Le 18 octobre, un hommage aux anciens combattants de la guerre d’Algérie a été rendu par le président de la République lors d’une prise d’armes dans la cour des Invalides. Une ultime commémoration en cette année du 60e anniversaire.
Pas de discours mais un communiqué sur le site de l’Élysée. Ce 18 octobre, hommage a été rendu aux anciens combattants de la guerre d’Algérie, « engagés, appelés ou supplétifs » qui « ont vécu ce conflit en première ligne, dans leur chair et leur conscience ». Cette date marque l’anniversaire de la loi de 1999, qui reconnaît enfin une « guerre » longtemps laissée sans nom. Et pour laquelle, entre 1954 et 1962, la France envoya près d’un million et demi d’hommes et de femmes se battre pour elle.
Reconnaître toutes les mémoires
C’était l’une des préconisations du rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie remis par l’historien Benjamin Stora à Emmanuel Macron, en janvier 2021. « On ne pouvait pas terminer cette année du 60e anniversaire sans un geste particulier pour les appelés et à toutes ces familles qui attendaient leur retour », insiste l’historien présent aux Invalides. Pour lui, seule la commémoration des principaux groupes de mémoire – harkis, Français d’Algérie, indépendantistes, anciens combattants – peut permettre « des compromis mémoriels ».
De fait, Emmanuel Macron s’est attaché à rendre hommage, par des discours et des gestes symboliques, à tous ces porteurs de mémoire. Reconnaissant les « manquements » de la République française envers les harkis, comme la responsabilité de l’État dans l’assassinat des indépendantistes Maurice Audin et Ali Boumendjel. Ou encore dans la fusillade de la rue d’Isly à Alger, où tombèrent des partisans de l’Algérie française.
Cette cérémonie aux Invalides a été ainsi précédée d’un message présidentiel, la veille, dénonçant les « crimes inexcusables pour la République », à propos du massacre des manifestants algériens par la police à Paris, le 17 octobre 1961. Et le communiqué du 18 octobre veillait aussi à rappeler la condamnation de ceux, qui parmi les combattants, « se sont placés hors la République ». « Cette minorité a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. »
Concomitance ou marque d’un non-choix
Dans cette multiplication de gestes et de paroles de reconnaissance, certains saluent une « concomitance des mémoires », à l’instar de l’historienne Naïma Yahi, qui a fait partie de la commission Stora. « La célébration des mémoires combattantes n’empêche en rien celle du 17 octobre, souligne-t-elle, l’important est que ces deux mémoires soient considérées et reconnues avec la même force, qu’elles ne soient pas hiérarchisées et que se tisse ainsi la reconnaissance de la République. » Tout comme Benjamin Stora, elle défend aujourd’hui la panthéonisation de Gisèle Halimi, en hommage à « tous ceux qui ont porté les valeurs de la République en soutenant la lutte des indépendantistes contre un système colonial injuste ».
D’autres voient cependant dans cette pluralité de commémorations « la marque d’un non-choix », selon les mots de Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’indépendance algérienne. « Cette politique mémorielle se veut équilibrée mais elle porte sur une situation historique fondée sur un déséquilibre majeur, où certains ont connu le viol, la torture. C’est la question de l’impunité que l’on ne questionne pas. Quant à la “réconciliation des mémoires”, elle ne s’impose pas. La mémoire des individus se respecte, c’est tout. »
Partisane de la mise en place d’une justice transitionnelle sur la guerre d’Algérie, l’historienne appelle surtout à « traiter les séquelles de ce passé dans la société française ». Un travail qui passe, selon elle, par l’enseignement de cette période aux générations qui ne l’ont pas connue, comme par la lutte contre le racisme et les discriminations. Une autre préconisation du rapport Stora vise à développer aussi les bourses de recherche entre les deux rives et à faire dialoguer des jeunes issus des différents groupes mémoriels. Pour, à défaut de les réconcilier, « décloisonner les mémoires de la guerre d’Algérie ».
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