entretien stimulant, Simona Crippa et Johan Faerber avec Jennifer Tamas. Il est question de son essai qui vient de paraître, Au NON des femmes : libérer nos classiques du regard masculin. L’essayiste a fait sur le siècle classique le travail que Nedjma Kacimi, après d’autres, appelle de ses vœux : « j’ai enfin le droit de » libérer les classiques du regard masculin » pour exprimer mon point de vue, soit la façon dont je reçois ces textes, expliquer comment je les comprends. Comment la galanterie peut-elle à la fois être décriée et encensée par différents groupes de femmes qui toutes se disent « féministes » ? N’y a-t-il pas un malentendu sur ce qu’est la galanterie ? Ne me faut-il pas prendre à bras le corps cette question, moi qui suis devenue spécialiste du 17e siècle qu’on surnomme aussi « le siècle galant » » ? Il est nécessaire de relire les textes prisonniers de lectures momifiées. Toute femme et mère qu’elle est, la mère de Poil-de-Carotte est un monstre et le montrer n’est pas être contre les femmes. Revisiter les contes qui ont bercé notre enfance et celle de nos enfants, est une nécessité de reconstruction de la place des femmes dans l’Histoire et dans les arts. À une question pertinente de Simona Crippa, l’essayiste répond : « Vous avez raison de dire que les mythes forgés par les hommes empêchent d’imaginer des liens de sororité […] Vous mettez le doigt sur l’un des aspects problématiques de la domination masculine et qu’on répugne souvent à examiner dans le discours féministe. Il s’agit en effet de la rivalité féminine et de la façon dont certaines femmes nuisent à d’autres femmes de manière impitoyable ».
Ainsi, pour continuer à tisser la sororité en critique littéraire comme je l’ai fait plus haut, on peut se souvenir de Toni Morrison interprétant « Cendrillon » dans un discours prononcé à la remise des diplômes à la faculté Barnard de New York (collège affilié à l’université de Columbia et réservé aux femmes), en mai 1979, « Les demi-sœurs de Cendrillon » et reproduit dans La Source de l’amour-propre : « Ce conte de fées […] l’histoire d’une maisonnée de femmes rassemblées et unie afin de maltraiter une autre femme. Il y a, bien sûr, un père absent, assez vague, et un prince fétichiste du pied, qui arrive juste à temps. Mais ni l’un ni l’autre n’ont beaucoup de personnalité. Et puis il y a les « mères » de substitution, bien sûr (marraine et belle-mère), qui contribuent tant au chagrin de Cendrillon qu’à sa libération et à son bonheur. Mais ce sont les demi-sœurs qui m’intéressent. Comme il a dû être handicapant, pour ces jeunes filles, de grandir avec une mère qui asservissait une autre fille, de regarder et d’imiter cette mère ». En mettant l’accent sur les demi-sœurs, Toni Morrison exhorte les jeunes diplômées à ne pas exercer un pouvoir dit masculin sur leurs semblables, à « ne pas prendre part à l’oppression de vos sœurs ». La conférencière rappelle la violence que les femmes sont capables d’exercer sur d’autres femmes et invite fermement à abandonner « la violence professionnelle, la violence compétitive, la violence affective ».
Dans ce même genre de lecture décapante, on trouve quatre fragments consacrés à la lecture de L’Étranger d’Albert Camus, en lien avec l’Algérie, sous la forme d’un combat de boxe : premier round, second round, troisième round et K.O. (p131 à 152). Ces quatre fragments sont introduits, en quelque sorte par un fragment dont la première phrase est le suivante : « si je tuais quelqu’un, qu’est-ce qu’il se passerait ? ». Le premier round est une citation, commentée et irrévérencieuse par rapport à la lecture consacrée, de la scène de la plage suivie de la scène du meurtre. Le second round est la place privilégié prise par ce roman dans l’enseignement secondaire en France, accompagné d’une interprétation monolithique. Le 3e round est la confrontation avec Mouloud Feraoun et enfin, le KO, c’est Meursault contre-enquête de Kamel Daoud :
« Mon aveuglement me sidère. Ma surdité me consterne. Car voilà que Daoud m’invite à lire l’histoire d’une destitution. Il m’invite à voir. La disparition d’un corps. La dissimulation d’un nom. L’histoire d’une déchéance d’identité ».
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Nedjma Kacimi invite à une autre lecture d’un roman sacralisé en France : c’est d’autant plus salutaire que ce n’est pas fréquent !
En 1977, Roland Barthes publiait Fragments d’un discours amoureux : la réflexion partait dans plusieurs directions essaimant poème, œuvre littéraire, événement, fait autobiographique, etc… C’est un peu de la même façon que procède Nedjma Kacimi avec ce qu’on pourrait nommer ses « fragments d’un discours sensible » : « Ne me perdez pas en route. Je sais où je vous emmène. Vous, vous ne le savez pas. Confiance, ça va finir par se recouper […] J’ai tourné en rond moi aussi. J’ai procédé par touches. Par impressions. Par confusions. J’ai tissé et détissé ». Elle veut mener le lecteur à un déchiffrement lucide de l’Histoire de la société française non pour accumuler les récriminations mais pour les dépasser parce que l’on ne gomme pas le passé, on l’intègre dans le présent et ainsi on trouve sa place dans ce pays.
Film-documentaire en deux épisodes sur la thématique des Mémoires de la Guerre d'Algérie (1954-1962). Réalisé à partir de témoignages d'Appelés du Contingent de l'Armée Française, ce documentaire personnel n'a aucune finalité politique, mais cherche à mettre en lumière des témoignages inédits ou méconnus. Je vous prie donc de rester courtois et respectueux en commentaires et de n'apporter aucune haine. Les mémoires sont clivantes, mais il est nécessaire de les respecter. L'Historien ne cherche pas à faire adhérer : il énonce des faits.
Deux Appelés en Algérie - Épisode n°1 : Marcel Le Texier
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