C'est un roman mais il est inspiré de faits véridiques et très bien documenté comme en témoignent les notes historiques en fin d'ouvrage. Il balade d’époque en époque (de l'avant-deuxième guerre mondiale à la décolonisation de l'Afrique du Nord), d'un pays à un autre (des oasis du sud du Maroc à Londres et de Saint-Nazaire à Paris).
Mais en aucun cas, le livre de David Hury (625 pages, 22€) ne relate une pérégrination aimable, aux parfums exotiques et aux accents dramatiques convenus: c'est un livre de combats. Ceux que livre Mustapha, jeune Marocain né dans l'oasis de Figuig, qui se lie d'amitié avec Armand, le fils d'un administrateur français, et qui arrive en France à la veille d'un grand conflit mondial.
Le roman oscille entre les époques, s'ouvrant sur l'explosion de grenades pour se clore sur une fusillade quelques mois plus tard, toujours à Paris. Entre ces pages, Mustapha (alias Marcel l'agent de renseignement puis Gustave le résistant) vit trois vies. L'enfant de l'oasis découvre l'amitié, la France, l'amour avec Annette. Il découvre aussi la guerre qui le transforme en agent clandestin de la France libre rallié à de Gaulle dès juin 1940, et qui l'envoie en mission à Saint-Nazaire avant sa capture par les Nazis. Mustapha continuera sur la voie de l'engagement, cette fois dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, après avoir découvert la trahison dont celle d'Armand, son meilleur ami trop marqué par les choix idéologiques familiaux...
L'auteur de cet excellent ouvrage, David Hury, est journaliste et photographe. Il a été correspondant de différents médias à Beyrouth pendant 18 ans et a publié plusieurs ouvrages graphiques et littéraires. Chez Riveneuve, il est aussi coauteur du recueil de chroniques Jours tranquilles à Beyrouth (2009) et auteur du roman illustré de photographies Pentes douces (2017).
La rédaction de son roman Mustapha s’en va-t-en guerre lui a demandé deux ans de recherches dans les archives de l’armée française et de la police nationale, et auprès des derniers témoins de l’époque dont il a connu certains.
Il explique: "Gustave était un ovni dans ma famille, un Oriental affable et joyeux. Je l’ai connu quand j’étais enfant, je le croisais en Normandie dans le village de Bus-Saint-Rémy (Eure) dont je parle dans le roman, là où il avait été parachuté en 1941 et où il avait rencontré la fille de l’instituteur, qu'il a épousée en 1948. Cette femme que j’évoque également beaucoup dans le roman, Annette, était la cousine germaine de mon père; elle est morte en 1986. Gustave ne parlait à personne de son expérience durant les années 1940-1960, ni des actes que l’on peut considérer avec le recul comme héroïques, ni des tortures subies. Il n'a évoqué tous ces sujets qu’avec ses enfants, à la fin de sa vie, au milieu des années 1990 (il est mort en 2001). Dans la famille, tout le monde l’a toujours appelé Gustave: je n’ai découvert sa véritable identité qu’en 2015...".
http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/10/19/david-hury-raconte-comment-mustapha-s-en-va-t-en-guerre-22519.html
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