Alain Giorgetti, qui vient de participer au Week-end des talents dans sa commune de naissance, Hussigny-Godbrange, a présenté lors de cet événement son dernier livre. Un essai aussi court que percutant qui imagine le discours d’un président de la République française pas comme les autres.
« Avant de demander aux Algériens de réécrire leur histoire, écrivons d’abord la nôtre avec justesse et dignité », demande Alain Giorgetti. Photo DR /José Cañavate COMELLAS
Le Hussingeois de naissance Alain Giorgetti a sorti un essai, Ce que la France n’a jamais dit à l’Algérie , qui imagine le discours d’un président de la République française évoquant « haut et fort la guerre d’Algérie, ses horreurs, son scandale, ses mensonges, etc. »
D’où est venue l’idée de ce livre ?
Alain GIORGETTI : « D’une déception suite à la lecture du rapport remis par l’historien Benjamin Stora au Président Macron, en janvier 2021. Comme beaucoup, des deux côtés de la Méditerranée, j’attendais pas mal d’un texte fièrement titré Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Or, dès la préface, j’ai senti que j’allais être déçu. Rien de bien nouveau sous le soleil. Un digest pour étudiant en première année d’Histoire. Pas de dénonciation radicale mais une volonté « d’apaisement ». Pas d’engagements fermes et définitifs mais des « préconisations ». À l’issue de cette lecture, toujours le même biais historiographique. Toujours la même tare idéologique. Toujours le même problème éthique : cette nauséeuse impression d’assister à un jugement ex cathedra dont le verdict serait : 5 minutes pour les victimes, 5 minutes pour les bourreaux. Personnellement (quelque chose me dit que je ne dois pas être le seul), je n’en peux plus de cette histoire-là. Le passé colonial français en Algérie traîne l’un des pires bilans de la nomenclature des crimes contre l’Humanité et des crimes de guerre. »
La colonisation de l’Algérie par la France, « violente », ayant « vidé le pays de ses ressources », « s’est couplée avec des préjugés ethnocentristes » et « l’impression d’être supérieurs et de devoir civiliser », « nous, des lumières, eux, les ignorants » ?
« Je crois qu’on ne mesure pas la violence ni l’horreur des crimes commis par l’État français durant la colonisation en Algérie. D’une part via la politique de terreur puis de torture institutionnalisées par l’armée et la police françaises. On trouve sans effort nombre de travaux historiques sur le sujet désormais. D’autre part, via une série de spoliations, de prévarications, d’expropriations de terres et de pillage en règle des ressources dont la première de toutes fut la ressource humaine des Algériens. La question des chiffres est aussi importante que négligée. Même si le débat n’est pas clos, ceux avancés pour le seul conflit par Charles-Robert Ageron sont estimés entre 250 000 et 290 000. Bien avant Vichy, l’État français aura donc été un état raciste, avec une administration et un corpus de lois racistes. Tout ce qui s’est passé là-bas demeure au-delà de l’imagination ».
Vous parlez d’appauvrissement de la culture autochtone dans le fait colonial. Quelle aurait été l’histoire de l’Algérie et son développement sans la France ?
« L’empire colonial français peut aussi se voir comme un modèle avarié du capitalisme. Un système autocratique pour les colonisés, et ultralibéral pour les colons qui s’approprièrent des terres qui n’étaient pas les leurs. La société coloniale est une machine qui pille et qui exploite, qui use et abuse, qui tape dans les richesses vivrières, terrestres ou souterraines comme d’autres tapent dans la caisse. Un tel appauvrissement généralisé passait évidemment par les hommes, les femmes et les enfants, par une forme d’apartheid larvé et un statut d’autochtone réduisant l’autonomie individuelle à la portion congrue. De même, par un effet de dystopie positive, on ne peut pas ne pas imaginer un avenir différent pour les Algériens, ainsi qu’une autre nation algérienne, riche et responsable de sa seule histoire. Sans la colonisation, un autre futur était possible. Pire ou meilleur, nul ne sait. Mais plus autonome. »
Par à 17:00
- 2022 10 18https://www.republicain-lorrain.fr/culture-loisirs/2022/10/18/ce-qu-alain-giorgetti-n-a-jamais-dit-aux-algeriens
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