La France et ses territoires d'Outre-Mer, avant 1830.
Après la défaite de 1815, la France préoccupée par des questions de politique intérieure, néglige les questions coloniales, contrairement aux Anglais, très axés sur la question d’Orient et le déclin de l’Empire ottoman.
La Restauration avec le rétablissement de la monarchie, (Louis XVIII) tâtonne, hésite. La France a des possessions au Sénégal, aux Antilles, dans l’Océan indien, etc.
Le traité du 20/11/1815 complétant celui du 30 mai 1814, stipule que la Grande-Bretagne prend l’engagement de restituer les colonies, pêcheries, comptoirs que la France possédait au 1er janvier 1792, en Amérique, en Afrique et en Asie.
En 1818, les territoires ne sont toujours pas restitués par les Anglais, aussi la Restauration parvient, après bien des difficultés, à récupérer ces territoires. Dans l’absolu, ces territoires d’Outre-Mer empoisonnent le pouvoir royal, bien plus qu'ils ne l'agréent. Louis XV lui-même s’était débarrassé de la Louisiane jugeant que tôt ou tard, elle aurait été conquise par les Anglais, au terme d’une guerre coûteuse en hommes et en finances.
Toute cette effervescence coloniale engendre des difficultés et les ministres en charge de l’administration de ces lointaines possessions – en général des Ministres de la Marine – tentent de ré-organiser ces territoires.
Par exemple, Maloüet, Commissaire pour St-Domingue, Gouverneur de la Guyane, Député à l’Assemblée constituante, membre du Club Massiac, s’entend à défendre les intérêts des colons aux Antilles.
Or, une certaine ébullition règne également en Amérique Latine avec les possessions espagnoles.
Au Congrès d’Aix-la-Chapelle en 1817, le Tsar Alexandre 1er invoque la « Ste-Alliance » et veut appuyer le roi d’Espagne, inquiet des insurrections menées par les colons dans les territoires d’Amérique latine gouvernés par l’Espagne, avec l’appui des commerçants britanniques très soucieux de la sauvegarde de leurs intérêts.
Selon les mémoires du Baron Portal, le Duc de Richelieu1, propose de rattacher par une éventuelle cession, la Bolivie à la France. La France accorderait l’autonomie à la Bolivie. Les droits de l’Espagne seraient préservés en Amérique latine et l’influence française selon Richelieu n’apporterait que des avantages.
Son successeur Beugnot2, libéral, continuera l’oeuvre commencée.
Enfin, c’est François-Joseph Gratet, Vicomte du Bouchage3, sous le ministère Talleyrand à qui échoit le ministère de la Marine du 26 septembre 1815 au 22 juin 1817.
Il commença sa carrière politique sous Louis XVI. C’était un homme d’action et ne ménageait pas ses conseil auprès du roi Louis XVI. Il conseillait à l’infortuné roi, de la fermeté. Monarchiste affiché, il dut émigrer pour sauver sa tête, lors de la Révolution française. Rentra en France sous le Directoire et refusa catégoriquement tout poste d’honneur que lui proposait Napoléon 1er. En effet, du Bouchage ne pardonnera jamais à l'Empereur, l’assassinat du Duc d’Enghien.
Jusqu’en 1814, et le retour des Bourbons, du Bouchage est constamment surveillé par la police secrète de Napoléon.
Le Ministre Richelieu désigne le Baron Portal pour administrer les colonies de 1818 à 1821. Portal est issu des riches milieux d’armateurs bordelais, son principal souci, la sauvegarde de ses intérêts. Au moment de sa nomination au Ministère, la situation économique de la France n’est pas au beau fixe. Les Anglais, expansionnistes, de plus en plus voraces territorialement et économiquement, représentent une sérieuse concurrence pour ne pas dire menace permanente. Ces derniers ont acquis la maîtrise totale des mers, et sont devenus la première puissance économique européenne et mondiale.
Il est à noter que sous la Monarchie, avant la Révolution française de 1789, c’était la France qui tenait le premier rang en matière de puissance économique européenne et mondiale. Mais la Révolution française – qui fut une guerre civile longue, coûteuse en vies et en argent, affaiblit durablement la France, elle coûta très cher aux Français. De plus, les ambitions napoléoniennes en guerres creusèrent largement le trésor national. Louis XVI, par naïveté, engagea également la France et le trésor royal dans la très coûteuse guerre d'indépendance des Américains, en leur prêtant main-forte en armement, bâtiments, et hommes.
L’Angleterre, forte de ses progrès financiers et industriels, jette le discrédit sur la France minée de l’intérieur par les incessantes querelles de chapelles entre les « doctrinaires », les « ultras », les républicains libéraux, les légitimistes, les « orléanistes », etc.
La liberté commerciale devant être préservée à tout prix, Portal tente de jouer un rôle en soutenant les « armateurs » au détriment des « colons ».
Mais Louis XVIII donne raison aux colons, et fait adopter en leur faveur, un droit d’entrée sur tous les sucres et des mesures sont prises en faveur des raffineurs qui bénéficient de primes à l’exportation, et leur rend accessibles les marchés étrangers.
Portal et les armateurs n’apprécient pas du tout cette mesure appelée « L’Esclusif mitigé », qui avait déjà cours en 1780.
