Le samedi 20 août 1955 à midi, premier jour de Moharem du nouvel an Hégirien 1375, un mouvement insurrectionnel a été déclenché dans vingt-cinq villes du Nord-Constantinois, telles que Khroubs, Bizot, Aïn Abid, Condé Smendou, Catinat, El Harrouch, les mines de fer d’El Halia, Héliopolis, Saint Charles, Robert ville, Oued Zenati, Collo, Jemmapes, Gastonville.
Le plan d’attaque des responsables de la zone 2 (future Wilaya II) avait été minutieusement dressé. L’état-major de l’ALN du Nord-Constantinois savait qu’une partie des forces françaises stationnées dans la région avait été dirigée vers le Maroc où l’anniversaire du 20 août laissait présager de graves désordres. Le 17 août, des djounoud en civil pénétrèrent dans les villes, les militants du F.L.N. étaient mis au courant de l’attaque et avaient reçu l’ordre d’appuyer les djounoud. Le jour « J » tout le monde est en place. Chaque groupe avait une mission bien précise. Le vendredi 19 août à 5 h du matin, Youcef Zighout, chef de la zone 2 du Nord-Constantinois, fixait l’heure de l’assaut généralisé pour le samedi 20 août à midi.
La date choisie (celle qui correspond au deuxième anniversaire de la déposition du sultan du Maroc, Sidi Mohamed Benyoucef) permit aux milieux politiques de saisir la réalité de l’unité de destin de l’Algérie et du Maroc.
Après avoir longuement discuté le projet avec certains de ses lieutenants, dont Lakhdar Bentobbal et Ammar Benaouda dans la presqu’île de Collo, Youcef Zighout avait pris la décision de lancer des unités de l’A.L.N. et surtout la population de plusieurs régions contre toute présence coloniale. La situation dans la région était relativement préoccupante.
Après la mort de Mourad Didouche, le 18 janvier 1955 dans le combat d’Oued Boukerker, la relation avec les autres zones étaient quasi inexistantes, surtout avec la zone 1 (Aurès) où les grandes opérations de ratissage « Violette » et «Véronique » isolèrent les maquis. Parallèlement, au mois de mai 1955, le colonel du Corneau, chef d’un régiment de parachutistes, installa son P.C. à Condé-Smendou et déclencha une série d’opérations dans la région où plusieurs douars furent rasés, de nombreuses personnes abattues froidement, sans compter les humiliations, les bastonnades et les viols. Dans la même semaine, le gouvernement français examina la situation en Algérie avec le maréchal Alphonse Juin et décida d’accorder 15 milliards de francs (anciens) pour la guerre d’une part, et d’étendre l’état d’urgence à tout le Constantinois d’autre part. Le général Parlange, qui avait fait parler de lui au Maroc s’installa également à Cons-tantine avec les pleins pouvoirs, civils et militaires. Les effectifs furent portés à 100.000 hommes et une division fut transférée d’Allemagne en Algérie.
Tout ceci constitua aux yeux des dirigeants de la Révolution non pas un plan de sécurité, comme l’avaient dénommé les autorités françaises, mais un plan pour la destruction de la Révolution dans l’Est algérien et la reprise en main de la population, d’abord par la violence, ensuite par les moyens politiques. Cette offensive allait réellement juguler le mouvement révolutionnaire dans toute la région orientale du pays, qui jusque-là constituait le véritable front, et permettre au gouverneur général Jacques Soustelle de choisir parmi les représentants politiques des anciens partis des « interlocuteurs valables », c’est-à-dire des éléments dociles à ériger en troisième force. Ce qui n’échappa pas à la vigilance des responsables politico-militaires de la « Zone 2 » qui ordonnèrent l’attaque pour fausser les calculs français.
En lançant la population civile dans un affrontement direct, Youcef Zighout visait plus d’un objectif.
Sur le plan opérationnel :
– Noyer le travail de recherche et d’investigations des autorités coloniales dans la masse populaire.
