Originaire de l'agglomération de Rouen, Arthur Lamboy-Martin a livré un mémoire de Master sur les prisons normandes pendant la Guerre d'Algérie. On y apprend beaucoup de choses.
Arthut Lamboy-Martin a passé deux ans dans les archives pour retracer l’histoire des prisons normandes pendant la Guerre d’Algérie. (©André Morelle)
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Normandie compte une vingtaine d’établissements pénitentiaires. Entre 1953 et 1955, 10 d’entre eux seront fermés définitivement pour cause d’insalubrité. Les autres de 1954 à 1964, seront occupés dans un premier temps par des détenus, militants du FLN et du Mouvement national algérien puis par les condamnés politiques de l’OAS, Organisation de l’Armée secrète.
La cohabitation avec les détenus de droit commun ne fut pas facile. C’est ce qu’a cherché à analyser pour un mémoire universitaire Arthur Lamboy-Martin, un étudiant de Mont-Saint-Aignan, près de Rouen (Seine-Maritime).
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Deux ans de recherches
Né au Belvédère, ancien élève du lycée Corneille, à Rouen, Arthur Lamboy-Martin, 23 ans, se passionne pour l’histoire et consacre une grande partie de ses journées à la lecture d’ouvrages historiques tout en pratiquant pendant le temps qui lui reste l’escalade, la course à pied et la natation. Étudiant depuis 2016 à l’Université de Rouen, licencié d’histoire, il a trouvé sur sa route du Master Valorisation du Patrimoine L2, deux professeurs captivants : Yves Bouvier, venu de la Sorbonne professeur en histoire contemporaine et Marc André, maître de conférences, un des meilleurs connaisseurs de l’Histoire de la prison en France aux XIXe et XXe siècles. Il publiera en septembre prochain chez ENS Editions Une prison pour mémoire, Montluc de 1944 à nos jours. Il prend la direction du mémoire de master d’histoire d’Arthur sur Les prisons normandes pendant la guerre d’Algérie, 1954/1964.
Pendant deux ans, l’étudiant, véritable fourmi, va se plonger dans les archives conséquentes sur le sujet, aux Archives Nationales et aux Archives départementales de Seine-Maritime, lire les ouvrages parmi d’autres de Benjamin Stora sur la colonisation et la Guerre d’Algérie (en janvier 2021, il avait remis au Président Macron un rapport sur le sujet) ; de Jean-Pax Méfret, 1962, l’été du malheur paru en 2007, il fut détenu politique à 18 ans à Rouen ; de Jacqueline Gerroudj Douars et prisons. Cette militante, enseignante en Algérie, épousa la cause des combattants algériens pour l’indépendance. Arrêtée, condamnée à mort, graciée le 8 mars 1962, elle est morte en 2015.
Neuf prisons normandes
L’étudiant résume : « De novembre 1954 à juillet 1962, la France est bouleversée par la Guerre d’Algérie. Durant ce conflit, à travers les territoires d’Algérie et de métropole, des dizaines de milliers d’individus sont emprisonnés dans divers lieux : des commissariats, des camps, des hôpitaux, des prisons… L’état d’urgence en avril 1955 et les pouvoirs spéciaux votés en mars 1956 permettent à la France de se doter d’un arsenal judiciaire puissant et de condamner aisément des militants politiques. Nombre d’entre eux furent incarcérés à Rouen Bonne nouvelle, capacité de 500 places, Le Havre et Maison centrale de Caen, 400 places. Neuf prisons au total en Normandie. Les prisons normandes renvoient à tous types d’établissements dans lesquels des individus auraient pu être détenus ; des prisons classiques comme des maisons d’arrêt, des centrales, des centres de triage et d’observation mais aussi des camps, des hôpitaux, des écoles. La Guerre d’Algérie engendre une profusion d’incarcérations en Normandie car les prisons parisiennes sont rapidement encombrées. »
Dès les Accords d’Evian, les militants algériens sont libérés, en revanche, une part considérable des détenus OAS demeure en prison après 62, ainsi que certains objecteurs de conscience. Ils seront libérés en décembre 1964 puis en 1965 et 1966, les derniers en 1968.
La famille Hollande
Pour son mémoire, l’étudiant normand aurait aimé mener des enquêtes orales. Contacté, Jean-Pax Méfret, devenu journaliste et auteur-compositeur-interprète, n’a pas répondu. Philippe de Villiers a décliné. Ce dernier, dans son livre Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, évoque les visites qu’il rendait en famille, hiver 1964, à son père Jacques à la maison d’arrêt de Rouen. Ce dernier était incarcéré pour son rôle au sein de l’OAS. Philippe de Villiers indique que Georges Hollande, père de l’ancien Président de la République, médecin ORL à Bois-Guillaume, organisait des collectes de vêtements à Rouen que Jacques de Villiers, délégué des embastillés, distribuait à Bonne-Nouvelle aux officiers morts de froid.
Interrogé au cours d’un entretien accordé à Arthur Lamboy à Paris, il confirme : « Je me souviens des conversations à la maison et du soutien que mon père apportait aux partisans de l’Algérie française. Ces collectes étaient ponctuelles. Il était grandement investi dans les actions de solidarité. Je me souviens que certains détenus activistes, après leur libération, étaient accueillis chez nous. Certains y ont même dormi une nuit avant de repartir dans leur famille »
Constat final : la Guerre d’Algérie a beaucoup transformé les prisons françaises et notamment les normandes. Transformé aussi sans doute l’étudiant en histoire qui aimerait bien trouver plus tard un métier lié au patrimoine. Nul doute que ce travail sera livré un jour prochain au public.
De notre correspondant André Morelle
Par Thierry ChionPublié le
https://actu.fr/normandie/mont-saint-aignan_76451/histoire-les-prisons-normandes-pendant-la-guerre-d-algerie_53927967.html#:~:text=Histoire.%20Les%20prisons%20normandes%20pendant%20la%20Guerre%20d%E2%80%99Alg%C3%A9rie%20Tipaza
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