Après les Halles de Schaerbeek et le Théâtre des Doms, à Avignon, c'est au Rideau que Salim Djaferi interroge à nouveau avec brio la violence du langage.
Ce que Salim Djaferi a toujours nommé "guerre" d'Algérie de ce côté-ci de la mer Méditerranée est forcément appelé autrement sur l'autre rive...
Un jour de juillet 2018, Salim Djaferi entre dans une librairie d'Alger pour y chercher des livres sur la guerre d'Algérie. C'est son premier séjour dans cette ville, mais ses origines algériennes l'ont déjà mené à se documenter sur le sujet – en particulier sur la période qui a précédé l'indépendance. Pourtant, il ne trouve rien: aucun rayon ne parle de la guerre d’Algérie. Il finit par demander conseil à la libraire, qui lui répond avec étonnement: "Tous les ouvrages sur la Guerre d'Algérie se trouvent au rayon Révolution." Ce qu'il a toujours nommé "guerre" de ce côté-ci de la mer Méditerranée est forcément appelé autrement sur l'autre rive...
Cette anecdote, le comédien en fait le point de départ d'une enquête passionnante dont il révèle les étapes dans Koulounisation, un spectacle qui décortique et analyse, avec humour et audace, l'impact du langage et de sa violence sur nos vies. Comment dit-on "colonisation" en arabe? La question paraît à première vue d'une simplicité folle: en écoutant Salim Djaferi l'énoncer, on se demande pourquoi on ne se l'est pas posée plus tôt... Et pourtant, la réponse est loin d'être évidente! Car le langage, quel qu'il soit, fabrique et recompose le monde, façonne nos représentations et notre imaginaire, propose plusieurs visions de l'histoire, intime ou collective... Ayant compris cela, Salim Djaferi se met en quête de comprendre quels récits sont véhiculés dans les mots du colonialisme; quelles histoires sont racontées et quelles autres sont tues…
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