– Permettre aux Aurès de desserrer l’étau militaire.
– Etaler le front sur une aire beaucoup plus large afin de faire diluer la concentration des troupes ennemies.
– Eliminer les traîtres.
Sur le plan politique :
– Créer une situation irréversible, en creusant le fossé entre colonisateurs et colonisés.
– Dissuader tout élément tenté par l’idée de « jouer à l’interlocuteur valable ».
– Convaincre les hésitants de la détermination du peuple.
Ces objectifs furent atteints presque entièrement. Néanmoins la répression fut particulièrement dure et rappela celle du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma.
L’« insurrection » du 20 Août 1955 est le résultat d’une situation politique et militaire dans une région déterminée, l’Est Constantinois. Elle s’inscrit dans la trajectoire du 1er Novembre 1954 et sa stratégie qui s’appuie sue les campagnes où se déroule le drame. La création de l’Armée de libération s’est faite correctement dans la masse paysanne. De ce fait, le 20 Août 1955 n’est en définitive qu’une reprise du souffle du 1er Novembre 1954. La perte de Mourad Didouche, en janvier 1955, n’arrête pas la consolidation de l’organisation dans le Nord-Constantinois, qui sera l’une des zones inexpugnables de l’A.L.N. avec le massif de Collo et de l’Edough couverts de chênes lièges aux pentes raides.
Youcef Zighout, ancien forgeron et ancien conseiller municipal M.T.L.D. de Condé-Smendou, ex-membre de l’Organisation spéciale (O.S.), arrêté et évadé de la prison de Annaba en 1951, a pour adjoint militaire Lakhdar Bentobbal, ancien de l’O.S., et comme adjoint politique Brahim Mezhoudi, ancien dirigeant de l’Association des Oulémas.
La zone 2 comprend alors trois « régions ». La région de l’Ouest dont le tracé englobe Djidjeli, Saint-Arnaud, Châteaudun du Rhummel et El-Milia, dirigée par Ali Kafi. Ancien enseignant et futur chef de la Wilaya 2, il fera de sa région une place forte de l’A.L.N. qui aura ses quartiers dans cette région montagneuse et boisée. Hocine Rouibah dirige la région du centre, autre base imprenable, où figurent Philippeville, et les hautes plaines constantinoises. La région de l’est qui va de Bône à Guelma, région frontalière de La Calle et Souk-Ahras, donc névralgique, est dirigée par Amar Benaouda, membre des « 22 ». Au mois de mai 1955, Bentobbal arrive à El-Milia, les troupes qui tentent d’y pénétrer sont bloquées par des tirs d’armes automatiques. La ville d’El-Harrouch où une forte garnison de paras est stationnée est attaquée peu de temps après, fournissant le prétexte à l’armée française d’exercer des représailles contre la population civile, faute de pouvoir accrocher l’A.L.N. Un peu plus tard, Collo est isolée totalement, on doit l’approvisionner par mer et un destroyer ancré dans la baie, canons braqués sur la montagne.
Après l’Indépendance de notre pays, lors du deuxième congrès des Moudjahidine, tenu en juillet 1965, il a été décidé la création d’une journée du «Moudjahid» dont la date a été fixée le vendredi 20 août 1965.
Abdou Benamar et Tahar El Hocine
Le ministère des AE célèbre l’événement
La Journée nationale du Moudjahed a été célébrée jeudi dernier au ministère des Affaires étrangères par un lever des couleurs nationales et la récitation de la Fatiha à la mémoire des martyrs de la glorieuse Révolution de Novembre 54. Une gerbe de fleurs a été déposée devant une stèle commémorative lors d’une cérémonie présidée par le secrétaire général du ministère, M. Boudjemaa Dilmi, en présence de moudjahidine et cadres du secteur. Dans une brève allocution, un orateur a rappelé le sacrifice des chouhada pour l’indépendance et la souveraineté de l’Algérie, appelant à conjuguer les efforts pour l’édification du pays.
