Nous portons à l’intérieur une infinité de visages. Selon l’âge, selon le décor, selon un des rôles de l’amour. Que ce soit dans le pli de l’âme, que ce soit en extérieur. Hommes et femmes tendus sur la même toile du peintre. Représentés et changeants. Le visage est une pierre. Le visage est un arbre ou la tension d’un paysage. La parole de l’amour est crue, elle emporte les digues. La rivière revient dans son lit mais les amoureux sont changés. La jeune femme se tient dans un jardin, au printemps, elle est entourée par la noce tardive d’un couple. Une femme, plus âgée, lui sourit, elles échangent quelques mots. Elles sont irrémédiablement traversées par le bonheur. Celui qui ne se projette pas. Celui qui repose dans l’instant. Celui qui arrête le temps. À différents moments de la vie la parole nous précède, elle est parfois maladroite, elle nous sauve ou nous condamne. Ce visage que tu vas porter tout à l’heure est différent de celui de ce matin où la journée hésitait encore dans son infidélité aux lumières. Le matin, tout est inconstant, non formé, le souci hésite entre deux incarnations et puis l’espoir peu à peu se constitue dans la tâche de vivre. Le visage que tu portes dans l’amour, attentif aux paroles de la bien-aimée, au silence clément de ses respirations. Oui, l’amour est un souffle qui a le destin de tous les souffles. La genèse, le récit, les paradis évoqués, la légèreté ou la gravité des corps. Bien souvent il nous faut vivre et porter le visage de ceux que nous avons aimés. Parfois ils ont disparu, ils nous ont précédés. Parfois nous les rencontrons dans ces nouvelles vies du temps. Nous les aimons, c’est sûr, même métamorphosés dans un autre rôle, le visage de l’amour vit dans les sept mémoires.
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