Pire qu'en Iran
Il y a soixante cinq ans, le 8 janvier 1958, étaient exécutés à la guillotine, à la prison de la Casbah de Constantine, les chouhadas de l’indépendance de l’Algérie Aouati Mostefa, Omar Zaâmouche, Belkacem Mentouri et Ben Abbès Said.
Certes, un instant était suffisant pour couper la tête de ces martyrs, mais ni les années ni les décennies ne seront suffisantes pour faire oublier le sacrifice et le courage dont ont fait montre ces hommes libres de l’Algérie, a estimé Soraya Ammour, réalisatrice spécialisée dans l’histoire de la glorieuse Révolution.
Armés de courage et nourris par la foi, ces héros avaient subi, avant de tomber sous le couperet de la guillotine, les pires tortures, conjuguées à une souffrance psychologique dans l’attente de la mort, a souligné à l’APS Mme Ammour qui se référait aux témoignages recueillis auprès d’anciens condamnés à mort dans le cadre de son film documentaire intitulé "Face à la guillotine, ils voient le soleil de juillet".
A la prison militaire de la Casbah de Constantine, la mémoire du peuple a retenu de ces héros de la guillotine le courage qu’ils montrèrent en affrontant la mort, aux cris de "Allahou Akbar ! Vive l’Algérie ! vive l’indépendance !".
Les moudjahidine, à Constantine, ont souvent témoigné du courage du chahid Aouati Mostefa qui demanda, la veille de sa mort, à voir la guillotine : "Je veux voir cette machine qui coupe en deux, ce que Dieu a créé d’une seule pièce", avait-il lâché. Aujourd’hui, l’une des principales artères de la ville de Constantine porte le nom du Chahid Aouati Mostefa, une rue située dans le prolongement de la RN 5 Constantine-Alger.
Les touristes qui empruntent la Porte de la Casbah pour se rendre vers les gorges du Rhumel, le pont suspendu et le boulevard de l’abîme, longent le mur austère en pierre taillée bleue de la prison militaire, au milieu duquel est apposée une grande plaque en marbre portant les noms des condamnés à mort, exécutés à la guillotine.
Aouati Mostefa, alors chef de l’organisation du FLN à Constantine depuis mai 1955, Omar Zaâmouche qui était le chef des groupes de cette organisation, chargé de programmer et de sélectionner les personnes qui exécutent les attentats dans la ville de Constantine dans le cadre des opérations de Fida, de concert avec Aouati, étaient condamnés à mort en mars 1957 avec Belkacem Mentouri et Ben Abbès Said, des membres actifs dans l’organisation ayant participé à des attentats contre la soldatesque coloniale, a indiqué Soraya Ammour.
Les deux principaux chefs, ainsi que 19 autres membres du groupe présents au procès ouvert au tribunal permanent des forces armées de Constantine (la Casbah), sont accusés d’avoir été les auteurs des attentats perpétrés à Constantine entre le 30 avril et le 30 novembre 1955, y compris les glorieuses attaques du Nord constantinois, le 20 août 1955, rappelle Mme Ammour.
De mars 1957, date de la lecture de la sentence à l’issue d’un procès d’une semaine environ, jusqu’au 8 janvier 1958, les quatre condamnés à mort ont été torturés physiquement. Dans les couloirs de la mort à la prison de la Casbah de Constantine, le martyr Omar Zaâmouche qui refusait catégoriquement de donner des informations sur la lutte armée, a été violemment torturé, jusqu’à extraire ses ongles, selon les témoignages des condamnés à mort, cités par Soraya Ammour.
Aouati, Mentouri et Ben Abbès ont été également torturés et, le jour de leur exécution, tous sereins se sont dirigés vers l’échafaud en criant vive l’Algérie, selon le défunt Bouherid Hadj Driss, un des avocats ayant pris la défense de ces martyrs, a souligné Mme Ammour.
A la prison militaire de Constantine, pas moins de 57 moudjahidine ont été guillotinés. Le cas de Benmeliek Abderrahmane avait frappé l’imagination, ayant été exécuté le jour de son 24ème anniversaire, le 4 mars 1958. Le premier guillotiné à Constantine fut Belkhiria Mohamed et les trois derniers furent Bouras Tayeb, Hamadou Hocine et Bouchelaghem Mohamed Tayeb.
Le courage, la détermination et l’esprit de sacrifice des condamnés à mort
Les quatre martyrs guillotinés à Constantine, le 8 janvier 1958, constituent un modèle de courage et d’héroïsme, face à l’occupant qui croyait avoir décapité l’organisation de la résistance dans la ville de Constantine, une organisation qui sera reconstituée, en dépit de la machine répressive inouïe, défiée avec la même détermination jusqu’à l’indépendance. Leur âge ne dépassait pas 29 ans, comme ce fut le cas pour Aouati Mostefa.
Aouati, Zaâmouche, Mentouri et Ben Abbès avaient été arrêtés par le colonisateur à la suite d’une série d’actions révolutionnaires armées, notamment l’exécution d’un inspecteur de police, tortionnaire notoire à Constantine, a indiqué Soraya Ammour, rappelant qu’entre avril et novembre 1955, les attentats se multiplièrent, marquant le refus du colonialisme, par la population autochtone, à Constantine comme ailleurs.
Le 28 novembre 1955, le premier arrêté fut Zaâmouche Amor. Le lendemain, Aouati Mostefa sera arrêté alors qu’il venait d’accomplir une mission, couverte par ses activités de commerçant, a-t-on rappelé, précisant que l’enquête donnera lieu à l’arrestation de 19 autres personnes, dont Mentouri Belkacem et Benabbes Said.
Guillotinés à la fleur de l’âge, ces martyrs ont laissé derrière eux des familles qui les ont pleurés mais surtout un peuple fier des sacrifices qu’ils ont consentis pour la liberté et l’indépendance.
Ahmed Aouati, un parent du chahid Aouati Mostefa, a rapporté que la mère du chahid avait constamment refusé de croire que sont fils était mort, jusqu’au jour où sa tombe a été ouverte, tragique moment durant lequel elle reconnut enfin le corps du martyr.
Publié Le : Dimanche, 08 Janvier 2023 18:30
https://www.aps.dz/regions/149818-les-guillotines-du-8-janvier-1958-a-constantine-quand-la-repression-coloniale-atteint-son-summum
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