Les historiens réclament l’ouverture des archives sur les « sections des grottes » de l’armée française pendant le conflit après l’enquête de la revue « XXI ».
Le dossier fait partie des secrets encore bien gardés de la guerre d’Algérie. De 1956 à 1961, l’armée française a utilisé à grande échelle des gaz toxiques contre des combattants nationalistes algériens dissimulés dans des grottes, un aspect du conflit sous-documenté en raison d’un accès verrouillé aux archives.
Dans une enquête publiée dans la revue trimestrielle XXI (tome 58 paru le 1er avril), la journaliste Claire Billet publie des témoignages inédits d’anciens militaires français racontant leur rôle dans les « sections des grottes » mobilisées contre les abris souterrains de l’Armée de libération nationale (ALN). Parmi les « armes spéciales » – euphémisme alors en vigueur – figurent des grenades, chandelles et roquettes chargées de gaz de combat, notamment le CN2D, contenant de la DM (diphénylaminechlorarsine). Produit chimique toxique, cette dernière provoque l’irritation des yeux, des poumons et des muqueuses, ainsi que des maux de tête, des nausées et des vomissements.
Ces gaz sont des incapacitants non létaux dont la finalité était de déloger les combattants algériens de leurs caches, mais ils peuvent devenir mortels en milieu clos, un cas de figure qui s’est révélé être courant après le dynamitage des entrées de grottes.
Evoquant une opération en 1959 à Tolga, à 150 kilomètres au sud-ouest de Batna (massif de l’Aurès), un ancien militaire, Jean Vidalenc, 85 ans, interrogé par Claire Billet dans son village du Cantal raconte ainsi avoir allumé un « pot de gaz » dans un réduit où il affrontait une unité de l’ALN. Le lendemain, « dix cadavres » ont été découverts. « On a gazé les Algériens », précise-t-il. La méthode évoque les « enfumades » de 1844-1845 pratiquées par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l’Algérie contre les résistants fidèles à l’émir Abdelkader.
« L’un des derniers grands tabous »
L’épilogue meurtrier de l’opération ponctuelle mentionnée par Jean Vidalenc laisse entrevoir le bilan global de cette « guerre des grottes » qui demeure toutefois inconnu en raison de l’inaccessibilité des archives militaires françaises sur cet aspect du conflit. L’échelle de ces offensives se devine aussi au témoignage d’un autre militaire (présenté sous son seul prénom d’« Yves »), 86 ans, qui avoue avoir participé à 95 opérations à titre personnel.
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PubPar Frédéric Bobin
le 13 avril 2022 à 18h00 - Mis à jour le 13 avril 2022 à 18h49
La revue XXI (tome 58, 04/22) lève le voile sur « la guerre des grottes » menée par l’armée française en Algérie. De 1956 à 1961, une unité dénommée Batterie des armes spéciales (BAS) a généralisé le recours aux gaz toxiques dans les grottes où se cachaient les combattants nationalistes algériens. Cet usage des gaz de combat, en principe interdit par la convention de Genève, visait à déloger les membres de l’ALN (Armée de Libération Nationale) mais aussi à les tuer par asphyxie.
Elle avait également pour but de rendre les grottes durablement impraticables, les gaz toxiques restants fixés aux parois, exposant les civils à de possibles contaminations même après la fin de la guerre.
A l’occasion d’une conférence de presse tenue le 7 avril, au siège de la Ligue des droits de l’homme à Paris, Christophe Lafaye, spécialiste de l’emploi des armes chimiques dans les conflits de la décolonisation, et la journaliste de XXI, Claire Billet, ont dénoncé le verrouillage des archives sur ces événements. Comme le rappelle Le Monde (13/04), le secret-défense s’applique en effet pour une période de 100 ans dans « quatre domaines » dont « les matériels de guerre, les techniques de renseignement et les moyens de dissuasion nucléaire, s’ils sont toujours opérationnels. En outre, une autre disposition inscrite dans le code du patrimoine révisé en 2008 bride l’accès aux archives.
Ces dernières sont en effet tenues pour incommunicables si elles devaient diffuser des informations "permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques et chimiques". Cette clause du code patrimoine a été précisément opposée à Christophe Lafaye par le SHD [service historique de la Défense] de Vincennes en septembre 2021 lorsqu’il a demandé à consulter des documents sur l’usage des "armes spéciales" pendant la guerre d’Algérie. Et lorsqu’il a obtenu un feu vert sur des documents, on lui a signifié que certains cartons avaient mystérieusement disparu des réserves. »
Rédigé le 15 avril 2022 (mis en ligne le 26 mai 2022)
Chaque année, 10 000 personnes âgées meurent des suites d’une chute. C’est trois fois plus que l’ensemble des victimes des accidents de la route. Et si « tout le monde tombe », selon les gériatres, il ne s’agit pas d’un événement banal pour autant.
