Nizar KABBANI
(1923 - 1997)
Ses textes ont été chantés par Fairouz, Oum Kalsoum et
d’autres. Il est le poète arabe le plus populaire et le plus lu.
Il fit un grand effort pour rendre sa poésie compréhensible
par tout le peuple et pas seulement par une élite
Pour moi, la poésie est un voyage vers les autres.
C’est là mon métier. Et le jour où je perdrai mon
passeport et mes valises de mots, je deviendrai arbre
immobile, mourrai.
Il y a des poètes qui voyagent à l’intérieur d’euxmêmes
– c’est effectivement une manière de se déplacer.
Moi, je voyage d’une autre façon. Mes bateaux sont
autres, comme est autre l’Atlas de mes ambitions.
Je ne danse pas sur mes pages tel un derviche
désenchanté prenant plaisir à écouter le cliquettement de
son chapelet et à tournoyer autour de soi-même.
Je suis un poète qui veut jouer en plein air, et avec de
vrais hommes.
Je ne puis imaginer un poète jouant avec soi-même, à
moins qu’il ignore les règles du jeu ou craigne de se
mêler aux enfants du quartier…
Le poète est une voix. Or l’une des premières
particularités de la voix est de rendre un son et de se
heurter à un obstacle humain. Sans cet obstacle, la parole
ne peut exister, la langue n’est que bruissement de
feuilles mortes dans une forêt inhabitée.
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La poésie est une main…, le public une porte… Et le
poète qui ne s’adresse à personne reste dans la rue… à
dormir.
Nombreux sont les poètes qui y sont encore, car ils ne
possèdent pas la formule magique qui leur ouvrirait la
caverne d’Ali Baba.
*
Ainsi la poésie est un message que l’on écrit pour
d’autres. Les destinataires en sont une composante
importante. Si tel n’était pas le cas, l’écriture serait
semblable à une cloche qui sonne dans le néant.
Or le grand malheur du poète d’aujourd’hui est qu’il
a égaré l’adresse du public… Il habite un continent, les
gens sur un autre, séparés par des océans de complexe
de supériorité, de gloriole et de méfiance.
Au lieu d’être un instrument de rapprochement et
d’entente, la culture du poète est devenue citadelle
interdite au public…
Les trois-quarts de nos poètes actuels se sont attribué,
volontairement ou non, un fief intellectuel et poétique
qui fait d’eux des exilés vivant hors de la sensibilité
générale, des créateurs chimériques parlant une langue
inconnue.
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Pourquoi ? Pourquoi les facteurs chargés de la
distribution des poèmes les retournent-ils à leurs auteurs
? Parce que l’adresse a été omise. Tout simplement.
Sans hésiter j’accuse nombre de nos poètes, dont
beaucoup se proclament révolutionnaires, socialistes ou
marxistes, de s’être isolés du peuple, en cela très
semblables aux nobles du Moyen-âge vivant dans leur
fief culturel et mental.
Ils sont incapables de contact et d’échanges. Incapable
de faire de la poésie une chemise que puisse porter
n’importe qui.
Le public est comme un enfant très brave, ingénu,
qui, pour aimer et lier connaissance, doit comprendre ce
qu’on lui dit… Car les enfants n’accordent leur amour
qu’à ceux qui comprennent leur état d’enfant et leur
remplissent les mains de cadeaux inattendus…
Mais, le fil étant coupé, les poètes devenus auteurs de
mots croisés, se sont mis à taxer le public de bêtise,
futilité, manque de maturité, ignorance, à prétendre que
l’époque a du retard sur leur poésie et que si leurs
poèmes restent incompris, c’est bien la preuve de leur
grandeur à eux; ce n’est pas eux qu’affecte la maladie,
mais le public.
Ils affirment aussi que leurs poèmes marchent dans le
futur et que s’ils ne trouvent pas leur place naturelle sur
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le moment, ils gagneront des dizaines ou des centaines
d’années plus tard…
C’est là raisonnement de renard ne pouvant atteindre
les raisins, en haut de la treille. La poésie qui ne convient
au siècle où elle est née ne conviendra à aucun siècle et
le poème incapable de converser avec son siècle ne
pourra parler à aucun autre…
C’est parce qu’al-Moutanabbi était la conscience de
son temps qu’il a pu traverser les siècles jusqu’au Xème
et qu’il partage nos repas, nos chambres à coucher, les
faits de notre existence…
C’est parce qu’Abou Nowâs appartenait aux cafés de
Baghdad et de Basra qu’il fait partie de l’ivresse et des
verres de vin…
C’est parce que Tagore était une portion de l’âme
indienne qu’il est devenue portion de l’âme du monde…
Et c’est parce que Garcia Lorca a été exécuté sous un
olivier alors qu’il chantait la liberté en Espagne que sa
poésie est gravée sur les troncs de tous les oliviers du
monde…
Extrait des écrits de Nizar KABBANI pour
www.poesielavie.com
NIZAR QABBANI
https://data.over-blog-kiwi.com/1/56/96/02/20210303/ob_e6799c_nizar-qabbani-quelques-poemes.pdf
brisé de Belqis et Nizar
« Dispersés » est définitivement l’adjectif qui revient sans cesse lorsque ma famille parle de l’Irak, car il décrit la première conséquence, pour nous, de la chute de Bagdad en 2003 après l’invasion américaine : nous avons plié bagage et quitté notre terre natale. Nous nous sommes dispersés en emportant avec nous nos souvenirs, bons et mauvais. D’ailleurs, tous ceux qui sont revenus à Bagdad en ont gardé la même impression : une ville sans ses âmes ne fait plus le même effet.
