La bataille d'Alger, appelée aussi « la grande répression d’Alger », qui a opposé les parachutistes de l'Armée française à des éléments très actifs du Front de libération nationale, fut à la fois sanguinaire et énigmatique. En effet, si les instruments essentiels des affrontements des uns étaient les attentats, ceux des autres, c’était les arrestations et les interrogatoires. Et de ceux qui ont été arrêtés, il y a de ceux qu’on ne reverra plus jamais.
Et pour mettre un peu plus de lumière sur ces disparus, deux historiens ont décidé d’élaborer une carte à même de rendre clairement compte d’une facette sombre de cette page de l’histoire de la colonisation. Il s’agit de Fabrice Riceputi, enseignant et historien français, et Malika Rahal, historienne, chargée de recherche à l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS). Leur projet porte le nom de « Mille autres » et se penche exclusivement sur la disparition forcée durant la grande répression d’Alger », dite « bataille d’Alger » (1957-1958). Il documente les cas des personnes enlevées par les parachutistes français, dont beaucoup ne sont jamais réapparus.
Selon Malika Rahal, la carte en question « indique - lorsque ces informations sont connues - l’adresse du domicile et du travail de chaque personne enlevée, ainsi que le lieu où elle a été kidnappée ». « L’on voit sur la carte, ajoute l’historienne, se dessiner la géographie d’un événement qui est loin d’être cantonné à la seule Casbah, mais concerne en fait tous les quartiers algériens de la ville d’Alger ».
Bataille d'Alger : Des lieux de torture méconnus
La carte mentionne, en outre, les lieux de détention, formels ou informels, mentionnés par les familles des disparus et dans les archives lorsqu’ils ont pu être localisés avec précision. « Les proches y ont souvent recherché leurs disparus et, parfois, ont pu les apercevoir. Plusieurs de ces lieux sont des lieux de torture déjà connus, comme la villa Sésini, ou les écoles Sarrouy et Gambetta du quartier de Soustara, de la galerie desquelles a été jetée Ourida Meddad et où a été torturée la militante Zhor Zerrari », explique l’historienne algérienne.
Aussi la carte indique-t-elle des lieux moins connus, comme la villa Mireille sur le boulevard Bru, (actuellement boulevard des Martyrs), au sujet de laquelle l’historien Pierre-Jean Le Foll-Luciani communique quelques détails : elle avait été habitée par trois institutrices membres du Parti communiste algérien, qui hébergeaient des militants et militantes clandestines recherchés. « Lorsque, le 28 février 1957, les parachutistes ont pris la villa, ils en ont fait un lieu de transit pour les détenus, avant et après leur passage par la villa Sésini, où ils étaient torturés », détaille Malika Rahal qui néanmoins précise : « la carte actuelle est provisoire. La carte finale devra documenter l’ensemble des cas collectés sur le site. Elle devra aussi permettre d’avoir une vision géographique plus ample, en montrant l’ensemble du département d’Alger de l’époque ».
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