Jeanne Lo, 98 ans : « Je réfléchis à chaque geste depuis que je suis consciente qu’il y a tous ces pièges qui peuvent me faire tomber. » (CHLOÉ VOLLMER-LO POUR « L’OBS »)
Le monde de Suzanne (le prénom a été changé) rétrécit. C’est moins une affaire de géographie qu’une histoire de peur. Depuis quelques années, elle tombe. Sur des plaques de verglas, des passages piétons, dans les escaliers de l’église parce qu’il n’y a pas de rampe, ou tout simplement en essayant de reculer. Ces dix dernières années, c’est arrivé « au moins cinq ou six fois », jauge cette ancienne employée de bureau de 63 ans devant son médecin, le professeur François Puisieux, chef du pôle gérontologie du CHU des Bâteliers de Lille. Dehors, c’est presque le printemps, il fait étrangement beau, les rues commencent à sentir le goudron chaud.
Suzanne, cheveux gris mi-longs, porte un jean clair, un sweat de randonnée bleu turquoise et des baskets confortables, un peu comme si l’extérieur était devenu l’aventure. Elle voit ce médecin pour la première fois, et voudrait qu’il l’aide à retrouver de l’assurance dans ses déplacements. Quand elle marche, son pied gauche est ouvert à 45 degrés vers l’extérieur et chaque pas qu’elle fait sur le lino beige du couloir de l’hôpital demande qu’elle lance doucement ses genoux et ses chevilles, pour basculer son poids d’un côté ou de l’autre. En tombant, Suzanne s’est déjà cassé une côte : « Dehors, je ne suis pas à l’aise, pas comme les enfants qui n’ont pas besoin de regarder où ils mettent les pieds. »
Une chute peut modifier la trajectoire d’une vie. Et « tout le monde tombe, explique François Puisieux. Chez les gens de plus de 80 ans, environ la moitié va chuter dans l’année qui vient ». Au point que le sujet est devenu un problème de santé publique. « Il y a 10 000 morts par an, ce qui est bien plus que le nombre de décès imputables aux accidents de la route [environ trois fois plus, NDLR] », poursuit le médecin. Un problème d’autant plus difficile à traiter que les personnes âgées peuvent perdre l’équilibre pour une foule de raisons différentes (une faiblesse générale due à la sédentarité, des maladies comme l’arthrose ou l’ostéoporose, un carrelage glissant dans la cuisine).
Plan antichute
Fin février, le ministère chargé des Sports et le secrétariat d’Etat à l’Autonomie ont présenté un « plan antichute des personnes âgées », visant à favoriser la prévention, l’aménagement des logements ou encore l’accès à la télésurveillance, sans pour autant détailler le budget qui lui serait alloué. La chute coûte 2 milliards d’euros par an, d’après le ministère de la Santé, qui précise que 130 000 personnes âgées sont hospitalisées chaque année pour cette raison.
« Il y a 75 000 fractures de l’extrémité supérieure du fémur, qui sont la conséquence d’une chute à quasi 100 % du temps », précise François Puisieux. Ces fractures-là causeront la mort de 20 % à 25 % des personnes concernées dans l’année qui suit, et précipitent les entrées en Ehpad : « Entre 15 % et 20 % de ces gens rejoignent des institutions parce qu’ils ne savent plus marcher suffisamment bien. » Le problème ne risque pas de s’arranger : l’Insee prévoit que la France comptera près de 10 millions d’habitants supplémentaires d’ici à 2070, et que l’essentiel de cette hausse sera constitué de personnes de 65 ans ou plus.
« On s’est aperçu que l’os était en perpétuelle adaptation et qu’il a une physiologie liée au régime de contraintes auquel il est soumis. Lorsque vous êtes dans un régime d’activité physique régulière, l’os se structure en déplaçant de la matière de sorte à se trouver dans un régime de contrainte équilibré. »
C’est pourquoi des études [PDF] observent que les nouvelles recrues de l’armée se blessent souvent autour du trentième jour de leur entraînement. Quand l’activité physique augmente, le processus de résorption de l’os intervient plus tôt que celui de construction, si bien que l’os n’a pas le temps de se restructurer. « Des militaires peuvent se faire des fractures de fatigue, parfois juste en s’asseyant sur un tabouret », souligne encore Pascal Picq.
