Les experts du Fonds monétaire international (FMI), lors d’une mission en Algérie au mois de juillet dernier, ont recommandé aux autorités algériennes de résoudre le casse tête que représente le marché noir des devises du Square Port Saïd (Ex square Bresson), une activité protégée en haut lieu. L’actuel patron des services extérieurs algériens (ou DGDSE) et principal interlocuteur de la France, le général Mehena Djebbar, avait été accusé de couvrir ce trafic illégale lorsqu’il avait été arrêté puis incarcéré en 2019.
Le Square Port Saïd est un charmant jardin public à Bab Azzoun au centre d’Alger, à quelques encablures du parlement sur le Boulevard Zighout Youcef, non loin de la banque centrale. Cet espace de verdure devenu depuis trente ans l’épicentre des trafics de devises au coeur de a capitale algérienne est limitrophe de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), Place Ouanouri Mohamed. C’est donc au vu et au su des autorités que fonctionne ce marché illégal de la devise qui plombe l’économie et le développement du pays.
Le marché noir des devises est un système toléré depuis des années. « Il est un indice des fluctuations des monnaies étrangères par rapport au dinars plus crédible que la Banque centrale », ironise un spécialiste. C’est surtout le moyen pour les élites algérienens de transférer des sommes considérables à l’étranger pour des placements dans l’immobilier notamment. Il permet également à tout algérien, pour des raisons de soins à l’étranger ou l’achat d’un véhicule ou même pour des vacances en Tunisie de financer ces dépenses alors que la monnaie nationale n’est pas convertible.
Toutes les déclarations mettant fin à ce marché noir sont restées lettre morte. En 2016, une loi est spécialement conçue pour lutter contre ce fléau qui plombe le Dina. Et puis plus rien! La dernière initiative est celle du président Tebboune qui déclarait le 20 février 2020 : « Concernant les devises, j’ai promis d’assainir l’économie algérienne. Le Square a été utilisé pour l’évasion et le transfert illicite des devises et de sommes importantes non déclarées vers l’étranger ». Deux ans plus tard, la situation n’a pas évolué.
Une masse monétaire de 80 milliards
Aucun gouvernement algérien n’a pu ou voulu chiffrer la masse monétaire détenue par ce marché noir. Le chiffre de 80 milliards de dollars est balancé par Mohamed Sami Agli, président du « Forum des chefs d’entreprises » , ce FCE qui représente les patrons algériens. L’annonce d’un tel chiffre a provoqué une onde de choc. Depuis, le président du FCE met le point sur l’abcès, « Ce marché informel représenterait 50% de notre PIB ».
Le système de changes parallèles, installé depuis le début des années 1990 au coeur d’Alger, est extrêmement rodé. Des sonnettes d’alertes ont été lancées par des organismes dépendant de la société civile qui luttaient contre la corruption. Au lieu d’une thérapie de choc, les pouvoirs exécutifs successifs tergiversent et pénalisent les établissements bancaires traditionnels.
Le constat des experts du FMI
Le paradoxe mis en avant par le FMI, le voici. Les établissements bancaires algériens sont dotés sur le papier des structures de régulation et de contrôle capable d’agir sur ce marché noir. Il manque la volonté politique
Les experts du FMI proposent d’avancer par paliers. Le marché noir dispose des ramifications profondes et solides au sein du système politique et peut s’adapter aux mesures coercitives dont il pourrait faire l’objet. Il faut attirer ces fonds dissimulés par des mécanismes efficaces mais aussi attractifs pour les usagers de ce marché. La réduction du volume des capitaux alimentant le marché devient ainsi le l’objectif principal.
Depuis, plusieurs députés ont interpellé le premier ministre Aymen Benabderrahman sur la nécessité de mettre fin une fois pour toute au marché noir des devises étrangères au Square Port Saïd. Ce qui suppose une réforme totale du secteur bancaire. « Si le marché parallèle fait le bonheur d’une partie du pouvoir militaire, constate un diplomate, il pénalise la grande majorité de la population qui n’a pas les moyens d’acheter une monnaie étrangère pour se procurer, ne serait-ce que des médicaments introuvables dans le pays ».
Une fenêtre de tir existe-t-elle? le ministre des finances, Abderrahman Raouya, s’était engagé, le 16 mai 2022, à encourager l’ouverture des « bureaux de change » … déja prévus par la loi de 2016. Mais le même ministre affirme le 9 juin 2022 : « qu’il n’existait pas de demande d’ouverture de bureaux de change et les investisseurs étranger ne manifestent pas d’intérêt pour cette activité ». L’omerta reste totale.
La mainmise de l’Etat profond
Contrairement à leurs voisins marocains et tunisiens qui disposent d’établissements bancaires à l’étranger, l’Algérie est en retard d’une guerre face à la mondialisation? La raison? c’est la mainmise d’une poignée de généraux et de leurs compères sur les milieux d’affaires empêche toute réforme, freine la collecte bancaire des fonds de la diaspora et laisse un système archaïque et illégasde change s’effectuer sur la voie publique, via des cambistes improvisés et sous la protection discrète de barbouzes assurantnon loin du commissariat de police du 2ème arrondissement d’Alger non loin de la place des martyrs.
La seule fois où un nom a été accolé au trafic des devises, coïncide avec l’arrestation du général Djebbar Mehenna en octobre 2019. L’ancien directeur de la DCSA (direction centrale de la sécurité de l’armée) devenu cet été et sa sortie de prison, la patron des services extérieurs, avait été désigné par la presse comme « le parrain » du marché du marché noir des devises. La fortune immobilière qu’il possède en France et en Espagne montre en tout cas qu’il connait la fçon discrète d’exporter des millions de dollars à l’étranger.
https://mondafrique.com/le-marche-noir-des-devises-plombe-leconomie-algerienne/
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