Le patron des services extérieurs algériens, le général Djebbar M’henna, au mieux avec les
responsables français dont il est des principaux interlocuteurs à Alger, a trempé dans les mauvais coups de l’appareil sécuritaire algérien durant les années noires (1992-1998) avant d’être condamné par la justice algérienne en 2019 à huit ans de prison pour corruption.
C’est à l’époque de la sale guerre qui a frappé l’Algérie dans les années 1992 à 1998 que le général Djebbar M’henna est propulsé dans les hautes sphères du commandement militaire. Affecté à la première région militaire à Blida aux portes d’Alger, ce jeune capitaine intègre le « Centre de recherche et d’inspection » (CRI), vite transformé en « Centre territorial de recherche et d’investigation » (CTRI) (1).
Passé au grade de commandant, Djebbar Mhénna dirige ce centre névralgique de la répression en 1992 et en 1993 à la tète de plus de 300 officiers dispersés au sein de la police, de la gendarmerie et des « centres principaux opérationnels », ces groupes d’autodéfense qui combattent les islamistes par tous les moyens. La violence atteint son paroxysme au sein du triangle de la mort « Blida, Boufarik, Média ». Djebbar M’henna, qui bénéficie de la confiance du puissant général Medien, dit « Toufik », le patron de l’ex DRS (services algériens) et le vrai maitre du régime algérien jusqu’à son éviction en 2015, n’ignore rien des massacres des populations civiles et du dossier si sensible de l’assassinat des moines de Tibehirinne.
Basses oeuvres
Le CTRI de Blida est réputé être le centre de torture, d’exécutions sommaires, de disparitions. Les officiers du DRS l’avaient surnommé « one way ticket », en détournant le tube à succès des années 70. Le commandant Djebbar Mehenna se trouve au cœur du dispositif répressif, en contact direct avec le « centre de coordination de lutte contre les actions subversives » placé sous l’autorité du général Lamari, alors chef d’état major. L’officier est surtout en relation directe avec les généraux Toufik et Smain Lamari. À la tète alors des services algériens, ces deux là organisent l’éradication des groupes islamistes armés.
Le général M’henna avait sous son autorité le capitaine Hocine Boulahya, de son vrai nom Oubelaid abdelhamid, qui a été débarqué tout récemment de ses fonctions en raison de ses initiatives intempestives et brutales contre les opposants algériens de la diaspora en france et en Europe. À l’époque, une relation de confiance s’était instaurée entre les deux hommes. Hocine Boulahya, diplômé des sciences islamiques, avait la mission d’infiltration des groupes opérant dans l’Algérois, qu’il s’agisse du « Mouvement Islamique Armée » ou du « Mouvement pour l’Etat Islamique » Ces groupes seront décimés pour être remplacés par les GIA, ces « groupes Islamiques Armés » qui seront infiltrés et instrumentalisés par une partie des services secrets algériens
Le général Djebbar M’henna tenait ses réunions nocturnes avec ses officiers dans la grande salle de l’hôtel Palace de Blida, tenu par un ancien officier de la gendarmerie, loin des regards indiscrets, pour initier une lutte implacable contre les groupes armés.
La traversée du désert
Récompensé pour ses bons et loyaux services, Djebbar M’henna dirigea la DCSA (services de sécurité de l’armée) de 1995 à 2013, où la répression brutale qu’il initia en Kabylie lui vaut aujourd’hui une réputation excecrable dans cette région contestataire dont il est pourtant originaire.
La date de sa mise à la retraite brutale coïncide avec le transfert de la DCSA sous la coupe du chef d’’Etat Major, alors le général Gaîd Salah. On assiste alors en 2015 au démantèlement du fameux DRS, ces services secrets algériens qui, sous la férule du général Toufik, furent l’ossature du régime pendant vingt cinq ans (1990-2015)..