L’angoisse de retomber
Si certaines personnes âgées meurent sur le coup d’une chute, d’autres décèdent peu de temps après d’un crush syndrome, le fameux « syndrome des ensevelis ». A la suite d’un écrasement ou d’une compression prolongée, les muscles du corps qui n’ont pas été suffisamment irrigués se dégradent et libèrent du potassium quand la circulation sanguine reprend, ce qui peut entraîner une insuffisance rénale aiguë.
A plus long terme, les médecins craignent aussi « la cascade gériatrique », période qui peut suivre la chute, pendant laquelle les problèmes de santé retentissent les uns sur les autres. « Des patients vont être hospitalisés parce qu’ils sont tombés et vont se dénutrir, s’infecter, faire une escarre. C’est un cercle vicieux », explique François Puisieux.
Suzanne n’en est pas là. Elle vit dans une maison de plain-pied où elle a emménagé il y a deux ans avec son chat. Les escaliers, c’est une habitude qu’elle a perdue. Elle ne sort plus de chez elle que trois à quatre fois par semaine. En face d’elle, François Puisieux fait la liste de ses antécédents médicaux : un tassement de vertèbres, une fissure de la hanche, une récente fracture de fatigue du genou ainsi que de l’ostéoporose. C’est depuis qu’elle a pris sa retraite que la perte d’équilibre est devenue une préoccupation particulière :
« Maintenant que je ne travaille plus, je ne suis plus obligée de sortir de chez moi. On ne regarde plus son corps, on se fait des angoisses plus vite. Dehors, j’évite les regroupements, j’essaie de me mettre dans les endroits où les gens sont moins pressés. »
Le monde de Suzanne rétrécit parce que les gens qui tombent une fois, deux fois, trois fois, risquent de retomber s’ils ne sont pas pris en charge, nous explique François Puisieux : « Beaucoup de sujets âgés qui sont tombés ont peur de retomber et du coup sortent moins, s’exercent moins. Et comme ils s’exercent moins, ils vont marcher encore plus mal et ils vont retomber. »
L’éventualité de la chute force à des vigilances inattendues : « L’expérience montre que les sujets fragiles ne sortent pas toujours en situation d’intempéries », souligne Christian Roux, le président de la Société française de Rhumatologie. Devant une webcam installée dans le salon de sa maison vosgienne, Jeanne Lo, une ancienne médecin âgée de 98 ans qui est déjà tombée plusieurs fois (la dernière fois, dit-elle en souriant, elle a trouvé que « le béton était plutôt mou »), explique qu’elle doit désormais décomposer chaque mouvement, ce qui demande une attention particulière :
« Je réfléchis à chaque geste depuis que je suis consciente qu’il y a tous ces pièges qui peuvent me faire tomber, des meubles par exemple, ou le réflexe que j’avais de me précipiter vers le téléphone quand il sonnait. »
Pour autant, cela ne fait pas de la vieillesse un naufrage, explique le paléoanthropologue Pascal Picq, qui sursaute toujours quand il entend certains médecins dire qu’en matière de vieillissement, l’évolution est mal faite : « La bagnole n’a pas été faite pour durer quinze ans ! Depuis la Seconde Guerre mondiale, les sociétés ont évolué comme jamais en termes de qualité de vie. On a gagné vingt-cinq ans d’espérance de vie en moyenne. L’évolution n’est pas mal faite, elle est même plutôt généreuse. » Jeanne a fait du taï-chi tous les matins pendant la majeure partie de sa vie, ce qui contribue sans aucun doute à sa longévité. Mais rien n’est acquis à l’échelle de l’espèce, poursuit Pascal Picq :
« Notre espèce est très plastique, elle peut se dégrader facilement. Ce qui m’inquiète, c’est la prévalence de l’obésité et la sédentarité chez les jeunes. Je crains que la génération des baby-boomers, qui a été complètement folle de sport, soit celle qui a atteint le potentiel maximum de qualité de vie à des âges plus avancés. »
Prévention des risques
Pouvoir vieillir, c’est bien. Encore faut-il que cela puisse se faire dans de bonnes conditions. Pierre (le prénom a été changé), un autre patient du docteur Puisieux, âgé de 73 ans, vit seul dans une ancienne ferme posée en face d’un petit village du sud de la région lilloise. Il est atteint de polyarthrite. Parce qu’il ne conduit presque plus, il est venu à son rendez-vous en taxi médicalisé, et se déplace avec une canne. « J’ai des douleurs dans les mains, les poignets, les genoux. La rotation est douloureuse. Je le sens depuis l’épaule jusque dans le coude. » Ses phrases sont souvent ponctuées d’une grande respiration, un essoufflement dû à une valve cardiaque défaillante. L’hôpital est presque sa seule sortie de la semaine.