L’offensive héroïque
“L’offensive généralisée des moudjahidine dans le Nord-Constantinois, le Congrès de la Soummam et la conquête de La Mecque”, tel est le thème de la conférence-débat organisée jeudi dernier par le Centre culturel islamique d’Alger, et animée par le Dr Mohamed Lamine Belghith, professeur d’histoire à l’université d’Alger.
Dates historiques, ces trois événements importants ont la particularité d’être survenus un 20 août, a relevé le conférencier d’emblée avant d’inviter l’assistance à une plongée dans l’histoire de la conquête musulmane, en rappelant avec force détails la grande victoire sur les païens qoraïchites remportée par l’armée du Prophète Mohamed (QSSSL), en l’an 8 de l’Hégire. Ce succès retentissant de la conquête de La Mecque, et ses significations profondes, ont été longuement soulignés par Dr Mohamed Lamine Belghith avant de revenir en Algérie, 14 siècles après pour évoquer les hauts faits de la glorieuse Révolution de Novembre 1954. Nous avons cité l’offensive généralisée du Nord-Constantinois en 1955 et le Congrès historique de la Soummam en 1956.
Dans ce contexte, le conférencier a rappelé également les circonstances et les causes du déclenchement de cette action armée de grande envergure, menée par les moudjahidine le 20 août 1955 à midi, contre une trentaine de positions de l’armée coloniale dans le Nord-Constantinois, sans oublier de mettre l’accent sur les résultats obtenus par la Révolution grâce à cette offensive, et les lourdes représailles de l’ennemi sur la population civile. Une année plus tard, jour pour jour, la glorieuse Révolution de Novembre a frappé un grand coup en organisant l’historique Congrès, un second souffle à la lutte de Libération nationale à travers les importantes résolutions auxquelles il a abouti, notamment les priorités accordées au politique sur le militaire et l’intérieur sur l’extérieur, l’organisation et la consolidation des rangs de la Révolution, a expliqué l’universitaire à cet égard.
Mourad A.
Il est décédé le 21 août 2010
Lakhdar Bentobbal, un des artisans de la Révolution
Lakhdar Bentobbal, dit Si Abdallah, un des dirigeants historiques de la Révolution, est décédé le 21 août 2010 à l’âge de 87 ans. Lakhdar Bentobbal, né en 1923 à Mila, a entamé son activité militante au sein du Mouvement national dès 1940. Il adhère au Parti du peuple algérien (PPA) et devient responsable du parti dans la région de Mila. Membre de l’Organisation spéciale (OS) en 1947-1948 dans le Nord-Constantinois, il est recherché par les autorités coloniales et est condamné par contumace en 1951, dans le procès des membres de l’OS. Lakhdar Bentobbal est devenu membre du Conseil national de la révolution (CNRA), issu du congrès de la Soummam, en août 1956, puis du Comité de coordination et d’exécution (CCE). En septembre 1956, il est responsable de la Wilaya II, succédant à Zighoud-Youcef, tombé au Champ d’honneur, puis accède au grade de colonel. En avril 1957, Bentobbal rejoint Tunis en compagnie de Krim Belkacem et Benyoucef Benkhedda et en août de la même année il fait partie du deuxième Comité de coordination et d’exécution (CCE). En avril 1958, il est chargé du département de l’intérieur et membre du 3e CCE au Caire. Il est ensuite nommé ministre de l’Intérieur dans le premier Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) le 19 septembre 1958, au Caire (Egypte), avant d’être reconduit le 18 janvier 1960 à Tripoli (Libye). Lakhdar Bentobbal était membre de la délégation du GPRA aux négociations des “Rousses”, près de la frontière suisse, du 11 au 19 février 1962 et à Evian en mars 1962.
https://www.algerie360.com/20-aout-1955-commemoration-de-la-journee-nationale-du-moudjahid-le-second-souffle-de-la-revolution/
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