Dans son livre, l’auteur Nedjib Sidi Moussa appelle à mettre au jour la « centralité refoulée de la question algérienne en France » depuis l’indépendance du pays, en 1962.
Docteur en sciences politiques, enseignant, militant de gauche, déjà auteur de La Fabrique du musulman (Libertalia, 2017) et Algérie, une autre histoire de l’indépendance (PUF, 2019), Nedjib Sidi Moussa poursuit une veine critique, nuancée et lucide. S’il est question de lire notre rapport à l’altérité, l’immigration, la nation, l’universalisme, la mondialisation, l’antisémitisme à travers le prisme algérien, il ne s’agit pas de « tout repeindre en vert », mais de mettre au jour la « centralité refoulée de la question algérienne en France » depuis 1962.
Le livre est structuré autour de sept séquences historiques. Il commence par le coup d’Etat en 1965, qui signe l’échec du socialisme à l’algérienne, et réactive, trois ans après l’indépendance, le conflit entre deux « générations algériennes » de France : celle, animée par le ressentiment colonial, des partisans de l’« Algérie française », et celle, désormais désillusionnée, des anticolonialistes favorables à l’« Algérie nouvelle » .
« Virilité menaçante »
Puisant dans un foisonnement de sources, l’auteur traque les soubassements des clivages politiques et idéologiques qui travailleront durablement le paysage politique français. Il revient sur l’affaire Dalila Maschino, cette jeune Algérienne mariée à un Français et enlevée par son frère ; la « marche des beurs » de 1983 ; le « contrat de Rome » en 1995, qui entendait mettre un terme à la guerre civile en dialoguant avec les islamistes du Front islamique du salut ; le calamiteux match amical France-Algérie de 2001 interrompu par des supporteurs ; ou encore « l’affaire » Kamel Daoud dont la tribune « Cologne, lieu de fantasmes », parue en 2016, cristallisa les tensions autour de l’immigration.
Ce « refoulement » de la centralité de la question algérienne doit s’entendre de plusieurs façons : au sens littéral, du refoulement des « indésirables » aux frontières. Figuré aussi : cette histoire algérienne de la France croise une certaine histoire française de la sexualité, nourrie de fantasmes sur la « virilité menaçante » des immigrés ou d’une obsession pour le corps des femmes qui se manifeste dans les multiples polémiques sur le voile. Ce terme résonne aussi avec l’idée de mémoire et en l’occurrence de ces deux mémoires « qu’il s’agirait de réconcilier, apaiser, consigner ». Au contraire, Nedjib Sidi Moussa en appelle à sortir du « prisme mémoriel » pour effectuer un travail d’histoire et dépasser le « marasme ambiant », qui prospère sur cet éternel retour du refoulé.
« Histoire algérienne de la France », de Nedjib Sidi Moussa, PUF, 236 pages, 19 euros.
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