Discrets, presque invisibles, les chibanis algériens font pourtant partie intégrante du paysage marseillais depuis soixante ans. • © FTV / Karen Cassuto
Les chibanis, ces "papis portefeuilles", arrivés en France après l'indépendance algérienne, de façon temporaire, pensaient-ils. Ils y ont finalement passé leur vie, le regard tourné de l'autre côté de la Méditerranée. Ils livrent des témoignages rares dans Enquête de région, mercredi 28 septembre à 23h15.
Plongée dans nos mémoires collectives. 60 ans après l'indépendance de l'Algérie, l'émission Enquête de région propose trois reportages mercredi 28 septembre 2022, à 23h15, autour de la thématique commune : "60 ans d'indépendance de l'Algérie… d'une rive à l'autre".
- "De l’Algérie vers Marseille", d'Estelle Mathieu et Franck Ventura, 3 minutes 30.
- "Mémoires trouées", de Marie-Agnès Peleran, Sylvie Garat et Philippe Hervé, 14 minutes
- "Chibanis, l’éternel tiraillement" de Sonia Boujamaa, Karen Cassuto et Alice Panouillot, 24 minutes
Un fossé mémoriel s'est construit entre la France et l'Algérie. Marseille, terre d'accueil pour des milliers d'ouvriers algériens, de pieds-noirs et de harkis, s'est construite sur ces histoires franco-algériennes multiples et souvent douloureuses.
Précieux témoignages
Difficiles à rencontrer parce que discrets et pudiques, ces hommes sont pourtant ancrés dans les paysages du sud-est de la France. "Chibanis, l’éternel tiraillement" illustre les vies intimes de vieux hommes algériens.
Arrivés en France après l'indépendance pour travailler, ils pensaient y vivre de manière temporaire. Ils n'ont finalement jamais quitté leurs foyers.
Nous les avons rencontrés dans les rues de Marseille, à Belsunce, à Noailles, à la Belle de Mai, au Vieux Port, face à la mer… mais aussi dans le Var, à Sainte-Maxime, près de Saint-Tropez, à l'aube.
Lakhdhar Mkherbeche se baigne tous les matins avant 6 heures pour observer le soleil se lever sur la plage de Sainte-Maxime. Puis, c'est l'heure du marché où il se rend presque quotidiennement.
Pour les commerçants, il est une figure incontournable de la commune. Il s'arrête à chaque stand, propose des cafés. Et quand il ne passe pas pendant plusieurs jours, tout le monde s'inquiète. Il veille sur eux et eux veillent sur lui. C'est le papi de tous les habitants qui le connaissent. Une famille en France, à défaut d'avoir vécu avec la sienne, restée en Algérie.
Seuls, sur leurs chaises, devant les portes de leurs chambres du foyer, les chibanis de la Côte d'Azur se retrouvent chaque jour dans les cuisines communes.
Ces "papis portefeuilles" ont cotisé une maigre retraite en France mais continuent d'aider leur famille restée en Algérie. Ils ont vécu toute leur vie seuls.
Leurs histoires se perdent à mesure que ces hommes approchent la fin de leur vie. Tiraillés entre deux pays, entre deux cultures, ils ont accepté de se livrer.
Voici un extrait de "Chibanis, l'éternel tiraillement", de Sonia Boujamaa, Karen Cassuto et Alice Panouillot :
Ils ont quitté l'Algérie alors qu'ils rentraient dans l'âge adulte. Depuis, ils vivent dans des résidences d'insertion autrefois connues sous le nom de foyers Sonacotra.
Vies sacrifiées
Une vie de pas grand chose. Une centaine d'euros de retraite et l'allocation de solidarité aux personnes âgées pour survivre. Pour ne pas perdre leurs droits, ils doivent rester plus de six mois et un jour en France, par an.
Ahcène Allouche est arrivé en France à 19 ans, juste après l'indépendance. Il vit à Belsunce, à Marseille, dans un foyer, avec d'autres chibanis comme voisins de pallier. Toute sa vie, il a fait des allers-retours pour rendre visite à sa famille, en Algérie. Son épouse, et neuf enfants qu'il n'a pas vu grandir.
Ahcène Allouche, 79 ans, Ahmed Mekhlouf, 84 ans, Lakhdhar Mkherbeche, 85 ans, Menouar Kaced, 74 ans, ces chibanis ont sacrifié leur vie pour nourrir leurs familles. Leurs histoires racontent l'Histoire. Celle d'une génération d'hommes seuls, tiraillés entre deux rives.
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