Aux patients comme Pierre, on demande pourquoi ils tombent mais on les interroge rarement sur ce qui les fait tenir debout. La mort de son épouse, il y a quelques mois, lui a laissé « comme un grand trou » et devant son médecin qui lui demande s’il a des idées noires, Pierre parle de ses chiens qu’il regarde courir autour de la maison : « Grâce à eux, je n’irai pas vers ça…» Pierre n’a pas de famille à proximité. Il souhaite reprendre les séances de kiné, il aimerait bien apprendre à se servir d’internet. Avant les confinements, il s’était inscrit à une formation mais elle a été annulée. « J’ai acheté tout le matériel, mais j’ai peur de me tromper et de faire des bêtises. »
Au CHU des Bâteliers de Lille, on a compris tôt que la chute avait des retentissements bien plus larges qu’au seul plan moteur. De 1 000 à 1 500 personnes viennent ici chaque année pour ce motif, au point qu’une consultation spécifique d’hôpital de jour a été créée en 1995. François Puisieux, 60 ans, était déjà là. A l’époque, il y avait suffisamment peu de patients pour qu’un médecin ait le temps de se rendre à leur domicile sur une demi-journée, pour effectuer un bilan in situ.
Aujourd’hui, entre 200 et 250 patients bénéficient chaque année de ce dispositif qui implique des exercices de mise en situation dans un appartement témoin. Deux jours par semaine, une équipe médicale (un gériatre, un médecin rééducateur, un ergothérapeute, une diététicienne et un neurologue) enquête sur les facteurs de risque de chute de chaque patient. Le lieu de vie, les habitudes et les traitements sont passés au peigne fin. Y a-t-il une barre de soutien dans la salle de bains ? Du parquet lisse ? Quid de la prise de psychotropes, d’antiarythmiques ou d’hypertenseurs, qui augmentent le risque de chute ? Chaque détail a son importance : au saut du lit comme à la maison, les médecins déconseillent le port de mules.
Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on peut tomber facilement que la chute est un événement banal. Au contraire. « La chute prête à rire. C’est un peu un gag. Mais psychologiquement, c’est très difficile parce qu’on se vit comme des gens debout, poursuit François Puisieux. Se retrouver à terre, incapable de se relever pendant une, dix, douze ou vingt-quatre heures, c’est d’une certaine façon vivre sa propre mort. »
Souvent, les récits de patients évoquent un stress post-traumatique qui se conjugue à une fracture biographique. Dans un numéro du « Bulletin de psychologie », paru en 2007, des spécialistes suisses notaient que souvent « la chute provoque une prise de conscience brutale : le fait de se trouver à un moment décisif d’un parcours de vie et un tournant existentiel, qui marquent le début d’un déclin physique inéluctable ».
Pour justifier de l’intensité de ces événements, François Puisieux souligne le décalage entre la perception que nous avons de notre âge et notre âge réel, à mesure que l’on vieillit :
« Les enfants ont tendance à se vieillir, les gens de 20 ans se donnent 20 ans et ensuite, plus on vieillit, plus on se sent plus jeune qu’on ne l’est réellement. »
Si bien que les solutions qu’il propose sont parfois mal accueillies par ses patients. Dans le jargon, les « aides techniques » (cannes et déambulateurs, entre autres) peuvent être difficiles à faire accepter aux patients parce qu’elles sont vécues comme stigmatisantes.