Lorsque le général Gaïd Salah devient l’homme fort du régime après le départ du Président Bouteflika en 2019, le général M’henna, est arrêté et jugé, le 20 octobre 2019, pour corruption, abus de pouvoir, enrichissement illicite, blanchiment d’argent. C’est à cette occasion qu’on apprend, via la télévision algérienne officielle, que cet officier corrompu a la haute main sur le prospère marché illégal des devises, ce poison qui mine l’économie algérienne (voir l’article ci dessous).
La situation change à nouveau du tout au tout avec le décès brutal, largement inexpliqué, de Gaïd Salah et le retour, au coeur du pouvoir, des amis du général Toufik. Bien que condamné à huit années de prison, le général M’henna sort de prison le 23 juillet 2020 et est nommé en septembre 2021 à la tête de la toute nouvelle Direction générale de la lutte contre la subversion (DGLS) chargée de la surveillance des algériens de l’étranger. Ce qui vaut à notre gradé de siéger au sein du tout puissant Haut conseil de sécurité, qui se réunit sous la présidence du cher d’état major, le général Chengriha.
Une ambition sans limites
À la fin de février 2022, une réunion informelle est convoquée par le général Chengriha, dans les locaux flambants neufs de la DGLS situés à Douira sur les hauteurs d’Alger. Le gratin de l’armée et des services est reçu par le général Djebbar M’hénna qui officie. Le message envoyé est clair. Les anciens du DRS, dont M’hena, ont à nouveau droit de cité au sein de l’institution militaire.
La mise en place d’une coordination des services, qui existait avec le président Bouteflika sous l’autorité du général Tartag, est jugée indispensable par M’henna et ses amis. La situation où on assiste à des chicayas entre les services extérieurs (DGDSE) et ceux du contre terrorisme intérieur (DGSI) empêcherait, selon eux, toute stratégie commune, notamment dans la répression contre les opposants. L’heure devrait être au rassemblement des forces sécuritaires pour affronter les défis sécuritaires face aux mobilisations du Hirak et aux contentieux régionaux (Maroc, Libye, Sahel).
Splendeur et décli
Le général Djebbar M’henna croit son heure arrivée, il prétend à des fonctions de centralisation de l’ensemble des forces sécuritaires. Hélas pour lui, les hauts cadres du renseignement militaire de la DCSA s’opposent fermement à l’idée de mettre en place une coordination des services qui ne serait pas placée sous leur autorité. Le général Ouled Zmirli, alors patron de la DCSA, refuse qu’on remette en cause les prérogatives grignotées année après année, par son propre service. Ce qui place de dernier au niveau où se trouvait, durant les belles années, l’ancien DRS du tout puissant général Toufik. Pris en étau entre les cadres de la DCSA, bras armé de l’État Major, et les ambitions des revenants de l’ex DRS, le général Said Chengriha choisit les premiers. Ce qui lui vaut encore aujourd’hui une hostilité à peine masquée du général M’henna, soupçonné de se livrer dans les médias à des « fuites » malveillantes contre le patron de l’armée algérienne.
À la rentrée de Septembre, notre homme soit se contenter d’être nommé à un poste plus modeste à la tète de la DDSE (services extérieurs algériens). Dans ses nouvelles fonctions, le général M’henna rencontre régulièrement son homologue français, Bernard Émié, le patron de la DGSE. Les deux hommes se connaissent fort bien, s’apprécient et tentent tous les deux de refonder un axe franco algérien fort.
Ces retrouvailles franco-algériennes ne pourront se construire qu’en opposition au patron des armées algériennes, le général Chengriha, dont on connait la tendresse pour la Russie. Le pays de Poutine reste malgré tout le premier fournisseur d’armes de l’Algérie et a encore mené, début Septembre à Vostok, des manoeuvres militaires communes avec ses alliés indien, chinois, birman et …. algérien.
Le conflit ouvert entre les deux généraux Chengriha et M’henna fait partie désormais des scénarios possibles
(1) Ce centre se situait au coeur de la première son région militaire et couvrait plusieurs régions, où il étend sur douze wilayas, en disposant dans chacune de relais qui lui octroient un large contrôle territorial.
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