Le groupe paramilitaire proche du Kremlin tente d’instiller la terreur avec des images terribles.
« Je suis Evgueni Anatolievitch Noujine, né en 1967. J’ai rejoint le front dans le but de passer du côté ukrainien et de me battre contre les Russes. Le 4 septembre, j’ai mis en œuvre mon plan. Le 11 novembre, dans une rue de Kiev, j’ai reçu un coup sur la tête et j’ai perdu connaissance. Je me suis réveillé dans cette cave où on m’a indiqué qu’on allait me juger. »
L’homme qui parle a le visage attaché à une brique par du film plastique. Il a à peine le temps de terminer sa phrase qu’un violent coup de masse s’abat sur sa tempe. Il est ensuite achevé au sol d’un second coup.
La vidéo est apparue dimanche 13 novembre sur une chaîne Telegram proche du groupe de mercenaires Wagner. « Le traître a reçu la punition traditionnelle wagnérienne », dit le commentaire. Depuis l’exécution en 2019 d’un déserteur de l’armée syrienne, démembré et brûlé, la masse ressemble presque à une signature pour cette société militaire privée qui a exporté ses méthodes brutales dans le monde entier.
Le visage ceint de plastique n’est pas inconnu. Après sa reddition, Evgueni Noujine avait donné plusieurs entretiens à des médias ukrainiens, affirmant parler librement. Il y racontait son parcours : emprisonné depuis 1999 pour meurtre et tentative d’évasion, l’homme avait saisi la possibilité d’une sortie de prison en rejoignant les rangs de Wagner ; surtout, il affirmait avoir eu l’intention dès le début de déserter pour combattre du côté de l’Ukraine, « victime » d’une agression russe.
A l’époque, ce récit avait été contesté. L’homme, ancien du ministère de l’intérieur, purgeait sa peine dans une prison réputée privilégiée. Il affichait sur les réseaux sociaux un franc soutien à « l’opération spéciale » – et sur le torse un tatouage de croix gammée.
Dissuader les désertions
Pour Wagner, ces interrogations sont secondaires. La priorité semble de dissuader les désertions et les refus de combattre, qui touchent toute l’armée. Le groupe avait déjà laissé entendre il y a quelques jours avoir exécuté l’un de ses combattants, ne filmant cette fois que l’interrogatoire du soldat au visage tuméfié.
Par cette exécution publique, Wagner et son patron, Evgueni Prigojine, montrent aussi que tout leur est permis, y compris sur le sol russe, y compris contre des Russes. M. Prigojine a ainsi clairement revendiqué les faits, dimanche, avec l’ironie glaçante dont il est coutumier : « Il n’a pas trouvé le bonheur en Ukraine et a fini par rencontrer des gens durs mais justes. Ce film devrait s’appeler “une mort de chien pour un chien”. Excellente réalisation, qui se regarde d’un souffle. Aucun animal n’a souffert durant le tournage. »
Le comité d’enquête, institution d’ordinaire prompte à déclencher des investigations à tout sujet, n’avait pas réagi, lundi. Le porte-parole du Kremin, Dmitri Peskov, a lui aussi refusé de commenter : « Nous ne savons pas dans quelle mesure cela correspond à la réalité et ce n’est pas notre affaire. »
L’épisode pose aussi question quant à l’attitude de Kiev. L’idée que Noujine aurait été enlevé en pleine rue suscite des doutes. Les observateurs russes penchent plutôt pour un échange de prisonniers. L’un d’eux a bien eu lieu le 11 novembre, avec 45 Ukrainiens rendus et aucune précision donnée côté russe. Certaines sources vont jusqu’à affirmer que Noujine a été échangé contre vingt Ukrainiens détenus par Wagner.
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