Changer le regard de la société sur le vieillissement
Cet après-midi-là, une patiente qui s’est vu prescrire un déambulateur un an plus tôt reconnaît qu’elle ne l’a toujours pas commandé parce qu’elle a du mal à se faire à cette image d’Epinal de la personne âgée : « C’est vrai que je marche mieux quand j’ai un appui des deux côtés. Mais avec la canne, on est fier, on n’est pas en train de pousser un truc. »
C’est aussi la raison pour laquelle Jeanne, l’ancienne pédiatre vosgienne âgée de 98 ans, est suivie exclusivement par son généraliste, nous confie sa fille : « Elle n’aimerait pas qu’on l’emmène chez un gériatre. Elle a fait un séjour en maison de retraite pendant quinze jours quand mon mari et moi sommes partis en voyage. Elle n’a pas du tout aimé se retrouver qu’avec des vieux. »
Ce qu’il faudrait changer alors, c’est le regard « âgiste » que porte la société sur le vieillissement, et celui avec lequel une partie de la profession médicale considère la gériatrie. François Puisieux milite pour que l’on arrête de percevoir la chute comme une fatalité. Les patients qui viennent le voir sont généralement tombés trois fois dans les six mois qui précèdent la consultation. Ensuite, ils vont tomber moins d’une fois en moyenne et pratiquement la moitié d’entre eux ne retombera pas dans les six mois qui suivent. « On peut donc agir », assène le médecin.ofesseur de gériatrie Eric Boulanger a participé à la conception de l’application Tempoforme, qui permet aux usagers d’« autorepérer leur éventuelle fragilité » par l’intermédiaire d’un questionnaire. « Il y a trois possibilités de sortie de l’appli, détaille le médecin. En fonction des résultats, le premier message vous félicite et vous encourage à continuer comme ça. Le second vous invite à montrer un fichier PDF récapitulatif à votre médecin traitant. Et le dernier vous recommande de prendre rendez-vous. »
L’application, disponible depuis janvier 2022, pourrait participer à combler l’angle mort médical qu’est la prise en charge de la chute. « Il est recommandé à tous les médecins traitants de demander au moins une fois par un an à leurs patients s’ils sont tombés. Cela prend moins d’une minute. Or, on sait que ce n’est pas fait », constate François Puisieux. Même chose aux urgences : « On examine les patients qui sont tombés, on s’assure qu’il n’y a rien de grave, ils rentrent à la maison et rien ne se passe. Ils attendent juste la chute suivante. »
La chaîne américaine CNN a déclaré mardi qu'elle avait mené sa propre enquête sur la mort de la reporter vedette d'Al Jazeera, et indiqué que les résultats suggéraient que Shireen Abu Akleh avait été délibérément prise pour cible par les forces israéliennes.
La chaîne explique avoir consulté des experts pour étayer cette affirmation.
out d'abord, selon la bande-son d'une vidéo au moment où la journaliste est touchée, des experts médico-légaux estiment que les tirs provenaient d'une distance d'environ 200 mètres - la distance présumée entre la victime et les forces de Tsahal.
Par ailleurs, des photos de marques de balles laissées sur un arbre juste à l'endroit où la reporter a été touchée, "font état de tirs contrôlés et ciblés plutôt que de balles perdues", indique un consultant sécuritaire et vétéran de l'armée britannique cité par CNN.
"Le nombre de traces de balles sur l'arbre prouve que ce n'était pas des tirs aléatoires, elle a été prise pour cible", soutient Chris Cobb-Smith.
A une distance de 200 mètres, il n'y a "aucune chance" que des tirs aléatoires laissent des marques si regroupées.
"En aucun cas Tsahal ne viserait un civil, en particulier un membre de la presse", a insisté un haut responsable sécuritaire israélien auprès de CNN.
"Depuis l'incident, Tsahal enquête et examine les circonstances de la mort de la journaliste de manière approfondie et rigoureuse", a affirmé l'armée mercredi dans un communiqué.
"L'enquête provisoire révèle qu'il est impossible de déterminer l'origine du tir qui a touché et tué la journaliste", a-t-elle souligné.
Les Forces de défense israéliennes n'ont pas exclu que Shireen Abu Akleh ait été accidentellement tué par des tirs israéliens, mais affirment que des hommes armés palestiniens pourraient également être en faute.
De leur côté, les Palestiniens ont refusé de remettre la balle pour une étude balistique ou de coopérer avec Israël de quelque manière que ce soit concernant l'enquête, mais sont prêts à partager les résultats de leur propre examen avec toute autre partie.
Les soldats français refusent de mourir dans des guerres qui ne sont pas les leurs. D. R.
«Nous ne sommes pas certains que les Français qui se sont habitués à voir des militaires professionnels mourir au combat vont se satisfaire de l’éventualité d’être amenés à pleurer un des leurs [en Ukraine], comme beaucoup de parents l’ont fait lors de la guerre d’Algérie», alerte une association d’anciens militaires français dans une lettre au vitriol adressée au président Emmanuel Macron.
La Fédération des OPEX de France, qui regroupe les soldats ayant participé à des opérations militaires extérieures, dénonce avec vigueur l’attitude des politiciens français qu’ils jugent méprisante à l’égard d’une armée, qu’elle décrit comme partant à la dérive, insuffisamment équipée et formée pour mener une guerre, quelle qu’elle soit. Elle s’élève avec force, par ailleurs, contre la violation par le pouvoir français des textes réglementaires relatifs au transfert d’armes à un pays en guerre. «Nous sommes particulièrement étonnés de la manière dont notre pays transmet des armes à l’Ukraine alors que ce pays est en conflit avec un autre pays», s’indignent ces anciens officiers «commandés» par le colonel Daniel Péré.
