Depuis l’arrestation en 2008 du célèbre trafiquant d’armes russe, puis sa condamnation en 2012 aux États-Unis à vingt-cinq ans de prison, Moscou n’a cessé de demander sa libération. Il vient d’être échangé contre la basketteuse américaine Brittney Griner.
Qui se cache derrière Viktor Bout, ce « marchand de mort » devenu un véritable mythe dans le milieu des trafics d’armes pendant des décennies ? Depuis son arrestation en Thaïlande en 2008, son extradition aux États-Unis à l’issue de deux ans de bataille diplomatico-juridique et sa condamnation en 2012 à vingt-cinq ans de prison, Moscou cherchait par tous les moyens à le récupérer.
Sa libération, jeudi 8 décembre, en échange de la basketteuse américaine Brittney Griner détenue en Russie depuis de longs mois, ravive des interrogations anciennes sur la véritable profession de cet ancien élève de l’Institut des langues étrangères à Moscou qui, dans sa cellule américaine, gardait une photo de Vladimir Poutine.
Lord of War
Ce moustachu au charisme indéniable, qui a inspiré le héros du thriller hollywoodien Lord of War (2005), avec un Nicolas Cage campant un trafiquant d’armes des plus cyniques, avait toutes les caractéristiques d’un espion professionnel. À Moscou, à l’Institut des langues étrangères, il a formé les officiers de renseignement militaire.
Viktor Bout s’est toujours présenté en simple homme d’affaires. Très vite, multipliant les sociétés écrans pour transporter les armes, il a aidé les hauts gradés soviétiques à se faire de l’argent en bradant le matériel de leurs unités. Profitant de la surabondance d’armes soviétiques abandonnées à la chute de l’URSS, il a alimenté une série de guerres civiles fratricides, notamment en Afrique. De fait, Viktor Bout entretenait des liens avec toutes sortes de groupes rebelles ou d’États voyous – et donc avec les gouvernements qui, en coulisse, les soutenaient.
Pour son commerce, comme pour ses hypothétiques missions politiques, Viktor Bout disposait d’un atout fort, propre aux membres des services d’espionnage : polyglotte, il parle huit langues. Et une autre grande spécialité : les avions militaires. Outre les langues étrangères, Viktor Bout a fait des études d’aéronautique puis rejoint l’armée de l’Air. Plus tard, son commerce des vieux avions soviétiques Antonov et Tupolev fait sa fortune. Il exploite jusqu’à soixante appareils, opérés par des pilotes russes capables de se poser n’importe où.
« Dieu sait la vérité »
Fort de sa propre flotte d’avions-cargos, il livre des armes à travers le monde entier. Un trafic qui n’a pas pu être mené à bien sans relations politiques au plus haut niveau et autres couvertures des services de renseignement. Déjouant les embargos internationaux, Viktor Bout a vendu à tous les mouvements rebelles de la planète, en particulier en Afrique. Mais aussi en Afghanistan où il aurait équipé à la fois les insurgés talibans et leurs ennemis de l’Alliance du Nord pro-occidentale.
En 2008, Viktor Bout finit par être arrêté en Thaïlande, piégé par des agents américains. Il est jugé aux États-Unis pour « soutien aux terroristes », « complot en vue de tuer des Américains », « trafic d’armes et blanchiment d’argent ». Les procureurs réclamaient la perpétuité. Il est finalement condamné à New York en avril 2012 à vingt-cinq ans de prison.
« Je ne suis pas coupable, je n’ai jamais eu l’intention de tuer qui que ce soit, je n’ai jamais eu l’intention de vendre des armes à qui que ce soit », se défend-il alors. Avant d’insister : « Dieu sait la vérité. »
Visiblement, le ministère russe des affaires étrangères connaissait aussi la vérité. Il n’a cessé d’œuvrer pour obtenir son retour en Russie. C’est désormais chose faite.
https://www.la-croix.com/Monde/Echange-prisonniers-Viktor-Bout-trafiquant-darmes-tres-proche-Kremlin-2022-12-08-1201245693
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