En 1953, une partie des nationalistes marocains opte pour la lutte armée contre les Français. Un an plus tard, le FLN voit le jour en Algérie. Pour obtenir leur indépendance respective, les deux mouvements vont pleinement collaborer et nouer des amitiés indéfectibles.
FRÈRES D’ARMES CONTRE LE COLONIALISME (2/3). En 1953, le sultan Mohammed Ben Youssef (futur Mohammed V) est déposé par les Français et contraint, avec sa famille, à l’exil. À l’époque, le Mouvement national marocain est déjà solidement implanté.
Entre 1921 et 1927, un autre émir, le fameux Abdelkrim El Khattabi, avait infligé une sévère défaite à l’armée coloniale espagnole (pourtant assistée par les Français), fondé la République du Rif, conduit la guerre du Rif, avant de connaître la défaite et d’être contraint à l’exil à la Réunion.
Sa geste et la guerre contre les colons, pleine de panache mais terriblement meurtrière pour les Rifains, enracinent le nationalisme dans le Nord (sous protectorat espagnol) et marquent les consciences dans le reste du pays.
Ce souvenir est particulièrement fort chez la jeune bourgeoisie citadine et traditionnelle de Salé, Rabat et Fès, qui va se structurer en luttant contre le Dahir Berbère en 1930. Une loi voulue par les Français visant à retirer au sultan son pouvoir de juridiction sur les tribus berbères, et à créer un séparatisme avec les tribus arabes. Le but étant, à terme, que les Berbères soient « assimilés » aux Français, un grand fantasme colonial.
De réunions secrètes en comité d’action, tout cela aboutit à la création de l’Istiqlal, le premier parti marocain réunissant les tenants de la lutte anticoloniale – toutes étiquettes politiques confondues – et à la rédaction du Manifeste de l’indépendance en 1944. Le tout soutenu par le sultan Mohammed Ben Youssef, qui enfoncera le clou avec son discours de Tanger, en 1947, où il exigera purement et simplement l’indépendance.
De la résistance politique à la lutte armée
Après cet affront aux autorités coloniales françaises, le sultan est déposé. Chez les nationalistes, et les Marocains en général, cet événement est vécu comme une humiliation et agit comme un détonateur. Plusieurs membres et factions de l’Istiqlal, désabusés face à l’inefficacité de l’action politique, optent pour la résistance armée et fondent l’Armée de libération nationale (ALN), comme le préconisait El Khattabi, qui a depuis réussi à s’enfuir au Caire, en Égypte.
L’ALN rejoint les tribus berbères du Rif et de l’Oriental hostiles à la déposition du sultan pour s’entraîner militairement, tout en étant pilotée politiquement par Abdelhak Torrès, le Docteur El Khatib et Cheikh Messaoud, qui dirigent le Comité de Tétouan.
Parmi eux, nombreux sont ceux qui avaient été enrôlés dans l’armée française pendant la Seconde Guerre mondiale : non seulement ils ont l’expérience du combat, mais ils croient dur comme fer au mouvement de décolonisation des empires européens induit par ce conflit. À partir du 2 octobre 1955 – un mois avant le retour d’exil du sultan –, l’ALN déclenche la « seconde guerre du Rif », qui durera jusqu’à l’indépendance et mobilisera 15 000 soldats français.
Le Caire, plaque tournante des nationalistes
Chez les voisins, le Front de libération nationale (FLN) et son bras armé, l’Armée de libération nationale (ALN), sont officiellement fondés en octobre 1954, soit un mois avant le début de la guerre d’Algérie. Au départ, les membres du FLN ne sont que quelques milliers, et ils ont cruellement besoin de soutien. Or c’est exactement ce que vont leur offrir le Maroc et la Tunisie, déjà lancés dans une insurrection généralisée.
Des combattants algériens de l'ALN, près de la frontière tunisienne, en 1955. © AFP
Depuis 1945 et la création de la Ligue arabe en Égypte, le Caire – bastion du panarabisme – est le QG des nationalistes nord-africains : El Khattabi y a élu domicile et dirige le Comité de libération du Maghreb (1948), le Tunisien Habib Bourguiba s’y est exilé de 1945 à 1949, les cadres du FLN – Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider – sont contraints de s’y cacher en 1953, tandis que Mohamed Boudiaf est chargé par Abdelkrim El Khattabi de coordonner les armées marocaine et algérienne : une sorte d’Armée de libération du Maghreb qui ne dira jamais son nom, l’autre grand rêve de l’émir du Rif.
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