La mort d’un enfant est le pire drame que puissent connaître des parents. La mort de Lola, 12 ans, enlevée, violée, tuée, puis retrouvée dans une malle dans le 19e arrondissement de Paris le 15 octobre, est effroyable pour les proches de la fillette, mais aussi pour la société entière.
Que des milliers de personnes aient tenu à exprimer leur soutien à la famille endeuillée durant tout le week-end dans le Pas-de-Calais, que les obsèques, célébrées lundi 24 octobre, aient constitué un moment d’émotion intense, n’a rien que d’humain. Chacun peut se sentir concerné, touché, à sa manière, par une tragédie dont la victime appartient à la catégorie de la population censée être protégée le plus fortement par la collectivité : les mineurs.
Mais si l’émoi est hautement compréhensible, l’exploitation politique qui a été faite de ce meurtre révulse. Sitôt connue la nationalité algérienne de la suspecte, Dahbia B., 24 ans, le parti d’Eric Zemmour a acheté des noms de domaine Internet comportant le prénom de la petite victime. Et Jordan Bardella, président par intérim du Rassemblement national, a pratiqué l’amalgame en reliant la mort de Lola aux hommages d’Emmanuel Macron au Ballon d’or Karim Benzema, Français d’origine algérienne, et aux manifestants algériens tués par la police française le 17 octobre 1961 à Paris. Qu’il ait fallu que les parents de Lola appellent eux-mêmes à l’arrêt de l’utilisation politique du nom de leur enfant pour faire cesser la récupération en dit long sur le degré de cynisme à l’œuvre.
L’utilisation politique de « faits divers » atroces est loin d’être un phénomène nouveau en France. Pour déclencher la peur et justifier les discours sécuritaires, ou pour diriger la vindicte sur une minorité de la population. En 1973, à Marseille, le meurtre d’un chauffeur de bus par un déséquilibré algérien avait suscité des articles haineux et entraîné la mort d’une vingtaine d’Algériens dans des « ratonnades » .
Fonds de commerce politique
Cette rhétorique consistant à stigmatiser un meurtrier en raison de ses origines, voire à expliquer son crime par celles-ci, reste à l’œuvre. Dans un contexte où les réflexes identitaires, toujours alimentés par les mémoires de la guerre d’Algérie, servent de plus en plus de fonds de commerce politique, l’exploitation atteint un degré plus scandaleux encore : sans connaître rien de précis ni sur le profil ni sur le mobile de la meurtrière suspectée, l’extrême droite, et certains à droite, cherchent à présenter son acte comme racial, religieux, voire civilisationnel. Un dangereux processus d’essentialisation qui prétend expliquer le drame non par ce qu’a fait une femme mais par ce qu’elle est : une Algérienne en situation irrégulière visée par une « obligation de quitter le territoire français ».
La très faible application des lois régissant la reconduite à la frontière des « sans papiers » est un problème politique qui mérite un débat et exige des réponses. Que la mort de Lola le mette en lumière est logique. Mais que le calvaire d’une fillette soit mis à profit pour alimenter la controverse n’est pas décent. L’indignation suscitée par un tel meurtre est indépendante de la nationalité tant de la victime que de l’auteur présumé.
Si le meurtre de Lola risque de soulever une question de société, c’est, à en croire les témoignages de ses proches, celui de la responsabilité pénale. Un dossier autrement plus complexe que la désignation des « immigrés » comme boucs émissaires ou l’exploitation d’une émotion populaire qui n’appartient à personne.
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