Le nouveau billet de 2 000 dinars émis le 2 novembre par la Banque d’Algérie a relancé ces derniers jours le débat linguistique sur les réseaux sociaux du pays et dans la diaspora. En cause ? La mention en anglais du montant sur le billet, dont la valeur sur le marché parallèle est proche de 10 €: « Two thousand dinars. » « La première réaction a été de considérer qu’il s’agissait d’un nouveau signe politique du gouvernement algérien de prise de distance avec la langue française », explique Mohamed Iouanoughene, rédacteur en chef à Radio M.
Cette tendance, soutenue par une partie de l’opinion, s’est engagée à l’automne 2021 au moment de la crise entre Paris et Alger après les déclarations du président Macron sur la rente mémorielle et sur l’existence de l’État algérien avant la colonisation. Mais, selon le journaliste, « la polémique autour de ce billet a pris des tournants inattendus ». Un tweet par Jean-Luc Mélenchon a particulièrement fait réagir : « Ceci est un billet algérien. La langue commune ne l’est plus. Tristesse. Macron et Borne ont échoué en tout et pour tout. »
Mélenchon taxé de « néocolonialisme »
« Insupportable pour les Algériens, même pour ceux, nombreux, qui ont des sympathies pour lui et ses positions contre l’islamophobie », réagit Saïd Douar, un militant de gauche choqué par le dérapage « néocolonialiste » du leader de La France insoumise. « Il n’y a jamais eu un mot de français sur les billets de banque en Algérie. Toujours que de l’arabe. De quelle langue commune parle-t-il ? »
Cette polémique illustre la confusion sur les deux rives de la Méditerranée au sujet de la place réelle de la langue française en Algérie. Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée d’origine algérienne, a rappelé à Jean-Luc Mélenchon que l’Algérie ne faisait pas partie de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Pourquoi pas le tamazight ?
Des voix se sont bien sûr exprimées en Algérie pour se réjouir du recours à l’anglais, en plus de l’arabe, sur le nouveau billet comme « signe d’ouverture au monde ». Mais de très nombreux commentaires montrent que la préférence est au maintien de la seule langue arabe, « comme cela a toujours été le cas » depuis l’indépendance et la création de la Banque d’Algérie et du dinar.
Certains y voient un autre problème : tant qu’à briser le monopole de l’arabe sur les billets, pourquoi ne pas l’avoir fait au profit du tamazight, langue berbère et deuxième langue nationale ? Mohcine Belabbas, ancien président du RCD (opposition démocratique) et ex-député, y voit « un abandon symbolique de la souveraineté ». Un point de vue largement partagé par les berbérophones, qui auraient souhaité que ce billet, célébrant les 60 ans de l’indépendance et la souveraineté retrouvée, consacre le pluralisme linguistique désormais reconnu dans la Constitution.
Le français, « un butin de guerre »
Le gouvernement, qui souhaite accélérer l’apprentissage de l’anglais, « langue internationale », se défend de vouloir le faire au détriment du français, qualifié de « butin de guerre » par Abdelmadjid Tebboune, reprenant les mots de l’écrivain Kateb Yacine.
https://www.la-croix.com/Monde/Algerie-nouveau-billet-banque-ravive-debat-linguistique-2022-11-09-1201241392
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