Christian Rossello-Gilles est né à Oran en 1956.
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En 1962, l’Algérie devenait indépendante après huit ans de conflit. Des pieds-noirs ont été contraints de tout quitter pour rejoindre la métropole. Récit.
Quand il évoque la guerre d’Algérie, Christian Rossello-Gilles, de Vineuil, ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour ses grands-parents et ses parents. Ces derniers sont nés dans ce pays, du temps où le territoire était français, et s’y sont mariés, avant que sa maman ne lui donne naissance en 1956.
« Mon père occupait le poste de directeur commercial dans la succursale Peugeot à Oran et ma mère était assistante dentaire dans le quartier Saint-Eugène. Ce sont mes grands-parents maternels, des gens simples, qui venaient me récupérer le soir après l’école. Les fins de semaines, on allait à la plage où mes grands-parents paternels plus aisés possédaient un bungalow. »
Leurs derniers mois passés là-bas éveillent en lui quelques souvenirs précis, à l’heure où le conflit s’intensifiait. « Mes parents avaient changé mon lit de place dans la chambre, de peur d’être visés. Je me rappelle de ma mère regardant sous les sièges des bus pour s’assurer qu’il n’y avait pas de bombe. » Son père se faisait très discret sur son engagement auprès de l’Organisation secrète armée.
« Durant une semaine, il avait eu pour mission de véhiculer le général Salan. La situation était devenue compliquée et insoutenable à partir de 1961. Quand mon père allait travailler, il partait avec une arme. À tout moment, il pouvait se retrouver bloqué par les Fellagas. Mes parents n’avaient pas peur car ils étaient chez eux, mais on sentait qu’ils étaient à l’affût, que leur surveillance s’était accrue. »
Christian Rossello-Gilles reproche à De Gaulle de ne pas avoir protégé la population civile « lâchée en pâture », faisant allusion au massacre d’Oran le 5 juillet 1962. « Avoir appelé le contingent pour se battre en Algérie était une erreur alors qu’il y avait une armée de métier, une vraie ! »
« Arrivés chez mon oncle à Meung-sur-Loire »
Quand l’indépendance de l’Algérie a été proclamée, le papa de Christian a pris la décision de partir, de mettre à l’abri sa famille en emportant le strict minimum. « Nous avons pris le bateau, direction la France. Nous sommes arrivés chez mon oncle Jean à Meung-sur-Loire dans le Loiret, en juillet 1962. Quand elle a quitté l’Algérie, ma mère était enceinte de ma sœur. En septembre, mon père est retourné en Algérie avec son frère pour déménager nos appartements. »
À leur retour à Oran, ils découvrent une ville déserte. « Tous les jours, ils changeaient de maison, se cachaient pour éviter la police algérienne. Et allaient au port pour charger les containers. Mon père aurait dû reprendre la succursale Peugeot à Oran mais il était impossible pour lui de rester là-bas à cause de son passé trop lourd durant la guerre. »
Il est finalement muté à Louviers, où il reprend la concession Peugeot.« On s’est bien acclimatés en Normandie, jusqu’à ce qu’on arrive à Blois en 1972, où mon père a trouvé une place à la Sapta, chez Citroën. Il ne parlait jamais de l’Algérie et n’y est d’ailleurs pas retourné contrairement à ma mère, nostalgique, qui s’y est rendue avec un groupe. Là-bas, elle a été accueillie à bras ouverts. »
Quant à Christian, il a tourné la page de l’Algérie, même s’il garde une dent contre De Gaulle, qui, selon lui, « n’a pas été à la hauteur de l’enjeu. Ce fut un fiasco. »
Professionnellement, il a suivi les pas de son père puisqu’à son retour de l’armée, il a rejoint le monde de l’automobile en gravissant petit à petit les échelons jusqu’à devenir concessionnaire en Loir-et-Cher et Indre-et-Loire. Et désormais, c’est à sa fille Stéphanie qu’il passe le flambeau.
Notre série se poursuit chaque dimanche de l’été.
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