Histoire parallèle la France en Algérie 1830 - 1962 de Alphonse Juin, Amar Naroun
Ce livre est l’histoire de l’Algérie racontée par deux historiens différents : l’un est le célèbre Maréchal Juin qui était Français, né en Algérie, et élu à l’Académie française en 1952 ; l’autre est l’historien kabyle Amar Naroun, un ancien député de Constantine. Ces deux auteurs se sont mis d’accord sur les thèmes de neuf chapitres qu’ils ont écrits sans se consulter. Les premiers chapitres font le résumé des conquêtes du Maghreb depuis la préhistoire jusqu’à la conquête de l’Algérie par la France en 1830. Suivent alors les différents épisodes de la présence française en Algérie, qui sont, en fait, le principal objet du livre.
La confrontation des points de vue est toujours intéressante et, fatalement, les jugements divergent, surtout sur les personnages. Par exemple, à propos du fameux Abd El-Kader, Juin parle « d’un petit marabout orgueilleux qui, dans un nouveau mouvement panislamique, ambitionnait de réunir sous son autorité toutes les richesses du Maghreb que ses ancêtres avaient exploitées durant des siècles sous l’étendard de la Guerre Sainte ».
L’historien Naroun, lui, nous parle « d’un des plus purs héros de l’histoire humaine », d’un « Combattant de la Foi », pacificateur des tributs berbères et protecteur des populations rurales. Il nous dit que cet apôtre de la paix avait, dans un élan de piété, questionné le ciel et le ciel lui avait offert la monarchie de droit divin pour régner sur les peuples musulmans.
Ces divergences de jugement n’empêchent nullement les deux auteurs d’être de bonne foi et l’histoire de la France en Algérie est très bien racontée ; surtout par l’historien kabyle ; son étude fait deux cents pages et celle du Français en fait cent. Chacun de son côté a cherché les raisons de l’échec de l’œuvre coloniale française et tous deux semblent la regretter. D’une manière générale, le Maréchal Juin à tendance à attribuer les échecs successifs à l’incurie des politiciens français. L’historien kabyle, lui, va plus loin dans la réflexion : il attribue l’échec de la colonie à l’impossibilité d’une fusion des deux civilisations, la chrétienne et l’islam. Au VIIème siècle, nous dit-il, les conquérants arabes ont vaincu les Berbères – qui étaient chrétiens. A partir du XIème siècle et jusqu’au XIXème, ils leur ont imposé leur langue, leur culture et leur religion. Et il nous rappelle qu’une prescription du culte islamique impose aux musulmans le devoir de propager l’islam « par la Guerre Sainte, s’il le faut ». Enfin il constate avec regret que « après 132 ans de colonisation française, les deux collectivités du pays sont sans âme commune : un bloc est européen et un bloc est musulman ».
En conclusion, le Français parle du « cadeau empoisonné » que fut la conquête de l’Algérie et le Kabyle nous parle d’un rêve impossible : « à partir des années cinquante, nous dit-il, les jeunes générations n’ont eu le choix qu’entre la résignation et la révolte ».
Un rêve impossible ! Je pense à cette réplique du Général De Gaulle en 1958 à ceux qui prônait l’Algérie française : « les Arabes ne seront jamais des Français ». Une réflexion prémonitoire s’il en est !
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