Si la fin de la bataille de Stalingrad, le 2 février 1943, reste aujourd’hui le symbole le plus marquant du tournant de la Seconde Guerre mondiale, la guerre connaît en réalité le même mois des renversements moins spectaculaires, mais tout aussi parlants sur le front du Pacifique et en Afrique du Nord. Si des signes évidents de faiblesse étaient apparus dès 1942, c’est bien durant ces quelques semaines que la défaite des forces de l’Axe, encore longue à venir, devient une certitude.
Après l’invasion de la Pologne, en septembre 1939, par l’Allemagne nazie et l’URSS, et le printemps 1940 qui voit la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France capituler en moins de deux mois face aux armées d’Hitler, les forces de l’Axe Rome-Berlin plongent l’Europe dans la sidération. Dans les mois qui suivent, la conquête des Balkans, commencée par l’Italie en septembre 1938 avec l’occupation de l’Albanie, semble tout aussi inexorable.
Hongrie, Roumanie et Slovaquie rejoignent les forces de l’Axe à l’automne. Profitant du chaos, l’URSS poursuit son avancée à l’Est de l’Europe par l’annexion des États baltes et de la Bessarabie, province orientale de la Roumanie. Les États-Unis gardent leurs distances et l’Angleterre, qui a dû rapatrier ses troupes en catastrophe depuis Dunkerque en juin 1940, semble seule capable encore de tenir tête aux nazis. À l’issue de trois mois de duels ininterrompus entre la Royal Air Force et la Luftwaffe, la bataille d’Angleterre met fin à la suprématie aérienne de l'Allemagne, ouvrant ainsi la voie à des bombardements massifs de son territoire.
Vers la « guerre totale »
L’année 1941 voit le conflit - jusque là circonscrit à l’Europe, ses possessions d’Afrique du Nord, de l’Est et du Proche-Orient - se changer en une guerre mondiale. Les victoires en Yougoslavie et en Grèce, avec l’alliance nouvelle de la Bulgarie et le ralliement d’un régime fantoche en Croatie, achèvent l’expansion continentale nazie. Il n’y a plus en Europe que quelques pays neutres, souvent complaisants avec les forces de l’Axe, comme l’Espagne et le Portugal. En juin, Hitler, soutenu par son nouvel allié finlandais, envahit l’URSS. Rien ne semble devoir l’arrêter.
Le 5 décembre 1941 cependant, alors que la température à Moscou est descendue à - 37 °C, Hitler doit arrêter l’offensive en URSS et les troupes de Staline reprennent l’initiative. Deux jours plus tard, l’attaque des Japonais à Pearl Harbor oblige les États-Unis à entrer dans le conflit. La guerre s’étend désormais aux colonies françaises d’Indochine et à l’océan Pacifique. Sa démesure va bientôt se retourner contre ceux qui l’ont déclenchée.
L’année 1942 voit le monde plonger dans la « guerre totale » qui sera officiellement proclamée par Hitler au début de l’année suivante. En janvier 1942, les nazis décident à Wannsee de la « solution finale » : la déportation et l’assassinat des populations juives deviennent une industrie génocidaire, en réalité mise en œuvre dès 1941. En février, la forteresse britannique de Singapour, réputée imprenable, tombe aux mains des Japonais. En mars, la Royal Air Force bombarde Paris pour la première fois.
Au printemps, les forces de l’Axe reprennent leur offensive en URSS et en Afrique du Nord. En juin, les Américains remportent la première grande victoire alliée à Midway, dans le Pacifique. À l’automne, les Britanniques stoppent l’avancée des troupes de l’Axe en Égypte après la première bataille d’El-Alamein. En novembre, les Alliés débarquent en Algérie. La zone libre est occupée par les Allemands et la flotte française se saborde à Toulon. Si la toute puissance des forces de l’Axe commence à se fissurer, leur pouvoir en Europe semble se consolider.
De Stalingrad à Guadalcanal et Kasserine : le commencement de la fin
Le 2 février 1943, cependant, après six mois de combat et malgré l’ordre d’Hitler de combattre jusqu’à la mort, le Feldmarschall Von Paulus et son état-major sont capturés et donnent l’ordre de capituler aux troupes allemandes, à Stalingrad, en URSS. Les pertes totales, en incluant les civils, les blessés et les prisonniers des deux camps, s’élèvent à deux millions de personnes. L’obstination du Führer commence à créer des dissensions dans la haute hiérarchie allemande. Hongrois, Finlandais et Roumains, ainsi que de hauts dignitaires fascistes italiens, commencent à envisager leur sortie de la guerre. Les nazis perdent, en outre, tout espoir d’accès au pétrole du Caucase.
En août 1942, les Américains ont débarqué sur l’île de Guadalcanal, dans l'océan Pacifique. Durant six mois, l’île fait l’objet de combats aériens pratiquement quotidiens, auxquels s’ajoutent trois grandes batailles terrestres et sept navales. Le 7 février, les Japonais se retirent de ce qui avait symbolisé le point culminant de leur avancée dans le Pacifique en mai 1942. Si les pertes sont sans comparaison avec les combats livrés en Union Soviétique, cette longue campagne marque la fin des opérations défensives des Alliés et le début de la reconquête.
En octobre-novembre 1942, la seconde bataille d’El-Alamein s’est soldée par une victoire de la 8e Armée britannique sur l’Afrika Korps d’Erwin Rommel désormais sur la défensive. « Ce n'est pas la fin, s’écrie alors le premier ministre Winston Churchill. Ce n'est même pas le commencement de la fin. Mais, c'est peut-être la fin du commencement. » Le 19 février 1943, Rommel lance en Tunisie sa dernière offensive. La bataille de Kasserine révèle l’impréparation de l’armée américaine, mais aussi sa capacité à renouveler hommes et matériels malgré de lourdes pertes. Les Allemands s'avèrent incapables de reprendre longtemps l’avantage et, le mois suivant, Rommel part pour Berlin, convaincu que la guerre en Afrique du Nord est déjà perdue. Il est relevé de ses fonctions.
La guerre dure encore deux ans et demi, avant la capitulation du Japon le 2 septembre 1945. L’Allemagne nazie reprendra encore quelquefois l’initiative, comme pendant la bataille de Koursk à l’été 1943 et jusqu’à l’hiver 1944 dans les Ardennes. Elle mettra au point des armes extrêmement novatrices, comme les missiles V1 et V2, et mènera des recherches sur l'arme atomique. Cependant, malgré la violence et la démesure des combats qui vont se dérouler, et bien qu'une majeure partie des victimes de la Shoah, des bombardements et des massacres de civils soient encore à venir, dès le mois de février 1943, les acteurs et les témoins les plus lucides de la guerre en devinent déjà l’inéluctable issue.
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