Portal et Richelieu privilégient d’autres routes commerciales et maritimes et se tournent délibérément vers l’Orient, l’Asie Mineure et les Indes Orientales : les concessions du Sénégal et Madagascar, les Comptoirs de Moka en Arabie et des Indes à Surate.
A Madagascar, l’Angleterre y a planté le drapeau de l’Union Jack et refuse de restituer Tamatave (ancienne possession française), Sainte-Luce et Sainte-Marie considérées comme des dépendances de l’Ile de France qui prendra le nom d’Ile Maurice.
Le Comte Bouvier de Lozier4 – 1769-1825 – est un militaire aventureux, et fut un proche de Cadoudal. Il sera Commandant de l’Ile Bourbon de 1815 à 1819. Il a laissé de précieux témoignages dans un mémoire qu’il rédigea sur l’administration de l’Ile Bourbon, années 1815, 16, 17.
Cet homme de tempérament, « tient tête aux Anglais et impose la souveraineté française sur l’Ile Bourbon ».
En 1819, il est rappelé à Paris et l’affaire de Madagascar n’a toujours pas trouvé d’issue favorable à la France. Cette situation perdurera jusqu’en 1830.
Si la France dispose bien à l’instar des Anglais d’un Empire colonial, celui ci est parcellaire, éparpillé, lointain, alors que les Britanniques ont fait de la colonisation à outrance, leur chasse gardée, leur pré carré, leur appétit de conquête sur tous les continents, avec un recentrage autour des intérêts exclusifs de la couronne d’Angleterre et la Banque d’Angleterre. Il va sans dire que l’Angleterre pavoise partout, sur les 7 mers et les 4 océans.
A contrario, le roi de France Louis XVIII tient profil bas, en effet les séquelles des fâcheux traités de 1815 après la chute de Napoléon, ne permettent pas à la France de revenir triomphante dans le concert des grandes nations. Elle sort très affaiblie de l’aventure napoléonienne mais bien plus encore par près de 10 années de « guerre civile » appelée Révolution française.
Pour ce que la question coloniale contient d’intérêt à mobiliser toutes les énergies disponibles pendant la Monarchie de Juillet, il semblerait que le roi Louis XVIII – première restauration - n’y ait pas accordé toute l’attention nécessaire. Il laisse en état le « Statut de l’an VIII » qui régit les colonies françaises et détermine l’organisation administrative, policières et militaire, commerciales, par des « lois spéciales ». Ce statut a été élaboré par la République jacobine en l’an VIII, l’année du coup d’État du 18 brumaire où Napoléon renverse le Directoire et se nomme 1er Consul. L’an VIII correspond aux années 1799-1800.
Cet article a pu être rédigé à partir de la thèse de Pierre Gourinard, Historien, Docteur-ès-Lettre, intitulée « Les royalistes français devant la France dans le monde », présentée à l’Université de Poitiers en 1987 et de l’ouvrage du même auteur, édité en 1992 chez Lacour-Editeur, (préface de Jacques Valette professeur de l’Université de Poitiers).
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
Sources bibliographiques complémentaires pour les parties 2-3 et suite :
Encyclopédies Alpha, Larousse, Quillet.
Histoire de la civilisation Will Durant.
Le destin tragique de l’Algérie française – Collection dirigée par P. Miquel.
1 Armand Emmanuel Sophie Septimanie de Vignerot du Plessis duc de Richelieu, est un officier, diplomate et homme politique français, né le 25 septembre 1766 à Paris, mort le 17 mai 1822. En 1803,, du fait de son amitié pour la Russie, le Tsar Alexandre 1er, successeur de Paul 1er, nomme Richelieu Gouverneur de la Ville d’Odessa de la Nouvelle Russie. La Nouvelle Russie englobe tout le Sud de la Russie. Le Duc de Richelieu participe activement au développement de la Ville d’Odessa surnommée la « perle de la Mer Noire ».
2 Jacques, Comte Beugnot – 1761-1835, député à l’Assemblée législative, Préfet sous le Consulat, ministre des Finances du grand-duché de Berg, sous l’Empire fut ministre de la Marine sous la Restauration.
3 François-Joseph Gratet, vicomte du Bouchage, (1794-1821) avait servi dans l’artillerie à partir de l’âge de 14 ans. En 1786, il est à la sous-direction de Brest, de l’artillerie de la Marine. Maréchal des Camps, en 1792, il est nommé inspecteur de l’artillerie maritime.
4 Bouvier de Lozier : Le Comte Athanase – Hyacinthe Bouvet de Lozier (1769-1825) était le fils d’un ancien gouverneur des ïles de Frace et Bourbon. Officier dans un régiment d’infanterie, il émigra dès le commencement de la Révolution française. Il passa en Angleterre et reçut du comte d’Artois, un brevet d’adjudant général. Il revint en France avec Pichegru et Cadoudal. Il exerça les fonctions de Commandant de l’Ile Bourbon de 1815 à 1819. Il est l’auteur d’un mémoire sur l’administration de l’Ile Bourbon.
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samedi 4 juin 2022
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/origines-et-aspects-inconnus-de-la-241998
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