Comme beaucoup de familles irakiennes, ma famille a été contrainte de vendre la maison dans laquelle nous vivions depuis trois générations. La situation du pays est telle que beaucoup de familles issues de la classe moyenne irakienne ont vendu leur propriété pour immigrer à l’étranger. Le retour espéré vers la terre natale a été reporté, voire oublié pour beaucoup.
Bagdad a subi un changement démographique assez conséquent, et les grandes familles bagdadiennes qui ont fait la grandeur de cette ville ont laissé derrière elles tout un tas de souvenirs de bons voisinages, d’histoires d’amour, d’amitiés et un folklore orphelin des gens qui l’incarnaient.
Nous avons donc emporté des souvenirs de famille que nos parents tentent de nous transmettre afin que nous n’oubliions pas notre histoire. C’est le seul trésor que l’on peut offrir aux nouvelles générations quand tout a été perdu, ou presque.
Suite au décès de Belqis, Nizar Qabbani est inconsolable. Il n’écrira plus jamais sur l’amour, tout son talent sera dorénavant investi à dévoiler la lâcheté des dirigeants arabes
Parmi ces souvenirs, il y en a un qui m’a marqué plus que d’autres. Je ne l’ai pas vécu personnellement car je n’étais pas né à ce moment-là, mais c’est un événement que nous commémorons tous les ans. Chaque 15 décembre, nous écrivons des articles à son propos ou publions, ère digitale oblige, des messages sur les réseaux sociaux.
L’événement se déroule en plein hiver à Beyrouth, alors en pleine guerre civile. Le 15 décembre 1981, à midi, une voiture s’arrête devant l’ambassade irakienne de la capitale libanaise. L’Irak est alors en guerre depuis plusieurs mois avec l’Iran. Belqis al-Rawi, femme du grand poète syrien Nizar Qabbani, travaille depuis quelques temps au service presse de l’ambassade irakienne au Liban auprès du frère de mon grand-père, Harith Taqa, à la tête du service depuis un an.
Belqis et Harith ont des bureaux adjacents. L’amitié entre leurs familles respectives date d’une dizaine d’années, lorsque Nizar Qabbani venait à Bagdad pour les festivals de poésie auxquels participait également mon grand-père, Shathel Taqa.
La voiture est remplie d’explosifs. Elle passe le portail de l’ambassade et se gare dans le sous-sol. Quelques instants plus tard, tout le bâtiment de trois étages s’écroule. L’État irakien vient d’être frappé en plein cœur de Beyrouth. On dénombre plusieurs blessés et une dizaine de morts, parmi eux Harith Taqa et Belqis al-Rawi, la dulcinée de Nizar Qabbani, celle à qui il va dédier l’un des poèmes les plus douloureux de la poésie arabe moderne.
Connaissez-vous ma bien aimée Belqis ?
Elle est le plus beau texte des œuvres de l’Amour,
Elle fut un doux mélange
De velours et de beau marbre.
Dans ses yeux, on voyait la violette
S’assoupir sans dormir.
Belqis, parfum dans mon souvenir !
Ô tombe voyageant dans les nues !
Ils t’ont tuée à Beyrouth
Comme n’importe quelle autre biche,
Après avoir tué le verbe.
Belqis, ce n’est pas une élégie que je compose,
Mais je fais mes adieux aux Arabes,
Belqis, tu nous manques… tu nous manques...
Tu nous manques...
« Un poème pour Belqis » (1982)
Selon sa sœur Nibal, Belqis devait quitter l’ambassade un peu plus tôt cette matinée, elle souhaitait acheter des cassettes vidéo pour ces deux enfants mais elle n’avait pas pu à cause de la masse de travail qu’elle devait terminer.
Harith Taqa avait-il deviné le drame ? Ses amis racontent qu’avant son départ pour Beyrouth, alors qu’il venait de terminer sa mission à Rome, il avait prononcé une phrase qui avait interloqué ses amis. Après les avoir invités à se réunir autour de lui, il leur avait dit : « Venez prendre votre dernière photo avec moi ».