Les auteurs de la lettre au locataire de l’Elysée et à son ministre des Armées se réfèrent aux lois régissant la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la Politique de sécurité de défense commune (PSDC) qui stipulent que «les Etats membres sont déterminés à empêcher les exportations de technologie et d’équipements militaires qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne ou d’agression internationale, ou contribuer à l’instabilité régionale», estimant que «ces bases semblent parfaitement adaptées à la situation actuelle». «La situation de l’Ukraine et l’évolution du conflit n’offrent absolument pas les garanties nécessaires pour que de l’armement lui soit livré», mettent en garde ces anciens militaires, dont un grand nombre d’officiers, qui craignent que la France soit incapable «d’assurer le suivi, le contrôle et l’évaluation de l’utilisation de l’armement fourni».
Aussi invitent-ils le président Macron à «mettre instamment fin au transfert d’armes à l’Ukraine et de respecter stricto sensu les règles imposées par les décisions de l’Union interdisant de fournir des armes à un pays belligérant sans être en situation d’en assumer le contrôle et l’usage légal», tout en révélant, par ailleurs, l’état de délabrement des équipements dont dispose l’armée française qui se targue pourtant de faire partie des puissances mondiales dans le domaine. Ils expliquent le peu d’engouement des jeunes Français à s’engager par ces «matériels hors d’âge» qui font que leur sécurité lors des opérations hors des frontières «n’est pas assurée», d’autant que, poursuivent-ils, le niveau des jeunes Français «a lourdement baissé».
«Ne pas accéder à notre requête serait perçu comme une volonté de mettre notre pays dans une situation visant à l’amener à participer à une guerre dont le peuple ne veut pas», conclut la Fédération des OPEX de France qui joint ainsi sa voix aux nombreuses autres qui rejettent la position de vassal des Etats-Unis que le président Macron adopte dans le conflit russo-ukrainien.
Le réalisateur Rachid Bouchareb présente hors compétition Nos Frangins à Cannes. Derrière ce titre, il y a deux identités : Abdel Benyahia et Malik Oussekine, tous deux tués par des policiers dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986. L’un est mort d’une balle tirée par un inspecteur ivre. L’autre sous des coups de bâton en marge d’une des manifestations contre le projet de réforme Devaquet des universités, mouvement auquel il ne participait pourtant pas.
Le film met en scène Reda Kateb, Lyna Khoudri, Samir Guesmi ou encore Raphaël Personnaz. Il s’appuie sur de nombreuses archives télévisées de l’époque comme pour ancrer le récit dans le réel et l'Histoire de France. Nos Frangins replace plus précisément deux familles d’origine algérienne dans la France des années 80, années qui ont vu la gauche et François Mitterrand arriver au pouvoir.
"C'est un moment qui m'a beaucoup marqué, des années d'espoir où l'on pensait naïvement que nous allions vers une société nouvelle, de fraternité, faisant reculer le racisme. Il y avait eu la marche des beurs, la création de SOS Racisme... et au fond la promesse que nous pouvions tous être Français sur un pied d'égalité, se souvient Rachid Bouchareb qui signe Nos Frangins, interrogé par franceinfo. Et puis, 35 ans après, on est arrivé à un autre endroit."
Il faut rappeler qu'après la victoire de la gauche suit également une cohabitation avec la droite. Dans le gouvernement Chirac, le ministre de la Sécurité (Robert Pandraud) et de l'Intérieur (Charles Pasqua) feront bloc pour couvrir l'institution policière après les drames de Malik et d'Abdel.
Explorer les failles mémorielles
Lui-même français de parents algériens, Rachid Bouchareb nous interroge à travers son nouveau film : pourquoi un jeune garçon comme Malik Oussekine, français, n’était finalement pas considéré comme tel par tous ses compatriotes ? "C'est la grande question difficile qui n'est toujours pas résolue en France", estime le réalisateur qui a plus d'une fois interpellé le spectateur.
Rachid Bouchareb avait en effet marqué les esprits en 2009 avec Indigènes consacré au destin des soldats recrutés en Afrique, oubliés de l'armée française. Puis, en 2010, avec Hors la loi sur le parcours de trois frères sur fond de guerre d'Algérie. Avec Nos Frangins, aujourd’hui, Rachid Bouchareb poursuit son exploration des failles mémorielles.
Hasard du calendrier, une autre autre de fiction revient parallèlement sur la mort de Malik Oussekine à travers le combat de sa famille pour faire éclater la vérité sur les circonstances de sa mort : la série Oussekine d'Antoine Chevrollier (Baron noir, Le Bureau des légendes) avec Sayyid El Alami. Elle est disponible depuis le 11 mai sur la plateforme Disney+.
