Un homme, des combats et une fierté
Nom : Benmoufouk, prénom : Abdelmadjid. Droit dans ses bottes, décidé à titiller le monde, l’enfant débarque en France en septembre 1954 après avoir cassé la tirelire que lui gardait jalousement le Dr Amrane de Seddouk, à Béjaïa.
L'enfant décroche une bourse d'études de 25 000 francs par mois au collège Colbert à Toulouse, mais son cousin Larbi décide autrement et donne une tout autre direction à la trajectoire de Abdelmadjid. Il l'emmène à Tourcoing, à Lille, au nord de la France « Et puis, que vas-tu faire à l'école, pense plutôt à travailler pour aider tes parents». Il travaille comme apprenti dans une usine de textiles. Ainsi, le destin du jeune Abdelmadjid est scellé. Il avait 15 ans. La guerre éclate et de file en aiguille, il est intié à la cause nationale en se frottant aux militants. «C'était un café appartenant à mon cousin Larbi Benmouffok qui s'est réfugié en France fuyant le MNA». Le jeune Abdelmadjid assiste à une attaque, dans ce même café. Un groupe de messalistes tire deux coups de revolver et assassine Hocine, le patron du café. Le lendemain de l'attentat «la femme de mon cousin est venue me prendre à Paris, j'avais 16 ans». La greffe du militantisme a déjà pris. Une fois à Paris, il prend contact avec des militants, amis de son cousin Larbi. «Je distribuais des lettres, je transportais le courrier, je remettais des tracts dans les boîttes aux lettres des Européens. «C'était le début de mon action de militantisme et parallèlement je rentre dans une école professionnelle pour apprendre un métier». «J'étais avec Ali Belloucif devenu plus tard commissaire de police à Alger au 8ème arrondissement». Doté d'une mémoire phénoménale, Da L'madjid se rappelle encore de ce que ses premiers responsables avaient pour noms de guerre. Actif et aguerri, il passe vite de chef de groupe à responsable de section , celle du 13eme arrondissement, rue de Tolbiac, 10 rue Toussaint-Ferrand, avant d'être promu responsable de district militant en 1959. Il sillonne la France et l'activité militante est à son apogée. En 1957, il échappe à un guet-apens monté par trois messalistes. À la sortie de mon hôtel où je venais de terminer les rapports financiers du FLN, trois individus du MNA m'attaquent au couteau, il en garde encore les cicatrices au cou. «J'avais sur moi un revolver». «Avez-vous titré?»...vous devinez la suite.. «Non, réplique-t-il, il fallait préserver les documents». En 1959 il a été envoyé à Chamonix, en Haute Savoie, pour sensibiliser et intégrer les Algériens qui résidaient dans cette région de France.
Mon travail était de convaincre les militants à mener des attaques contre des cibles françaises militaires, policières ou économiques et par la suite d'entraimer ces mêmes personnes
La prison est une étape incontournable dans la vie militante. Le premier contact de Da L'Madjid avec les geôles françaises a été en 1959. Il a été remis en liberté après 8 jours de détention pour manque de preuves. Sa deuxième arrestation, vendu par des harkis, est intervenue le 7 décembre 1960 à 3 heures du matin. «La police est venue me chercher à l'hôtel, rue des Tanneries, c'était mon père qu'elle a retrouvé. Il est sorti en courant pieds nus dans le Tout-Paris pour venir m'alerter. Trop tard, la police m'avait arrêté». Interne d'abord à la prions de Saint-Maurice en France, dans des pavillons de 50 à 60 personnes, il a été ensuite transféré à Alger, enchaîné dans la cale d'un bateau à bétail. D'Alger il a été conduit à Beni Messous, un mois de torture comme formalité, car le plus dur n'a pas commencé. Dans ses bagages, il avait des document ultrasecrêts du FLN. À la fouille des parachutistes. L'oeil vif, doigt sur la gâchette...ils ouvrent la valise et miracle.. ils n'ont rien vu! Les document ont-ils disparu? « Non: c'est la baraka de Sidi El Moufak», confie Da L'Madjid avec la foi innombrable d'un marabout convaincu.. « Oui, Sidi El Mofak leur a fermé les yeux!), appuie-t-il encore. De Beni Messous, direction Paul-Cazelles (l'actuelle Aïn Ouessara). Il rejoint 1500 prisonniers. «Je me rappelle de beaucoup de monde: le comédiens Kaci Tizi Ouzou, les frères Jojo...».
Il ne manque pas de rendre hommage aux anciens responables du FLN: Meziani Mokrane, responable du groupe de choc, Boudraïa H'mimi, Boudraïa M'hend, Bourouba Boudjemaâ, Malek Boughriou, Arezki Tigrine, Slimane Airouche, Si Lakhdar dit Sputnik, Si Abderrahmane ancien maire d'Ouzellaguen.
Et vint la libération: une dauphine d'un Algérois est venue nous chercher pour nous déposer au quartier de Leveilley...c'était la fête, la joie, mais aussi l'OAS qui plastiquait tout. Je repars au bled et reprends la vie civile. Infirmier à l'hôpital Mustapha? on commençait à oublier les affres de la guerre et voilà qu'en 1967, on est venu nous chercher pour aller en Syrie. C''était la première guerre arabo-israélienne. Pendant un mois, parqués dans un lycée aménagé en hôpital à Damas où l'on soignait les blessées. Fin de la guerre de 1967, on reprend la vie et voilà que pointe 1973 et re-guerre israélo- arabe. On les rappelle une seconde fois pour la guerre, une troisième de son parcours. Un homme, des combats et une fierté. Telle a été l'histoire fabuleuse de ce maquisard de la Fédération du FLN en France. Ils étaient une véritable armée de l'ombre, des soldats au front sans uniformes. Des hommes chez qui le respect de la parole donnée et le sens de l'honneur n'étaient pas que du folklore. Des hommes de cette trempe ne font jamais les choses à moitié.
Brahim TAKHEROUBT
05-07-2022
https://www.lexpressiondz.com/nationale/un-homme-des-combats-et-une-fierte-358238
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