Encore aujourd’hui, on se rappelle de cette phrase prémonitoire avec un certain frisson. Tout est écrit et Harith l’avait senti.
Suite au décès de Belqis, Nizar Qabbani est inconsolable. Il n’écrira plus jamais sur l’amour, tout son talent sera dorénavant investi à dévoiler la lâcheté des dirigeants arabes. Pourtant, l’histoire de Belqis et Nizar avait si bien commencé, plus de dix ans auparavant à Bagdad.
Bagdad, le nid des amoureux
En cette année 1969, le 9e Festival de la poésie arabe se déroulait à Bagdad. Ces festivals, qui se déroulaient chaque année dans une ville arabe différente, n’avaient pas seulement une portée littéraire, ils étaient également une occasion pour les poètes arabes de clamer leur soutien aux causes panarabes.
Nizar Qabbani se distinguait par un trait particulier : il s’adressait directement aux femmes arabes, il leur chantait ses louanges, leur faisait la cour, leur adressait ses plus beaux vers. Bref, il remettait les femmes arabes sur un piédestal
Deux ans auparavant, le monde arabe s’était réveillé sous le choc après la débâcle de 1967 face à Israël. Le moral de la rue arabe était au plus bas ; il était alors urgent pour les intellectuels et poètes arabes de remobiliser les peuples du monde arabe devant les défis qui se profilaient devant eux.
Nizar Qabbani était à cette époque l’un des grands noms de la scène littéraire arabe ; il se distinguait par un trait particulier : il s’adressait directement aux femmes arabes, il leur chantait ses louanges, leur faisait la cour, leur adressait ses plus beaux vers. Bref, Nizar Qabbani remettait les femmes arabes sur un piédestal.
Ses poèmes étaient repris par de grands chanteurs de la scène arabe, d’Oum Kalthoum à Mohammed Abdel Wahab en passant par Abdel Halim Hafez. Le natif de Damas n’hésitait pas à écrire sur tous les thèmes importants de l’époque, avec une certaine liberté, quitte à irriter certains.
En 1969, Nizar Qabbani était donc à Bagdad pour le festival de la poésie, mais ce n’était pas la seule raison de sa venue. Il était de nouveau amoureux et, cette fois-ci, son cœur battait pour une jeune Irakienne. Fille d’un officier irakien, Belqis al-Rawi était enseignante à Bagdad.
Comme beaucoup de femmes irakiennes de son époque, elle bénéficiait d’un environnement social qui encourageait la liberté et l’éducation des femmes. Engagée, comme nombreuses femmes arabes de son époque, Belqis était portée par le panarabisme ambiant et faisait partie d’un comité d’Irakiennes en soutien à la cause palestinienne.
Les déboires amoureux de Nizar arrivèrent à l’oreille du président irakien de l’époque, Ahmad Hassan al-Bakr, qui s’en émut et n’hésita pas à appeler personnellement le père de Belqis
C’est au cours d’un récital de poésie que Nizar Qabbani rencontra Belqis al-Rawi. Depuis cette rencontre, il ne put la quitter. À la fin du festival, Nizar Qabbani dédia un de ses vers à sa bien-aimée : « Quel est ce beau visage que je vois à Adamiya [quartier de Bagdad]… si le Ciel le voyait, il en serait jaloux ».
Le poète syrien décida de franchir le pas et se présenta devant le père de Belqis pour demander sa main. Ce dernier ne crut pas au sérieux de la demande et refusa plusieurs fois Nizar Qabbani.
Les déboires amoureux de Nizar arrivèrent à l’oreille du président irakien de l’époque, Ahmad Hassan al-Bakr, qui s’en émut et n’hésita pas à appeler personnellement le père de Belqis. Le président socialiste ne s’arrêta pas à là ; il envoya deux de ses ministres, également poètes et amis de Nizar : Shathel Taqa, mon grand-père, secrétaire général du ministère de l’Information et futur ministre des Affaires étrangères, et Shafik al-Kamali, futur ministre de la jeunesse. Le père de Belqis devait céder.
Trop jeune, à 11 ans, pour se rappeler les détails de l’événement, mon père se souvient toutefois que la visite de Nizar et Belqis à la maison familiale l’avait interpelé. Il espérait alors être parmi les personnes présentes dans la salle des invités, mais c’était peine perdue : il n’eut que le droit d’entrer et de dire bonjour aux invités en compagnie de ses sœurs.
Mon père apprit plus tard que cet événement fut l’occasion pour les deux amants d’annoncer leur union. Plusieurs amis de Nizar Qabbani étaient présents ce jour-là, dont l’écrivain et psychiatre palestinien Ali Kamel, les célèbres médecins irakiens Dr. Ghazi Jamil et Dr. Saniha Amin Zaki, et d’autres invités dont mon père ne parvient à se rappeler les noms.