L'œuvre de Rachid Bouchareb rend souvent hommage aux immigrés maghrébins de France, à travers des films comme «Indigènes» ou «Hors-la-loi». LP/Fred Dugi
« Inconsciemment, ce film était en moi depuis trente-cinq ans », assure Rachid Bouchareb. Lorsque Malik Oussekine est mort, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, le cinéaste franco-algérien était âgé de 33 ans et venait de sortir son premier film, « Bâton rouge ». Cette nuit-là avait lieu une autre tragédie : Abdel Benyahia, Français d’origine algérienne comme Oussekine, était tué d’une balle dans la tête par un policier ivre dans un bar de Pantin (Seine-Saint-Denis). Beaucoup moins médiatisée que la mort de Malik Oussekine, cette autre bavure avait elle aussi bouleversé Rachid Bouchareb.
« Je vivais à Bobigny, donc j’avais entendu parler de la mort d’Abdel, raconte le cinéaste. J’étais un enfant de l’immigration comme lui et comme Malik. J’étais choqué, écœuré, révolté. Ces drames, liés comme un couple pour moi, ont fait partie des histoires qui ont traversé ma vie. » Plus tard, le réalisateur n’a cessé de rendre hommage aux immigrés maghrébins de France, à travers des films comme « Indigènes » (sur la Seconde Guerre mondiale) ou « Hors-la-loi » (sur la guerre d’Algérie). Il y a quelques années, il a donc décidé de se replonger dans cette nuit du 5 au 6 décembre 1986.
Présenté au Festival de Cannes (en sélection Cannes Première) avant une sortie en salles pas encore datée, « Nos Frangins » raconte de manière très émouvante les deux bavures qui ont causé les morts de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia et les trois jours qui les ont suivis. Pour écrire son scénario, le cinéaste de 68 ans a rencontré un frère d’Abdel et discuté avec Sarah Oussekine, la sœur de Malik, mais il a aussi « pris des libertés dans la narration ». Il a notamment créé un personnage de flic et même réuni, dans une scène totalement imaginée, les familles de Malik et d’Abdel dans un couloir de l’Institut médico-légal.
« Des images d’archives, c’est dix fois plus fort »
Le cinéaste s’appuie également sur de nombreuses images d’archives. On y revoit les manifestations étudiantes qui ont précédé la mort de Malik et celles qui ont rendu hommage au jeune homme, les interviews des responsables politiques de l’époque, ou encore celle du témoin qui a permis d’incriminer les policiers responsables du décès d’Oussekine. « Je ne me voyais pas reconstituer ces événements-là, argue Rachid Bouchareb. Des images d’archives, c’est dix fois plus fort. » Le réalisateur a cependant dû mettre en scène toutes les séquences concernant Abdel Benyahia, car il n’existait pas d’images autour de cette bavure que la police a « voulu mettre sous le tapis », selon le metteur en scène, pour ne pas ajouter à la colère suscitée par le décès de Malik Oussekine.
Au final, Bouchareb signe un film poignant, centré sur la douleur des familles et les manipulations des autorités pour étouffer les deux affaires. Incarné avec intensité par Reda Kateb, Lyna Khoudri, Raphaël Personnaz ou encore Samir Guesmi, le long-métrage s’arrête alors que les deux victimes ne sont pas encore enterrées, laissant le spectateur dans l’émotion de ces morts injustes et révoltantes.
La concomitance du film avec la série « Oussekine » de Disney +, qui s’achève début 1990 avec le procès des policiers qui ont tué Malik Oussekine et use quasi exclusivement de scènes jouées, est une « coïncidence », assure Rachid Bouchareb. « J’ai appris que Disney + travaillait sur une série au moment où je commençais à tourner », affirme-t-il. Le réalisateur n’a pas encore vu « Oussekine », mais se dit « très curieux » et « très content » que cette autre fiction existe. Il prédit d’ailleurs que « ce ne sont ni le dernier film ni la dernière série qui parlera de cette affaire historique ».
Avec un long-métrage à hauteur d’hommes qui cherche à comprendre des trajectoires humaines pendant la guerre d’Algérie, le réalisateur Philippe Faucon se rapproche d’une vérité historique que personne n’accepte.
Il existe des sujets de film qu’on peut considérer comme quasi-impossibles à représenter sous forme de fiction pour le grand écran – on connaît, à cet égard, les polémiques autour de certaines œuvres sur la Shoah. Du moins si l’on veut les traiter avec honnêteté, sans concession vis-à-vis de la vérité historique, en proposant au spectateur le destin de personnages permettant de figurer une version des faits à la fois convaincante et, pourquoi pas, passionnante à découvrir.
