« Stop ! Coupons un instant le son vrillant de la cacophonie ambiante. Mettons nos mains sur nos oreilles afin d’écouter le silence et réfléchissons loin du bruit. » L’éditorial de Philippe Lemoine, rédacteur en chef délégué à Ouest-France.
Albert Camus, écrivain français (1913-1960). | RENÉ SAINT-PAUL, RUE DES ARCHIVES
Stop ! Coupons un instant le son vrillant de la cacophonie ambiante. Mettons nos mains sur nos oreilles afin d’écouter le silence et réfléchissons loin du bruit. L’exercice apaise le cerveau, diminue le stress et ralentit les battements du cœur.
À titre collectif, il pourrait aussi réduire les nuisances de la pensée primaire qui semble prendre le pas dans bien des domaines. Dans la période agitée qui est la nôtre, où les guerres de tranchées sont devenues la norme du dialogue en société, la vocifération fait loi.
Les solistes de l’incantation à usage des foules ont pris le pas sur la réflexion commune. Ils ont en général une partition bien rodée au refrain entraînant : celui du bouc émissaire. On les trouve sans surprise aux deux extrémités de notre pyramide nationale.
Tout en bas : les immigrés. Victimes expiatoires de la crise, ils sont une fois de plus montrés du doigt. Les renvoyer chez eux redonnerait une richesse immédiate à notre pays.
Oui, les frontières doivent être mieux contrôlées, oui, ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République doivent être sanctionnés. Mais n’oublions pas que notre société est aussi bien contente de trouver des travailleurs pour ces secteurs en tension que sont la restauration et le bâtiment. Que notre économie tourne aussi grâce à leur travail. Qu’il est bien souvent pénible. Il suffit de regarder dans nos rues qui sont les « pédaleurs » de la livraison à domicile…
« Chaque génération se croit vouée à refaire le monde »
Tout en haut : les milliardaires. Ceux dont le train de vie faisait rêver dans les magazines sont désormais qualifiés de « vampires ». Leur richesse n’est plus qu’un vol et leurs noms s’étalent sur des banderoles qui réclament le retour de la guillotine. Aux nouveaux Robespierre, ténors de la terreur sociale, rappelons que l’histoire s’est aussi mal terminée pour lui.
Oui, le capitalisme doit être encadré. Oui, les richesses doivent être mieux partagées. C’est une nécessité impérieuse. Une éthique morale. Mais n’oublions pas non plus que ceux qui ont créé des empires industriels, développé le luxe à la française, leader de nos exportations, sont parfois partis de rien et ont créé des milliers d’emplois. Vouloir créer une France sans milliardaires est une illusion égalitariste sans prise aucune avec l’économie mondiale.
Dans son dernier essai baptisé Blanc, l’écrivain Sylvain Tesson nous exhorte, une fois de plus, à prendre les chemins de traverse, à nous fondre dans une nature sauvage, loin des turpitudes du monde et de sa frénésie technologique. L’idée est bien sûr tentante. Elle est aussi pour lui une façon très personnelle d’exprimer son magnifique talent littéraire. Talent qui fait aussi l’objet d’une vaste promotion sur tous les écrans dont il fustige par ailleurs l’omniprésence…
La symphonie du bien commun est une œuvre rare qui réclame du génie au service de tous les instruments et des chefs d’orchestre habités par une vision d’ensemble. Il en est un dont la pensée souvent nous manque : Albert Camus. « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande : elle consiste à empêcher qu’il ne se défasse. »
Ouest-France Publié le
https://www.ouest-france.fr/reflexion/editorial/editorial-au-milieu-du-bruit-trouver-une-voie-32e65c5e-a2db-11ed-9025-f7facad8430f
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