À l’époque, les journées du festival de la poésie moderne semblaient interminables, ma grand-mère se plaignait de ne plus voir son mari. Nizar Qabbani, Shathel Taqa et les autres poètes tenaient des salons de poésie informels même après la fin des sessions du festival.
La fin d’une époque
Nizar et Belqis déménagèrent à Beyrouth, l’une des villes arabes où se retrouvaient nombre d’intellectuels et de femmes et hommes de lettres du monde arabe à l’époque. L’adage était bien connu dans la région : « L’Égypte écrit, le Liban imprime, l’Irak lit ».
Dans une lettre que Nizar Qabbani envoya à mon grand-père en 1974 pour le féliciter de sa nomination en tant que ministre des Affaires étrangères, le poète de Damas l’encouragea à ne pas se laisser aspirer par le travail politique au détriment de la poésie.
L’époque était aux engagements patriotiques, c’était une manière pour elle de s’engager pour son pays au nom des valeurs panarabes qu’elle chérissait
Nizar décrivait également dans cette lettre comment l’atmosphère de sa maison était, depuis son mariage avec Belqis, imprégnée de culture irakienne ; le poète citait l’odeur de la fameuse bamya (sauce de gombo avec de la viande) que les Irakiens mangent avec du riz, entre autres spécialités irakiennes.
Ma grand-mère raconte une visite qu’elle rendit aux Qabbani la même année ; elle fut reçue à l’aéroport de Beyrouth par Belqis, accompagnée de l’écrivaine irakienne Daisy al-Amir. Elle resta quelques jours auprès de ses amis avant de revenir à Bagdad. Lorsque, quelques mois plus tard, mon grand-père décéda alors qu’il participait, en tant que ministre des Affaires étrangères, à un sommet ministériel à Rabat, Nizar Qabbani envoya un câble à ma grand-mère formulé en ces termes : « Il était ton bien-aimé, notre bien-aimé, il était le meilleur des hommes ».
À la fin des années 70, la vie est compliquée pour le couple Qabbani tant les déplacements étaient devenus difficiles dans une Beyrouth où régnait l’insécurité. La vie sociale se résumait à quelques rencontres avec une poignée d’amis qui habitaient non loin de leur domicile.
Malgré les risques, Belqis n’avait toutefois pas hésité à rejoindre l’ambassade irakienne à Beyrouth. L’époque était aux engagements patriotiques, c’était une manière pour elle de s’engager pour son pays au nom des valeurs panarabes qu’elle chérissait.
La mort de Belqis eut quelque chose de symbolique puisque le monde arabe sembla quitter une ère d’espoir, de convivialité et d’amour pour entrer dans une autre tournée vers la guerre, l’extrémisme et la haine
Il fallut plusieurs jours aux forces de la protection civile pour retrouver les corps de Belqis, Harith et des autres martyrs. Toute la presse arabe se fit l’écho de ce crime odieux qui coûta la vie à une dizaine d’innocents encore dans la force de l’âge.
Mon père raconte la scène du poète Hashim al-Taan, venu, inquiet, s’enquérir de ses amis dans notre maison familiale. Lorsque ma grand-mère lui apprit que Harith était encore sous les débris et qu’elle n’avait aucune nouvelle de lui, il posa sa main sur son cœur pour témoigner de son effondrement et quitta notre maison avec peine. Des passants le retrouvèrent effondré par terre, inconscient, à quelques pas de chez nous. Il décéda quelques minutes plus tard.
Nizar Qabbani ne fut plus le même après cet événement. Il quitta Beyrouth et partit se réfugier à Londres. L’amour quitta définitivement le poète syrien, qui n’écrivit plus que des poèmes corrosifs contre le pouvoir politique dans le monde arabe.
La mort de Belqis eut quelque chose de symbolique puisque le monde arabe sembla quitter une ère d’espoir, de convivialité et d’amour pour entrer dans une autre tournée vers la guerre, l’extrémisme et la haine.
Cette période paraît aujourd’hui presque inconcevable pour les générations contemporaines qui n’ont que les photographies comme témoignages d’une époque où le monde arabe pouvait concevoir ce que pouvait signifier le bonheur. La fin tragique du couple de Belqis et Nizar marqua la fin d’une belle époque.
- Shathil Nawaf Taqa, Français d’origine irakienne (né à Bagdad), est doctorant en droit à la Sorbonne et travaille comme juriste à Doha. En 2017, il a été élu Meilleur juriste de l’année au Qatar par LexisNexis (éditeur mondial dans le domaine du droit). Il écrit régulièrement dans les rubriques littéraires des revues Le Comptoir et Philitt. Il a également rédigé des articles juridiques pour LexisNexis.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Illustration principale : portraits de Belqis al-Rawi et Nizar Qabbani par le dessinateur Daas pour Middle East Eye.
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