Culpabilité des deux côtés
L’histoire des harkis, ces supplétifs algériens de l’armée française pendant la guerre d’indépendance, fait assurément partie de ces thèmes a priori maudits. Parce que la façon dont on raconte qui furent ces hommes qui ont combattu le FLN et ce qu’ils ont fait pendant le conflit colonial est totalement différente, antagoniste même, des deux côtés de la Méditerranée. Et suscite des passions à la hauteur de la culpabilité ressentie par ceux (les Français) qui les ont abandonnés en 1962, malgré des promesses de protection, à un sort tragique après le cessez-le-feu ; et par ceux (les Algériens, en particulier ceux qui n’avaient guère combattu) qui se sont donnés bonne conscience à vil prix en s’en prenant avec cruauté, sans jugement, même sommaire, et sans s’interroger sur leurs motivations, à ces « traîtres » et à leurs familles une fois les combats terminés.
Nul doute, ainsi, que « Harkis », déplaira au niveau officiel et chez les « bien-pensants », autant en Algérie qu’en France. Voilà pourquoi il faut saluer ce film admirable de Philippe Faucon, qui réussit la gageure de surmonter à peu près tous les obstacles pour nous offrir, à partir d’une situation complexe, un récit à la fois rigoureux et prenant. En s’attachant au vécu personnel de ces harkis qui ont eu « tout faux » pendant la guerre et l’ont payé durement.
Fouilles violentes et torture
Les premières images du long-métrage, montrant furtivement une tête coupée dans un seau déposé devant le domicile familial d’un supplétif capturé après le cessez-le-feu, suffisent à évaluer le prix exorbitant de leur erreur de jugement. Mais le reste du film ne privilégie jamais les images spectaculaires, bien au contraire. Il raconte en effet avec sobriété le quotidien en opérations d’un groupe de harkis commandés par un jeune officier français.
Et ce, après avoir fait comprendre lors de quelques scènes intenses comment on devenait supplétif de l’armée française : le plus souvent, alors qu’on n’avait pas de conscience politique affirmée, simplement pour nourrir les siens en des temps difficiles. Parfois parce qu’on avait eu à subir des violences qu’on estimait totalement injustifiées de la part du FLN. D’autres fois parce qu’après avoir été fait prisonnier et torturé sans ménagement, on avait fini par accepter d’être « retourné » par l’armée du colonisateur. D’autres fois encore parce qu’on croyait les promesses d’émancipation et de progrès économique à venir que faisaient miroiter les autorités françaises, surtout à partir de 1958, avec l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle.
La diversité des parcours conduisant à rejoindre les rangs des supplétifs ne le cédait en rien, montre le film, à celle des comportements une fois enrôlé dans l’armée. Racontant la vie de la patrouille qui crapahute de village en village pendant trois ans, il ne cache aucune exaction : fouilles violentes dans les maisons, arrestations arbitraires éventuellement suivies d’exécutions sommaires, torture. Mais en filmant ses personnages de façon rapprochée, il permet de distinguer entre les individus, entre les sensibilités de chacun.
Ni absoudre, ni accabler
Le plus implacable, parmi les harkis, face aux prisonniers indépendantistes, sera bien sûr l’ancien moudjahidine. Auquel s’opposeront parfois plusieurs de ses camarades de combat, la majorité, comme toujours, étant plutôt « suiviste ». Impossible donc de généraliser quand on veut comprendre ce que ces hommes avaient en tête. Seule la crainte de l’avenir une fois évidente la perspective de l’indépendance et le risque d’être abandonné sans véritable protection par l’armée française sur le sol algérien les réunira tous dans un même désarroi. Qui se révèlera on ne peut plus justifié.
Philippe Faucon, ne cherchant ni à absoudre ni à accabler les harkis, en dit finalement plus sur ce que fut la guerre d’Algérie avec cette chronique à hauteur d’homme, jamais simpliste et dénuée de tout pathos, que la plupart de ceux qui ont proposé des récits héroïques, accusateurs ou compassionnels sur le conflit. On retrouve là, filmé au cordeau, ce qui avait fait la réussite, déjà à propos de la guerre d’indépendance, de son film La Trahison en 2005. Et celle, plus récemment, de Fatima, magnifique portrait d’une courageuse femme de ménage maghrébine.
Une enfance passée en partie en Algérie explique sans doute chez Faucon l’envie d’aborder de tels sujets. Tout autant que son souci de donner chair aux « invisibles » et aux oubliés de l’Histoire. Rien d’étonnant à cet égard si son film a été produit par les frères Dardenne, avec lesquels il partage ce dernier désir.
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