Après 60 ans d'indépendance, l'Algérie et la France peinent à se débarrasser de leur douloureux passé commun. Il est difficile, et pour l'une et l'autre, d'envisager une relation sereine tournée vers l'avenir. Et en dépit de beaucoup de bonnes volontés incarnées par de nombreuses personnalités politiques et d'innombrables initiatives allant dans le sens d'une réconciliation sans couacs, il y a toujours comme un grain de sable qui grippe la machine. Et souvent, des évènements quelconques viennent rappeler qu'une amitié sans reproches n'est pas encore possible. La nomination de José Gonzalez à la vice-présidence en est un.
José Gonzalez, député des Bouches-du-Rhône, est né à Oran. Ce n'est qu'en 1962 qu'il arrive à Marseille. Tout son parcours politique est lié à son identité de pied-noir, particularité qu'il n'a de cesse de revendiquer. Et, par-dessus le marché, il n'a aucun mal à exprimer sa nostalgie de l'Algérie française. Dans le jargon de l'historien Benjamin Stora ? Un « nostalgérien » qui s'assume pleinement. « J'ai laissé là-bas une partie de ma France. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d'abandon », avait déclaré l'élu, âgé de 79 ans, disant avoir été « arraché à sa terre natale par le vent de l'histoire ».
« Un nostalgique de l'Algérie française et un défenseur de l'OAS. Cette nomination est une honte et une insulte », a tweeté la présidente du groupe Les Insoumis à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot. José Gonzalez, lui, avait minimisé les crimes commis par les Français sur le sol algérien. « Je ne pense pas qu'il y ait eu des crimes en Algérie dans l'armée française », avait-il déclaré à la barbe des historiens.
Le Rassemblement national : l'autre « casserole »
« Faute avouée est à moitié pardonnée », dit-on. Et José Gonzalez a encore toute « la faute » à se faire pardonner, puisqu'il ne voit pas dans la colonisation de l'Algérie par la France le moindre « crime ». Il est assurément dans son droit, mais prétendre chapeauter une quelconque amitié entre les deux pays ne peut être que mal perçu, notamment du côté sud de la Méditerranée. « C'est une aberration », a écrit un internaute visiblement excédé par la nomination du « pied-noir » à la vice-présidence du groupe d'amitié France-Algérie.
Il est vrai qu'on ne peut pas reprocher à José Gonzalez d'être né en Algérie ni – à bien y penser – de ne pas vouloir faire porter à « sa » France le fardeau des violences coloniales. Mais qu'un fervent militant du Rassemblement national incarne une amitié algéro-française, déjà fragile, en voilà bien une absurdité. Un coup d'œil sur son CV politique suffit de s'en convaincre. D'origines espagnoles, à se fier à son nom, c'est au début des années 1970 qu'il se rapproche de Jean-Marie Le Pen. Il rejoint le Front national (FN) – qui devient le Rassemblement national – en 1978. Après presque un demi-siècle d'« extrême droite », il est élu, en 2022, député dans la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône. À 79 ans, il est le doyen de l'Assemblée nationale sous les couleurs du RN.
France-Algérie : la susceptibilité à fleur de peau
Il n'est nullement question ici de faire le procès de l'extrême droite française, dont les positions quant au passé colonial de la France, quant à l'Algérie et quant aux Algériens de France sont largement discutables. Mais un José Gonzalez comme vice-présidence du groupe d'amitié France-Algérie est contraire même à l'essence qui devait être celle dudit groupe. La vérité est que cette nomination est un véritable pied de nez à la réconciliation sur laquelle Macron et Tebboune travaillent depuis déjà quelques mois. Elle est de nature à incommoder fortement Alger, dont on connait la susceptibilité.
Autre vérité « déplaisante » : en France, pays démocratique, l'on ne peut pas parler de « volonté », mais de « volontés » – au pluriel. Et empêcher José Gonzalez de compromettre le groupe d'amitié France-Algérie n'est pas à la portée du président de la République ni d'une quelconque autre autorité. Le fait est que l'extrême droite pèse lourd au Parlement français, avec 89 élus qui votent comme un seul homme. Et, en vertu de la « démocratie » française, José Gonzalez est tout simplement inéluctable, mais il demeure un mauvais « choix », un très mauvais « choix ».
https://observalgerie.com/2023/01/04/politique/jose-gonzalez-groupe-amitie-analyse/
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